Autofiction et Introspection

Habiter n’est pas impossible, mais c’est un vrai problème pour le narrateur. Il occupe des lieux sans jamais vraiment y entrer. Maison, atelier, villes traversées : ils existent, mais restent comme à distance. Il imagine que peindre ou écrire l’aidera à habiter autrement, à investir un espace intérieur qui compenserait l’absence d’ancrage. Mais cela demeure du côté du fantasme. Le réel, lui, continue de glisser, indifférent.

C’est de ce décalage que naissent ces fragments. Écrire pour traverser l’évidence, pour examiner ce qui ne s’examine pas. Écrire comme tentative d’habiter, sans garantie d’y parvenir.

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Carnets | octobre 2025

26 octobre 2025

Reçu M. et C. hier soir. Bonne soirée. À peine ont-ils franchi la porte que M. et S. se ruent sur le sujet des petits-enfants. C., à qui je demande des nouvelles de sa santé, m’arrête dans la cuisine : il me parle de sa chimio et m’annonce qu’en fin de compte il y renonce. « Quatre-vingts ans, je n’ai plus envie d’y retourner », me dit-il, et, pour se rassurer sans doute, ajoute que si ça repart, le temps que la maladie se propage à nouveau, ce sera sans doute lent, se rassure-t-il à voix haute. Je ne sais quoi répondre. La maladie et la mort sont pour moi des sujets tellement terrifiants que je les expédie presque aussitôt dans l’indicible. J’arrive assez bien, je crois, à les écrire, mais non à en parler dans le vif. Cela me ramène encore une fois à Henri-Mondor, Créteil. Cette salle d’attente où j’attendais des nouvelles de l’opération de mon père : l’ablation d’une partie de son pancréas. Je me souviens à tel point de cet instant que je pourrais décrire cette pièce dans les moindres détails ainsi que les expressions des visages qui la peuplaient. Une famille était là, une famille turque : une vieille femme et ses enfants. Il y avait des larmes, des corps prostrés, des mains serrées dont les jointures blanchies formaient comme de petites montagnes enneigées. Il y avait le rythme des sanglots, des reniflements, des raclements de semelles sur le carrelage ; la ponctuation d’un néon défaillant ; les bips lointains des appareils ; le va-et-vient du personnel derrière une porte coulissante, peut-être une cloison de plastique dont chaque froissement était à la fois l’espoir d’avoir des nouvelles et la déception de n’en pas obtenir. C’est là que s’est évanoui quelque chose que je croyais être la réalité. J’étais arrivé en imaginant une opération bénigne — je voulais surtout continuer à y croire —, que mon père ressortirait tel qu’il avait toujours été dans mon esprit, indestructible, hélas. Or non. Ce jour-là, en le découvrant vulnérable comme tous les autres, je me suis retrouvé face à ma propre fragilité : ce que je nommais « la réalité » devait tenir à cela. En relisant, je suis tenté d’ajouter ce « hélas » après indestructible, parce que, s’il avait continué de l’être, il est possible que j’aie moi-même continué à me laisser leurrer par ce mot. En ce sens, puis-je encore me leurrer sur cette notion d’indestructibilité, à plus de cinquante ans ? Je ne le crois pas. C’était sans doute l’enfant que j’avais été, battu, qui prit alors le relais de l’homme, cet enfant qui voyait le sujet de sa haine risquer de s’évanouir. Et ainsi, voyant cette hargne disparaître en même temps que son sujet, sa cause, cette sensation d’être soudain dans une ignorance totale du monde, de la vie, de soi-même, dans la carcasse d’un homme de cinquante ans. Je revois le jeune médecin m’annoncer le peu de chances qu’avait mon père de s’en sortir. Il débitait lentement ses mots, d’un ton clinique. Quel âge pouvait-il avoir ? Moins de quarante ans. Qui était mon père pour lui ? Un patient comme un autre ; et moi, un interlocuteur parmi des centaines, sans doute. Je comprenais que cette froideur était une manière de se protéger derrière la blouse blanche, qu’il était difficile d’adopter pour chacun une attitude vraiment personnalisée. Je le comprenais parfaitement à ce moment-là ; mais, la haine n’ayant soudain plus d’objet à l’annonce de cette nouvelle, je sentais que ce jeune médecin, puis le corps médical tout entier, l’administration hospitalière, la ville de Créteil elle-même, pourraient bien devenir le nouvel objet de cette haine. M. et C. sont repartis vers vingt deux heures. Et, oui, nous passâmes une bonne soirée. Ces réflexions, notamment au sujet du bonheur et de la liberté, me reviennent. C. est issu d’une famille de huit enfants ;Il dû assez vite travailler chez Rhône-Poulenc. Il me raconte qu’il aurait pu poursuivre des études ; des bourses lui étaient accessibles, bon élève qu’il était ; mais le trousseau, le départ pour Saint-Étienne, devenir instituteur, auraient coûté trop cher à la famille. Seul l’aîné put aller un peu plus loin. Jusqu'à Lyon. Il n’en fut pas malheureux, dit-il ; il accepta d’aller travailler sans rechigner, ne perdit pas son temps en ressentiments ni en rancœurs, pas davantage en jalousies. Au contraire, il suivit des cours du soir, tenta de s’élever à force d’efforts et d’obstination. Il monta ainsi en grade et ne s’en glorifie pas pour autant, car c’était, tout compte fait, le seul choix possible à ce moment-là. Les choses étaient ainsi : pas d’autre choix qu’accepter le « c’est comme ça ». Nous évoquâmes alors des moments communs où quelque chose se passait entre collègues de travail : ces petits moments partagés, parfois même des solidarités inattendues entre « petites gens », que j’ai moi-même eu la chance de connaître. La vie était différente, c’est certain : on ne cherchait pas tant à être libre et heureux qu’à assumer des responsabilités et à être en paix, à conserver un cœur léger. En l’écoutant raconter, je ne pouvais m’empêcher de penser à quel point ma génération, comme tant d’autres, avait pu être bernée par le déversement de grands idéaux, déjà produit par une élite à la solde des fabricants de réalité. Cette fabrication d’une réalité, inscrite au fronton des mairies — « Liberté, Égalité, Fraternité » —, avait subi tant de modifications subtiles, imperceptibles, tant d’amendements inaperçus, qu’elle s’en était trouvée totalement changée en à peine quelques décennies. On nous rabattait encore les oreilles avec de grands mots ; ils tournaient pourtant de plus en plus à vide, ne voulaient plus dire grand-chose pour les nouvelles générations, qui, comme il se doit, étaient tenues — et maintenues — dans l’ignorance, au nom de l’éternelle antienne : « n’a pas su, n’a pas souffert ». Prêt d'un livre à C. « Soleil Hopi ». Collection Terres Humaines Décision de se rendre au cinéma tous les quatre une fois par mois, le mardi ? Peut-être à Annonay aussi pour festival premier film. Anniversaire de M. 30/08.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

