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La difficulté d’éliminer.
Giacometti bien sûr ; ce qui reste après l'effort, la ténacité, la volonté, l'effacement du superflu, de la fioriture, du trouble qui brouille la vue, et de tant d'autres raisons bien plus obscures encore ; de celles nécessaires , indispensables pour éliminer ; ce n'est pas facile d'éliminer ; boire des litres d'eau ne suffit pas ; courir autour d'un stade, en forêt, sur la plaine peut aider, à condition que l'on s'y tienne, régulièrement car il n'y a guère d'autre mot que celui-ci qui vaille ; prendre l'habitude d'éliminer, facile selon les dires, à peine un mois, une trentaine de jours pour que ça devienne comme une drogue dont on ne peut plus se passer ; mais est-ce vraiment suffisant, physiquement sans doute, mais pour écrire, une autre paire de manche ; un véritable parcours de combattant ; ce qui bien sûr te fait songer à ces tueurs à gages dans les polars, ceux qui ont pour charge d'éliminer, ceux à qui l'on confie un contrat, et qui le remplissent sans ciller, sans émotion ; tout ce que tu as tant de difficultés à accepter ; le crois-tu vraiment ?|couper{180}
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confitures
Deux kilos de mandarines rapportés du marché ; quatre pots après transformation alors que, suivant la recette, six furent espérés ; ainsi sont les choses dans la réalité de la confiture ; et tiens, ça rime avec peinture, écriture|couper{180}
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Relation aux objets
ambiance cours du soir autobiographie par les objets, comment on les convoque, comment on parle de ces objets ; quelle relation ont s'invente ainsi avec eux ; relu le texte si émouvant de François et j'allais lui emprunter le pas quand, soudain , dans le dernier paragraphe - et j'étais passé à côté à la toute première lecture - ce déclic, cette découverte : il semble biffer en quelques mots tout le déroulé dans lequel il m'aura entraîné ; s'abstraire de l'injonction à faire mémoire est ce qui nous aura permis d'avancer ; c'est la seconde fois en une heure à peine ce matin que je me heurte au même obstacle ; je voulais réécrire ma bio, refaire une page web regroupant, pour les lieux d'exposition, qui je suis, ce que je fais pourquoi je le fais et quelques photographies de mon travail ; j'ai commence à écrire cette bio et, presque aussitôt, de voir surgir dans ces quelques lignes commencées moult détails, jusqu'à la couleur du tapis, rouge, de l'escalier menant jadis à ce tout premier logement, chez mes grand-parents paternels ; au bout de 600 mots j'ai stoppé net ; quelque chose coinçait ; me suis dit pourquoi fais tu ça, qui cela va t'il intéresser ? puisque le but est de ne donner que quelques éléments biographiques succincts mais essentiels pour saisir un parcours ; cette injonction à faire mémoire bien sûr ne peut plus m'échapper ce matin ; je comprends confusément qu'elle est un désir d'autant plus bizarre que dans ma vie réelle, si je peux dire, j'ai justement fait l'impasse sur le souvenir, la mémoire et que c'est bien ainsi que j'ai pu avancer sur tant de chemins divers, découvrir tant de territoires inexplorés ; donc, encore une fois , un vacillement dans le cadre de l'écriture entre la forme et le fond ; désormais il s'agit de ruser, d'être beaucoup plus malin ; tu sais que de toutes façons sitôt que tu écris même une liste de courses sur un simple bout de papier, si tu décris une pièce, un objet tu ne sais que parler de toi toujours, que de toutes façons tu es enfermé là-dedans ; est-ce une malédiction, pour le lecteur certainement si tu ne te renouveles pas ; ensuite tu peux aussi continuer à te dire que tu te fous du lecteur, mais tu es aussi le lecteur, donc dès que tu peines à te relire prends ça comme un indice, jette toi la dessus, ne te contente plus sentimentalement d'un à peu près ; éberlué aussi de constater un cheminement parallèle dans la peinture, le retour à un enseignement quasi académique désormais dans les cours que je dispense ; pourquoi ? ce n'est pas parce ce que j'offrais était mauvais mais sans doute trop philosophique, trop intellectuel, bien que présenté d'une façon ludique ; non ce n'est pas cela, c'est juste que l'on ne met pas la charrue avant les bœufs ; que la technique, si fastidieuse apparaisse t'elle à priori, doit être apprise en premier lieu afin de pouvoir s'en libérer ensuite. Il y a aussi une possibilité d'effacement de soi, de ce personnage parfois si encombrant pour soi et les autres grâce à ce cheminement dans lequel on se concentrerait sur des fondamentaux. D'ailleurs aux dernières nouvelles d'hier soir, si les élèves sont surpris par ce changement de cap de ce second trimestre et bien que je les ai avertis par avance au terme du premier, ils râlent pour la forme mais ils sont soulagés, presque contents ; et aussi, après ces quelques considérations que vas-tu peindre, écrire maintenant ? sous tes pieds un grand vide vient tout juste de se créer ; est-ce que l'on peut peindre, écrire cela ? Par l'usage de subterfuges alors, d'une contrainte, ce que nous a enseigné Perec et François, mais cette nécessité t'es plus claire en peinture tu la connais déjà depuis longtemps ; donc faire confiance à la porosité des échanges aux vases communicants ; sans confiance on n'est rien, sans optimisme non plus ; et quand bien même on ne serait rien, l'optimisme et l'humour eux, sont quelque chose.|couper{180}
