Frères galactiques

Le lendemain après Pâques je me réveille avec la gueule de bois. Bien que je n’ai bu aucune goutte d’alcool. Je pense à ce roman que je suis en train d’écrire et je me demande ce que j’ai bien pu faire pour que rien de bon ne vienne ce matin. Comme si j’étais lourd, embourbé dans une suite d’empêchements.

Auparavant je mettais cela sur le compte de la fatalité, ou d’une dépression chronique, ou encore d’un manque d’estime pour moi-même. Cette sensation perpétuelle qui me revient depuis l’enfance d’être nul, de n’avoir nulle part droit à une place.

Mais je ne peux plus penser ce genre de choses à présent. J’ai cette responsabilité désormais de comprendre ce qui provient de moi et ce qui désormais doit être considéré comme une attaque extérieure.

Je sais que ça va paraitre fou pour bon nombre de personnes mais la magie noire existe. Je n’ai pas d’autre mot pour qualifier ces attaques. Et peu importe d’ailleurs. Tout ce que je sais c’est qu’il faut que je me recentre profondément dans mon cœur, dans ma mémoire pour retrouver la paix et repousser l’Ennemi.

En même temps je réfléchis et je ne peux m’empêcher de récapituler les différents événements.

Depuis le premier moment où j’ai osé parler de mes contacts extraterrestres et aujourd’hui presqu’un mois désormais c’est écoulé. De plus j’ai publié régulièrement tout ce qui m’était comme dicté sans m’attacher aux conséquences d’une telle divulgation. En me rassurant sur le fait que la plupart des gens qui liront cela penseront qu’il ne s’agit que d’une fiction.

Mais je n’ai pas pensé qu’en agissant ainsi j’allais forcément attiré l’attention d’êtres beaucoup moins bienveillants.

Je remarque également que la sensation d’empêchement est devenu plus concrète si je peux dire depuis que j’ai commencé ma série de petits tableaux qui porte le titre "Révélations".

Je me suis même inscrit sur le réseau VK, le Facebook russe, pour les poster sans savoir pourquoi. C’est comme si j’avais été guidé là aussi. J’ai juste eu la présence d’esprit de ne pas mettre mon vrai nom cette fois-ci , d’utiliser un pseudonyme.

Autre élément perturbateur, et que j’aurais trouvé amusant il y a quelques semaines encore : Les emails répétés de ce prétendu Chaman qui me sollicite afin que je l’aide à soigner une louve géante malade, moyennant quelques euros évidemment.

Cela fait trois ans je crois que je reçois des emails de sa part. Je ne me suis jamais désabonné car je trouve ses récits, ses pages de vente si on veut, extraordinaires. Il sait manier l’empathie, le copywriting à la perfection. Il m’a même tellement épaté que je lui ai acheté un talisman une fois. Tout travail mérite salaire je m’étais dit.

Au delà de l’aspect risible de cette anecdote, j’en éprouve un malaise, un doute. Celui de douter notamment que je peux toujours faire front à tout seul. Y compris vis à vis des attaques de magie noire.

Le doute est quelque chose que j’ai toujours beaucoup respecté, et durant toute ma vie. Mais je me rends compte aussi que depuis le début de la rédaction de ce roman, je l’ai mis de coté. Comme si soudain le fait de sentir tous les voiles de la réalité se déchirer ne me permettaient plus de lui accorder la même importance.

Le doute est un pinceau qui a fait son temps je me suis même dit. Et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai réalisé ces petits tableaux en grande partie avec des feutres à l’acrylique.

Cette certitude nouvelle est là avec dans son sillage de nouveaux dangers qui je le sens peuvent surgir n’importe quand. Et dont la détection demande une acuité liée uniquement au fait de rester centrer en toutes occasions.

Ce qui signifie une attention encore plus aigue, tout en restant détendu, tout en restant le même en apparence. C’est ce que j’ai toujours fait je m’en rends compte aussi étrangement sans le savoir vraiment.

Donc désolé pour toi Chaman si je ne t’ai pas aidé financièrement pour soigner la grande Louve, j’étais occupé sur quelque chose d’autre. Mais intuitivement je sais que ce que je fais par d’étranges chemins rejoint aussi le tien. Mon soin lui parviendra sans nul doute. Nous soignons l’invisible quoique on en dise ou pense tous les deux à notre façon.


Lausanne avril 2001

L’agence d’intérim me donne une nouvelle mission, aide-charpentier. On me demande si je ne suis pas sujet au vertige car je vais devoir travailler toute la journée sur les toits d’immeubles en construction.

Pas de problème je dis. Et me voilà tranquille surtout pour quelques semaines quant à l’argent.

C’est là que je vois Jim. Celui que j’appellerai l’Indien dans mon roman à venir, bien des années plus tard.

