Narration et Expérimentation
Il ne s’agissait pas d’inventer des histoires, mais de chercher ce que la narration permet encore d’ouvrir. Ces textes n’ont pas toujours de personnages, ni de dénouement, ni même de tension narrative classique. Ils cherchent une manière de dire autrement.
Parfois cela passe par une voix intérieure décrochée du réel. Parfois par des ruptures de ton, des changements de format, des fragments qui tiennent sans structure. Parfois encore, c’est la langue elle-même qui se met à vaciller : on interroge ce qu’un "je" peut encore dire, ou ce qu’un "tu" fait au lecteur.
Ce mot-clé regroupe des formes où la narration devient elle-même une expérience : pas un outil pour faire passer un contenu, mais un lieu où quelque chose se tente. Une voix, une distance, un silence, une fatigue, une colère, un rien — tout peut faire récit, si l’on accepte de perdre un peu les repères.
Il n’y a pas d’esthétique fixe ici, seulement cette volonté de creuser : que peut encore un texte, quand on ne lui impose plus d’être un récit, mais qu’on le laisse chercher sa propre forme ?
articles associés
Carnets | mars 2023
Continuité de mots
À partir d’un même lieu, une continuité de mots. Haricots verts, poulailler, porte, oseille, cerises, cerisier, poirier, cerises aigres, la bêche, le râteau, le parterre, l’allée, le jardin. Le petit mur, le champ, le lait, le pot au lait, la ferme, le soir, la tombée de la nuit, la peur. Les bûches, les rondins, les stères, la cheminée, le feu, les livres, le bureau, les pipes, le bois, la forêt. Sylvestre. L’escalier, le premier étage, l’étage, la cave, le grenier, les pièces, le salon, la cuisine, la chambre des enfants, la chambre des parents, l’armoire, la commode, le plancher, la moquette, les tapis, le linoléum, le carrelage. La salle de bains. La douche, la baignoire, l’armoire de la salle de bain, la pierre ponce, le gant de toilette, la serviette de bain. Le chauffe-eau. Le radiateur électrique. Le confort. Le vestibule. La penderie. Les monstres. La tonnelle, les branches, le couteau, l’épluchage, l’arc, la corde, la flèche, l’indien. La chambre à air de camion, les ciseaux de couture, le holster, la bouée, l’étang, le garage des Renards, l’odeur d’essence. Le jeudi, les jeux, le copain, le stylo, le blé, les crocodiles dans la fosse, les flashs, le vélo, la liberté. Les carrières, le trou, la grotte, creuser, s’enfouir, le noir, la terre, sous terre, souterrain, galeries, la Chine. Le ciel, l’horizon, la colline, le champ, l’espace, la route, le temps. Les cosses, les petits pois, le raisin, la salade, l’ortie, la soupe, le poivre, la nappe, la toile cirée, la gazinière, l’évier, la passoire, la crème à récurer, la paille de fer, la louche, la lèchefrite, le four, le poulet rôti du dimanche, la peau du lapin, la patte porte-bonheur. Le clapier, les fanes, la grille, le sang, l’œil. Le fumier, les vers, les lombrics, les trous dans le couvercle, la pêche, la canne, le lancer, le fil, la plombée, la bourriche, le Cher, le gardon, l’ablette, l’asticot, les galets, la rivière, les haies, les vaches, le taureau, la pluie, l’herbe mouillée, les cuissardes, le moulinet, la cuillère, la mouche, les nanas, les perches arc-en-ciel, le menu fretin, la belle prise, l’anguille, la carpe, le brochet. Le vernis, l’odeur du vernis, la tête des brochets, des trophées. L’instituteur, la blouse grise, le sérieux, la barbe, les lunettes, la règle en fer, la règle de grammaire, la règle d’orthographe, la règle à calcul, la baignoire qui se vide, le robinet qui coule, les devoirs, l’absence, la faute, la punition, l’odeur de craie, l’encrier, la plume sergent-major, le pupitre, la case. Les marronniers, le préau, la cour de récréation, la bille, le calot, les filles, les gendarmes, les doryphores, en rang par deux, le porte-manteau, le tableau noir, le coucou qui chante, le corbeau qui passe, l’hirondelle qui