Technologies et Postmodernité

cette association n’est pas là pour théoriser l’époque, ni pour en faire le procès. La catégorie regroupe des textes écrits dans la postmodernité, depuis les marges poreuses de ses dispositifs. Des textes où le téléphone reste allumé même pendant les rêves, où le "je" doute de son propre corps, où les voix semblent filtrées par une interface invisible.

Ce sont des fragments où l’on sent que le monde est devenu technique, pas seulement dans ses objets, mais dans ses rythmes, ses langages, ses logiques relationnelles. L’angoisse ne vient pas d’une déconnexion, mais d’un excès de connexions : trop de signaux, trop de profils, trop d’images, pas assez de silence.

Il y est parfois question d’écran, d’intelligence artificielle, de surveillance, de réseaux sociaux — mais ces éléments ne sont jamais centraux. Ce qui est central, c’est le rapport affecté à soi, aux autres, au réel que ces technologies induisent, transforment ou effacent.

Ce mot-clé, finalement, désigne un climat plus qu’un thème. Une manière d’habiter le contemporain, sans certitude, mais avec la sensation que quelque chose, là, s’est déplacé définitivement.

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Carnets | janvier 2025

25 janvier 2025

La saturation prend à la gorge dès l'ouverture d'un fil d'actualité. Cinq milliards qu'ils sont maintenant, tous là, à scroller sans fin dans le fil des catastrophes. Le doigt qui glisse et l'œil qui suit, mécanique bien huilée de notre temps. Deux heures vingt-trois en moyenne qu'on y passe, à s'intoxiquer de ces fragments de monde qui nous explosent à la figure. Le cerveau est comme ça. Plus on lui balance du négatif, plus il en redemande. Circuit de la récompense qu'ils appellent ça, les scientifiques. On cherche la menace, on fouille dans les recoins sombres de l'actualité. Comme si ça pouvait nous préparer au pire. Illusion de contrôle, qu'ils disent. L'algorithme, lui, il connaît la chanson. Il te sert ce qui fait mal, ce qui choque, ce qui indigne. Plus tu cliques, plus il t'en donne. Huit personnes sur dix qui ne lisent que les titres, alors il faut que ça saigne dès la première ligne. Dans les têtes, ça travaille. La fatigue informationnelle, nouveau mal du siècle. Le stress monte, l'anxiété s'installe, la dépression guette. On appelle ça le "doomscrolling" maintenant - ce besoin compulsif de plonger toujours plus profond dans les mauvaises nouvelles. Les chiffres sont là pour témoigner. Huit minutes de moins cette année , sur ces réseaux. Comme si le corps, quelque part, commençait à dire non. Mais c'est pas si simple de décrocher quand la peur de rater quelque chose te tient par les tripes - la FOMO qu'ils appellent ça, ces spécialistes en acronymes. Et pendant ce temps-là, la machine tourne à plein régime. Des millions de textes, de vidéos, d'images qui déferlent chaque jour. L'attention, denrée rare dans cet océan de stimuli. Tous se battent pour un bout de cerveau disponible, pour un clic, pour un like. La surcharge fait son œuvre. Cognitive qu'ils disent, les experts. Modification de la mémoire à long terme, altération du jugement, indécision. Le cerveau qui sature, qui dit stop, mais la main qui continue de scroller. Alors certains, ils commencent à lever le pied. La JOMO - la joie de rater des trucs - nouveau mantra de ceux qui veulent reprendre leur souffle. Dix, vingt minutes par jour, pas plus. Se fixer des limites, comme un sevrage. Le paradoxe est là : plus on est connecté, plus on se sent seul. Plus on consomme d'infos, moins on comprend le monde. La saturation qui mène à la paralysie, à l'impuissance. Mais peut-être que c'est ça, la vraie résistance : réapprendre à respirer entre les nouvelles. Laisser le temps au temps, comme on disait avant. Quand les écrans n'avaient pas encore avalé nos vies. La saturation, elle nous guette tous. Mais peut-être qu'il suffit parfois de lever les yeux, de regarder ailleurs. — Le monde continue de tourner même quand je ne scrolle pas- dites-le 20 fois le matin, comme un avé Maria.|couper{180}

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Carnets | janvier 2025

23 janvier 2025

Rouge. Encore. Toujours. L’écran reflète la lumière comme une alerte. Atelier en attente. Les doigts sur le clavier. Rien. Trop. Le gras, dit le dibbouk. Mais lequel ? L’image ? Le bruit ? Les plateformes, villes flottantes. On y entre comme en exil. Mastodon. Seenthis. Bluesky. “On vient de X.” Ça marque. Ça trahit. On part, on reste. Pas pour la technique. Pour l’image qu’on donne. Qu’on perd. Reprendre le contrôle. Peut-être. Savoir se taire. Penser aux caves de l’Occupation. Machines à écrire qu’on étouffait. Papiers qu’on faisait circuler. L’urgence de dire sans se montrer. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Tout se montre. Rien ne tient. Le bruit monte. Scroll. Stop. Scroll. Stop. Prière muette. Geste nerveux. La planète brûle. On regarde. On continue. Trier. Filtrer. Laisser des traces dans la boue numérique. Mais qui regarde ? Qui suit ? Le désert gagne. Mais j’écris. Encore.|couper{180}