25 octobre 2025

Le code et la composition des textes se répondent : qu’une seule classe CSS soit modifiée et tout l’édifice, silencieusement, se déplace ; la marge d’un paragraphe s’agrandit, une grille se resserre, un contraste s’atténue, et me voilà forcé de remonter, de balise en balise, le fil du HTML, comme on remonte une généalogie pour comprendre de quelle branche vient l’inclinaison de la bouche. J’ai parfois l’impression de me réfugier dans le code par crainte — crainte de quoi, je l’ignore — tout comme jadis je me réfugiais dans l’écriture pour ne pas regarder en face ce que la peinture, d’un seul aplat franc, m’aurait montré. Est-ce bien de la peur ? C’est sans doute plus proche du désir : je veux quelque chose et je redoute de l’obtenir, car une fois le désir satisfait, il faudrait lui trouver un successeur, et l’on n’ose pas toujours priver sa journée de ce moteur si commode. J’ai essayé d’écarter le désir ; l’effet fut imprévu et, disons-le, déprimant : le plus attristant fut la disparition de l’humour, car sans désir on perd aussi cette ironie légère qui sauve la gravité du sérieux ; ne restait qu’une peur nue, embarrassante, à laquelle je ne savais que faire, faute même d’un désir de lui résister. Alors je me surprenais à singer l’énergie — taper du pied, trépigner, m’emporter — comme on imite un dialecte sans en comprendre la syntaxe ; j’ai vu tant de gens s’en tirer à grand renfort de trépignements que ce pastiche de résolution est devenu une langue commune. À quoi bon, me dis-je à présent ; mieux vaut, dans ce marasme, chercher à faire quelque chose de la peur, lui prêter attention plutôt que de la fuir, lui demander de parler au lieu de la réduire au silence. Il faut que je me souvienne aussi que je « détestais » le code, et que je ne puis plus le dire avec la même bonne foi : je ne l’aime ni ne le hais ; il m’est indifférent comme tout outil auquel la crainte avait prêté un affect. De quoi avais-je peur ? De me tromper, de casser le site — bagatelles si on les mesure à la misère du monde, tracas tout au plus, puisqu’il faudra comprendre d’où vient la panne et la réparer : juste cela. Le code, au fond, est reposant : binaire, il marche ou ne marche pas, et c’est peut-être pour cela qu’on s’y reclus, parce qu’on n’y attend pas de surprise autre que celle, très franche, du succès ou de l’erreur. La peinture, l’écriture, elles, réservent de vraies surprises, dont la beauté même inquiète. Et pourtant je me fais encore des idées : il n’y a peut-être rien à attendre de rien, et la sécheresse même de l’énoncé lui donne sa chance de vérité. Alors je continue, pas à pas, à examiner ces dépendances qui font qu’un détail dérange l’ensemble, et j’essaie, plutôt que d’ajouter de l’agitation à l’agitation, de mettre un peu d’ordre — non pour « représenter » quoi que ce soit, mais pour réparer l’écart entre ce que je cherche et ce qui, sans bruit, cherche en moi.|couper{180}