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procès
Comment ne pas comprendre Kafka. Comment ne pas voir que tu en train de réécrire à ton tour le Procès. Et bien sûr que tu te places d'autorité dans le box des accusés. Tu ne cherches pas même a te faire aider d'un avocat. Au contraire, plus il y aura de charges, plus la partie civile se frottera les mains, plus tu seras enfin rassuré sur ton sort. Le mot édifié tu le regardes passer mais tu ne le touches pas. Surtout pas. Après trouver une Marthe Robert, une autre paire de manches, pas bien d'importance pour un manchot.|couper{180}
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Dure et molle
Afghanistan 1986 Ce sont les deux mots qui te viennent quand tu repenses à la mère de ta mère, à ta mère, à toutes les femmes vers lesquelles ton désir t'aura enjoint d'aller. Celles trop dures tu as laissé tomber, celles trop molles tu ne les a pas rater. Il fallait toujours une proportion très précise de dureté et de mollesse pour que ton cœur s'entrouvre d'une façon que tu imaginais alors sincère, authentique, véritable. Ce rapport, équivalent à un nombre d'or personnel t'aura servi à bâtir de jolis temples avant de les voir s'écrouler comme frappés par un destin souvent incomprehensible. Un destin abscons dans lequel tu n'as toujours eut la sensation désagréable de n'être qu'une marionnette, un acteur. Mais cette recherche insensée du rapport exact entre dure et mou, rien que ça pourrait te servir de levier pour soulever une montagne, et voir soudain tous les insectes, les mille- pattes, les cloportes, soudain s'en échapper frappés d'ahurissement soudain, causé par une lumière trop intense, trop forte.|couper{180}
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ébauche
une ébauche d'un portrait de Kafka, il est en train de déguster une pêche et un verre de lait dans un grand restaurant et il prend son temps. Tout le monde le regarde faire. Qu'ont-ils donc à me dévisager ainsi se demande t'il... d'après une vidéo short vue ce matin de l'ami François Bon. Et qui me turlupine encore.|couper{180}
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monter et descendre
Escher dessin. Un homme qui monte doit descendre à un moment où a un autre. Et ce quelque soit le moyen qu'il choisira d'emprunter. Ascenseur, escalier, ballon de Montgolfier, fusée. La loi de la pesanteur oblige. Il ne convient pas d'en être à chaque fois surpris ou étonné, ni de s'en plaindre, pas plus que de s'en réjouir. Ensuite quand on le sait ce que l'on en fait... Tu l'as toujours su puisque tu as vécu à la campagne. Tu as vu des hommes monter sur des charrettes de foin et d'autres tomber de haut quand ils s'apercevaient qu'ils étaient cocus ou bourrés comme des coings. Des l'enfance tu t'es trouvée confronté à la loi. Tous ces rêves de vol que tu effectuais de nuit alternent encore dans ta mémoire avec les raclées magistrales qui te jetaient à terre. Une longue répétition servant d'apprentissage comme de vérification de tes premières intuitions. Parfois quand tu y penses tu pleures, d'autres fois tu ris. Les souvenirs, comme les émotions subissent aussi la loi de la pesanteur il ne faut pas croire.|couper{180}
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L’échelle
Encore cette question, pourquoi les anges ont-ils besoin d'une échelle. Et puis d'un seul coup tu penses à un vieux transistor, le genre de ceux qui ont presque totalement disparus et où l'on devait manuellement tourner un bouton pour changer de station. L'aspect matériel de ce bouton sans lequel on resterait prisonnier, figé toujours d'une seule station. L'échelle s'approche peu à peu de ce bouton. C'est un clavier. Et les anges sont les sephiroth, qui en tant qu'énergies créatrices ne peuvent rien sans la présence d'une matière, des "touches" et des lettres associées à celles-ci. Ensuite que ces énergies aillent puiser dans une notion de bas et de haut, de lumière ou d'ombre, de joie ou de tristesse peut désorienter. De même que te désoriente le changement de fréquence, de sujet, de tous tes textes écrits dans l'urgence de ces nuits ces petits matins. Cette urgence à passer d'un niveau l'autre d'une échelle personnelle pour écrire, pour laisser libre cours à ces énergies qui, si tu te le faisais pas, te détruiraient, t'anéantiraient probablement. Pourtant tu es resté 17 ans sans écrire une seule ligne, as tu été anéanti pour autant ? non bien sûr. Tu as juste perdu la mémoire de tout ce que tu as pu faire durant ces années. Tu as juste vécu une vie de somnambule. Mais n'était-il pas voulu que tu t'absentes ainsi si longtemps. Il fallait que tu abandonnes quelque chose, et quand tu y penses c'est justement la prétention de n'avoir pas besoin de bouton ni d'échelle ni de clavier pour te manifester. Une prétention que tu auras confondu avec la modestie, la discrétion, le renoncement.|couper{180}
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Fêtes.