revient. Le chemin de l’école, le pont du Cher, le bourg, la gare, le canal, le pont au-dessus du canal, le Crédit Agricole, l’église, le bistrot, la boulangerie, le bureau de tabac, les bonbons, les roudoudous, le réglisse, l’argent de poche, le partage, l’injustice, le vol, les mensonges, la bagarre, les pauvres, le Cluzeau, Thierry la Fronde, Robin des Bois. Les gendarmes et les voleurs, les cow-boys et les indiens, la cabane, le refuge, les arbres, la forêt, les champignons, l’humus, les gouttes qui s’égouttent, les branches qui craquent, les biches, les sangliers. L’école buissonnière. À partir d’un même lieu, une continuité de mots.|couper{180}
Carnets | mars 2023
Singer
La machine à coudre était une Singer. Aucun souvenir précis de son arrivée dans l’atelier. Les tout premiers souvenirs doivent se situer vers 1965-66, après la mort de Charles Brunet, mon aïeul. Le salon du rez-de-chaussée avait été transformé en atelier de couture. Au début, ma mère façonnait, comme sa propre mère, des cravates pour une entreprise parisienne. Une activité à domicile. À la Varenne, l’appartement comptait trois pièces. L’une servait d’atelier de couture et de chambre pour ma grand-mère estonienne, Valentine. Un nuage de fumée y flottait en permanence. Elle fumait des « disques bleus ». La cigarette lui avait éraillé la voix. Elle confectionnait ses cravates, cigarette au coin des lèvres, sans cesser de travailler. Le bruit de la machine à coudre Singer résonne encore. Le pied appuyé sur la grande pédale, ma mère coud des robes de mariée. L’atelier a pris de l’envergure, elle a même embauché quelques femmes du village pour les finitions, qu’elles réalisent chez elles. Je revois les mannequins dans l’atelier, habillés comme des mariées. Certains avec tête, d’autres sans. Combien sont-ils ? Deux ou trois ? J’hésite. Je regarde vers la porte qui sépare l’atelier de la vieille cuisine : deux sûrement, et un autre dans l’angle opposé, plus indistinct, car l’endroit est plus sombre. Ce qui est certain, c’est cette impression de mouvement continu, ce bruit de la machine, comme un battement régulier qui rythmait nos journées. Il y avait aussi l’odeur du tabac froid, celle des tissus, des patrons épinglés, des épaulettes qui traînaient sur le sol. À droite de l’atelier, une porte menait au bureau-bibliothèque de mon père. Une odeur de livres, de bois, et de feu de cheminée. Mais en observant une vieille photo de la maison, je me demande si cette porte ne donnait pas plutôt sur un petit couloir, menant à une entrée que nous n’utilisions plus. C’est toujours le même problème avec les souvenirs : ils se mélangent, se superposent, s’inventent. Comment être vraiment sûr d’un souvenir ? Même en imaginant revenir dans cette grande pièce, rien ne garantit que je n’invente pas complètement cette scène. Peut-être faudrait-il tout noter depuis le début pour ne rien oublier. Mais même là, que faire de ces notes ? Les relirait-on ? Les feuilleterait-on ? Tout finirait dans un grenier, une cave, ou pire, à la déchetterie. À moins d’un livre, évidemment. Mais même un livre... Plus j’ai envie de tout oublier, plus les souvenirs reviennent. Que je ressente le besoin de les écrire est déjà suspect. Que j’aie envie d’en faire un livre l’est encore plus. Il doit se passer quelque chose avec le désir et le renoncement en ce moment, qui m’échappe. Je suis étonné de ne pas avoir repris une cigarette depuis le 27 février. Parfois, le désir de fumer surgit, mais aussitôt, j’y renonce sans effort. Peut-être que l’écriture pourrait suivre le même chemin. Éprouver l’envie d’écrire, mais y renoncer, et en ressentir une légère fierté.|couper{180}
Carnets | février 2023
ombres
