Enfance du peintre

Photographie d’un fragment représentant un torse de femme, musée archéologique d’Andros

Il aurait aimé leur dire tant de choses, mais les mots ne venaient pas. Ou alors les mots venaient, mais ce n’étaient pas ceux qu’il eut souhaités. Ils tombaient de guingois, maladroits. Était-ce possible d’être ainsi trahi par les mots, par ses propres mots. Souvent il se le demandait. A chaque échec, chaque déception, il se l’était demandé. Mais la seule réponse était un silence, alors lui aussi s’était tu. Il s’était enfermé dans ce silence. Et désormais les mots, tous les mots, venaient se briser sur les parois d’un silence, comme des gouttes de pluie à la surface d’une vitre. Le langage, les mots, n’étaient plus que les signes d’une intempérie qui durait, mais dont on pouvait se tenir néanmoins à distance, s’en protéger par le silence. Le silence comme un parapluie, un abri-bus au cœur de la ville. Apprendre à tenir dans l’immobile au cœur de la mobilité incessante Par le silence s’approcher ainsi du monde serait plus étonnant, plus étrange, plus amusant que triste. La tristesse était une possibilité d’égarement. une erreur, un réflexe dû à un écart hors de ce silence. Plutôt que de désigner les choses il préférait désormais s’abimer en la contemplation de celles-ci. Il en extrayait la croyance qu’il pourrait ainsi retrouver à la fois la paix et une sensation d’unité. C’était assez proche d’une conviction, d’une foi, les mots séparaient beaucoup plus qu’ils ne ramenaient à l’unité. Ils étaient cause d’incompréhension, de malentendus, de discorde la plupart du temps. Alors que la contemplation menait presque aussitôt à une euphorie. Et peut-être que tous ceux autour de lui qui utilisaient les mots, les utilisaient-ils de façon inconsciente, inappropriée, peut-être étaient ils victimes ou coupables, en toute inconscience, du même désordre, de la même confusion. Et que l’ensemble de ces écarts individuels effectués en dehors de l’abri du silence, tous ces risques inconsidérés, plongeaient toutes ces personnes dans la même sensation de tristesse, incapables désormais de retourner à la joie, à l’unité. Ils ne prenaient plus le temps de contempler, il se promit de le faire pour eux.

Post-scriptum

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Comme

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}

Comme

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technique mixte 70x70 cm

mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}

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La ramener

Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}

La ramener