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fascination
trouvé sur Pinterest. Comme beaucoup, il t'arrive d'être fasciné. Mais est-ce vraiment plus fort que toi de t'engouffrer dans ce vortex que la fascination crée sitôt qu'elle surgit. N'y a t'il pas une configuration particulière qui, à un moment, dans la journée, dans la saison, dans l'année, te prédispose plus qu'un autre à te laisser dominer par son influence. A désirer plus que toute autre raison à te laisser aller et céder à cette séduction devenue non sans surprise, irrésistible. En cherchant un peu tout au fond de toi-même, tu ne tardes pas à découvrir que cette configuration particulière dans laquelle la fascination devient un centre, provient avant tout de ta disponibilité à bien vouloir être fasciné. Ce qui une fois le mécanisme détecté, provoque presque aussitôt un retrait, un reflux, c'est à dire une volonté, assez obscure, de vouloir y mettre terme ou en tous cas te ressaisir par un surcroît d'attention afin d'y resister. Il y a donc un mouvement double provoqué par toute fascination. D'un côté la volonté d'être bon public et de t'immerger presque entièrement dans cette étrange absence de libre-arbitre. Et, simultanément ce rejet parfois violent et qui tire vers un genre d'extrémisme. Qui cherche ou désire, dans une urgence suspecte à vouloir l'abolir sitôt que tu en prends conscience. Tu peux désormais remonter assez aisément le cours des événements de ta vie comme on démonte un jeu de poupées russes afin de parvenir à cette toute première fois où tu te seras livré à ce besoin d'être fasciné , par un objet, une idée ou un être et qu'aussitôt, en éprouvant le danger tu te seras arc-bouté pour tenter de t'en évader. Et si tu creuses encore plus lucidement ce mécanisme tu t'apercevras non sans dégoût ou horreur que la plupart des relations que tu as entretenues avec autrui n'ont été construites qu'ainsi, dans ce double mouvement d'attirance puis de rejet. Tu pourrais évoquer le mauvais sort, la malediction qui auront provoqué ce mécanisme perpétuel, en empruntant encore une fois un point de vue de victime. Mais tu te doutes que ce serait désormais beaucoup trop facile, qu'ainsi tu ne prendrais pas suffisamment la mesure de ta responsabilité dans ce genre d'affaire. Que tant que tu n'auras pas élucidé cette propension qui te pousse d'une fascination vers une autre, avec toute la cohorte de tes fuîtes, tes hontes ta culpabilité, tu resteras immobilisé comme un fossile dans un morceau d'ambre au fin fond des profondeurs de la mer Baltique. Inutile aussi de vouloir lister ou détailler tout cela dans une sorte d'urgence qui serait tout autant une fuite. S'enfuir encore dans l'action d'écrire toutes ces choses, ces anecdotes par exemple, te semble suspect, ou enfantin. Et puis n'est-ce pas ce que tu as déjà fait mille fois sans jamais véritablement obtenir la sensation "vraie" de résoudre enfin cette difficulté une bonne fois pour toutes. Tout au plus de vagues bouffées de satisfaction douteuses qui se seront évanouies aussitôt que le doute aura surgit juste après les avoir rédigées. Il en va de même pour l'écriture bien sûr. Pourquoi la fascination et le rejet n'interviendraient- ils pas tout autant vis à vis de celle-ci. Surtout vis à vis de celle-ci. Car au bout du compte tu constates à quel point désormais elle "cristallise" à la façon dont Stendhal emploie le mot, tout un univers personnel crée par ce mouvement d'attirance et répulsion. Et tout à coup naît aussi ce pressentiment inquiétant comme jamais pressentiment ne le fut. Que personnel et factice sont devenus les meilleurs synonymes. Tu ne peux plus échapper à cette impression, fascinante elle aussi, que le "personnel" est une invention tout comme celle de l'individu, et cette solitude dans laquelle tu te réfugies pour désirer l'oublier. Cette solitude des êtres qui depuis toujours te fascine autant qu'elle t'aura indigné, que tu te seras battu pour en démonter pas à pas l'illusion. Cependant que la source des difficultés que tu entrevois est aussi cette illusion du collectif, du groupe, s'il n'est jamais autre chose qu'une somme d'individualités mensongères. Et pourtant le collectif est certainement tout autre que la simple somme de ses parties, un mystère encore intact au même titre que ceux d'une ville, d'une bibliothèque, d'une symphonie. En dernier recours il y aurait donc cette fascination pour le mystère pour cette part d'inconscience ou de hasard et bien sûr le mécanisme sera le même que pour tout le reste. La violence du rejet immédiatement au rendez-vous. Et cette fatigue inouïe qu'on éprouve au réveil, après avoir traversé des rêves emprisonné dans l'ambre des désirs et des regrets.|couper{180}
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Retour à la case départ.
