Ulysse détaché
Ulysse regarde les sirenes se jeter dans la mer
Ligoté au mat de son navire Ulysse observe le rivage qui se rapproche en même temps que le chant des sirènes. De quoi est donc constitué ce chant si beau, et surtout que dissimule t’il. Ulysse le rusé ne peut s’empêcher de voir la ruse partout. Et c’est à cet instant que la situation bascule. Le chant s’arrête net. Là-bas sur les rochers des silhouettes s’agitent puis s’immobilisent. Enfin elles disparaissent. Un silence étrange recouvre alors le clapotis des vagues, l’étrave du navire qui fend les flots, les cris des oiseaux marins. Tout est devenu si lointain. A peine audible la voix des hommes d’équipage étourdis encore par l’aventure. Ils se réjouissent, s’embrassent alors qu’ Ulysse encore sonné ne les reconnait plus.
Ils viennent le détacher, le félicitent, l’acclament mais dans une langue qui lui est devenue étrangère. Ulysse ne dit rien, il reprend son périple vers Ithaque. Il est silencieux.
La première chose qu’il fera en arrivant enfin sur l’île sera de trouver une librairie, un carnet, un stylo, un feutre à pointe fine. Puis il écrira d’une façon serrée ces quelques lignes :
"L’écriture quotidienne pour s’attacher à un axe et explorer ainsi l’incohérence fondamentale de tout chant. Chaque jour s’attacher à entrer en relation avec cette incohérence pour tenter d’ en extraire quelque chose, une bribe, un fragment. Un acte qui permet d’en témoigner à soi-même surtout. Le but serait de s’y habituer en premier lieu. Et peut-être ensuite mieux appréhender ou accepter l’ incohérence générale insupportable lorsque on est habité par un fantasme tellement préoccupant de cohérence".
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}