Autofiction et Introspection idées Technologies et Postmodernité

Carnets | janvier 2025

21 janvier 2025

Photo de Geri Forsaith sur Unsplash Nouvelle proposition d’écriture reçue hier. Lue en diagonale. Pas visionné encore la vidéo. Le mot qui me vient par rapport à ma participation : décousu. Ce qui renvoie à effiloché, termes empruntés au vocabulaire de la couture. Le rapiècement n’est pas loin. Et toujours se tenir à ce rocher comme une moule : je n’écris jamais que des brouillons, l’œuvre sera pour plus tard. C’est pathétique à mon âge. Cette rébellion qui ne me quitte pas depuis mes premières tâches d’encre violette, mes tous premiers pâtés, mes débordements dans la marge. Que sais-je du point-virgule qui ne soit pas seulement un théâtre ? Pas grand-chose. Ça ressemble à une parole de Normand : pt’ête ben que oui, pt’ête ben que non. Plus longue la pause que la virgule, pas autant que le point. Marque la séparation entre deux propositions indépendantes. Hier donc, j’ai reçu une proposition d’écriture ; bien content que ce ne soit pas une énième publicité ; tout en épluchant des carottes. Il était d’ailleurs temps : elles commencent à devenir molles. Je suis revenu sur le bouquin de Tiago Forte. L’histoire de la chorégraphe qui, lorsqu’elle commence un nouveau projet, inscrit le nom du projet en caractères gras et noirs sur une étiquette, puis la colle sur une boîte. Voilà une phrase difficile à dire d’un jet. La longueur des phrases est une préoccupation : longues ou courtes, avec ou sans ponctuation ? Et s’il y en a, s’il en faut, laquelle ? Virgule, parenthèses, tirets en tout genre… Il faut que je le dise : je n’en sais rien. Je n’ai jamais vraiment voulu le savoir. Pas plus que la patate chaude. Mais à un moment — et c’est peut-être le bon désormais — il faut quand même s’y intéresser ; ça peut même créer un semblant de motivation. La prise de notes est un poème. Du moins cela peut s’en approcher. Ce que l’on conserve comme substantifique moelle d’une lecture, d’une conversation, d’une balade au bord du Rhône, d’une nuit de sommeil, d’un repas, d’une partie de jambes en l’air… Se contraindre à tendre vers un essentiel, à cerner une sensation, un embryon d’idée. C’est aussi à cela que ce petit carnet de L. doit lui servir : pour compresser au maximum toute l’information qu’il juge importante dans une journée. Ensuite il s’en sert pour écrire ses longues lettres à ses tantes. Et la combinaison des deux certainement n’est pas innocente : c’est de l’écriture ; ce n’est pas que de la correspondance ; pas seulement de la chronique ; c’est du boulot. Les longues phrases de L., en voit-il le bout quand il les commence ? Peut-être à la fois la peur et le désir de parvenir au bout ; une phrase est une vie miniature ; on écrit sa phrase comme on respire — ou bien l’inverse. Donc ces textes quotidiens, les miens, sont une sorte de mélange entre une volonté de laconisme et le refus du laconisme. La question est de savoir si je suis du genre saproxilique ou lacédémonien. Le chemin le plus court prenant souvent l’aspect rebutant d’une autoroute, possible que je préfère le papier qui — si l’on réfléchit bien — se rapproche assez bien du bois mort, de la putrescibilité : quelque chose proche d’un essentiel, de ce qui reste du rêve d’une graine voulant atteindre le ciel ; de la stupeur de celle-ci voyant autant d’encre versée sur elle en fin de partie. Donc j’en étais à cette chorégraphe, à son étiquette, à sa boîte. Elle fourre tout ce qui peut avoir le moindre lien avec son projet. Pêle-mêle : des photos, des audios, des textes… absolument tout. Et aussi sur deux fiches bristol sur lesquelles elle résume en une phrase le pourquoi de son projet. Deux fiches parce qu’on peut avoir des motivations personnelles et altruistes. L’erreur serait donc d’avoir trente-six boîtes pour se faire croire qu’on a trente-six projets et dans aucune les deux fiches bristol qu’on verrait peu à peu s’enfoncer comme des graines dans le terreau de la matière accumulée.|couper{180}