Au début il n’est qu’une silhouette parmi les autres. Quand on pénètre dans un nouveau groupe dans ce genre de mission on n’a d’attention que pour celui qui donne les ordres. C’est peu à peu que l’on commence à distinguer un peu plus les autres qui nous entourent. En demandant un coup de main, un marteau, des clous et en partageant aussi la pause déjeuner.

Mais Jim est sorti du lot presque tout de suite. Nous nous sommes reconnus bien qu’il n’y ait absolument aucune chance pour que nous nous soyons côtoyés ici dans cette vie.

Ce n’est pas le premier jour que nous avons pu discuter ensemble. Je crois que c’était le lendemain soir. On s’est retrouvé à boire une bière ensemble à la terrasse d’un petit café pour profiter des derniers rayons du soleil. Cela avait été une belle journée, on avait enchainé les mouvements les uns après les autres longtemps avant de sentir la fatigue.

C’est la réflexion que nous nous sommes fait en commandant nos boissons. Comme une sorte de préambule prudent.

Et puis assez vite Maria était intervenu. Elle nous avait fait retrouver la mémoire. Bien sur à cette époque j’ignorais qu’elle se nommait Maria. Elle ’n’était que cette voix dans ma tête, qui souvent me guide pour relater les faits, m’aider à me souvenir. Je pensais plus que ce n’était tout au plus que de l’intuition ou encore mon imagination qui a toujours été débordante.

— C’est vrai que j’ai l’impression qu’on se connait aussi me dit Jim en souriant tranquillement. Il avait un magnifique visage, un visage de vieil indien je ne peux pas dire les choses autrement. Avec son nez légèrement busqué, sa peau parcheminée, ses rides creusées profondément pour les intempéries de la vie.

Mais curieusement je ne le considérais pas comme un vieux . J’avais alors la quarantaine et je le considérais de mon âge, voir même j’avais aussi l’impression que c’était peut-être moi qui était vieux tout autant que lui. Bref le temps ne nous séparait pas bien au contraire.

En fait il était québécois d’origine. C’est ce qu’il m’apprit et effectivement il avait des origines amérindiennes. D’ailleurs nous n’avions pas échangé beaucoup de mots jusque là et je découvrais son accent québécois presque en même temps. Ce qui eut pour effet de me le rendre je ne sais pas pourquoi encore plus sympathique encore.

Il y a quelque chose qu’il faudra que je creuse sur mon rapport aux accents, notamment le quebecois. A chaque fois mon cœur s’envole de l’entendre comme si je me sentais bien plus proches de ces francophones là que de tous ceux qui vivent près de moi.

Jim m’appris aussi qu’il peignait ce jour là ce dont étrangement je ne fus pas étonné.

Lorsque je lui demandais quel style de peinture il faisait, il m’appris qu’il faisait un mixte entre les symboles de la culture amérindienne et la science fiction.

— J’ai même des tableaux à moi qui sont exposés au musée d’Art brut ici , à Lausanne.

J’en restais baba, mais en même temps je ne peux pas l’expliquer, une part de moi trouvait ça naturel.

Je lui dit aussitôt ce qui me traversait comme j’ai coutume de le faire avec les gens que j’aime bien envers lesquels j’ai confiance. C’est assez rare pour être souligné.

— je savais que tu étais peintre, sans savoir pourquoi.

— Moi aussi m’avoua t’il en souriant.

Nous n’en revenions pas. Un recommanda une nouvelle tournée et durant un petit moment on ne dit plus rien, on regarde le soleil se coucher, la lumière lécher les façades des immeubles et les gens qui courent dans tous les sens devant nous sur les trottoirs pour rentrer chez eux.

C’est un moment hors du temps où nous sommes des éléments immobiles dans un univers où tout se déroule à l’accélérer.

Et soudain j’ai cette pensée qui doit provenir encore une fois de mon imagination, de mon intuition, ou de Maria.

Jim et moi nous sommes frères galactiques

Et je remercie la Providence secrètement.

— Oui remercions la me dit Jim à ce moment là comme s’il avait le pouvoir de lire désormais dans mes pensées.

Pour continuer

Carnets | avril 2022

notule 10

Dernière mouture de cette toile qui finalement relève plus de l’icône.|couper{180}