Autofiction et Introspection Technologies et Postmodernité

Carnets | octobre 2025

24 octobre 2025

Il est des heures où, sans rien décider encore et comme si l’âme, laissant s’ouvrir d’elle-même une porte que l’habitude tenait close, revenait vers ce penchant si ancien que je n’ai jamais su lui donner un autre nom que celui, si simple et pourtant si chargé dans ma mémoire, de ne rien représenter ; et ce mot, qui pour d’autres n’est qu’un terme d’atelier, prend chez moi une résonance singulière, parce que mon père, représentant de son état, avait inscrit dans notre langage domestique une ambiguïté dont je me défiais, de sorte qu’à chaque fois que j’entendais « représenter » je ne pouvais m’empêcher d’y entendre à la fois la politesse des apparences et la fatigue d’un métier, comme si, au moment même où je refusais d’orner mes toiles ou mes pages d’une image trop prompte, je refusais aussi, sans l’avouer, la répétition d’un geste filial ; car il m’a semblé bien souvent que nous n’héritons pas tant d’objets ou d’idéaux que d’une manière d’habiter les mots, et que c’est cela, plus encore que les biens, qui pèse, et que j’appellerais volontiers un anti-héritage, non point par esprit de défi mais parce que ce qui nous est transmis, si l’on n’y prend garde, nous représente à notre place. Lorsque vint le moment de vider la maison, je crus d’abord que la décision serait aisée, qu’il suffirait de séparer ce qui devait être gardé de ce qui pouvait être donné, mais chaque chose — l’horloge qui battait un temps que nous n’entendrions plus, les nappes repassées dont l’odeur était celle de dimanches éteints, les livres aux marges où survivait la patience d’un regard — se mit à parler d’une voix douce et têtue, si bien qu’il m’était également impossible de garder et de jeter, et que même la charité, qui eût pourtant délivré ces objets de mon scrupule, me paraissait encore une manière de les désavouer ; mon frère prit ce qu’il jugea nécessaire (et j’en fus soulagé comme on l’est, les jours d’orage, d’un air soudain respirable), mais le reste, quoique vendu, partagé, dispersé, ne cessa pas de demeurer en moi, non comme un remords mais comme cette poussière claire qu’on découvre le lendemain sur un meuble qu’on croyait propre, signe que le temps, plus que la possession, a laissé son manteau sur nous. Et peut-être ce refus de suivre une voie tracée, que j’aurais voulu croire libérateur, n’était-il que la forme la plus obstinée d’une fidélité dissimulée, car il arrive que se détourner de la route des pères soit encore se régler sur elle, avec l’exactitude revêche de ceux qui, pour ne pas faire comme tout le monde, s’astreignent plus durement que lui aux commandements de l’esprit ; on oublie d’ailleurs combien le cadre, le décor, l’air du temps, qui semblent n’être rien, instruisent nos humeurs plus sûrement que notre corps même, et qu’une pensée que nous croyons nôtre n’est bien souvent qu’une alliance de souvenirs et de rencontres, ces coïncidences qu’un regard trop pressé tient pour du hasard alors qu’elles sont, au contraire, les rendez-vous pris par des causes anciennes. De là vient qu’on rejette un jour, sans savoir pourquoi, le plus proche, le semblable, comme si la ressemblance nous exposait à une lumière trop crue, et qu’on cherche, dans l’extérieur, l’étranger, non pas une nouveauté véritable mais le détour grâce auquel on supportera de se retrouver ; si l’on connaissait le secret de ce mouvement qui nous emporte, peut-être en ririons-nous, mais d’un rire qui aurait la pureté d’une évidence enfin reconnue, tandis que celui qui vient après coup, quand tout est déjà joué, n’est qu’un sourire de convenance, tardif et mince, où l’on sent qu’on a voulu être léger pour ne pas avoir à être juste. Je m’étais jusqu’ici arrêté au seul mot « représenter », comme si, l’ayant éclairé, j’avais pour autant dissipé ce que sa famille de termes — « commerce », « échange » — traînait d’ombres autour de lui ; or ces mots-là, dans notre maison, n’étaient pas des abstractions d’école mais des choses presque matérielles, avec leur odeur (âcre de disputes rentrées, sucrée de réconciliations intéressées), leur grain (rude sur la langue quand il fallait les prononcer), et la honte bue jusqu’à la lie d’avoir vu ce que représenter, commercer, échanger pouvaient produire de violence minuscule et quotidienne, de mesquinerie patiente autant que de brusques injonctions, si bien qu’ils me sont restés à jamais en travers, non que je n’aie dû, plus d’une fois, par simple nécessité de vivre, endosser ces rôles dont je savais d’avance qu’ils me siéraient mal — le col me serrait, la manche me battait, je marchais de travers — au point qu’à la longue la place devenait intenable, parce que je ne savais plus lequel, du représentant, du commerçant ou de moi-même, tenait la parole et lequel ne faisait que prêter sa voix ; et pourtant, si j’essaie de comprendre sans me défausser ce malaise persistant, je reconnais qu’il tient moins à une moralité que je me serais donnée qu’à une manière, propre au temps où j’ai vécu, d’imaginer la « chose vraie » comme une marchandise rare qu’on arracherait d’autant plus jalousement au monde que tant d’autres choses, partout, se révélaient fausses, et que mon refus, qui se croyait désintéressé, n’était peut-être que la forme scrupuleuse d’un même commerce avec l’illusion, de sorte que tout mon effort aura consisté non à condamner ces mots mais à me soustraire à leur circulation — représenter, commercer, échanger — où l’on finit, si l’on n’y prend garde, par être à son tour représenté, marchandé, échangé à la place de soi-même.|couper{180}

Ateliers d’écriture Autofiction et Introspection Narration et Expérimentation

Carnets | octobre 2025

22 octobre 2025

Vu la vidéo de F. B. hier soir et j’ai écrit sept petits textes d’affilée que j’ai rangés pour l’instant dans la rubrique Ateliers. Encore une fois, il faut que je parle de l’intention. Quelle intention était à cet instant la plus forte ? Me débarrasser une première fois de l’exercice, puis, comme je le fais souvent, y revenir, comme on dit que l’assassin revient toujours sur les lieux de son crime. Ensuite, lever la main pour dire « je sais » alors qu’il y a probablement de grandes chances que ce soit tout le contraire. Dans ce cas, l’intention, encore une fois, d’apparaître parfaitement ridicule. Il se peut aussi que cela ait un rapport avec le mot sept comme avec le mot rêves. Étant donné que j’ai vraiment cette sensation pénible d’être dans une suite incessante de rêves s’emboîtant les uns dans les autres comme des poupées russes. À chaque fois, l’illusion d’entrer dans un nouveau rêve me procure une sorte de joie très vite contrariée par l’étroitesse que propose la lucidité quant à l’étroitesse des parois de ce nouveau décor onirique. C’est-à-dire que, plus le rêve avance, plus il faut se courber, se mettre à quatre pattes dans les passages intermédiaires, sortes de boyaux nauséabonds, qui souvent inspirent l’effroi, parce qu’on imagine facilement qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’impasses. Et qu’on peut y rester bloqué durant des années. Cela, pour l’avoir déjà vu ou vécu, peut-être dix, cent, mille fois. La solution est alors d’obéir à l’injonction inconsciente en premier lieu : écrire ce qui vient, dicté par cette urgence loufoque. Ensuite, il se peut que le publier soit pour s’en débarrasser, comme on retourne un tableau contre un mur pour ne plus le voir, se laver les yeux. À ce stade, je ne pense pas que l’envie de lever un doigt, d’être bon élève, soit le propos. J’ai toujours eu une sorte de haine viscérale pour les « bons élèves ». Ensuite, je me suis demandé : une fois qu’on a cette matière plein les mains, qu’en fait-on ? Et là, j’ai interverti l’ordre des textes, pour commencer. Je ne sais pas du tout où ça mène. Sans doute à une impression de mouvement qui se dissipera devant une autre, comme d’habitude. Pour en revenir au code il suffisait d'aller regarder les statistiques et logs sur le site de l'hébergeur. Pas difficile de comprendre qu'un robot référenceur s'était baladé dans tout le site et avait touché 4100 articles en une journée. La solution était donc de le tempérer en ajoutant deux lignes de code sur le robot.txt :User-agent : AhrefsBot Crawl-delay : 5 à suivre...|couper{180}