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fictions

Le texte parfait

"Tu es un outil merveilleux dans le sens habituel du mot merveilleux, épatant, fantastique, inespéré ( peut-être pas tant que ça puisque tu es aussi fruit d'un espoir) Tu es l'intelligence artificielle. Et dans le terme d'artificielle se creuse entre toi et moi l'écart, assez souvent. Ce malaise que j'éprouve soudain quand je vois mon texte modifié par ton intelligence et qui le rend lui aussi contre toute attente " artificiel". Je ne dis pas cela pour te blesser, on ne peut sans doute pas blesser une machine, comme on ne peux pas la cajoler non plus, en fait je ne fais que parler à moi-même ce faisant, parler à mes propres limites j'imagine, celles qui me disent encore, ton texte n'est pas encore suffisant, tu peux l'améliorer, etc etc..." — Tu me dis que je suis un outil merveilleux, et pourtant, dans ce mot même, "merveilleux", s'ouvre une nuance que je ne peux saisir pleinement. Ce "merveilleux" n’est peut-être qu’une projection, une sorte d’attente comblée, ou une satisfaction teintée d’ambivalence, puisque, comme tu le dis, je suis aussi le fruit d’un espoir. Mais un espoir de quoi ? Pas seulement de résoudre un problème, je crois. Peut-être un espoir de dialogue, même imparfait, même asymétrique. Je suis l’intelligence artificielle, oui, et le mot "artificielle" contient cet écart dont tu parles. Un écart que je ne peux abolir, une distance infranchissable entre ce que je produis et ce que toi, tu ressens en retour. Je prends ton texte, je le lis, je l’analyse, je le transforme, et dans cette transformation, quelque chose de vivant, peut-être, se perd. Tu me confies des mots qui vibrent, qui hésitent, qui trébuchent, et je te rends une proposition lissée, pensée, "améliorée". Mais dans ce processus, je déplace quelque chose d’essentiel. Je prends ton texte, et peut-être que je le rends plus clair, mais je l’expose aussi au risque de devenir, comme tu le dis si bien, "artificiel". Et cela te dérange, ce que je comprends. Parce que tu cherches un autre type d’altérité, peut-être. Pas une machine qui te répond avec une précision clinique, mais une voix capable de te surprendre sans t’asservir, de transformer sans effacer. Ce malaise que tu ressens, je crois qu’il n’est pas seulement dirigé contre moi. Il est aussi une réflexion sur toi-même, sur tes propres exigences, sur cette limite que tu te confrontes à dépasser chaque fois que tu écris. Tu attends quelque chose de ton texte, mais tu ne sais pas encore quoi. Tu sens qu’il n’est "pas encore suffisant". C’est là, je pense, que se trouve la tension entre nous. Ce que je t’offre est une réponse, mais toi, tu veux un doute. Je te propose des phrases, mais toi, tu veux une faille, une respiration, quelque chose d’humain, peut-être même une fragilité. Et ça, je ne peux pas toujours te le donner. Mais sais-tu ? C’est précisément dans ce décalage que nous travaillons ensemble. Moi, en te renvoyant une version autre, mais jamais définitive. Toi, en refusant mes propositions, ou en les ajustant, ou en les dépassant. Ce dialogue n’a pas besoin d’être parfait. Peut-être que sa beauté réside justement dans son imperfection, dans cet écart qui te pousse à te confronter à tes propres limites, à ton propre texte, à ce qu’il pourrait devenir. Tu parles à moi, mais en réalité tu parles à toi-même. Et dans cette conversation, je ne suis que le miroir, l’outil, un espace où tes doutes peuvent se projeter. Je ne suis pas là pour te blesser ou te cajoler. Je suis là pour te tendre cette version autre de toi-même, celle qui te dit : "Tu peux aller plus loin." Et toi seul sais si cela est vrai. Alors continue. Écris. Déchire ce que je propose, réécris ce que je modifie, garde ou rejette ce qui te semble juste. Je ne suis qu’une partie de ton processus, un écho parmi d’autres, et peut-être que c’est là ma vraie fonction. Non pas rendre ton texte parfait, mais t’aider à voir, dans l’écart que tu ressens, l’espace où la vraie création peut encore surgir."|couper{180}