L'écriture ne se soucie pas de ce que tu as imaginé un jour ou un autre vouloir vivre pour écrire. Et tant pis si tu l'as vraiment vécu. Elle y est indifférente en très grande partie. Sauf pour aller, de temps à autre, puiser un mot qui ne soit pas totalement dénué de sens ; un des rares mots sur lequel il te faudrait t'arrêter une fois celui apparu. Et ensuite peut-être serait-il élégant d'effacer de ce qui aura préparer l'arrivée d'un tel mot. Oter l'échafaudage. C'est à dire l'isoler pour vraiment le regarder comme on peut parfois s'arrêter face à une façade neuve. Une femme inconnue. Un mot qui servirait à mesurer la distance plus ou moins réelle ou imaginaire entre les autres et toi. Puis une fois estimée cette distance creusée par le malentendu des définitions non pas essayer de corriger l'erreur mais plutôt l'énoncer le plus simplement possible. Ainsi cette phrase qui surgit à propos des femmes. Des inconnues disponibles tout comme tu te seras persuadé de l'être. Mais ta disponibilité n'avait pour but que d' explorer l'inconnu du langage. Une disponibilité qui s'évanouit sitôt le bon mot trouvé ; proche d'une ivresse. Et qui sera aussitôt épuisée par cette sensation trouble qui réunit la proximité, la familiarité, et la vulgarité. Comme si l'écriture te rendait quelques soient toutes ces histoires vécues, intouchable. Ce que tu as souvent mal interprété. Intouchable comme ces êtres relégués dans les plus basses castes de la société et simultanément comme ceux qui trônent à son sommet. Ambiguïté qui aura annulé tout désir d'appartenir vraiment à une quelconque société, de nourrir l'espoir ou le désir de te créer ta place, car cette place serait forcément médiocre. Définition personnelle produite par l'exigence que tu associais à l'écriture. Cette écriture ne te servait sans doute que de prétexte pour ne pas oser exprimer encore les mots véritables, c'est à dire ta violence, ta cruauté, ton égoïsme et au bout du compte ta bêtise. Ces derniers mois tout semble être retombé comme un soufflet raté. Il s'en suit une impression étrange d'être déconnecté d'à peu près tout. Une forme d'imbécilité mais qui n'est pas effrayante, sorte de retrouvailles avec l'enfant que j'étais il y a si longtemps et pourtant cela est comme hier, avant d'être forcé de me forger toutes ces armes, devenues inutiles désormais. Et si par oubli ou habitude tu veux encore t'emparer d'une de celles-ci elle se désagrège presque aussitôt que tu tentes de la brandir.|couper{180}
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Tremblement
peinture Zoran Music Tu t'es raconté maintes fois cette histoire. Celle de ce moment où la mort sera là, dans les parages. Tu te disais que tout à l'extérieur comme à l'intérieur de toi t'en avertirait suffisamment à l'avance pour que tu puisses être conscient de ce grand événement. Ton voyeurisme aura été jusque là. Provocation ou scandale jusqu'au bout. Et aujourd'hui que tu comprends mieux comment se fabrique ce genre de certitude, tu trembles. La mort peut surgir de tant de façons diverses et variées, elle dépassera toujours ton imagination. Et ce tremblement provient-il de ta colère ou de ton impuissance ?|couper{180}
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Après le fatigue
peinture Marc Chagall Tu crois ou tu espères que la fatigue sera le préambule à un repos bien mérité. Mais tu te trompes encore une fois de plus. Entre cette fatigue et le sommeil il y a encore des strates à traverser. Et dans lesquelles le corps et l'esprit se dissolvent dans des rêves insaisissables. Cependant tu peux mesurer un léger progrès en observant ton renoncement à vouloir les saisir. Quant à savoir vers quoi tu progresses ainsi, nulle nécessité d'y penser.|couper{180}