Le premier mot qui vient au réveil est ombre, mais comme je l'entends phonétiquement, je ne sais s'il s'agit d'un pluriel ou d'un singulier. S'il est à considérer comme une ombre en particulier ou les ombres de façon générale. Et simultanément cette injonction qui accompagne le mot, quelque chose que l'on pourrait traduire par étudier l'ombre ou encore épuiser les ombres. De plus forte impression qu'il s'agit d'une sorte de présent qui m'est donné ainsi dès le réveil, en même temps qu'une sorte de test. Peut-être que si je botte en touche, si je ne prends pas cette injonction comme il se doit je risque gros. Gros, l'adjectif propose aussitôt différentes pistes de naufrage ensuite parmi lesquelles, la folie, le suicide, la perte irrémédiable de mon âme. Ce qui peut sembler de prime abord exagéré, voire ridicule si la raison l'analyse. Mais tout à fait logique sur le plan de l'intuition. Il me faut absolument tirer cette histoire d'ombre au clair si j'ose dire. Qu'est-ce que l'ombre ? D'abord les faits. (Ou encore ce qu'il est convenu d'en dire.) L'ombre est un phénomène optique qui se produit lorsqu'un objet bloque la lumière provenant d'une source de lumière. L'ombre est créée par l'absence de lumière dans la zone où elle est bloquée par l'objet. Elle est généralement perçue comme une zone plus sombre sur le sol ou sur une autre surface. L'ombre peut varier en forme et en taille en fonction de la distance de l'objet par rapport à la source de lumière et de l'angle sous lequel la lumière frappe l'objet. Lorsque la source de lumière est proche de l'objet, l'ombre sera plus petite et plus dense, tandis qu'elle sera plus grande et plus douce lorsque la source de lumière est éloignée. Outre son aspect physique, l'ombre peut également avoir des connotations symboliques et culturelles dans différentes traditions et croyances. Par exemple, dans certaines cultures, l'ombre peut représenter la peur, le mystère, la solitude ou la mort. Dans d'autres cultures, l'ombre peut représenter la sécurité, la protection ou le refuge. En résumé, l'ombre est un phénomène optique qui peut être interprété de différentes manières selon les contextes culturels et symboliques. Comment qualifier l'ombre ? Est-il suffisant de nommer l'ombre sans la qualifier ? Et, dans ce cas, quel qualificatif utiliser ? Une liste de mots pour qualifier l'ombre s'avère peut-être utile. Ceux qui sans effort, par exemple, viennent sont : Contrastées Douces Estompées Sombres Obscures Mystérieuses Foncées Sinistres Éclipsées Étouffées Enveloppantes Ténébreuses Trompeuses Effrayantes Irréelles Menaçantes Étranges Démoniaques Fantomatiques Vaporeuses Évanescentes Floues Brouillées L'ombre comme personnage en littérature ? Le Horla de Maupassant vient en premier, ou encore certains récits d’Edgar Allan Poe. Mais peut-être que je confonds ombre et double... Essayons de retrouver d'autres récits où l'ombre joue le rôle de personnage, voire du personnage principal. L'Ombre du vent est un roman de Carlos Ruiz Zafón publié en 2001. Il est considéré comme l'un des meilleurs romans espagnols de la dernière décennie et a été traduit dans plus de 40 langues. L'histoire se déroule à Barcelone, en Espagne, et suit un jeune garçon nommé Daniel qui découvre une bibliothèque secrète appelée le Cimetière des Livres Oubliés. Là, il tombe amoureux d'un livre appelé L'Ombre du Vent écrit par un auteur nommé Julian Carax. Peu de temps après, il est contacté par une mystérieuse figure appelée l’Ombre, qui semble le suivre partout. Au fil de son enquête, Daniel découvre que Carax a été impliqué dans une série de meurtres et de mystères qui ont eu lieu à Barcelone au début du XXe siècle. L'Ombre apparaît comme un personnage central dans cette intrigue mêlée de romance, de mystère, de magie, de suspense et de littérature. Évidemment je comprends pourquoi ce mot ombre surgit ce matin. Mon polar ne se déroule-t-il pas à Barcelone en grande partie ? N'ai-je pas utilisé le patronyme du Quichotte pour mon tueur ? Patati patata... l'inconscient est un farceur. Pourtant une chose à dire : je n'ai pas lu ce roman de