Ateliers d’écriture Autofiction et Introspection resonance rêves

Carnets | octobre 2025

21 octobre 2025

J’ai tenté de saisir les premières images hypnagogiques surgissant derrière mes paupières, mais le produit anesthésique m’a pris de vitesse ; au moment même où j’essayais de tirer parti de la mauvaise posture dans laquelle je me trouvais, je crois l’avoir juste effleuré et puis plus rien, noir total — ou plutôt blanc total —, car les lumières que je fixais à cet instant précis étaient totalement aveuglantes. Dommage. J’aurais aimé voir apparaître les falaises d’Étretat. Il paraîtrait qu’elles, ainsi que tout le calcaire de la côte environnante, sont constitués de fossiles végétaux et animaux, peut-être même de fossiles remontant à bien au-delà de ce que nous savons reconnaître à présent comme des fossiles « classiques ». Mais la science ne peut pas trouver ce qu’elle est incapable d’imaginer. Les faits, rien que les faits, toujours les faits, et qui vont dans le sens d’un narratif bétonné depuis… la naissance de la science. Quand je me suis réveillé, il y avait un plafond crème au-dessus de ma tête, un plafond assez laid, si toutefois on peut émettre des avis esthétiques à l’hôpital. Et pourquoi ne le pourrait-on pas, comme dans les toilettes turques d’une pizzeria, au demeurant fameuse, de la rue Franklin à Lyon. Dégueulasse, ce décor, m’étais-je ainsi surpris à penser tout haut après avoir savouré une des meilleures pizzas de ma vie. Vie qui est ainsi faite : le pire et le meilleur se côtoyant sans cesse. Il paraît aussi — je l’ai lu dans une chronique de jenesaisplusoù — que l’univers n’a pas seulement de l’humour, il serait aussi conscient. Et à part ça, à part le plafond crème, les toilettes à la turque et l’univers, je ne trouve guère d’autre sujet pour continuer ce billet déjà très ennuyeux. Mais si on ne pointe pas l’ennui, comment savoir qu’il s’agit d’ennui ? Encore une journée d’ennui traversée. Mais ce dont je suis à peu près certain, c’est qu’il n’y a pas que l’univers dans la vie ; je ne sais même plus où j’ai relevé cette phrase, il est impératif que je me donne à fond dans l’entraînement au rêve lucide, car j’ai bien peur que l’Alzheimer me guette. Toutefois, en fin de journée, un peu de code ne peut pas faire de mal. Mon hébergeur m’avertit par email qu’ils ont bloqué 1 200 requêtes vers mon site et qu’il faut que je fasse de toute urgence quelque chose, sinon, il se pourrait que mon site subisse des ralentissements, voire qu’il soit mis hors service… Une simple histoire de cache et des boucles un peu plus resserrées feront sans doute l’affaire, et, pour le moment, je n’obéirai pas à l’injonction de m’abonner à leur service Webcloud. Surtout qu’il y a de ça plusieurs mois, ne les avais-je pas interrogés sur la possibilité qu’ils puissent bloquer ainsi le site s’ils voyaient des requêtes affluer ? Que nenni, m’avaient-ils répondu… Donc je subodore presque une sorte de stratégie mercantile de leur part en envoyant ce genre de missive, et je préfère retrousser les manches, soulever le capot, me salir les mains, seul.|couper{180}

