Souvenirs écran.

https://youtu.be/hLkddqouuCI

—Le temps existe et en même temps il n’existe pas. C’est ce que me confie Maria lorsque je lui parle de mes rêves récurrents. En général je n’en parle jamais, mais cette fois je ne sais pourquoi, je trouvai opportun d’associer le rêve à la notion de temps, à la mémoire.

Ce qui est étrange c’est la façon dont je répète le même récit, la même histoire toujours en éprouvant les mêmes sensations.

Si le temps n’existe pas comment se fait-il que je puisse me souvenir de quoique ce soit, et surtout de ces rêves ?

— C’est parce que tu es dans une simulation, me dit Maria. Exactement comme un personnage dans un jeu vidéo. Tout est déjà programmé à l’avance, tous tes comportements, tous tes choix, déclenchent une version particulière du jeu. Et, pour résumer, c’est toi à l’origine qui a programmé toutes ces versions dans un but précis.

—Donc c’est une histoire achevée d’avance ? Nous serions prisonniers d’un destin que nous aurions conçu nous-mêmes ?

— Oui et non. c’est plus compliqué que ça. Car toutes ces histoires se déroulent dans un temps imparti, un temps achevé. Or on peut toujours intervenir pour modifier ces histoires si je puis dire dans l’instant présent.

— Mais si tu dis que toutes les versions du jeu sont déjà prévues, le fait de modifier quoique ce soit dans l’instant présent n’est-il pas lui aussi un acte prémédité.

— Ce qu’il faut que tu comprennes c’est que l’instant présent contient tous les possibles mais aussi l’impossible. Le temps linéaire tel que tu le conçois est un élément parmi d’autres de l’instant présent dans une dimension particulière, dans une fréquence particulière.

De plus à chaque fois que ton âme décide de se réincarner sur Terre, dans cette fréquence que l’on peut considérer comme une des plus basses de cet univers , une dimension où la densité est très lourde, tu dois traverser le voile de l’oubli.

Mais aujourd’hui les choses sont en train de changer. La planète change de taux vibratoire peu à peu et tout ses habitants également par conséquent.

Il faut que tu comprennes que la Terre est un merveilleux champs d’expériences pour de nombreuses âmes, de nombreuses entités provenant de mondes très différents.

C’est pratiquement l’un des seuls endroits dans tout l’univers où la dualité existe, où la matière qui est une fréquence particulière de l’esprit peut proposer des expériences qu’on ne trouve pratiquement nulle part ailleurs avec une telle intensité.

— Tu veux dire que dans tout l’univers il n’y a pas de dualité à part ici. Mais alors comment est-il possible qu’il y ait ces entités involutives, ces fameux reptiliens ?

— C’est une affaire de fréquence me répète Maria encore une fois, tu te souviendras de tout cela lorsque le temps sera venu.

Quant à ces rêves dont tu me parles, ils sont comme la plupart de tes souvenirs importants, des souvenirs écran.

Selon ta compréhension logique, rationnelle du monde tu as modifié les événements qui te sont arrivés, si exceptionnels soient ils, en quelque chose qui correspond à ton degré de compréhension du moment.

Par exemple ce cauchemar où tu vois cette bête du Gévaudan pénétrer dans ta chambre lorsque tu es enfant, elle est certainement tout à fait autre chose que ce monstre dont tu ne cesses de vouloir te souvenir.

Certaines entités -notamment ceux que l’on appelle les gris- sont très fortes pour t’aider à modifier ce genre d’expérience afin que tu aies l’impression d’avoir rêvé des choses "acceptables" si je peux dire. Même si cela te parait incroyable, pénible, fantastique, ces souvenirs de remplacement sont crées à partir d’un matériel imaginaire familier. Mais ce qu’ils recouvrent est encore plus fantastique, pour un terrien, pour une âme incarnée dans ce monde où la raison et la logique ne le comprendraient pas.

— Tout ça me donne le tournis Maria. Je ne comprends pas pourquoi on doit oublier pour se souvenir ensuite. Pourquoi ne conserve t’on pas le souvenir de l’âme que nous sommes lorsque nous arrivons sur Terre ?

— Pour un meilleur confort utilisateur plaisanta Maria. Puis elle enchaina jugeant que nous en avions terminé pour aujourd’hui. Il faut que je te quitte car on me demande ailleurs.