Carlos Ruiz Zafón. Je le découvre ce matin en effectuant une recherche Google. Ce qui entraîne que l'on n’a pas d’idée vraiment nouvelle en décidant simplement qu’elle le soit. Ce qui entraîne qu’avant de s’attaquer à un roman, il serait intéressant de savoir de quel(s) thème(s) on va parler, puis d’aller jeter un coup d’œil sur ce qui a déjà été fait dans tel ou tel domaine. C’est beaucoup moins grisant que de partir direct sur la page blanche, mais si au bout du compte ça évite de flanquer 300 pages à la corbeille… peser le pour et le contre. Un peu d’humour ne fait pas de mal pour trouver la porte de sortie. Saint-Exupéry aussi parle d’ombre dans Le Petit Prince (ce roi qui ne peut se déplacer sans son ombre). Jules Verne dans son Voyage dans la Lune (les ombres des voyageurs apparaissent puis disparaissent). L’Ombre du corps, une nouvelle de Julio Cortázar : un homme se réveille un matin avec une ombre qui ne lui appartient pas. Cette ombre appartient à un homme mort, mais il ne sait pas comment il a pu l’obtenir. L’homme se rend compte qu’il peut contrôler l’ombre en la manipulant avec ses mains, et il en devient obsédé. Il passe des heures à jouer avec elle, jusqu’à ce qu’elle prenne vie et commence à l’attaquer. Ce conte est un exemple de l’utilisation symbolique de l’ombre dans la littérature. Il joue avec les idées de réalité et d’irréalité et questionne les limites entre la vie et la mort. L’ombre y représente les aspects sombres de la personnalité de l’homme, ainsi que ses désirs et ses peurs inconscients. Ce texte surréaliste a été largement salué pour son imagination et son usage de la symbolique. Il reste un récit marquant. Les Ombres est un roman de l’auteur australien Tim Winton publié en 2008. Il se concentre sur la vie d’une famille dans une petite ville côtière en Australie. Les personnages cherchent à trouver leur place dans le monde et à faire face aux défis de l’existence. Thèmes abordés : famille, identité, survie, acceptation de soi. Enfin, des passages entiers, une atmosphère, dont je me souviens et qui appartient à la plupart des ouvrages de Virginia Woolf, notamment Orlando et Les Vagues, me reviennent. Ai-je fait le job ? Je n’en sais rien. Mais j’ai aussi une vie, je ne peux pas accorder trop de temps à l’ombre ce matin. On verra si dans la journée d’autres choses me viennent. Ou un autre jour. Ou peut-être rien.|couper{180}
Carnets | 2023
Le point de vue
réecriture Je te le dis, tu n’es pas obligé de garder le même point de vue — non pas parce que tu serais plus libre que les autres, mais parce que rester au même te colle au carton d’identité, aux paluches encrées, à la photo de zombi dépressif qui te range dans la case des opinions, et c’est de là que tu tires la cassette numéro 13 (Paris, 1995, c’est écrit au dos), tu lances la bande et ça râcle, on entend Alonso Quichano parler de Gilda qui se croyait gentille, bien sous tout, cordiale — non, pas gentille, collée à son portrait d’elle-même comme tout le monde —, et lui qui grossit le trait, qui dit qu’elle mange, marche, travaille, baise cordiale, et puis le bus qui ne la loupe pas (le destin ne loupe pas, répète la bande), et toi tu te demandes si la lettre sert encore, si l’épistolaire fait polar ou seulement écran, et Fred rit, mains tachées de peinture, il dit qu’il retire le superflu — non pas le superflu, l’essentiel peut-être, il ne sait plus —, le JB fait un cercle ambré sur la table, Frances s’est levée vers la cuisine (tu l’entends, tasse contre l’évier), elle demande Hannah, Fred esquive, alors tu balances la suite : un carton de vieilles cassettes, une vieille dame, peut-être la tante, la police qui a fait des doubles, vingt femmes entre les années 90 et 2000 (tu le dis et tu retires aussitôt ta phrase, non pas pour l’atténuer, pour la tenir sans effet), et Fred qui siffle 30 000 — tu pourrais tuer pour ça, dit-il en plaisantant, puis