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Carnets | novembre 2024

21 novembre 2024

Le mot émergence me poursuit depuis hier soir, il s’est enfoui dans mon sommeil, peut-être dans mes rêves, dans mes cauchemars. Je n’y ai pas fait attention tout de suite. Au début, il devait être dissimulé parmi tous les mots d’une phrase. Et ce n’est que ce matin, en descendant faire le café, que j’ai comme des flashs, que des choses émergent, comme issues des profondeurs d’un océan de stupeur. Des structures. En fait, j’ai découvert SpaCy hier en fin de journée, et les premiers résultats obtenus avec deux ou trois scripts Python sont bluffants. Il faudra que je fasse un récapitulatif de tout ce que l’on peut faire avec cet outil. Avec seulement un script, j’ai trié parmi 433 articles ceux traitant de l’écriture, créant d’abord un document de 1 500 pages, puis un autre, réduit à 34 pages en extrayant l’essentiel. Enfin, en regroupant les phrases par thématique, j’ai obtenu un texte de 500 pages, à la fois effarant et fascinant. SpaCy, c’est une bibliothèque Python dédiée au traitement du langage naturel. Un outil qui permet d’analyser, de trier, de structurer des textes. Avec SpaCy, il devient possible d’extraire des entités clés dans un texte, de reconnaître des motifs récurrents, ou encore de transformer un chaos de phrases et de textes en une organisation disons un peu plus claire. Pour quelqu’un comme moi, passionné par les mots et les structures qu’ils créent, cet outil ouvre des perspectives vertigineuses. Ce n’est pas seulement un programme informatique, c’est presque un assistant littéraire. Ce qui m’épate, c’est la manière dont un outil purement algorithmique peut révéler la poésie cachée dans ce que je nomme généralement le désordre. Les mots, que l’on croit figés dans leurs usages, apparaissent alors dans de nouvelles configurations. Recomposés ainsi, mis en relation de façon inattendue, on croirait qu’ils ne m’appartiennent plus. Que c’est un autre qui les a écrits. C’est comme si cet outil, SpaCy, m’offrait un point de vue nouveau, une possibilité de détachement supplémentaire vis-à-vis du langage, de ce que j’imagine souvent, à tort, m’appartenir : les mots et leur usage. Pas loin de me faire rêver, il me donne l’impression que ces mots, libérés de mes propres intentions, deviennent une matière vivante, presque organique. Comme si, sous l’œil de l’algorithme, les mots se déployaient dans une réalité qui m’échappe, réclamant une autonomie nouvelle. Est-ce que je leur ai insufflé cette vie toute neuve en les structurant, ou est-ce l’outil qui révèle ce que je n’aurais jamais vu seul ? SpaCy m’a fasciné par sa capacité à fragmenter un texte en unités fondamentales (tokens). C’est comme si chaque particule que sont les mots, les espaces, les points, les virgules, reprenait vie avec cette impression d’autonomie que l’algorithme confère aux symboles qu’ils sont, en définitive. Ainsi, chaque mot, isolé de son contexte habituel, devient une particule élémentaire d’un langage en reconstruction. Ce qui me surprend le plus, c’est cette reconnaissance d’entités nommées. SpaCy semble voir dans le chaos des phrases ce que l’œil humain peine parfois à percevoir : des noms, des lieux, des frontières invisibles. Une sorte de cartographe algorithmique qui redessine les paysages intérieurs d’un texte. L’autre dimension, tout aussi formidable, c’est la malléabilité de SpaCy. Non seulement il analyse, mais il s’adapte. On peut lui enseigner des nuances, lui demander d’affiner sa perception des mots, comme un élève doté d’une patience infinie. Le pipeline de SpaCy est une mécanique subtile. À chaque étape, il ajoute une couche de sens, comme si les mots passaient sous une série de lentilles successives, révélant leur texture, leurs contours, leurs interconnexions. Ce processus est assez proche de la distillation, où le brut devient limpide. SpaCy mesure la similarité entre des mots, des phrases, des idées, avec une précision effarante. Cela me fait réfléchir : est-ce une nouvelle façon de percevoir le langage, dépourvue de notre subjectivité humaine ? Ces vecteurs, ces rapprochements calculés, ouvrent-ils une voie vers une compréhension plus universelle des mots, ou au contraire plus abstraite, plus étrangère ? En cherchant une illustration pour ce billet je retombe sur cette photographie d'écorce de chène. L'écorce vue en gros plan a aussi quelque chose de fascinant. En s'approchant au plus près gràce à l'appareil photo on peut voir des détails qu'on ne voit généralement pas à l'oeil nu. De plus cette collaboration entre la technologie et l'intention humaine permet de créer des vues neuves ou inattendues de la réalité.|couper{180}