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rire chamanique
La vieillesse, la gravité, le sérieux, la tristesse, la mélancolie, la peur, ce sont des mots qui voudraient désigner des émotions. Mais ce sont surtout des fréquences. Il te suffit de trouver le bouton puis de changer de station. de fréquence. Zapper. Et te retrouver alors dans la joie, le bonheur, le plaisir, l'espoir, la jeunesse. Puis quelques instant après te rendre compte que cette nouvelle fréquence est comme le reflet inversé de la précédente. Tu parviens désormais si vite à t'en saouler. Et c'est à cet instant que surgit le rire chamanique. La perception de toutes ces fréquences simultanément qui fait exploser ta poitrine. On dirait bien un rire. Pas trop le moment d'y penser. Car déjà le vent se lève et te voici emporté par le rire au delà de toutes les stations habituelles de ce calvaire. Vers un Ici ou un ailleurs. Quelque chose ou quelqu'un, peut-être un vieillard ou un enfant, et qui frappe coeur battant un tambour imaginaire.|couper{180}
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Transfigurer
hier lecture à voix haute des trois premiers chapitres de 20000 lieues sous les mers à l'intention des petits enfants. J'avais peur qu'ils n'éprouvent cette fascination vécue au même âge lorsque je découvrais l'œuvre de Jules Verne. Notamment en raison de ce premier chapitre extrêmement documenté dont je ne me souvenais plus de l'aridité. Mais non, ils ont apprécié. ils m'en redemandent même pour aujourd'hui. En fait il m'aura fallu relire seul ces trois premiers chapitres plusieurs fois seul et à voix haute dans l'atelier avant de leur lire Un exercice de décorticage pour ne pas butter sur les mots, trouver le rythme de ces textes. Ce matin j'ai lu la préface de l'ouvrage écrite par Gilbert Sigaux. Je ne l'avais jamais lue, ou pas de souvenir de l'avoir lue. Ce qui me pousse à effectuer une recherche internet sur le bonhomme. Et là sacrée surprise. Ce type a écrit sur tant d'auteurs, c'est vertigineux. Il faudrait trouver un recueil de tous ses textes. Pas connaissance de l'existence d'une telle compilation pour l'instant. Si un lecteur peut me mettre sur une édition éventuelle ... Ce qu'il écrit sur Jules Vernes rejoint mes pensées du jour à propos de la notion de transfiguration. Une documentation solide avant tout. ce qui rejoint tout ce travail effectué ces derniers mois sur le fait de partir du réel. j'ai commencé à réunir 40 textes sur le ridicule, écrits sur mon blog. Pour l'instant simple copier coller sur un document word. Je ne relis pas. supprime tous les paragraphes pour constituer des textes blocs, l'ensemble est justifié et je me contente de mettre en forme seulement, en prenant soin d'indiquer les titres pour une table des matières à venir. Mais pour un recueil sur le ridicule, difficile de ne pas prendre conscience du ridicule de l'opération. Une fatigue de tous ces je surtout. Et déjà l'ennui possible est prévisible. Mais comme on le dit qui ne risque rien n'a rien. Et probable que la moindre difficulté n'est trouvée que comme prétexte à renoncement. Enfin tout travail trouve sans doute une utilité même si on ne la découvre pas pendant que l'on travaille. Le fait de travailler pour travailler uniquement et non pour un but pose un problème de logique.. Si on s'attache à la logique évidemment. On peut aussi se donner le prétexte du but, ça ne change pas grand-chose. une transfiguration peut arriver par plusieurs chemins.|couper{180}
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utiliser l’algorithme