Aucun attrait pour la fête. L'expression tant entendue autrefois : sale petit con je vais te faire ta fête explique peut-être cela. Des que la fête se construit autour de moi je suis happé par le vide, une tristesse. Je ne comprends pas l'engouement que les gens éprouvent à faire la fête. Si par hasard je tombe sur une fête, je détale et alors j'éprouve en même temps un immense soulagement et le même poids équivalent de regrets. C'est dans les fêtes que j'ai éprouvé le plus de honte, surtout au petit matin si ma mémoire est bonne, quand je découvrais un visage, un corps étrangers dans mon lit. Le souvenir atterrant de la fête au village, lorsque adolescent je les rejoignais sur ce vieux solex. Parfois à plus de 20 km, à Meaulnes ou encore à Saint-Bonnet. Je n'y allais pas pour m'amuser mais pour aider à porter les lourdes plaques qui constituaient le parquet des auto tamponneuses, payé chichement par les forains. À la fin du boulot j'observais le déroulement de la fête. Le bal, les filles assises tout autour de la piste. les garçons rougeauds et empêchés qui les invitaient à danser. un refus menait directement au bistrot, et au blanc limé. Au bout de quelques verres le courage semblait leur venir, ou la colère. Régulièrement cela se terminait à coups de poings, les flics auraient pu chronométrer leur déplacement pour être là pile poil juste avant que ça ne dégénère totalement. Et dans les yeux des filles cette excitation sauvage que tout ce merdier produisait.|couper{180}
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Lectures
Découverte de deux tomes de récits rendant hommage à Lovecraft. Sur les traces de Lovecraft, anthologie 1 et 2collection fractales/fantastique, dirigée par Christelle Camus, éditions Nestiveqnen Aix en Provence. 2018. 18 auteurs proposent des récits dans l'esprit de l'auteur. Me suis fait happer par le tout premier hier soir une autrice inconnue Kéti Touche, cette histoire de photographe qui vient en résidence dans un obscur manoir ( en angleterre, en écosse, ?) tenu par une femme énigmatique, veuve d'un homme nommé Howard, explorateur de son état. Le récit se déploie dans une tempête, une côte sauvage, au bout d'une inquiétante falaise. On y découvre de vieux carnets évoquant des découvertes effroyables qui auront bien sûr eut raison de la santé mentale d'Howard. Donc bien sûr, de nombreux ingrédients que l'on retrouve chez Lovecraft. Lu une cinquantaine de pages puis j'ai bondi ensuite sur Autoportrait d'Edouard Levé. Une suite de phrases en apparence isolées les unes des autres. Amusant, tragique, burlesque. Intéressant quant à la forme. Pour le fond je suis encore mi-figue mi-raisin. Et puis tout de suite après 20 pages j'ai posé le livre, j'ai éteint la lumière et il semble que j'ai dormi d'un sommeil de plomb. Aucun cauchemar dont je puisse me souvenir ce matin. Ce qui me fait penser à ce que j'aimerais vraiment écrire. Tiraillé entre la forme et le fond encore une fois. Et la je me souviens de ce que dit Garouste quand il se trouve confronté au fait que la peinture est morte après Duchamp. Faire le point sur ce que tu veux vraiment. Être un écrivain contemporain ou raconter de bonnes histoires, voilà le noeud. Étonnant que je ne découvre ces livres sur Lovecraft qu'après avoir effectué l'ébauche ce petit portrait le matin même. huile sur toile petit format janvier 2023|couper{180}
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Du bel objet
À Knossos en Crète des jeunes gens sautent par dessus un immense taureau. Rien à voir avec la corrida actuelle. Même si tu es en mesure d'imaginer à toute fin, pour l'animal, un sort funeste identique. L'aspect joyeux de la mosaïque, cet instantané capturé par un artiste anonyme, évoque la vie, la joie, la danse, l'harmonie, et n'incite pas à penser la mort. Et si tu te souviens de ton étonnement quand tu comprends que la civilisation minoenne, à cette époque, avait déjà compris la nécessité d'expulser hors de son habitat ses miasmes, ses déchets grâce à un ingénieux système d'égouts qui sillonne toute