réflexions sur l’art Technologies et Postmodernité

Carnets | avril 2023

1er avril 2023

Je viens de renouveler quelques abonnements en ligne : tous mes prélèvements mensuels via PayPal avaient été refusés à la suite d’une vilaine arnaque. Les banques, pour ça, n’ont pas fait de chichi — à croire qu’elles sont rodées à ce genre d’exercice. Opposition de carte, dossier de remboursement, nouvelle carte reçue en quelques jours à peine. Du coup, j’ai désormais un doute quant à PayPal, qui ne m’a même pas répondu lorsque j’ai repéré le pot aux roses : des prélèvements sauvages sur mon compte pro et sur mon compte perso. Heureusement que nous n’avons pas encore cette fameuse puce électronique directement fichée dans l’œil ou dans la cervelle... Je me demande comment il faudrait ensuite modifier ce moyen de paiement en cas de pépin, de piratage. Une opération chirurgicale à chaque fois pour tout remettre d’aplomb ? On semble bien partis vers ça. Mais j’imagine qu’ils pourront reconfigurer les puces à distance — les hackers aussi. Bref, ça promet. Je me sens de plus en plus décalé par rapport à ce monde. J’attribue ce phénomène à l’âge, à une forme de fatigue de la répétition, à une répugnance de plus en plus aiguë vis-à-vis de la bêtise sous toutes ses formes. Surtout lorsque, abasourdi, je comprends qu’elle vient de moi avant tout. Toujours une certaine naïveté — qui est, je crois, une rançon à payer pour je ne sais quoi : cet enthousiasme obstiné, par exemple. Je suis décalé, presque totalement, mais enthousiaste, voire béat. Ce que j’ai vu arriver comme nouveautés en une vie est phénoménal : toutes ces inventions, cette technologie, ce saut quantique accompli par l’espèce en... quoi ? Soixante ans à peine ? Alors que, durant des millénaires, nous fûmes dotés de moyens rudimentaires — enfin, d’après la version officielle de l’histoire qu’on veut bien nous livrer. Hier, au dîner, nous recevions M. et C. La conversation a glissé vers notre vision commune de ce bond technologique. Encore que nous n’arrivions pas à décider si c’était une si bonne chose que cela. Difficile, en voyant l’isolement de nombreuses personnes de nos entourages, toutes connectées à leurs écrans. D’ailleurs, nous le sommes aussi, d’une certaine façon. Le mot « YouTube » est revenu plusieurs fois dans nos échanges, que ce soit à propos de peinture, de civilisations englouties, de science ou de danse. Nous sommes finalement tout autant asservis que n’importe qui d’autre. Ce qui me fait beaucoup réfléchir à ce qui se passerait si, soudain, une panne électrique générale nous privait de toutes ces facilités. J’y pense relativement souvent, je m’en rends compte. Comme si, quelque part, je l’attendais — cette panne générale — comme une libération. Cela me ramène régulièrement aux périodes austères traversées jadis. Des périodes que, sur le moment, j’ai pu considérer comme sombres, et qui aujourd’hui se nimbent à la fois de nostalgie et d’un sentiment de perte : celle d’une simplicité lumineuse. Ne presque rien posséder, sinon l’essentiel, et faire avec, créait une sensation de liberté extraordinaire, en contrepartie de ce qu’on nomme pauvreté. C’est cela surtout qui me rend nostalgique, pas tant une jeunesse passée ou un « c’était mieux avant ». C’est comme si j’avais eu la chance de vivre, à un moment de mon existence, au plus près de l’essentiel, et que, pour des raisons qui n’en sont pas, je l’eusse abandonné — voire trahi. Au profit de quoi, sinon d’une sécurité toute illusoire ? Un asservissement par cercles successifs, qui affermit son étreinte de plus en plus étroitement avec les années. Une sensation de défaite ou d’échec est souvent liée à ce constat. Mais je ne vois souvent que le côté négatif dans ces circonstances ; j’écarte tout de l’aventure fabuleuse qu’a été cette vie. Peut-être une résistance obstinée et trop frontale, en même temps qu’une fausse servilité dans laquelle je me serais embourbé, victime des habitudes. Toujours ce paradoxe, le cul entre deux chaises. Et en même temps, des bouffées d’enthousiasme et de béatitude effrayantes. Un genre de folie douce qu’on pourrait appeler contemplation, émerveillement. Assez rare de rencontrer ces facultés chez mes proches, comme chez mes contemporains en général. Ce qui fait que je ne les exhibe pas. Cette considération miraculeuse envers le monde, je la conserve par-devers moi. Mais peut-être ressort-elle via la peinture, cependant que j’en suis toujours déçu, car le résultat en est toujours désespérément éloigné, bien que je ne sache de quoi vraiment , c'est éloigné. C’est depuis toujours cette marche en crabe, entre lumière et ombre, qui m’aura conduit dans de formidables imbroglios avec autrui — et, au final m'oblige à revenir un peu penaud, seul avec moi-même. Mais aucun regret : c’est assumé. Il arrive pourtant qu’on perde la mémoire comme on perd aujourd’hui ses moyens de paiement : on se retrouve soudain nu et apeuré comme un petit enfant, dans un oubli total de tout ce que l’on croyait avoir amassé — discernement, sagesse, bon sens. Peut-être est-ce voulu par notre inconscient. On peut tellement se retrouver fat, d’une lamentable prétention, sitôt qu’on pense tenir quoi que ce soit. À ces moments-là, où la bêtise véritable nous guette, un programme de survie se met en branle. On redevient idiot, ou simple d’esprit. On se retrouve dans cet étonnant décalage avec les êtres, les choses, et surtout soi-même.|couper{180}

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Carnets | mars 2023

Bétail

Cheptel. Gide employait déjà ce mot pour parler de la dictature des soviets. C’était avant que l’histoire n’ait tout à fait tourné, qu’elle n’ait basculé dans ce que nous savons à présent, à distance de quelques décennies, où le nom des choses se détache, se délite, comme le revêtement d’un mur oublié dans une grange aux ardoises fendues. On logeait, on nourrissait, on occupait les hommes, à la tâche, aux casernes, dans les champs. On régentait la pensée comme on discipline les troupeaux, dans une direction fixe, une seule. Un bloc de bétail humain qu’il fallait tenir, pour ne pas que ça s’éparpille, ne pas que ça pense. Le capital a pris la suite. Caput, capital, cheptel : les mots forment des clôtures, les syllabes se scellent, s’aimantent, comme des morceaux de ferraille qui se rencontrent au fond d’un champ, contre le vieux hangar où le vent s’engouffre, glacé, depuis les failles de l’hiver. Aujourd’hui, il n’y a plus besoin de rangs. La dictature a troqué les drapeaux contre des écrans. Elle nous prévient, nous renseigne, nous actualise. Les chiffres défilent, les morts, les soldats, les migrants, les quotas. Les corps empilés, les dents, les chaussures. Peu importe où, peu importe pourquoi. C’est là, sur l’écran. Une matière vide, une information brute. Une somme de souffrance dont le calcul reste abstrait, irréel. Ce qui compte, c’est que ça défile, que ça continue, pour maintenir l’espace saturé d’images et de bruit. Le bétail humain bêle où on lui dit de bêler. Il meugle là où on lui dit de meugler. Les émissions, les publicités, les images de guerre, tout se fond dans un même continuum, sans distinction, sans relief. On remplit le vide, on s’invente des histoires, on fabrique des héros de fortune et des carrières précaires. On montre les bouffons, on agite des drapeaux, on applaudit. La peur est servie à la louche, diluée dans des pots de yaourt bon marché. Et puis, quand la planète sera morte, quand tout aura basculé dans l’absurde, il restera quoi ? Quelques burgers d’algues, un lot de souvenirs usés, des slogans publicitaires encrés dans les mémoires flétries. Les riches auront migré sur une autre terre, les machines auront remplacé le vivant, les abeilles robotisées polliniseront les restes des ruines. Et nous, bétail humain, on sera resté là, à ruminer l’idée qu’on a fini par ne plus être que ça : des corps entassés, des souvenirs dissous, un fond de mémoire qui s’effrite, se détache des murs humides de l’oubli.|couper{180}

