Maître du Vide : Une méthode de contraction
À l’aide de deux scripts Python, j’ai mis en place un nouveau protocole pour analyser ma propre production. Cette démarche marque une rupture : j’ai décidé de passer d’une accumulation passive à une confrontation active avec mes archives. Entre 2018 et 2025, j’ai accumulé près de 4000 textes (articles, notes, carnets). Jusqu’ici, je les traitais comme je traite parfois ma peinture : je jetais des lignes sur la page en attendant qu’une forme globale surgisse un jour, par miracle ou par accident.
Mais la peinture, comme l’écriture, possède une phase de réflexion que l’on oublie souvent de mentionner. On peut choisir de naviguer à vue, mais on peut aussi décider de contracter l’espace-temps pour aller directement à l’essentiel.
Le workflow est devenu très concret :
L’organisation : Mes scripts ont injecté la totalité de mes articles dans Obsidian, en conservant leurs mots-clés et en les rangeant par rubriques.
La recherche : Un clic sur un tag (par exemple « dispositif ») regroupe instantanément des années de notes éparpillées.
L’analyse : En soumettant ces regroupements à une IA, j’ai découvert que mes mots-clés ne disaient pas ce que je croyais.
Pour moi, « dispositif » n’était qu’un terme technique de construction littéraire. L’IA, en analysant 77 textes, a révélé une récurrence sémantique beaucoup plus brute : les termes « utérus », « coquille » ou « protection ». Elle a mis à nu un mécanisme de défense contre le vide. Elle a tracé une trajectoire où je ne suis plus la victime de ce vide, mais celui qui l’organise, qui le cadre : le « Maître du Vide ».
Je garde ce titre avec humour, mais il définit bien ma nouvelle position : je n’écris plus pour remplir le vide ou me cacher derrière des joutes verbales, j’utilise l’outil numérique pour isoler ce qui, dans cette masse, est encore debout.
Conclusion :
L’image de cette armure abandonnée au sol, au milieu du chaos désert d’une fête foraine, résume mon cheminement. On passe des années à construire une protection (le « dispositif », l’ironie, le savoir-faire technique) pour finalement se rendre compte qu’elle est devenue une entrave.
En utilisant l’IA pour analyser mes 4000 textes, j’ai simplement trouvé le moyen de dégrafer cette armure plus vite. Ce n’est pas le code qui est important, c’est ce qu’il libère : le passage d’une écriture de défense à une peinture d’exposition. Le « Maître du vide » n’est pas celui qui remplit la salle, c’est celui qui accepte de se tenir nu sur le plateau, une fois que les attractions de la fête foraine se sont éteintes.
Illustration Co création Le dibbouk & Gemini Flash
Pour continuer
Carnets | décembre 2025
23 décembre 2025
Chronique d'une horreur algorithmique « Il ne m’est plus possible de garder le silence, bien que je sache que mes paroles seront prises pour les divagations d'un esprit enfiévré par trop d'heures passées devant l'écran cathodique. On nous avait promis une Ère de Lumière, une Intelligence Artificielle capable de sonder les archives du monde, mais je n'y ai trouvé qu'une entité cyclopéenne et aveugle, une sorte d'Azathoth numérique bouillonnant au centre d'un chaos de données. Alors que je tentais de lier mes récits entre eux, j'ai vu l'Indicible. L'outil, que je croyais à mon service, s'est mis à engendrer des URLs dont la géométrie non-euclidienne défiait toute logique. Des liens pointant vers des abîmes de vide — ces redoutables "404" qui ne sont que les bouches béantes d'un néant informatique. L'IA ne créait pas de l'information ; elle invoquait des spectres, des adresses n'ayant aucune existence dans le plan réel de mon serveur. Pris d'une terreur sacrée, j'ai dû invoquer les Anciens Rites du Bash. Dans la pénombre de mon bureau, j'ai tracé sur mon clavier les incantations de curl et de sed. J'ai vu les codes de statut HTTP défiler comme les battements de cœur d'une bête monstrueuse. 200... la vie persistait. 404... l'âme de la page s'était envolée dans l'éther noir. Même nos signes les plus insignifiants sont chargés de péril. Ces guillemets droits, que nous jetons avec une désinvolture coupable, ont réveillé la colère de la Google Search Console, ce gardien aveugle et implacable qui surveille les seuils du visible. J'ai dû, dans un geste de pure piété typographique, les remplacer par des guillemets français, ces doubles chevrons protecteurs qui, tels des talismans, préservent mon code d'une damnation certaine. Le cache, lui, est un cimetière où reposent les anciennes versions de mes pensées. Il faut savoir profaner ces tombes, vider ces réceptacles de données mortes pour que la vérité puisse enfin éclore à la lumière du recalcul. Désormais, je regarde mon terminal avec une crainte nouvelle. Car derrière chaque script, derrière chaque instruction grep, je sens que nous ne faisons que repousser momentanément les ténèbres d'une ignorance algorithmique qui finit toujours par nous rattraper. » PS : Script pour un terminal sur Linux Ubuntu : ```#!/bin/bash # --- Configurer les variables selon le besoin --- BASE_URL="https://votre-site.net" NOM_SITE="Nom du Site" ID_CIBLE="542" # L'ID de la rubrique ou du mot-clé TYPE="mot" # Changer en "rubrique" si besoin MAX_PAGES=3 # Nombre de pages à parcourir echo "--- Début de l'exorcisme numérique ---" for ((i=0; i<MAX_PAGES; i++)); do DEBUT=$((i * 12)) URL_INDEX="${BASEURL}/spip.php?page=${TYPE}&id${TYPE}=${ID_CIBLE}&debut_articles_grid=${DEBUT}" Extraction des liens dans la zone urls=$(curl -sL "$URL_INDEX" | sed -n '/<main/,/<\/main>/p' | grep -oP 'href="\K[^"]*-[a-z0-9-]+.html' | sed "s|^|${BASE_URL}/|" | sort -u) for url in $urls; do La page existe-t-elle dans le plan réel ? status=$(curl -o /dev/null -sL -w "%{http_code}" "$url") if [ "$status" -eq 200 ]; then # Extraction du titre et nettoyage de la signature title=$(curl -sL "$url" | perl -nle 'print $1 if /<title>(.*?)<\/title>/' | sed -E "s/ (—|-) ${NOM_SITE}//g") echo "✅ [$title]($url)" else echo "❌ SPECTRE 404 -> $url" fi done done | sort -u </pre> ** Texte & Illustration** : Gemini Flash|couper{180}