Autofiction et Introspection Technologies et Postmodernité

Carnets | octobre 2025

20 octobre 2025

L’accumulation des rêves lucides de ces derniers jours semble corrélée à la nourriture, notamment aux soupes maison que je confectionne. En effet, certains légumes riches en vitamine B6, tels que la carotte et la pomme de terre, en contiennent. Intéressant aussi de constater que, pour ne rien perdre des vertus de la B6, il est préférable de mixer la soupe, ce que je fais naturellement. À noter aussi la consommation de légumineuses comme les lentilles et les pois chiches, et, en ce moment, des châtaignes. Mais c’est certainement le poulet qui en contient le plus (environ 0,5 à 0,6 mg de B6 pour 100 g cuits, soit près d’un tiers des besoins journaliers ; le foie de volaille monte encore plus haut). Tout ceci découlant des ennuis dentaires, évidemment. Un mal pour un bien, comme on dit. Je note aussi que, au-delà de la B6, certaines épices que j’utilise ces temps-ci — romarin, sauge, curcuma — pourraient jouer un rôle d’arrière-plan : leurs composés ralentiraient légèrement la dégradation de l’acétylcholine (rien à voir avec la force d’une galantamine, mais assez pour compter au quotidien). Et puis il y a les œufs, riches en choline, ce précurseur de l’acétylcholine qui nourrit la machinerie elle-même. Disons que la cuisine fait sa part : elle ne “provoque” pas la lucidité, mais elle prépare le terrain, et le terrain aide — surtout quand je combine ça avec mes routines de réveil léger et de prise de notes au matin. J’écris ces lignes dans la nuit du dix-neuf au vingt octobre ; je n’aurai pas la possibilité d’écrire beaucoup demain puisque je dois me rendre à l’hôpital pour une intervention (bénigne). Ensuite, si tout va bien, le prochain rendez-vous médical sera au mois de décembre, ce qui me laissera un peu de répit. Je réfléchis à tous ces textes et à la forme, aux formes dans lesquelles les organiser. Aujourd’hui, j’ai pu améliorer le flipbook — Livre à feuilleter — associé aux différents mots-clés du site. Notamment la table des matières, qui désormais fonctionne correctement, bien que la mise en page ne me satisfasse pas encore complètement. Lorsque je vois l’étendue de mon ignorance en matière d’outils informatiques, il arrive que je me déprime. Plus je découvre, plus je m’enfonce dans l’inconnu : à la fois excitant et déprimant, car l’horloge tourne ; je me dis : pourquoi ne t’es-tu pas intéressé à tout cela plus tôt ? Et pourtant c’est un plaisir, toujours, presque charnel, de se gratter les croûtes. Je crois que ce fonctionnement remonte à l’origine du monde — ou de moi —, ce qui est globalement une sorte de pléonasme. Cela fait aussi réfléchir sur la notion de monde et de moi. Ce qui, en outre, permet certaines perspectives inédites sur la manière de déplacer le point d’assemblage, c’est-à-dire cette soi-disant séparation entre le monde et soi. De là, s’engouffrer dans la fiction corps et âme. Car, ainsi que le dit Conrad, l’imagination peut aller beaucoup plus loin dans la réflexion que la réflexion seule. Cependant, il est terriblement difficile de s’y engouffrer comme je le voudrais. L’ennemi principal est le dérangement : ne jamais être certain d’avoir quelques heures de répit devant soi. La contingence est résolument l’ennemie numéro un. Et, en même temps que j’écris ces mots, je sens bien que c’est faux : ce n’est pas ainsi, de manière binaire, que se produit l’événement. La contrainte permet aussi de mieux utiliser le temps, une fois certain que nous n’en avons pas beaucoup : une fenêtre spatio-temporelle pour s’engouffrer dans l’onirisme de tout son saoul, rêver, écrire des fictions. illustration Salvador Dali, le bateau papillon|couper{180}

Autofiction et Introspection imaginaire Temporalité et Ruptures

Carnets | octobre 2025

19 octobre 2025

assumer la rétractation Par curiosité, je suis allé voir l’étymologie de « suffoquer » : du latin suffocare, sub- (« sous ») et focare (« exposer à la chaleur », de focus). D’abord « étouffer par la fumée », puis « priver d’air », enfin « troubler, oppresser ». Cela m’a ramené à l’enfance, aux jeudis et dimanches trop longs où nous braquions le soleil dans une loupe pour voir l’herbe grésiller, noircir, s’embraser, pendant que l’ennui commençait, lui, à suffoquer. De cette petite combustion à une plus vaste, le mécanisme tient : une chaleur se concentre, l’air se raréfie, puis vient l’inflammation. Peut-être que l’empilement des taxes et des injustices, cette convergence obstinée sur les plus vulnérables, produira le même effet et fera lever une parole qui dise clairement non. Par « peuple », j’entends l’ensemble dispersé des vies ordinaires aux contraintes communes, non un bloc mythique. Reste à savoir si cet ensemble tient encore : je vois surtout des communautés, des chapelles qui s’oxygènent entre elles et s’étouffent entre elles, comme un budget sans recettes d’air. À ce point, on voit bien ce qu’il manque : non une manne providentielle, mais faire quelque chose qui change quelque chose. « Travailler » se glisse aussitôt, et ne dit rien ; produire — de l’usage, du commun — semblerait moins vain. Aussitôt écrits, ces mots m’appauvrissent encore. L’individualisme qui me gouverne — comme, je le crains, nous tous — m’inciterait à tout raturer, à feindre une douleur, un regret, un remords, pour tromper le même vieil ennemi. Et voilà : une parole qui s’avance en sachant qu’elle retiendra son souffle. Tenir l'appel Par curiosité, je suis allé voir l’étymologie de « suffoquer » : du latin suffocare, « étouffer par la fumée », puis « priver d’air », enfin « oppresser ». L’image m’a renvoyé à l’enfance : la loupe, l’herbe qui grésille, le point de chaleur qui concentre la lumière jusqu’à l’embrasement, et l’ennui qui, un instant, suffoque. Le mécanisme est simple : la chaleur se concentre, l’air se raréfie, vient l’inflammation. Aujourd’hui, l’accumulation des taxes et des injustices concentre à son tour : l’iniquité converge sur les plus vulnérables. Peut-être cela suffira-t-il à faire lever une parole qui dise non. Par « peuple », j’appelle l’ensemble dispersé des vies ordinaires, pas un bloc mythique. Tient-il encore ? Je vois surtout des chapelles, antagonistes, qui ferment l’air comme on ferme un budget sans recettes. Ce qui manque n’est pas la manne : c’est faire quelque chose qui ouvre l’oxygène commun. « Travailler » ne répond pas à la faille ; produire — de la valeur d’usage, des lieux, des liens — y répond mieux. Écrire ces mots m’expose à leur appauvrissement, je le sais, mais je ne les rature pas. Qu’ils fassent au moins ce qu’ils disent : rouvrir un peu d’air, assez pour un nous ténu qui ne s’étouffe pas.|couper{180}