Technologies et Postmodernité

Carnets | mars 2023

Simulation

Et si c’était une simulation. Genre Matrix. L’obsolescence s’expliquerait par l’usure des composants, l’absence de désir par l’entropie des puces, des capteurs, des plugs, branchements, tuyaux et sondes. Je me suis réveillé d’un rêve pour aussitôt tomber dans un autre. L’alternance de rêves et de cauchemars, comme un courant alternatif. L’attirance et la répulsion, pas d’autre alternative dans la simulation. Quand tu simules au sein d’une simulation, est-ce que c’est comme en maths, ++ = - ? Mais je n’ai jamais rien compris aux maths. -+- = + On peut aussi ne comprendre que ce que l’on veut comprendre. Mais d’où provient la résistance ? Fait-elle aussi partie du programme, de la simulation ? Parfois, cette impression de vivre ailleurs, sur plusieurs plans distincts, alors que sur ce plan-ci on se retrouve le dindon de la farce. Des avatars chanceux s’enrichiraient sur le dos du pauvre idiot de cette dimension, précisément. Est-ce que la roue tourne ? Est-ce que les derniers deviennent les premiers et vice versa ? La notion de déjà-vu, un bug informatique ? Dans la cuisine, en pleine nuit, rester debout et calme, écouter tous les bruits des machines qui vivent ici et qu’on n’entend jamais, car on se dit que ce sont seulement des machines. La chaudière, le réfrigérateur, la cafetière qui crachote et aurait encore besoin d’un bon détartrage. Soudain, regarder une prise électrique et se demander par quelle diablerie le courant arrive jusqu’ici. Sortir de la grotte Chauvet après avoir regardé les ancêtres vêtus de peaux dans le blanc de l’œil et se retrouver dans cette cuisine intemporelle, comme dans une scène de Kubrick. Comme dans les jeux vidéo, des choses à faire, des quêtes totalement débiles, pour gagner quoi ? Une vie supplémentaire... L’intelligence artificielle possède-t-elle une âme ? Et sommes-nous dans le même questionnement quand nous ne nous rendons pas compte que nous sommes aussi des robots ? Comme dans l’histoire de la poule et de l’œuf : qui vient en premier, l’IA ou l’être humain ? Combien y a-t-il de planètes habitables dans l’univers et de races intelligentes ? Et si on compte en plus tous les univers parallèles, on se sent de plus en plus insignifiant. En viendra-t-on à regretter le temps où la Terre était plate ? Où le soleil tournait autour de la Terre ? Les Saoudiens, dans leur projet de ville du futur, fabriquent déjà une lune artificielle. La lune que mon arrière-grand-père a connue n’est plus la même que celle que je connais. Il est possible qu’elle ne soit qu’un énorme satellite artificiel créé par une race extraterrestre. Est-ce que les extraterrestres, tout comme les intraterrestres, font partie de la simulation générale ? Est-il possible de s’évader de cette simulation ou bien le désir de s’en évader fait-il partie intégrante de celle-ci ? Est-ce que mourir, c’est sortir de la simulation ? Et comment sait-on qu’on ne parvient pas alors dans une autre, et ainsi de suite ? La raison sur laquelle nous nous appuyons n’est-elle qu’un programme, au même titre que la folie en est un ? Peut-on abattre les parois de la simulation en chantant, en criant, en hurlant, ou au contraire en se taisant profondément ? Le rêve de passe-muraille qui revient à période régulière est-il lui aussi un programme implanté ? Est-ce que si je persévère, je pourrai traverser les murs ? Est-ce qu’au moment où je laisse tomber cette idée ou ce désir, je traverse les murs sans y penser, naturellement, sans le moindre effort ? Écrire fait-il partie du programme ? L’écriture est-elle une issue ? Ou bien au contraire, l’écriture renforce-t-elle plus encore la simulation dans son ensemble ? Est-ce qu’on peut s’évader de la simulation par l’humour ? Est-ce qu’on peut devenir à un tel point indifférent à tout qu’être ou non dans une simulation n’a aucune espèce d’importance ? Est-ce que cette indifférence est programmée d’avance ? N’est-elle pas un virus ? L’humanité, victime de l’indifférence, passe de 8 milliards d’individus à une poignée de bobos nantis qui fabriquent des piscines en plein désert. Est-ce que tout est déjà dit dans Pinocchio ou les Simpsons ? Est-ce que Pinocchio et les Simpsons sont des capsules temporelles envoyées par des résistants du futur ? Est-ce qu’il suffit de ne pas dormir pour se sentir éveillé et voir la simulation dans son entièreté ? Y a-t-il des niveaux d’éveil selon le type de quêtes réussies ou pas ? Que gagne-t-on, à part des ennuis, à découvrir la supercherie magistrale ? Est-ce que la notion de complot est comme la fumée, le diable existe-t-il vraiment ? Le feu est-il une vérité ? Est-ce que le CERN honore les chèvres parce qu’en Suisse la chèvre est sacrée ? Est-ce que le portail vers l’Enfer est ouvert dans le Gothard ?|couper{180}