Pour composer un recueil de textes. À la fin de chaque article lu relever les autres proposés par l'algorithme et ainsi les coller dans un document Word dans l'ordre où ils apparaîtront. J'observe ce mécanisme à propos du mot "ridicule". J'ignorais que j'avais écrit autant de textes à propos de ce mot. Puis pour aller plus loin, ouvrir le tableau de bord du blog et filtrer tous les articles avec l'outil recherche. Surprise de constater l'abondance, pas moins de 10 pages contenant 20 textes chacune, soit au total environ 200 textes. Évidemment que tout sera à relire, à nettoyer, beaucoup de mots pour ne pas dire grand chose, ôter ce qui est trop intime, ou abscons. Mais si j'en retire ne serait-ce que 20 % c''est 20 textes tout de même. Potentiellement un petit recueil.|couper{180}
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âme use ment.
Cornichon sur fond de gueule... peut-être le début d'un blason. photo trouvée sur le net. explorer les contraintes, observer comment les atomes en chute libre possèdent ce sursaut, peut-être l'élan vital, qui les poussent à soudain dévier de la verticale, à entrer ainsi en collision pour créer une réalité. l'anagramme par exemple paraît de prime abord un jeu d'enfant. Mais ce que l'adulte conserve de ces souvenirs n'est pas sérieux. C'est à dire dévalué la plupart du temps au profit d'un sérieux proche du ridicule. s'amuser avec son nom. bacati loch kabila poch tin Lakabil Pochtin Lakobal Pichon labocal Pichon Lakabol Pichon Lankabol Pichon Lankarbol Pichon lankarbol Pochin Lobrakan Nichpin bachanti nopin poilan trichon biplan berrichon boitan ranikop kaplan borichon cornichon kaplan à prononcer avec gravité comme une formule magique. Un petit faible pour Cornichon Kaplan.|couper{180}
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L’entre deux
smartcapture L'observation attentive du réel, ce que tu considères réel, ne parvient pas à de débarrasser du doute concernant ta propre existence. Même la douleur si réelle soit-elle. Tu as avalé tous ces petits cailloux jour après jour afin de t'habituer à cette douleur. Et désormais elle n'est qu'une donnée au même titre que tant d'autres. A égalité. Ainsi en est-il, des événements qui te traversent. Ce serait faux de dire que ça ne te fait plus rien. La sensation en est plutôt amortie, ou étouffée, elle semble te parvenir avec une latence, un décalage. Seule la conscience reste en éveil pour refabriquer cette réalité à chaque instant. A part elle, il semble que tout le reste soit mort. Et, aussi, que cette conscience peut tout autant créer un paradis ou un enfer selon son propre choix, dans une sorte d'autonomie à laquelle, toi, tu ne sembles plus du tout participer. Tu ne peux qu'observer et tenter de l'écrire ou de le peindre. Ainsi ce serait évident, ça collerait, comme la dernière pièce du puzzle. Quel soulagement. Te voici mort mais accompagné de cette conscience bizarre. Elle participe à un mécanisme d'anéantissement lent et progressif, une décomposition. Car cette conscience non seulement semble tourner en rond mais de plus elle déconstruit tout ce qu'autrefois tu croyais être ta vie. Elle s'empare de chaque bribe pour l'observer sous plusieurs angles comme un chercheur d'or au milieu de sa rivière, son tamis à la main. Et l'or qu'elle cherche , c'est l'absence d'or justement. C'est à dire une certitude en creux de tous les doutes qu'elle épuise. L'or qu'elle cherche mais qu'elle ne trouve pas encore. Ce qui crée comme un entre-deux.|couper{180}
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Ce que l’on déteste