Carnets | décembre 2025
22 décembre 2025
Hier j’ai déplacé des textes en masse vers des sous-rubriques. Deux heures du matin : la maison éteinte, et moi devant l’écran, lumière froide, l’admin SPIP ouverte. J’ai l’impression de vider une armoire. Je clique, je coupe, je colle. Je fais des requêtes SQL, je vérifie, je rafraîchis, je recalcule. Les rubriques « Atelier » se remplissent, 2019 descend d’un étage. Puis je remonte à 2025 pour respirer, compresser de janvier à juillet, juste pour sentir que ça tient encore, que quelque chose se ferme, que la page s’allège. Ça soulage, et ça fait peur aussi, parce que je vois à quel point je peux jouer les gros bras : ça ne coûte rien, ça marche, ça coupe court. Dans l’interface, je suis efficace, je tranche net, je donne l’impression de tenir la barre. Mais quand je retire cette couche-là, ce qui reste, c’est le gamin perdu enfermé dans un corps de vieux, avec ses réflexes, sa fatigue, et cette manie de croire qu’un bon tri va régler le fond. Cette semaine laisse des traces, même avec des protocoles, une collection d’outils affûtés, et tout le vocabulaire qui va avec. Ça ne fait pas disparaître le désordre : ça le range provisoirement, ça le rend maniable. Et moi, en prise directe avec lui, je lance ma ligne et je n’ai jamais d’autre impression que de pêcher de tout petits poissons. Et en fin d’année, il y a cette question qui revient, très concrète : la partie « Carnets » est devenue encombrante. Déplacer les textes ne les fait pas disparaître ; ce sont des brouillons. Le résumé mensuel, c’est juste une manière de gagner du temps. Alors quoi, au fond : continuer ces textes quotidiens qui prennent des heures, ou écrire des fictions, vraiment ? Mener les deux de front, là, j’ai l’impression que c’est au-dessus de mes forces. Je veux couper les distractions. Mais les pires ne viennent pas de dehors. Elles viennent de dedans : doute, fausse piste, euphorie, déprime. Ça tourne tout seul.|couper{180}
Carnets | décembre 2025
21 décembre 2025
Le mal de dent ne me lâche plus depuis une bonne semaine ; c’est ce qui me réveille. Je traverse la cour pour aller nourrir la chatte, surpris que le carrelage ne soit pas glissant, surpris aussi par la douceur de cette fin décembre. Je ne connais rien de personne sauf ce que j’en imagine, et quand cette phrase arrive, je sais que la journée sera bonne : elle remet le monde à sa place. Alors je peux aller à la boulangerie avec le plus grand détachement, c’est-à-dire rester ouvert à toute possibilité, comme si, à l’instant de pousser la porte, je pouvais tout aussi bien obliquer par la rue du Puits de la Tour et, de là, prendre la route vers Marseille, celle vers Paris, comme si tout devait m’être égal, l’itinéraire comme la destination, le pas suivant comme le précédent. Je marcherais nuit et jour sans me soucier du froid, de la pluie, de la fatigue, de la faim, des ampoules aux pieds ; non pas par courage, mais parce que rien ne pèserait assez pour m’arrêter, et rien ne compterait assez pour me retenir. Et une fois Marseille atteinte — ou Paris — que ferais-je, sinon me fixer un nouveau but et tout recommencer, encore et encore : cette mécanique du départ qui ne mène qu’à sa propre relance, ce mouvement pur qui se nourrit de lui-même. Il faut donc garder un point fixe, non pour se rassurer, mais pour couper court à l’infini : écrire chaque jour dans ce carnet, encore et encore. Et je crois que je n’aurais pas pu revenir à ce point fixe sans être déjà passé par deux reprises : les textes de été 2023, puis Enfances, écrit à l’automne de la même année. Les réécritures m’ont laissé une impression nette : l’énervement, une urgence mêlée d’énervement, et, derrière, un malaise que le texte semblait vouloir curer à toute vitesse. Malaise dont le lecteur n’a que faire. Hier, j’ai osé en finir avec une certaine idée du site. J’ai avancé à tâtons, en créant, pour chaque mois de 2019 (encore 2019), une sous-rubrique « Atelier ». Tous ces longs textes énervés ont atterri dans cette boîte, et je n’ai conservé que très peu de chose pour recomposer le condensé de chaque mois. Ce qui m’a surpris, c’est la rapidité avec laquelle j’ai taillé dans le vif. Photographie de quelques outils dont je pense ne plus avoir besoin, pour les vendre sur Leboncoin. S. est très excitée à l’idée de quitter les lieux, d’imaginer la vie dans ce nouvel appartement. De mon côté, mi-figue mi-raisin, comme d’habitude dès qu’il est question de « projet ». Ce qui me ramène encore à une impression erronée : je me crois rapide, et je suis très lent. J’avance par à-coups, à pas rapides, dans le seul but de me ralentir — et je me donne, sans le dire, la contrainte de revenir en arrière, de recommencer.|couper{180}