Le but c’est quoi ?

Quels sont les buts que nous nous fixons ? Nous appartiennent-t’ils vraiment ou bien les récupérons nous par mimétisme ?

Y a t’il une différence marquée entre le besoin et le but ? Et si oui laquelle ?

Est ce que la faim nous pousse à créer des buts pour répondre au besoin de se nourrir ?

Exemple j’ai une inextinguible faim de créer, de peindre, comment vais-je m’y prendre ?

Avec brutalité avidité sauvagerie ? Afin d’atteindre à un état de satiété le plus rapidement possible, comme pourrait le faire un chien qui ne relève le mufle de sa gamelle qu’une fois celle-ci vide ?

Ou bien avec élégance, raffinement en repoussant le plus loin possible cette sensation de satiété pour conserver l’appétit le désir ?

Évidemment que je préfère la seconde solution. Je veux dire lorsque j’y pense, que je peux me projeter dans ce processus .

Mais dans les faits ce n’est pas le cas. Je fonctionne de façon impulsive dans le moment où ça me traverse.

J’ai faim je bouffe j’ai envie de dormir je m’allonge n’importe où , j’ai envie de peindre je peins.

Je vis ainsi dans une sorte de perpétuel présent et sans jamais me projeter au lendemain.

Est ce un but ? Je ne le crois pas, c’est répondre de façon plus ou moins pulsionnelle à un besoin.

Pourquoi m’en plaindrais-je cela me convient la plupart du temps. Là où ça se gâte c’est lorsqu’on me demande que fais tu ? De quoi as tu vraiment envie ? Peux tu te projeter à une semaine ? Un mois ? Dix ans ?

J’en suis incapable. Et cette incapacité devient alors un problème comme si c’était une tare voir un délit dont je devais répondre face à un tribunal …fournir des preuves etc.

Je crois que je suis malade de toutes ces idées de buts, de projets.

Mon incapacité chronique à établir des plans auxquels je puisse me tenir dans une durée est insupportable tout autant pour les autres que pour moi-même.

J’ai parfois la sensation d’un vide extrême dont la raison d’être serait la pensée d’avoir épuisé tous les buts, tous les désirs qui ne m’appartiennent d’ailleurs pas mais qui sont propres et communs à l’espèce.

À ces moments là je me retrouve avec mon pinceau en suspens incapable de décider de la moindre touche.

La journée s’écoule dans un désœuvrement magistral qui ressemble à l’état dans lequel je me retrouvais après les raclées que me filait mon paternel.

Un désœuvrement qui ressemble à une révolte toute entière repliée dans la passivité.

C’est à se cogner la tête contre les murs d’avoir encore autant de haine de ressentiment comme d’ignorance en soi. De ne jamais totalement parvenir à les surmonter.

Je suis ce gamin qui a tout épuisé de ses ressources , qui s’enfonce dans la forêt et qui ne cesse de s’y perdre en espérant toujours y parvenir à la fois par hasard et pour de bon.

Exactement la même façon que j’emploie pour peindre au hasard en espérant que quelque chose enfin s’achève.

Pour continuer

Carnets | juillet 2021

L’inaccessible tableau

Aussi éloigné que l’étoile Car ce qui compte est dans le cheminement Une fois parvenu la bêtise coule à flots La gravité d’un second tome de Cervantes La goutte de trop…|couper{180}