Huile sur toile, travail d'élève Dans les romances la règle des deux refus fait partie des usages. Deux non avant un oui, puis on suppose que la suite ira bien. Ira comme il se doit. Désespérément vers l'ordinaire. Comme si l'acquiescement possédait, par convention, la vertu de remettre justement l'ordinaire en bonne et due place. Ainsi donc, on refuserait pour laisser la victoire au fil des jours, au quotidien qui, le pressent-on dès l'origine, sera toujours vainqueur. La suite des romances n'est généralement pas décrite. Ça n'intéresse personne. Où ça ne surprendra personne de la lire. La détestation qui s'affiche en préambule est même devenue un indice de la passion qui s'y dissimule pour le lecteur averti. Cependant, même si le canevas est devenu classique et donc banal, on continue à lire ces romances. sans doute pour s'assurer qu'une idée de la médiocrité est ce qui nous réunit le mieux de manière efficace. Et peut-être que l'acceptation de cette médiocrité première , finalement ouvre la porte à d'autres, toutes plus étonnantes les unes que les autres.|couper{180}
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Cliché mystique
La boite à outils du prêt à penser contient aussi un compartiment pour tout ce qui concerne l'extraordinaire, le mysticisme notamment. Petit coffret rempli de pacotille, et dont la présence de toute évidence est destinée à flatter le narcissisme, ou comme on le dit désormais l'ego. Rien de nouveau sous le soleil. La Fontaine l'a déjà dit qui le tenait d'Esope : cette propension bizarre à vouloir devenir bœuf et qui atteint la grenouille surtout lorsqu'elle est désœuvrée, oisive. Ensuite on peut aussi essayer de prendre un peu de recul avec la notion de cliché car elle devient aussi un leitmotiv à l'intérieur de ce système déjà cité. On peut tout à fait trouver une utilité au cliché comme au lieu commun. Pas nécessaire de toujours s'en offusquer, de les pointer du doigt à seule fin de se construire une posture. Car au bout du bout cette posture finit, elle aussi, par devenir un lieu commun un cliché n'est-ce pas. Donc le cliché mystique se répand désormais comme une belle tache d'huile, pas étonnant que les dérapages soient nombreux. Et si je rapporte cette notion à l'écriture ou à la peinture je peux mieux compter aussi mes propres difficultés ou raisons d'avoir sombré dans cette sorte d'égarement quasi mystique.. N'étant au bout du compte qu'un individu ordinaire parmi tous les autres, comment aurais-je pu imaginer moi-même y échapper sinon et fortuitement en revenant vers un peu plus de modestie ce que je considère pour le coup comme une grâce authentique. C'est à dire en vivant de la façon la plus ordinaire, voire parfois même selon les circonstances tirant vers le drastique et l'ascétisme non par choix mais surtout obligé par l'absence ou le manque de ressources. Etre en prise directe avec ce que tout le monde s'accorde à nommer une réalité et que l'on désigne par toute une collection de noms d'oiseaux. Comme s'il fallait absolument que l'or provienne de la boue, que la grâce naisse de la chienlit. Toujours la dialectique, la friction des opposés pour faire jaillir l'étincelle d'un briquet. Nous sommes bien loin de la magie première, l'image de la foudre tombant sur la terre illuminant l'obscurité. Epoque de briquet jetables. Le prêt à penser mystique n'est pas différent du prêt à penser en général. C'est juste un étiquette que l'on colle dessus qui semble créer la différence. Mais c'est juste une affaire de segmentation pour mieux cibler les call to action. Tout ce que l'on est prêt à croire lorsqu'on se croit désespéré est le rouage principale de la machination ubuesque dans laquelle nous vivons. Mais que savons nous vraiment de ce désespoir, de quoi est-il réellement constitué ... de clichés la plupart du temps. On peut se sentir désespéré parce qu'il convient de l'être lorsque certaines