il se retient, puis il rit quand même, et toi tu continues parce que changer de point de vue ne guérit rien, ça déplace seulement : Gilda sans soupçon, la cave et le grenier jamais ouverts, le solde de tout compte coché en bas, tu lui as tout dit d’un coup pour lui montrer qu’on peut se tromper de point de vue sur quelqu’un, mais trop tard, et ce trop tard c’est déjà la voix de la bande qui grésille, qui insiste, non pas comprendre, tenir, non pas accuser, regarder comment le mot cordiale fait façade jusqu’à la dernière seconde, et pendant que tu parles, Fred remet la bouteille sur le rond humide, la bande claque, le moteur s’arrête, il ne reste qu’une tache d’ambre qui s’élargit sur la table. Illustration Sans titre 2024, PB|couper{180}
Carnets | 2023
Le lecteur
Je te le dis, tu entends Borges sur la route — non pas une leçon, une fêlure dans la voix du poste — et tout s’ouvre : chaque lecteur lit ce qu’il peut, chaque écrivain écrit ce qu’il peut, c’est l’accord minimum pour ne pas tomber, et pourtant l’abîme vient quand même, il vient par la page qui n’est plus la même, par la main qui change en la tenant ; tu te dis qu’un seul livre, relu, peut devenir galaxie (âge après âge), et que ce que tu appelles “but” n’est qu’hypothèse en marche, non pas destination, ramifications qui mangent la carte jusqu’à ce que La Havane, Quetta, Sonora ne fassent plus que varier l’orthographe du désir ; tu conduis, les bandes blanches défilent (non pas preuve de mouvement, métronome de l’hésitation), puis l’atelier, la feuille, l’autoportrait : on croit se voir, on se lit seulement, et l’on se lit différemment chaque fois, tu le sais, tu le sais depuis ce singe dactylographe qui finit par écrire le Quichotte — non pas Cervantès retrouvé, Pierre Ménard encore, c’est-à-dire personne ; ce que tu voudrais dire, tu le sais ? non, tu crois le savoir et cette croyance suffit pour tendre la phrase comme on tend une corde entre deux arbres, juste assez pour ne pas s’asseoir par terre ; alors tu écris : hypothèse, abîme, page, et tu retires aussitôt, non pas par prudence, pour laisser place — à l’autre qui lit, à l’autre que tu es quand tu relis, aux scènettes rejouées par la mémoire qui n’obéissent à personne ; l’autorité, s’il t’en faut une, c’est l’hésitation : non pas se dédire, tenir au bord, là où le livre change en même temps que le lecteur ; tu poses le crayon, la radio grésille, la nuit monte, et sur le pare-brise l’essuie-glace trace une parenthèse qui s’efface.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
7 janvier 2023
Ce texte plonge dans les méandres d'une lutte intérieure contre l'autorité. Le narrateur, d'abord en quête de refuge dans l'idiotie et la soumission apparente, finit par voir émerger une autorité authentique, née d'une prise de conscience soudaine et violente. Un voyage à travers l'oppression inconsciente jusqu'à la libération personnelle.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
06 janvier 2023
Dans cette famille, les objets des morts ne se jettent pas. Ils circulent, héritage silencieux qui perpétue leur présence. Ce lit, celui de Charles Brunet, incarne la permanence des absents et les rêves qu’ils suscitent. Dormir dans ce lit devient une passerelle vers des souvenirs enfouis et une adolescence marquée par l’ennui et les longues marches à travers la campagne bourbonnaise. Une réflexion subtile sur le poids du passé, de l’héritage, et la confrontation à l’absence.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
05 janvier 2023-2
L'homme marche dans les rues d'une ville qui lui est étrangère, bien qu'il y soit né. Le texte relate ses réflexions et son quotidien marqué par un sentiment persistant de décalage avec la société environnante. Les moments d'isolement deviennent des instants de réflexion, où la monotonie du travail et la solitude prennent le dessus, le menant vers une forme d’évasion intérieure.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