Carnets | juillet 2021

L’aura d’une œuvre d’art

Aujourd'hui c'est l'anniversaire de ma belle-mère, une dame de 90 ans tout rond, et nous avions rendez-vous chez une de ses filles pour partager ce moment. Toute la famille était là et chacun avait apporté des victuailles et des boissons pour célébrer l'événement. Plusieurs fois, la vieille dame s'est penchée vers moi pour me dire qu'elle ne savait pas du tout comment elle était arrivée jusqu'à cet âge avancé. 90 ans je n'arrive pas à le croire... ne cessait t'elle pas de répéter, parfois pour elle seule comme s'il fallait que ça rentre, que ce ne soit pas du domaine de l'illusion, pour que cela devienne un fait avéré. 90 ans, incroyable... mais il faut tout de même y croire. En rentrant je pensais à tous les membres de ma famille, qui furent rares à atteindre cet âge vénérable. Mes grand-parents sont partis de façon précoce . Et mes parents encore plus rapidement. En croisant le regard de la vieille dame, il y avait cette interrogation derrière les effusions de joie dont elle faisait montre. Serais je encore là pour fêter la suite ? l'année prochaine par exemple... je l'ai surprise à le penser comme à voix haute. Et puis à la hauteur de Vienne où nous devions déposer mon beau-fils, j'ai repensé à ce vide que les gens laissent aux vivants, avec lequel surtout ils doivent se débrouiller. Merci au revoir, profitant d'un feu rouge, une portière qui s'ouvre et se referme, puis le feu passe au vert et je passe la première pour m'enfiler dans la cohue, traverser ce qui reste à traverser de la ville pour me retrouver à rouler sur la RN7 en rase campagne quelques instants plus tard. C'est fou à la vitesse où les choses naissent existent et disparaissent. Et bien sur le soir commençait à tomber, et bien sur je pensais à la peinture, je pensais à mes toiles, à mes toiles après moi, encore une fois de plus. Lorsque moi aussi j'aurai disparu. Et j'ai découvert comme une sorte de réciprocité singulière soudain entre cette idée d'œuvre d'art et cette idée de vie qui traverse l'espace temps à la vitesse de l'éclair. Que laisse une œuvre derrière elle lorsque l'époque et l'espace dans lesquels elle a été conçus sont devenus étrangers à des contemporains du futur ? En allant boire le café, pour fuir une averse nous sommes monté boire le café chez le couple qui nous accueillait. Lui s'est mis à collectionner des pièces d'antiquités et il prit un grand plaisir à nous présenter celles ci qu'il enferme dans une petite vitrine. Il y avait là des bronzes, notamment une hache votive de couleur vert de gris, une anse travaillée de façon à représenter Dionysos, le visage réjouit tourné vers ce qu'on imagine avoir pu être un pot à vin qui a désormais disparut. Des petits boucs en face à face ayant connu tout un monde de marchands et de poètes de la Perse antique, un vase en albâtre dont on pouvait s'apercevoir de l'authenticité en raison des stries concentriques laissées sur ses parois translucides. Ce qui était touchant c'était les certificats d'authenticité justement qui accompagnait chacune de ces œuvres et où étaient stipulés les divers carottages, tests, et analyses menés par les experts pour attester qu'une telle provenait de -2000 avant JC, une autre 400 après... et quelques paragraphes en sus indiquant la provenance, les dimensions, le prix. Tous les dits documents signés à la main par qui de droit. C'est tout ce qui pouvait étayer, remplacer si l'on veut l'espace et le temps dont je parlais plus haut. Les œuvres quant à elles restaient scellées dans leur singularité ne laissant filtrer qu'un mince filet de familiarité possible lié à la répétition innombrable des formes et à l'histoire que chacun entretient avec elles. Soudain je pensais aussi à l'architecture en mettant la clef dans la serrure de notre home sweet home enfin, qui se construit pour mettre en valeur le vide. Et j'ai eu comme un vertige. Ce ne sont pas tant les œuvres en elle même qui révèlent quoi que ce soit sauf cette fameuse singularité. C'est ce qui a été tout autour d'elles et qui n'est plus, c'est le vide d'où elles surgissent et dont elles semblent témoigner au final. Encore une raison de plus me dis-je pour s'accrocher au hic et nunc, au moment, le reste n'étant que songe filant vers on ne sait quoi on ne sait où. Voilà ce que représente la peinture sans doute dans mon esprit enfantin et peureux, une matérialisation de l'instant présent, qui parfois s'étend, mais ce n'est pas bien grave, sur plusieurs heures mois années créant un espace sécurisé. Une sorte de barrage contre ce torrent du temps et de l'espace du monde "réel" qui nous avale et nous recrache en cendres. Une respiration qui s'élève plus ou moins courageusement contre le risque d'être la dernière, avant l'ultime calcination, la réduction en poudre, en atomes...|couper{180}

Carnets | juillet 2021

Avoir envie de ne pas avoir envie

Ouvrir les yeux dans le noir pour trouver la lumière. Oui mais il faut d’abord être certain du noir. Il ne faudrait pas un gris foncé, une sorte d’ersatz. Parce que la nature de la lumière est liée à celle du noir. Avoir envie de de pas avoir envie De choses séduisantes , fausses, déjà vues mille fois… L’étau se resserre Et moi du café pour rester les yeux bien ouverts.|couper{180}