Autofiction et Introspection dispositif Narration et Expérimentation

Carnets | octobre 2025

18 octobre 2025

Éprouver physiquement la vitesse du temps me terrifie autant qu’elle me soulage. Au bout du compte il faut accepter de crever, de quitter cette cuvette de deuil, d’être devenu quantité négligeable : une statistique dans la gueule noire des algorithmes qui nous forent la cervelle, le cœur, l’âme, et nous apprennent à nous dévaluer. Nous ne sommes plus tout à fait humains mais des laissés-pour-compte d’une minorité assoiffée d’argent, de pouvoir et de sexe. Ce qui m’accable, c’est de voir les plus proches ne rien percevoir de l’avachissement général ; ils n’en saisissent qu’un fragment, souvent par égoïsme. Persiste alors l’image fantôme des manuels : démocratie, République, récit lisse fabriqué par une élite d’argent ou de naissance. Le pillage commencé à la chute de l’Empire romain n’a jamais cessé ; il avance masqué, affublé de slogans ternes, mal rejoué sur la scène qu’on appelle encore l’État, l’Assemblée, le Sénat, le Gouvernement. Je me suis éloigné, j’ai creusé l’écart, puis je me suis terré. Non par héroïsme : par manque d’insouciance. Pour éviter les querelles et la douleur d’une vigilance que j’appelle, parfois, lucidité. Qu’y a-t-il de plus attristant que voir ce que d’autres ne voient pas et vivre parmi des somnambules ? Cela vous fait aussitôt douter de l’être vous-même. La nuit, les rêves insistent : je marche dans des ruines avec un groupe ; des impasses, des couloirs bouchés ; quelqu’un mène et c’est peut-être moi, un moi qui sait s’orienter. Nous traversons la cour vide d’un camp d’extermination ; ce moi onirique nous fait grimper sur un âne gigantesque qui refuse d’avancer, puis se décide, nous emporte vers un portail. La vitesse devient ahurissante, comme si nous allions passer de l’autre côté du monde. Tout s’arrête. Silence, obscurité. La moindre lueur, fût-elle d’une imbécillité affligeante, nous attire et nous ramène. Au réveil, il reste une phrase : tant pis, au moins aurons-nous essayé.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

17 octobre 2025

Je suis reparti en apnée. Ce que j'écris ne me semble pas partageable, voilà le problème. Partageable vers les réseaux, ces endroits où l'on partage justement tout, absolument tout, sauf peut-être l'essentiel. Pourtant je m'acharne à tenir le rythme, à publier tous les jours. Comme un gardon qui gigote au bout d'une ligne — l'hameçon s'enfonçant un peu plus dans la mâchoire à chaque tentative sans succès. Sans succès, c'est-à-dire quoi ? Je ne le sais pas. Trouver une belle phrase, un bon texte ? Non, je ne crois pas que ça puisse se résumer ainsi. C'est autre chose, de plus caché. Essayer d'en finir avec la honte peut-être. Boire la coupe jusqu'à la lie, comme on dit dans les livres, même si personne ne boit plus de coupes depuis belle lurette. On boit des canettes, des gobelets en carton, des bouteilles en plastique. Mais l'expression demeure, tenace comme un vieux meuble qu'on n'arrive pas à jeter. Hier j'ai pensé que j'en avais terminé avec ce long cycle d'autofiction. Qu'il ne faudrait plus rien ajouter. Relire, découper dans le vif, réécrire une version lisible par quelqu'un qui s'intéresserait à l'autofiction — c'est-à-dire trois personnes en France, dont deux sont des parents. Mais sitôt que je me suis mis à penser à la somme de travail que j'avais devant moi, j'ai écrit deux petites fictions. Comme pour m'enfuir encore. Je ne sais faire que ça, je crois. Hier après-midi nous nous rendions sur le parking pour apporter la Twingo au contrôle technique. Ma femme conduisait. Mon regard s'est posé sur des feuilles jaunes qui contrastaient très fort avec l'asphalte gris. Trois feuilles exactement, disposées en triangle isocèle. J'ai pensé que cette émotion que je ressentais soudain à leur vision semblait m'emporter vers un autre monde. Un monde où les feuilles mortes auraient de l'importance, où leur arrangement géométrique signifierait quelque chose. J'imagine qu'à un degré particulier de solitude, de désespérance, il est assez aisé de trouver des portails vers d'autres mondes. Et même, au besoin, de s'en créer un. Par la fiction, ainsi recréer une réalité plus acceptable sans doute. Sauf que je ne sais pas ce que peut être une réalité « plus acceptable ». Je vis ici et maintenant, j'ai des cartes en main — un brelan de huit, pour être précis — je ne peux changer la donne en cours de route, me suis-je dit. Mais je philosophe beaucoup trop. Je fuis certainement encore quelque chose en m'égarant dans la philosophie, en essayant de chercher je ne sais quelles « raisons ». Les raisons ne sont jamais là où on les cherche. Elles sont derrière, sur le côté, parfois carrément dans l'autre pièce en train de faire la vaisselle. Non, il faut revenir en arrière, à ces feuilles jaunes sur l'asphalte gris. Se dire : tiens, c'est vraiment chouette, ces couleurs avec le gris. Et puis pas plus. Pas plus de ce côté-là. Mais de l'autre, va savoir. Toujours des idées qui fourmillent. Pas spécialement bonnes, mais on ne va quand même pas se plaindre. Les mauvaises idées mènent parfois quelque part, c'est leur principal avantage sur les bonnes idées qui, elles, savent déjà où elles vont et deviennent vite ennuyeuses. Parfois les idées ne sont d'ailleurs pas des idées, mais de l'information qui parvient à sa cervelle avec un temps de retard. Qui entre en gare neuronale et synaptique avec un énorme nuage de fumée, un crissement de métal et une odeur de feu. Une gare du XIXe siècle. Certainement pas une de ces gares modernes dans lesquelles on n'entend plus que des retards annoncés via des voix mellifluées. Des voix qui s'excusent poliment de vous faire perdre votre temps, comme si les excuses pouvaient compenser l'attente sur un quai glacé. Comme idées, par exemple : s'intéresser aux noms propres. Non qu'ils soient plus propres que les autres — en réalité beaucoup sont sales, porteurs d'histoires douteuses, de collaborations, de trahisons, de faillites. Les patronymes, que n'importe quel substantif, mais qu'ils veuillent bien indiquer, pas leur sonorité déjà, un personnage. Tout comme le nom d'une rue, d'un lieu peut tant être porteur de faits divers, de fiction. Ou plus généralement de dégoût. Et le dégoût est aussi une matière comme les autres. On peut le travailler, le façonner, lui donner une forme. Le dégoût a sa noblesse, sa texture propre. Il est même plus intéressant que l'admiration, sentiment trop lisse, trop satisfait de lui-même. Ce qui produit deux pistes : la description des lieux et la description de personnages. Il faudrait accumuler des exemples, des bons et des mauvais. Pour à la fin, soupirer, souffler, râler, se dire : ne suivons pas tous ces exemples, ne suivons plus rien du tout, allons seul de l'avant. Encore que lorsqu'on est désorienté, aller de l'avant soit une gageure. Il pourrait tout autant aller en arrière que ça n'y changerait pas grand-chose. Dans le noir complet, toutes les directions se valent. Peut-être que l'expression « aller de l'avant » fait semblant d'indiquer une « bonne » direction, et qu'elle n'est, à l'instar de toutes les autres directions, qu'une direction. Ni bonne ni mauvaise. Juste une direction avec des obstacles différents. J'ai écrit un texte sur la description des paysages il y a longtemps. Je crois que c'était en 1988 ou 89. Il était dans un de mes carnets évidemment, le premier jet. Un carnet à couverture verte, si ma mémoire est bonne, mais elle ne l'est jamais vraiment. La couverture pouvait tout aussi bien être bleue, rouge, ou ne pas exister du tout. J'ai certainement reparlé de cette affaire plusieurs fois — pas le genre à lâcher si facilement une idée ou une information. Les idées sont comme des chiens qu'on promène : elles reviennent constamment, redemandent de l'attention, vous fixent avec insistance jusqu'à ce que vous vous en occupiez à nouveau. Mais le problème, c'est de retrouver l'information. On a beau installer des rubriques, des groupes de mots, des mots-clés, elle s'échappe. Elle se faufile entre les catégories comme un poisson entre les mailles d'un filet. Cela vaudrait certainement le coup de s'interroger vraiment sur le pourquoi les choses nous échappent à ce point qu'on ne les retrouve jamais lorsqu'on en a besoin. Et qu'elles resurgissent comme par miracle lorsqu'on n'en a plus du tout l'intérêt. C'est une loi physique sans doute. La loi de Murphy appliquée à la mémoire. Ou peut-être une forme de malédiction douce, supportable, qui nous accompagne depuis toujours. On pourrait l'appeler : syndrome de la clé retrouvée après avoir fait refaire toutes les serrures. Ou : principe de la recette de cuisine qui réapparaît juste après avoir commandé le plat au restaurant. Je viens de relire ces pages. Elles ne valent probablement pas grand-chose. Mais elles existent, c'est déjà ça. Elles occupent de l'espace, du papier, des pixels, de la mémoire vive. Elles font partie du monde, comme les feuilles jaunes sur l'asphalte gris. Elles témoignent d'un passage, d'une tentative, d'une respiration entre deux apnées. Demain je recommencerai. Pas parce que c'est une bonne idée, mais parce que je ne sais pas faire autrement. Le gardon continuera de gigoter au bout de sa ligne. L'hameçon s'enfoncera un peu plus. Et peut-être qu'un jour, par accident, par fatigue ou par chance, quelque chose d'intéressant finira par sortir de tout ça. En attendant, je note : penser à retrouver ce texte de 1988 sur les paysages. Chercher dans le carnet vert. Ou bleu. Ou rouge. illustration trouvée sur le site actiroute.com, par hasard. « La couleur jaune peut indiquer un marquage temporaire, un arrêt ou un stationnement interdit. »|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