4 janvier 2023-4
À travers une série de réflexions intimes, l'auteur dresse un inventaire des différents lits qui ont marqué son existence. Au-delà de la diversité des lieux et des contextes, il explore la permanence de la sensation de sécurité et la questionne : est-ce une véritable chaleur humaine ou une illusion réconfortante qui nous permet de traverser les aléas de la vie ?|couper{180}
Carnets | janvier 2023
4 janvier 2023-3
Alors que le narrateur gravit les marches d’un escalator, une surprise l’attend au sommet. Ce n’est pas l’exposition attendue, mais une rencontre inattendue avec l’œuvre monumentale de Gérard Garouste, déclenchant un flot de souvenirs et de réflexions sur le passé, l’art et la rétribution de la violence intime.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
4 janvier 2023-2
2022 s’achève avec une nouvelle étape franchie sur ce blog : 10 000 visiteurs et plus de 1000 articles publiés. Mais au-delà des chiffres, c'est une réflexion personnelle sur la constance de l'écriture, le plaisir ambigu qu'elle procure, et les projets qui restent à définir.|couper{180}
Carnets | juin 2022
19 juin 2022
Un acteur, dans ce bar de Saint-Germain, accoudé seul au comptoir, hermétique. On le reconnaît mais personne ne s’approche, quelque chose empêche. Son regard, son nez, une crispation, un flottement dans la mâchoire. Une sorte de rictus à peine amorcé, à la fois méprisant et désabusé, comme s’il jouait le dégoût et qu’il le jouait trop bien. Ou peut-être qu’il ne joue pas. Il doit aller puiser dans du vrai, au fond de lui, pour être si juste. Toujours là, vers 22h, quand il ne reste que les habitués. Je les connais tous, sauf lui. Toujours bien à distance, je m’en suis aperçu. Dans la rue, au téléphone, une conversation inintéressante, en réalité un monologue. J’ai vu cette femme âgée avancer avec élégance, des talons, rien de vulgaire. Puis la jambe est partie en avant, un angle improbable. Une fraction de seconde de déséquilibre parfait, d’une logique implacable, et elle s’est effondrée sur le trottoir. Je me suis aperçu que je pensais à ma mère. Lu un passage d’Hildegarde de Bingen dans le RER, sur la façon dont les choses s’achèvent, se désagrègent, pourrissent, meurent et disparaissent. Il n’y a que deux façons de mourir, disait-elle : par la mort humide ou par la mort sèche. J’ai levé les yeux, Vincennes. Un type d’un certain âge sur le quai. Une défaite en mouvement, un souvenir mauvais. Il s’est assis devant moi. Ses yeux gris bleus fixaient au-delà des vitres. J’ai suivi son regard : dehors, rien qu’un reflet. Son regard était planté dans le mien, je me suis aperçu. Coucou, ma copine pute de la rue des Lombards, entre dans la salle à manger, s’écrie joyeusement "mon chéri", son parfum atroce envahit la pièce. Puis elle pose son cul énorme sur la chaise qui couine, je me suis aperçu. À la caisse du supermarché d’Aubervilliers, juste en face de chez moi, une fille blonde à l’air triste. Pour rire, je lui propose de venir boire un verre chez moi, après le boulot. J’habite en face. Elle me regarde, ses yeux changent, quelque chose s’ouvre, un instant de flottement. Je sens que si je recule maintenant, tout s’effondre. Elle le prend au sérieux, je me suis aperçu. Une heure que je tourne en voiture, ma femme est à l’hôpital. Stationnement impossible, vent terrible. Je referme la vitre, la fumée de cigarette envahit l’habitacle. Elle n’aime pas que je fume dans la voiture. J’ouvre la portière, une camionnette blanche manque de l’arracher en passant, s’arrête en double file. Un type en sort, ouvre l’arrière, attrape des colis. Trop nombreux, trop encombrants, le vent s’engouffre, emporte le plus léger. Prévisible. Il passe les minutes suivantes à les ramasser un par un, je me suis aperçu. Illustration : Gustave Caillebotte L'homme au balcon 1880|couper{180}