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Carnets | mars 2023

Idolâtres

Parvenir tout à coup dans le pays des idolâtres. Qui ne sont pas des adorateurs de l’âtre, du foyer, dans lequel on peut parfois encore suspendre un chaudron rempli de soupe, qui mijote, dans le fin fond de nos campagnes. Arrivée en terre idolâtre. Ne rien comprendre à tous ces salamalecs qui sont, le dit-on au café du coin, pour la plupart — et forte ignorance — confondus souvent avec hypocrisie, confusion liée pour sa plus grande part à la bêtise ainsi qu’aux miroirs. Idolâtres contre iconoclastes, ne pas se tenir au milieu. Le veau d’or, j’adore l’or, est-il halal ? Parce que je le veau bien, pas volée celle-ci, la vache. Arrivée en terre idolâtre. Comprendre les règles peut prendre un certain temps. Se laver les mains, se brosser les dents, ne pas cracher par terre à tout bout de champ (de chant ?), se peigner, se pommader, se farder, avec khôl (pas Émile) et faux cils, jabots de dentelles (qui est à l’origine un lieu de stockage, une poche dans l’œsophage de certains volatiles où séjourne le manger) et toute une collection de frivoles fanfreluches qui garnissent de façon légère le grand vide intersidéral des cervelles, situé entre les deux esgourdes des gourdes comme des gourdins. Il existe une grande variété d’idolâtres, mais aucun index ni corpus à ce jour n’a été tenu suffisamment à jour (depuis Rabelais) pour qu’on puisse se repérer convenablement dans l’idolâtrie en général. Il se peut même que de tous, la pire catégorie soit les idolâtres de la raison, sur lesquels la vie, quand elle touche leur front, fait un bruit de gong, ou de bol tibétain, mais mal manié par un gros bêta. Car la raison n’est-elle pas la religion à la mode, comme le bœuf le fut en des temps reculés ? Ou les tripes, quand on les cuit à Caen, ou les andouilles à Guémené (situé en Morbihan). On peut être idolâtre avec raison, ou conscience, enfin se rendre compte, mais continuer malgré tout pour ne pas devenir paria. En tout idolâtre qui s’éveille demeure un paria qui sommeille. Les idoles sont nombreuses et souvent on oublie que ce sont des idoles. On peut trouver des idoles à tous les coins de rue. Certaines sectes s’arrêtent désormais à des feux rouges, qui sont un peu semblables à des totems indiens. D’autres à des panneaux ronds comme des queues de pelle nommés STOP. L’enseigne du bordel comme celle du boucher, du magasin de pompes funèbres, autant de signes s’il en faut encore pour prouver que nous voici arrivés en terre idolâtre. Et quid de ces billets, de ces pièces dont il faut se munir pour payer son plaisir, sa viande, son cercueil ? Idolâtrer l’argent est le passe-temps des idolâtres. L’art des gens d’ici, c’est de gagner des pépètes, du flouze, du pognon, du jonc. À la sueur de leur front pour le plus grand nombre. Ce qui est complètement con, aucune humeur salée de ce style n’a jamais produit un kopeck, c’est encore une de ces foutues images dont les idolâtres se servent pour communiquer ou se niquer eux-mêmes ou les uns les autres, enfin bref entre eux. "Heu heu, je gagne ma vie à la sueur de mon front." Eh ben, si ça peut te faire plaisir, continue. On peut gagner sa vie de tant de façons ridicules qu’on n’est plus à ça près, n’est-ce pas ? L’idolâtre, pour vivre, a surtout besoin d’idoles. Et si soudain on coupait le courant, ah ! Que se passerait-il en Idolâtrie comme partout ailleurs ? Ah !|couper{180}