Carnets | avril 2022

notule 24

Bientôt une nouvelle guerre avec toute sa panoplie d'inepties, c'est à prévoir comme on prévoit tranquillement les différents ingrédients d'une liste de course. On voit très bien désormais que la seule issue au capitalisme en cas de crise est de semer le désordre, de créer la confusion, pour parvenir à augmenter exponentiellement la peur dans les populations. Ce qui entrainera l'arbitraire des choix envers une cause apparente ou une autre larvée, peu importe. Et au final cette demande de sécurité, d'être rassuré, de s'en remettre à une autorité incontestable. La pantomime jouée par les faibles et les forts. Représenter l'horreur une fois de plus pour que les légendes reprennent du poil de la bête. Celle du héros, comme celui d'un âge d'or passé ou à venir. Avec toute la hiérarchie des couillonades habituelles, dont on peut déjà apercevoir les longs nez. La valeur travail, la valeur sincérité, la valeur solidarité, travail famille patrie. On secoue le pochon du loto et on tire à nouveau avec le hasard comme prétexte. On n'y coupera pas, c'est une nécessité car nous avons encore besoin de la douleur pour apprendre. Encore plus de douleur, pour parvenir à saisir l'inexistence de l'égo. De ce "je" à qui on ne cesse de demander son avis à seul fin de le renforcer. Sondages d'opinion, élections, cartes de fidélité et double voire triple authentification. Et plus cela devient raisonnable plus on obtient le contraire justement. Une irrationnalité qui se banalise, pour ne pas dire une bêtise qui se démocratise. Quand la bêtise devient la raison, la violence n'attend que ce feu vert pour se répandre, jetant à bas les institutions, en créant d'autres, toujours plus absurdes et kafkaïennes. Comme je le disais encore hier, concernant les gens de ma génération, les sexagénaires, nous avons englouti notre pain blanc qu'on l'accepte ou pas. Il en résulte une désagréable impression de satiété mal adressée pour les plus à l'écoute du pouls du monde. Un peu de culpabilité mais pas trop, et souvent une envie de réparer les pots cassés. C'est peut-être mon cas. Encore que cette envie je la trouve tout aussi suspecte que toutes les autres précitées. L'envie de fuir au fond d'une grotte ou au sommet d'une montagne, à priori ne me quitte pas depuis mes tous premiers pas. Comme si justement je savais déjà tout des tenants et des aboutissants de la satiété factice dans laquelle dès les premiers jours on m'a plongé. Les fameuses trente glorieuses ne sont rien d'autre qu'un tampon hygiénique, une sorte de bouchon à un phénomène périodique. Ma chance est d'être né prématurément quelques semaines trop tôt. Sinon je n'y coupais pas, j'allais devenir un petit robot comme les autres sans même m'en rendre compte. Le simple fait d'avoir été relégué dans une couveuse à l'hôpital Saint-Michel, dans le 15 ème arrondissement de Paris, est une chance. Car le déchirement, l'absence, le manque, à peine éjecté de la matrice maternelle m'auront donné le ressort nécessaire étrangement pour m'éveiller. C'est à dire une forme de rage directement reliée à l'amour et à ce constat d'impuissance de pouvoir le trouver normalement en l'Autre. Cette transition des limbes dans les limbes si l'on veut m'aura mis en contact immédiat avec une sensation d'équanimité qui doit venir de bien plus loin que ma naissance. Qui probablement remonte justement à cet indifférencié, ou le mal et le bien n'existent pas plus que l'ombre et la lumière. Où l'absence de séparation finit par créer le fantasme de la séparation comme pour mieux constater sa donnée immuable. Une sorte d'ennui ontologique. Je mentirais si je disais que je me souviens de cette période. Par contre lorsque mon imagination désire s'y alimenter elle n'y découvre aucune joie, et sans doute aucune peine véritable non plus Car pour éprouver ces deux émotions il faut bien évidemment les relier à quelque chose de défini, il faut bien créer une relativité. J'arrive au monde comme tout le monde par une femme, mais je n'ai guère le temps de nouer une relation claire avec elle en tant que mère, que déjà je m'en trouve séparé une seconde fois. N'est-ce pas étonnant d'y penser. Il en résulte en tous les cas un rapport d'étrangeté à la mère, à la femme puis aux autres et au monde finalement. Le fait que j'ai passé des années à suivre le penchant naturel de la plainte, m'y accrochant, parce qu'elle me construisait, ne me sert plus à rien. Je crois que l'échafaudage tout entier s'est effondré en 2003 au mois de février à l'hôpital de Créteil. Ma mère est allongée devant nous, mon père et moi. Elle a les yeux grands ouverts elle est shootée à la morphine, les yeux gris bleu immenses grands ouverts mais elle semble ne pas nous voir, nous distinguer. J'ai passé la main devant ses yeux pour voir si ils suivaient le mouvement, rien. Un regard de nouveau né au moment même de repartir dans l'indistinct. Elle nous a laissé seuls encore une fois j'ai