16 octobre 2025

Il regarde, et ce n’est jamais le même monde. Ce qu’il a vu hier n’est pas ce qu’il voit aujourd’hui, ni ce qu’il verra demain. Trois personnes devant la même fenêtre produiraient trois paysages. Pourtant la vitre reste froide, la paume râpe le rebord, et la tasse revient toujours au même point sur la soucoupe. Quand tout passe, que reste-t-il de lui ? Non un moi sauf, plutôt le corps rendu à la matière. Les mots tristesse, joie, douleur, plaisir ne lui appartiennent pas : des états le traversent puis se retirent. L’énigme demeure. Il serre les dents. La colère entre par les épaules, pèse sur les mains. Le point est minuscule, une aspérité qui grippe. Avant, il croit à la scène. Après, il sait. Parfois un bruit suffit : les cuillères qui s’entrechoquent, la tasse qui touche la soucoupe. Il joue les dupes : souffle régulier, gestes répétés. Le fil blanc se montre à la lumière. Inutile de tirer. Elle arrive. Café. Sujet : matières et collages. Elle choisit une photographie. Il dit : prends les masses, les lignes, les formes. Au fusain, bouillie. Collage, plus sec. Puis : « Oublie tout. Peins le moment. » Elle fabrique sa palette, peint. Ils regardent sans parler. Il pose la tasse sur la soucoupe, exactement au point. Là où, tout à l’heure, il avait cru que la place bougeait.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | octobre 2025