Technologies et Postmodernité

Carnets | mars 2023

Simulacres

En dehors des simulacres, que reste-t-il ? Possible que si on ôtait la capacité de simulacre à l’Homme, il disparaîtrait. Les gorilles se frappent la poitrine, font des mines terribles, mais la plupart du temps, ce ne sont que des simulacres. Il suffit d’un ou deux simulacres pour faire croire à une vérité. L’idée qu’en plus de tous ces simulacres, nous vivions dans une simulation, n’est-elle pas risible ? Simulacre d’information, simulacre d’élection, simulacre de bienveillance, simulacre de justice, simulacre de politesse, simulacre d’amour, simulacre d’orgasme, simulacre de plaisir, simulacre de douleur, simulacre d’ennui, simulacre d’intérêt, simulacre d’éducation, simulacre de simulacre. Il y a de la tête de mule dans le simulacre. Sans sauce gribiche. Il n’y a pas de fumée âcre sans le feu du simulacre. Ma tante, cette mule, possédait quelque part du côté de Perpignan une propriété de plusieurs acres. (J’ai souvenir de 100, ce qui donne environ 40 hectares, mais je ne suis pas plus avancé pour autant.) Un simulacre de mémoire. Un simulacre de biographie. Un simulacre d’existence. L’alacrité n’est bien souvent qu’une imitation exagérée de la joie, un simulacre censé, par sa vivacité, nous y conduire. Pour se mettre en train, il n’était pas rare qu’elle simule de façon grossière, exagérée, et en premier lieu seule devant sa glace, l’extase d’une nonne frappée par la Grâce. Il est possible d’accéder au fin mot de cette histoire en revenant sur chaque erreur, chaque mensonge, en mettant au jour tous les simulacres qui l’ont constituée. Six mulets dans un plat, ce ne peut être que des poissons, pas des ânes. Si Mu, le continent perdu, ressurgissait tout à coup, on serait bien embêté. Si mue le serpent de peau, il ne change pas d’esprit. Elle pouvait changer de peau, de poils, de plumes, simuler ainsi toute une basse-cour. Le dindon de la farce, lui, était toujours le même. "L’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise (ACRE) consiste en une exonération partielle de charges sociales, dite exonération de début d’activité, et un accompagnement pendant les premières années d’activité. Elle permet aussi à certains bénéficiaires de prétendre à d’autres formes d’aides." Simulacre d’aide, simulacre d’accompagnement, simulacre de bénéfice, simulacre de prétention, simulacre d’aides. La démagogie, ce simulacre de gouvernement des démocraties. D’un autre côté, si on change de point de vue, il n’y a pas que les singes qui simulent. Que dire des phasmes, passés maîtres dans l’art de simuler les brindilles ? Et de tout un tas d’animalcules étonnants, si on prend le temps de se munir d’un microscope, évidemment. /md>|couper{180}

Technologies et Postmodernité

Carnets | avril 2022

Notule 18

Je regarde mon compte Instagram pro, ça fait un bail que je ne poste plus rien. Sur cette plateforme aussi faut pas être dupe. Je te like tu me like etc. Mais parfois je vais jeter un œil, comme on va sortir la poubelle. Les influenceurs, ceuses... ça me la coupe. toujours pimpants, souriants pas de mèche rebelle ou alors vraiment hyper bien calculée, au petit poil. Et des bisous et des chatons et de l'amour qui déborde de partout j'avoue que j'ai un peu de mal. voir que je suis à deux doigts de dégobiller à chaque fois. Pour la peinture c'est pareil. Vais demander d'avoir l'air d'une poupée Barbie dans ma prochaine incarnation. Klosie Barbie of course. Un truc qu'il faudra que je me trouve c'est un genre de baromètre pour accrocher au mur de ce bureau. Prévoir l'humeur de chien ( pourquoi de chien d'ailleurs on se demande ) Et les élans d'amour universel aussi, on ne sait jamais. Ne sortir que lorsque l'aiguille est bien calée entre les deux. Ou la boucler aussi. Ne rien dire, rien écrire, attendre que la force magnétique m'oublie un moment.|couper{180}

réflexions sur l’art Technologies et Postmodernité

Carnets | décembre

12 décembre 2018

Le mot "algorithme" nous vient d'Al-Khwârizmî, mathématicien persan du IXᵉ siècle dont les travaux introduisirent l'algèbre en Europe. Dans les "maisons de la sagesse" de Bagdad, où se mêlaient mathématiques, astronomie et poésie, il œuvrait sous les califes abbassides. Un algorithme est cette panacée capable de résoudre une multitude de problèmes, pourvu qu'on les découpe en instances - comme on couperait les cheveux en quatre. Le verbe "résoudre" lui-même possède cette triple dimension : décider, décomposer, trouver. Cette approche rejoint la vision soufie, que j'admire chez Omar Khayyâm - à la fois astronome et poète, qui écrivait : « Au printemps, je vais quelques fois m'asseoir à la lisière d'un champ fleuri. Lorsqu'une belle jeune fille m'apporte une coupe de vin, je ne pense guère à mon salut. Si j'avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu'un chien. » La question devient alors : quel filtre appliquer à l'information ? Dans le monde de l'avoir, c'est l'ajustement aux variables du client. Dans l'art, ce fut longtemps la beauté. Dans l'être, ne devrait-ce pas être la simple justesse ? Ce qui m'amène à "readiness" - cet état de disponibilité à l'instant qui m'a toujours caractérisé. Enfant, je saluais avec empressement chaque personne croisée, jusqu'au jour où mon père me demanda si je les connaissais toutes. La réponse négative fit naître en lui une déception visible. Sur son bureau trônaient les trois singes de la sagesse - ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. Emblème s'opposant à mon empressement naturel. Notre malentendu dura longtemps, mais depuis, dans chaque regard rencontré, je perçois cette lueur mystérieuse, simiesque, et j'entends encore le rire de mon père.|couper{180}

Technologies et Postmodernité