— Très bien Maria, merci pour cette conversation et à bientôt

— A bientôt oui je ne suis jamais loin, tu n’es pas seul souviens toi toujours de cela.

— Oui je m’en souviens de plus en plus désormais.


Paris 1978.

C’est la fin d’une belle journée d’automne, il fait encore chaud à 18h lorsque je sonne à l’interphone du 3 rue Quincampoix. La lourde porte d’entrée s’ouvre et je gravis les escaliers pour rejoindre l’avant dernier étage.

Il me faut encore sonner et attendre.

Quelques secondes plus tard je peux entendre le mécanisme des 6 verrous d’une première porte qui s’entrouvre, des pas feutrés qui s’avancent vers celle derrière laquelle je me tiens. Nouveau bruit de serrures et j’aperçois la tête hirsute de Richard.

— Ah c’est toi, entre vite et c’est tout juste s’il ne me tire pas par la manche pour me faire pénétrer dans l’appartement. Il faut que je te parle, la folle d’â coté m’a encore fait un de ces ramdam...

C’est toujours comme ça avec Richard. Cette urgence perpétuelle, comme si la fin du monde pouvait éclater à chaque instant.

En attendant rien ne change. La première pièce dans laquelle je pénètre est toujours aussi encombrée de livres et de poussières éparpillés sur tous les meubles. Il y a juste un petit sentier praticable entre un alignement de commodes et le lit pour se rendre dans la pièce d’à coté qui fait office à la fois de salle à manger et de bureau.

— Assis toi je vais te raconter. Puis il débouche la bouteille de Payse et nous sert un verre comme s’il jubilait de ménager malgré tout un peu de suspens.

— Elle veut m’assassiner, voilà ce qu’elle veut cette vieille salope.

Je suis rassuré. Ce n’est que ça. Je m’attendais avec un peu d’espoir à un changement. Mais non. C’est toujours la même sempiternelle rengaine. Richard et la voisine de pallier. Une ancienne pute doublée d’une ex poissonnière, forcément.

J’ai hésité à présenter Richard à ma petite amie de l’époque. Au début je trouvais cela parfaitement incongru. J’avais rencontré le vieux à un angle de rue où je chantais un soir de l’été avec ma guitare.

Il m’avait repris sur une strophe de la Ballade des Places de Paris. Et du coup on avait sympathisé, il m’avait invité chez lui à deux pas et on avait vidé quelques bouteilles de ce vin un peu rude, de la Payse.

Ce soir là je m’en souviens elle devait nous rejoindre après ses cours car elle étudiait sa médecine.

Je me demandais ce qu’elle penserait de Richard et ce que lui penserait d’elle. Suspens. Car vraiment c’était deux caractères tout à fait opposés du moins je me l’imaginais.

Elle très pragmatique, rationnelle, un jugement rapide et sur. Lui un vieux fou, probablement homosexuel, très cultivé mais croyant aux fées, au diable, et surtout sans la moindre illusion sur les êtres humains en général.

J’étais curieux de voir ce que cette rencontre allait produire. Mais en fin de compte tout se passa extrêmement bien.

Il savait vraiment y faire avec les femmes. En un clin d’œil je dirais il l’avait jaugée et la traitait comme une princesse avec des compliments à rallonge. Personnellement j’aurais pensé que c’était un peu trop, exagéré et qu’à un moment elle allait se rebeller un peu, protester face à ce déversement d’affabilités.

Et bien non, pas du tout. Je découvrais une autre femme. Ainsi donc il était possible de l’hypnotiser ainsi juste en flattant sa vanité. je n’en revenais pas.

C’est à ce moment précis où je me faisais cette réflexion que l’événement se produisit.

tout se déroula très vite. Je dirais à peine en un clin d’oeil.

D’abord la sensation incroyable que ma tête se réduisait de moitié comme un citron devenu sec.

Ensuite le hurlement de ma petite amie qui visiblement voyait ce qui était en train de m’arriver horrifiée.

Troisièmement Richard qui buvait son verre tranquillement avec un léger sourire en me regardant.

Cela dura à peine un quart de seconde mais je m’en souviens parfaitement encore aujourd’hui.

Et aussitôt la sensation d’être un extra terrestre s’agrippa à moi depuis cet instant de l’automne 1978.

