Le but en soi
peinture Marc Chagall.
Toujours énormément peiné sur la notion de but. Déjà dit de nombreuses fois sur ce blog. Ce qui fait peiner à partir d’un certain âge c’est de perdre son temps. C’est que l’on ne voudrait surtout pas perdre ce temps de plus en plus précieux en se trompant de but. Et malheureusement la méthode que j’ai le plus souvent utilisée c’est celle d’aller au bout des buts qui n’en sont pas vraiment. Des buts à la mode, des buts illusoires. Ce texte naît d’une réflexion sur la vie du peintre Chagall. Pourquoi un simple boulot de commande, des illustrations qu’il avait à faire sur la Bible devient le cœur de son œuvre. N’a t’il pas par accident, ce qu’on nomme le hasard découvert un but qui allait bien au-delà de la réalisation d’un travail que l’on pourrait considérer comme alimentaire. J’imagine qu’en se mettant au travail un but s’est ainsi trouvé collé à l’évidence. Tous les astres se sont retrouvés alignés. Ce serait ça un but digne de ce nom. Un alignement de planètes. Une configuration qu’on ne saurait remettre en question. Et qui nous impliquerait par une mystérieuse alchimie dans cette configuration. C’est ce que j’attends depuis des années, depuis toujours. Et probable que ce n’est pas la meilleure des postures qui rendrait l’apparition de cette grâce favorable. Aussi des années que j’´ai renoncé à cette posture de l’attente. Que jour après jour je me mets au travail dans une régularité de métronome, sans rien attendre d’autre que de mener cette simple tâche à bien c’est à dire de l’effectuer quoiqu’il puisse advenir. S’enfoncer dans cette volonté de non but n’est pas une petite affaire. C’est qu’on les voit défiler justement tous ces buts toutes ces illusions. On se retrouve un peu comme Tantale l’assoiffé qui voit passer l’eau mais qui ne peut la boire. Qui s’interdit lui-même de se désaltérer parce que cette satisfaction n’est qu’éphémère, qu’elle n’étanche aucune soif. Parce qu’il faut s’asseoir au milieu de la soif comme au milieu de l’ennui et constater de quoi elle se constitue aussitôt qu’on veut bien la penser, la conceptualiser. Une soif inventée de toute pièce par la pression atmosphérique, par l’extérieur. Mais si l’on se tient suffisamment sage et immobile, si au lieu de s’en faire une ennemie on la considère comme une malheureuse, une démunie, que l’on cherche à dialoguer avec elle sans fausse compassion, sans bienveillance exagérée, car elle est rouée comme tout ce qui est humain, alors quelque chose se produit dans l’énergie. une inversion électrique qui entraîne la découverte surprenante : cette soif a besoin de moi, elle ne peut réellement exister sans moi. c’est le moi dont elle se fait le but en soi.
Ce qui se produit ensuite c’est la représentation de tous les buts qui défilent comme sur une scène de théâtre devant l’être et la soif comme spectateurs. Ils jouent leurs rôles, tragiques ou comiques avec le plus grand sérieux ou une nonchalance de mise. Ils brouillent tellement bien les pistes. Et c’est à ce moment là que les spectateurs se donnent de petits coups de coude. C’est à ce moment là qu’ils se disent mutuellement tu as vu, rien de bien extraordinaire et justement c’est cela l’extraordinaire. Et comme un but qui dépasserait la tête de tous les autres, le banal serait démystifié. Le banal serait ce miracle justement que tu attendais depuis toujours sans parvenir à déposer le fameux grain de sel sur sa queue pour l’attraper.
Que le Christ soit présent sur les tableaux de Chagall, une énigme pour certains. Mais si l’on en revient au fameux but, pas vraiment. Il ’faut de toute évidence sacrifier un agneau quel qu’il soit, une certaine forme d’innocence pour être en mesure d’ offrir une connaissance de lui-même au monde.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}