pensé. Du coup j'ai pris les commandes avec un sang-froid comme celui que l'on s étonne de rencontrer sur un champ de bataille, durant un accident de la route, ou dans la panique d' une émeute. Je ne me suis pas laissé envahir par l'émotion, j'ai oublié que c'était ma mère, j'ai juste pensé à l'homme que j'accompagnais et qui était encore mon père à cet instant. Je n'étais plus un fils vraiment mais un compagnon apte à gouverner, à naviguer dans la confusion de ce moment. J'ai dit prends lui la main. Ce qu'il a fait sans broncher. Puis je me suis approché de l'oreille de la mourante et j'ai dit, c'est bon ma petite maman, rien ne te retient plus ici, tu peux y aller. Je n'en reviens toujours pas en y repensant. Cette froideur, cette totale absence d'émotion personnelle, et qui m'a autant effrayé que surpris d'où venait t'elle ? Tout de suite après nous sommes rentrés à la maison familiale à Limeil Brévanne . Nous n'avons pas échangé un seul mot. Et le lendemain matin très tôt l'hôpital a appelé pour dire que maman était décédée. J'éprouve le besoin de dire maman comme pour me rassurer encore. Pour me dire que moi aussi j'ai eu une mère, même si le lien entre nous aura été d'une telle bizarrerie... Je nous dois bien cela. Pourquoi je reviens encore à cela ? Pourquoi partir de ce constat que la guerre est inéluctable pour parvenir à la mort de maman. Tout simplement par ce que sans doute c'est à cette occasion qui nous est offerte, la guerre ou la mort et ce même si nous imaginons les circonstances désagréables, que nous sommes sans doute le plus nous-mêmes véritablement. Sans les oripeaux, les déguisements, les mensonges dont nous nous revêtons dans l'illusion du groupe, de la famille de la patrie ou je ne sais quelle autre illusion , nécessaire pour nous distinguer au sein de la confusion générale. En fait comme à peu près à chaque fois que j'écris je me laisse déborder par les mots qui s'inscrivent. Cette fois comme le petit Poucet j'ai pris soin d'inscrire quelques mots clefs dans la case "étiquettes" de l'éditeur que j'utilise pour rédiger ces billets. J'avais écrit "avoir un but", "supporter la douleur" et "croire en un but". J'avais pensé à la question, à la torture je crois en démarrant ce texte. Je m'étais posé la question de savoir si mon but en tant qu'être humain me permettrait de résister à toutes les douleurs qu'un bourreau pourrait m'affliger pour obtenir je ne sais quelle information. Ce qui m'a amené à considérer cette idée de but. Puis partant, en remontant encore en amont du but ce qui pouvait sans faille le créer. Je ne trouve que la foi comme source ou comme raison et cause. Donc pour résumer et pour résister à la torture , il faut croire qu'un but existe même si on ne sait pas lequel car nous ne savons pas qui nous sommes sans cette foi. Peut-être que pour résister à la douleur il faut croire qu'il existe un but, et qu'à force d'y croire il finira par exister vraiment. Peu importe si on y laisse sa peau sous la main du bourreau. Et là comme vous me voyez je peux très bien être Harrison Ford avec tout son attirail d'aventurier le précipice est devant moi, j'avance une jambe, je ferme les yeux et j'avance. Bien sur c'est très américain, cinématographique, risible à première vue. Joe Biden sans doute aussi a coiffé un drôle de chapeau mou alors que le monde entier est face au précipice. Avance t'il aussi sa jambe pour voir si quelque chose de solide supporte le poids de sa foi , de son idéal américain, de sa croyance dans le pognon, dans la démocratie à l'américaine ? Et s'il s'agissait seulement d'un pari encore, d'une simple bévue, une erreur nécessaire juste avant de projeter le monde dans un cataclysme ? Comme ma grand-mère le disait à juste raison il ne faut pas tenter le diable surtout si on a la certitude qu'il n'existe pas. Bientôt la fin de l'ère du poisson, on ne pourra plus filer entre deux eaux. Je ne pourrais plus non plus achever mes textes en queue de poisson ni peindre avec une queue de morue. Quant à l'ère du Verseau elle promet effectivement d'être plutôt glaciale du point de vue des gens qui vivent aujourd'hui. L'émotion ne sera plus nécessaire, les sentiments non plus mais ce sera probablement à ce prix que l'âge d'or reviendra. Etrange âge d'or, incompréhensible encore à l'aube d'une nouvelle fin du monde.|couper{180}

Carnets | avril 2022

notule 9

Si je dis je de façon inconsidérée c’est un blasphème. Si je est un personnage crée par soi c’est différent. Mais c’est dangereux. Le danger de confondre moi et soi. Le blasphème serait de dire je au présent sans rien créer. Je crée mais ce n’est jamais l’ego qui crée. De même pour les maladies On ne devrait pas dire j’ai mal Mais plutôt j’ai eut mal jusqu’à présent Et c’est déjà du passé. Ça a l’air con comme ça si on n’est pas dedans. Mais si on y est c’est magnifique ! Cela dit voilà l’exemple typique d’un tableau bousillé suite à une erreur d’aiguillage entre je et soi.|couper{180}