la ville, ces deux éléments suffisent pour t'inventer une nostalgie, celle d'un temps où l'être humain était encore digne de ce nom. Toujours le fantasme d'un paradis perdu. Ce genre de pensée qui n'a pour fonction que celle de vouloir toujours t'aider à t'enfuir du présent, d'une réalité qui ne te convient pas. Et si tu réfléchis encore un peu, que tu te souviennes des tragédies grecques, des récits d'Homére, de toute cette hémoglobine qui ,en filigrane, y coule à grands flots, le doute, quand à l'idée d'un tel paradis, se dissipe aussitôt. La brutalité d'autrefois est bien semblable à celle d'aujourd'hui. Cependant que tu te complais encore, de temps en temps, à imaginer qu'elle ne se manifeste pas de la même façon. Une brutalité innocente, joyeuse, contre une brutalité consciente, d'une tristesse infinie. La fin justifie désormais plus que jamais les moyens. Est-ce que cette finalité est si différente aujourd'hui ? Probablement pas. Le pouvoir sur autrui, la réussite, la célébrité, le profit, l'intérêt, voici les fins pour une majorité et qui se déclinent sous tant de masques, de comédies, désormais grotesques. Et si jadis tu pensais que ces buts ne relevaient que des préoccupations d'une minorité, aujourd'hui tu sais que même un misérable est en droit de s'en illusionner au même titre qu'un magnat de l'industrie pharmaceutique. S'il ne peut régner sur un empire il le fera depuis son angle de rue par tout moyen possible. Les buts à la con se sont emparés de la plupart des cervelles. Et même toi, tu y auras succombé comme tout à chacun. L'art naît ensuite tout au bout de ce constat. Et si enfant tu n'étais pas aussi lucide quant à ce que tu viens d'écrire, ton instinct réagissait immédiatement face au beaux objets dont tu n'avais qu'une envie, celle de les détruire. La plupart du temps quand tu relevais un manque, que la colère t'emportait vers les zones les plus obscures de toi. La destruction des objets, pas n'importe lesquels, surtout ceux qui étaient le fruit de sacrifices, de temps passé à économiser pour se les offrir ou les créer, étaient ta cible prioritaire. A quoi donc pensais-tu lorsque tu t'emparas d'un cutter pour l'enfoncer dans une des toiles réalisée par ta mère et qu'elle avait accrochée à l'un des murs de la chambre ? Que voulais-tu anéantir sinon toute la fausseté que tu imaginais alors comme seule responsable de ton malheur enfantin ? Et que savais-tu de l'intention qui l'avait menée à peindre ces chefs d'œuvre familiaux entre quelques heures de ménages, de repassage, le dépeçage d'un lapin, l'engorgement d'une poule, dont tu conserves encore les souvenirs ensanglantés accrochés à l'un des poiriers du jardin. Et ce que tu considérais comme manque, il te fallait au moins une culpabilité à sa mesure, voire la dépassant pour que tu puisses l'oublier, t'en défaire afin d'être responsable, de te procurer ce vertige - cette illusion de contrôle de maîtrise qu'offre en creux une telle responsabilité. Maintenant tu t'agaces de la même façon à la lecture de certaines phrases assénées par des membres du groupe de l'atelier d'écriture sur la bonne pratique de l'écriture, la relecture, le polissage des textes. Toute cette peine que d'aucuns mettent en avant pour désigner un texte remarquable, bien écrit ou qui tombe bien comme un vêtement. Mais dont le fond est d'une indigence à hurler. Ta colère n'a pas vraiment changée. Elle est toujours aussi intacte. Sauf que tu n'utilises plus de cutter. Tu coupes autrement dans le vif. Tu tournes les talons, tu rejoins le silence.|couper{180}
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baiser ou parler
Souvent, l'élan vers l'autre s'arrête net quand surgit la parole. La sienne la tienne. Autrefois la solution que tu avais trouvée, précaire mais à défaut servant de possible. Baiser plutôt que parler. Rares furent les rires mais il y en eut. Puis des sourires aussi. Mais pas de nostalgie pour autant, ni de remords ni de regrets. Juste le souvenir d'un regard silencieux d'un sourire, celui de l'autre, le tien ?|couper{180}