La condition des mots.
Fragonard, le verrou.
Un homme de basse condition, de médiocre extraction, ne peut s’exprimer comme ceux qui le surplombent. Il faut choisir son camp.Ne pas chercher à péter plus haut que son cul. Ne pas mimer qui il n’est pas de génération en génération. D’une façon congénitale. L’aporie d’un langage comme un leg. C’est toujours ainsi. Malgré l’école. Il y a la langue que l’on parle plus ou moins habilement avec les inconnus et celle de tous les jours, une jachère. Même dans une pseudo démocratie. Même quand on nous serine qu’il n’y a plus aujourd’hui de classes. La révolution n’aura été qu’un changement de dorure. La couverture restaurée d’un vieux livre. Tout jours le même. La vieille loi du talion ou du plus fort. Un emballage. L’assurance que possèdent du seul fait d’être nés les bien- nés, si grotesque apparait ce constat, encore et toujours, dans notre époque. Ce qu’implique un langage vaut comme marque de distinction. C’est pourquoi je ne fis jamais d’effort remarquable pour m’exprimer quand je n’avais rien à dire. Et quand j’avais à dire, de le dire le plus directement qu’il m’était possible.
Cependant que la plupart du temps, et après mûre réflexion, par révolte pure et simple, je balbutiais, je bégayais, je m’empêtrais consciencieusement dans les mots ; créant ainsi des sons boueux, inaudibles ; destinés à recreuser l’écart qu’un seul moment d’inadvertance- le fameux « mettez-vous donc à l’aise »- m’avait donné l’illusion de combler.
Comprenez-vous ce foutoir— lui dis-je— pour que de hautes conditions survivent, il leur en faut de basses qu’elles puissent mépriser.
La dame fit mine de comprendre, puis elle agita son éventail comme s’il lui fallait soudain plus d’air. Elle se leva du fauteuil que je lui avais offert dans ma mansarde exiguë.
— Je vous croyais beaucoup plus poète que terroriste— me lança t’elle en franchissant la porte. Et bien sûr, je ne la revis jamais.
Autre version possible.
A ces mots elle se déshabilla, posa un doigt sur mes lèvres et nous repeignîmes, en toute hâte et au goût de l’instant, dans un beau dénuement, la bête à deux dos.
De ce jour je compris que la naissance, bonne ou mauvaise, n’avait que peu d’influence sur nos passions désordonnées. surtout lorsque les circonstances étaient favorables au point précis qu’elles puissent s’exprimer. Non sans un merveilleux soulagement.
Autre version encore
Elle se tenait là dans mon fauteuil, dans ma mansarde, et je la plaçais sur un piédestal qui l’agaçait. Quand va tu m’embrasser idiot me dit-elle soudain et je me mis à bredouiller comme j’ai coutume de le faire quand mon sang-froid m’abandonne. De ce jour je regardais mes mains et ne parvenais plus à compter les occasions que j’avais manquées sottement durant ma vie car je ne possédais comme tout à chacun que dix doigts.
Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}