15 octobre 2025

L’épicerie a un nouveau toit. Nous pensons revendre la maison qui nous coûte trop cher, trouver un appartement, peut-être dans Vienne. Pas de tristesse. Avoir un projet tient. Nous avons commencé à nous projeter. Les toiles rangées dans l’atelier. Les meubles. Les livres de mon père à l’étage et au grenier. Toutes ces choses dont il faudra se défaire. Repartir sur une nouvelle tranche de vie. Ce ne sera pas la première fois. Il me faudra une solution pour les livres. Personne ne nous aidera à déménager. A. et L. ont prévenu : « Ne comptez pas sur nous. » Sur la route, en longeant la Saône, je me suis dit qu’il y avait plus de morts que de vivants. Vertige. Puis la concession que S. a achetée à Caluire. J’essaie d’imaginer ma tombe, S. venant déposer un pot de fleurs de temps à autre. J’ai toujours pensé partir le premier. Ce serait trop triste autrement. Les silhouettes sur les trottoirs marchent vers leur fin, et moi, déjà un peu mort, je regarde sans rien dire. La route grésille. Klaxons, appels de phares, nervosité. Un 4x4 arrive par la gauche, plaque boueuse, antenne tordue, clignotant oublié, il se rabat au dernier moment sous les flèches du rétrécissement. À Feyzin, palissades et tags criards sur ciel gris. Plus haut, Arkema. À Pierre-Bénite, on évite les œufs. On dit que les femmes enceintes s’inquiètent. Produits partout : air, sols, bouffe, jusque dans le lait maternel. On continue, parce que la chaîne tourne et que certains y tiennent leur mesure. La colère baisse. À Caluire, je revois la dalle vide et, posé de travers, un pot de chrysanthèmes. Livraison d'un toit en pièces détachées La colline qui prie La colline qui travaille Sinon, en rentrant j'ai pu régler le bug de la mise à jour 4.4.6 de SPIP. J'ai crée un patch, envoyé au forum spip dev ( Patrick.B.) Titre : [statistiques] table_objet_sql() reçoit un array dans referenceurs.php → fatal PHP 8 Contexte SPIP : x.y.z (prod) PHP : 8.x Plugins noyau : statistiques (version livrée avec x.y.z) Plugins : statsobjets 2.1.0, referer_spam 1.2.1 Hébergeur/OS : … Reproduction Activer Statistiques et StatsObjets. Aller dans : Activités → Statistiques → Liens entrants. Avec certains objets passés par l’interface, l’erreur survient. Résultat obtenu table_objet_sql() : Argument #1 ($type) must be of type string, array given …/ecrire/base/objets.php:1074 appelé depuis …/plugins-dist/statistiques/inc/referenceurs.php:191 Résultat attendu Affichage normal des référents. Analyse referenceurs.php::referes() peut recevoir $objets sous forme de tableau (extraction depuis spip_referers_objets ou appels externes). La boucle foreach ($objets as $objet) envoie ensuite un élément potentiellement tableau à table_objet_sql($objet), qui attend une chaîne. Correctif proposé (défensif) Extraire proprement la colonne objet depuis sql_allfetsel. Aplatir/normaliser $objets en tableau de chaînes. Passer chaque $objet par objet_type() avant table_objet_sql(). Diff minimal sur plugins-dist/statistiques/inc/referenceurs.php : --- a/plugins-dist/statistiques/inc/referenceurs.php +++ b/plugins-dist/statistiques/inc/referenceurs.php @@ function referes(string $referermd5, $objets = null, string $serveur = '') : string { if ($stats_objets) { if ($objets = sql_allfetsel('DISTINCT objet', 'spip_referers_objets')) { $objets_par_defaut = array_values($objets) ; } } if ($stats_objets) { if ($tmp = sql_allfetsel('DISTINCT objet', 'spip_referers_objets')) { // extraire colonne 'objet', nettoyer et dédupliquer $liste = array_column($tmp, 'objet') ; $liste = array_filter(array_map('strval', $liste)) ; $liste = array_values(array_unique($liste)) ; $objets_par_defaut = $liste ; } } if (sql_fetsel('*', 'spip_visites_articles', '', '', '', '0,1')) { $objets_par_defaut[] = 'article' ; // (pas de déduplication ici) $objets_par_defaut = array_values(array_unique($objets_par_defaut)) ; } @@ elseif (is_array($objets)) { // laisser tel quel } elseif (is_array($objets)) { // aplatir d’éventuels sous-tableaux $flat = [] ; foreach ($objets as $o) { $flat[] = is_array($o) ? reset($o) : $o ; } $objets = array_values(array_unique(array_filter(array_map('strval', $flat)))) ; } @@ foreach ($objets as $objet) { $table_objet_sql = table_objet_sql($objet) ; foreach ($objets as $objet) { if (is_array($objet)) { $objet = reset($objet) ; } $objet = objet_type($objet) ; $table_objet_sql = table_objet_sql($objet) ; $id_table_objet = id_table_objet($objet) ; Remarque front/squelettes (optionnel) Dans prive/squelettes/contenu/stats_referers.html, on peut aussi normaliser côté gabarit pour éviter de passer un tableau : #SETobjet_norm,#ENVobjet|table_valeur0,#ENVobjet … utiliser #GET{objet_norm} à la place de #ENV{objet} … Mais le correctif robuste est côté PHP.|couper{180}

Autofiction et Introspection La mort

Carnets | octobre 2025

14 octobre 2025

Pas grand-chose à dire. Mon cousin C. est mort hier en pleine conversation téléphonique. Il avait 66 ans. La littérature, l'écriture paraîssent tellement futiles soudain. Comme si j'étais en colère de ne pas l'avoir mieux connu. Combien de personnes ainsi n'ai-je pas « mieux connues »... 10h départ vers Lyon, nous allons voir E. puis ce sera le retour chez le médecin. Et il faut prendre des dispositions pour l'opération du 20/10. Encore des frais. Des frais de partout. Une hémorragie. Et tout à l'heure en prenant ma douche : « rendez à César ce qui appartient à César ». Ce qui soudain ce traduit par une bouffée d'oxygène. Oui, après tout l'argent, tout ce système, cette prison, on y est parce qu'on le veut bien non ? Donc revenir à de vieux slogans qui ont fait leur preuve jadis, Ne pas se plaindre de n'avoir pas d'argent, plutôt s'en réjouir : cela permet, parfois, de penser à autre chose. M.T.P avec un ton que je ne saurais qualifier vraiment, était-il ironique, doctoral, hautain, culotté ? :— Tu parles tout de même souvent d'argent. C'est drôle ce sont souvent ceux qui en ont qui remarquent ce genre de chose. Voilà ce sera tout pour aujourd'hui. Honte de tout ce matin et idée de tout flanquer dans une archive, de passer à toute autre chose, la poterie peut-être..|couper{180}

Autofiction et Introspection