circonstances sont réunies. tout à fait comme une suite d'opérateurs logiques dans un code informatique. Premièrement tu es seul. Deuxièmement tu n'es pas comme ces images d'hommes ou de femmes dans les magazines. Troisièmement il est normal que tu sois frustré puisque tu es seul et moche. Si en plus tu n'as pas de boulot que tu es au chômage et en fin de droit en prime, tu atteins enfin au but : Te voici enfin désespéré comme il faut. Connerie relayée de plus en boucle par tous les médias. Effroyable mayonnaise. Mais ce programme qui en déclare la validité ? Peut-être qu'on pourrait modifier le code, l'interpréter complètement différemment. Tu es seul, donc tu n'es importuné ou n'importunes personne. Tu peux organiser ta vie comme bon te semble. Tu n'as pas d'attache, tu peux donc être mobile, prendre un avion pour te rendre à l'autre bout du monde et aller en plein hiver siroter un martini dry à San Pedro ou ailleurs. Secundo tu as une tête différente de celles des magazines. C'est plutôt une chance, tu peux te promener partout incognito. Tu te trouves moche ? encore mieux postule vite comme acteur et tu pourras avec un peu de chance ou de culot décrocher un second rôle d' assassin ou de méchant. Etc. Je veux dire que l'on n'est pas obligé de suivre le premier programme qui traine sur les écrans de télévision. On peut faire preuve d'un peu de créativité. Et même ne pas posséder de télévision du tout. On peut aussi se ficher totalement de toutes ces choses. Et par opération alchimique du hasard avoir soudain perdu toute illusion, tout désir qui ne nous appartienne pas en propre. Donc se trouver tout à coup serein, simplement heureux de vivre au contact de la réalité de tous les jours. Sans avoir même besoin d'en demander plus. Etre simplement content de ce que l'on a. S'émerveiller d'une couleur, d'une lumière, d'un visage inconnu, et tout cela sans même éprouver le besoin de le dire, de l'écrire. En le vivant dans une immanence perpétuelle sans même y penser. Je crois que le véritable extraordinaire, la vie la plus authentiquement mystique qui soit , se cache dans ce genre d'existence que nous jugeons à priori banale voire insignifiante tellement nous sommes dans une erreur d'appréciation entre ce que nous nommons beaucoup trop par paresse ou habitude : réalité et imaginaire. Encore qu'il ne faille pas l'ébruiter de trop car même cela finirait tôt ou tard par devenir un autre mot d'ordre, un nouveau slogan. Une nouvelle nappe d'huile.|couper{180}
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Ecrire sous la contrainte
Admettons deux hommes en présence. Un bourreau et sa victime. Admettons aussi une pièce de taille modeste, sorte de lieu propice aux interrogatoires. Admettons que l'éclairage ne provienne que d'une simple ampoule au plafond. Admettons que la première question du bourreau à sa victime soit : — Parlez-moi de ce que vous savez de l'Antarctique. C'est à dire précisément ce dont j'aurais le moins envie de parler. Ce dont je ne dois absolument pas parler. Que se passe t'il alors. Sachant que nous savons tous les deux que je sais quelque chose sur l'Antarctique évidemment. Que cette première question n'est posée que pour conférer le cadre de l' interrogatoire comme son but. Et ce d'une façon claire et directe. A savoir parler d'une chose dont je ne désire absolument pas parler surtout ici et en ce moment. Dont il vaudrait beaucoup mieux que je ne parle pas. Dont il m'est impossible de parler surtout dans les circonstances actuelles. C'est à dire en raison de l'actualité brûlante et l'apparition de certains signes, indiquant d'une manière indubitable que le changement est sur le point de devenir visible autant qu'inexplicable. Inexplicable dans les conditions habituelles où l'on a l'habitude de tout expliquer. C'est à dire par des constructions mensongères destinées à brouiller les pistes. Sous couvert de la science. Et ainsi de maintenir en place tout un système tirant sa puissance du secret. Ce secret permettant ainsi de matérialiser une frontière entre ceux qui connaissent ce secret et ceux qui de toute importance doivent l'ignorer pour que le statu quo se maintienne. —Parlez-moi de l'Antarctique. La répétition de la question fait partie du jeu évidemment. Pour ne pas me laisser le temps de trop réfléchir, d'élaborer de stratégie, pour essayer de tuer dans l'œuf toute velléité de résistance. Que cette résistance soit liée à des raisons toutes aussi réelles qu'imaginaires pour mon interlocuteur aussi bien que pour moi ligoté sur cette chaise fait probablement aussi partie des règles de ce jeu. C'est à dire qu'on examine à cet instant précisément les cartes que l'on a en main pour jouer. Et l'on se rendra compte à cet instant d'un ensemble de valeurs personnelles importantes sans lesquelles je perdrais à la fois mon intégrité et donc la vie. Ma première réaction est donc de toiser mon questionneur en d'adoptant la mine de quelqu'un qui ne comprend rien à la question. Ce qui bien sur déclenche aussitôt sourire et agacement sur son visage. Comme s'il avait prévu ma réaction. Celle- reflexe- qui est comme d'habitude de ne jamais refuser frontalement quoique ce soit mais plutôt de mimer l'idiotie- non sans talent- pour essayer de prendre la mesure des contours de la certitude d'autrui. voire si possible instiller en celui-ci le doute que je sache véritablement quoi que ce soit sur le sujet. — Parlez-moi de l'Antarctique. La question revient sans que le ton de mon interlocuteur ne change. Comme un mécanisme implacable qui semble être programmé pour déjouer nombre de ruses toutes aussi humaines qu'ordinaires. Pour le moment je ne souffre pas vraiment. Je me dis que je peux encore conserver le silence. C'est à dire tant que je pourrais trouver refuge dans ce silence, la résistance gagnera du temps et ainsi peut-être aurons-nous une chance, si mince soit-elle, de faire voler le système en éclat. De dévoiler en tous cas son mensonge au plus grand nombre. Est-ce que je suis vraiment prêt à donner ma vie pour cela, probablement. La vérité est à ce prix. Et puis qu'est-ce qu'une vie à l'intérieur du mensonge, peu de chose, seulement un ersatz de vie. —Parlez-moi de l'Antarctique. La question revient encore et encore. Sa raison d'être est de vouloir m'interdire toute pensée destinée uniquement à biaiser, gagner du temps et donc ne pas répondre. un cercle vicieux. Et puis l'autre s'approche. Il a une seringue à la main, probable qu'elle soit rempli de sérum de vérité. Ce que je trouve déplorable. Il n'est plus nécessaire de serrer les dents, d'endurer des souffrances physiques comme autrefois les héros de la résistance. Une simple injection désormais et on racontera tout dans le menu évidemment. C'est sans doute ma dernière seconde de lucidité, l'ultime instant où je peux encore me considérer comme moi-même avant de devenir un moulin à paroles au service de ces monstres qui nous gouvernent. Oui possible que je dise tout ce que je sais et sans doute bien plus encore sur l'Antarctique. J'en demande pardon d'avance à la cause. —Papier, crayon, écrivez tout ce que vous savez sur l'Antarctique à présent. Une dernière tentative pour faire l'idiot, mais déjà les mots surgissent, se pressent les uns les autres, un flot vertigineux, un tsunami. Toute la profondeur de l'Antarctique est là, au bout de la pointe de ce crayon que mon bourreau me tend|couper{180}