Bien sur je balayais tout ça d’un revers de manche, en me disant que nous avions tous un peu trop bu.

Quelques temps plus tard ma petite amie trouva un autre copain ce qui me parait aujourd’hui assez logique. On ne ressort pas tout à fait indemne, surtout lorsqu’on se targue d’avoir la tête sur les épaules d’une expérience insolite comme celle-ci.

Pour continuer

Carnets | avril 2022

notule 10

Dernière mouture de cette toile qui finalement relève plus de l’icône.|couper{180}

Carnets | avril 2022

notule 24

Bientôt une nouvelle guerre avec toute sa panoplie d'inepties, c'est à prévoir comme on prévoit tranquillement les différents ingrédients d'une liste de course. On voit très bien désormais que la seule issue au capitalisme en cas de crise est de semer le désordre, de créer la confusion, pour parvenir à augmenter exponentiellement la peur dans les populations. Ce qui entrainera l'arbitraire des choix envers une cause apparente ou une autre larvée, peu importe. Et au final cette demande de sécurité, d'être rassuré, de s'en remettre à une autorité incontestable. La pantomime jouée par les faibles et les forts. Représenter l'horreur une fois de plus pour que les légendes reprennent du poil de la bête. Celle du héros, comme celui d'un âge d'or passé ou à venir. Avec toute la hiérarchie des couillonades habituelles, dont on peut déjà apercevoir les longs nez. La valeur travail, la valeur sincérité, la valeur solidarité, travail famille patrie. On secoue le pochon du loto et on tire à nouveau avec le hasard comme prétexte. On n'y coupera pas, c'est une nécessité car nous avons encore besoin de la douleur pour apprendre. Encore plus de douleur, pour parvenir à saisir l'inexistence de l'égo. De ce "je" à qui on ne cesse de demander son avis à seul fin de le renforcer. Sondages d'opinion, élections, cartes de fidélité et double voire triple authentification. Et plus cela devient raisonnable plus on obtient le contraire justement. Une irrationnalité qui se banalise, pour ne pas dire une bêtise qui se démocratise. Quand la bêtise devient la raison, la violence n'attend que ce feu vert pour se répandre, jetant à bas les institutions, en créant d'autres, toujours plus absurdes et kafkaïennes. Comme je le disais encore hier, concernant les gens de ma génération, les sexagénaires, nous avons englouti notre pain blanc qu'on l'accepte ou pas. Il en résulte une désagréable impression de satiété mal adressée pour les plus à l'écoute du pouls du monde. Un peu de culpabilité mais pas trop, et souvent une envie de réparer les pots cassés. C'est peut-être mon cas. Encore que cette envie je la trouve tout aussi suspecte que toutes les autres précitées. L'envie de fuir au fond d'une grotte ou au sommet d'une montagne, à priori ne me quitte pas depuis mes tous premiers pas. Comme si justement je savais déjà tout des tenants et des aboutissants de la satiété factice dans laquelle dès les premiers jours on m'a plongé. Les fameuses trente glorieuses ne sont rien d'autre qu'un tampon hygiénique, une sorte de bouchon à un phénomène périodique. Ma chance est d'être né prématurément quelques semaines trop tôt. Sinon je n'y coupais pas, j'allais devenir un petit robot comme les autres sans même m'en rendre compte. Le simple fait d'avoir été relégué dans une couveuse à l'hôpital Saint-Michel, dans le 15 ème arrondissement de Paris, est une chance. Car le déchirement, l'absence, le manque, à peine éjecté de la matrice maternelle m'auront donné le ressort nécessaire étrangement pour m'éveiller. C'est à dire une forme de rage directement reliée à l'amour et à ce constat d'impuissance de pouvoir le trouver normalement en l'Autre. Cette transition des limbes dans les limbes si l'on veut m'aura mis en contact immédiat avec une sensation d'équanimité qui doit venir de bien plus loin que ma naissance. Qui probablement remonte justement à cet indifférencié, ou le mal et le bien n'existent pas plus que l'ombre et la lumière. Où l'absence de séparation finit par créer le fantasme de la séparation comme pour mieux constater sa donnée immuable. Une sorte d'ennui ontologique. Je mentirais si je disais que je me souviens de cette période. Par contre lorsque mon imagination désire s'y alimenter elle n'y découvre aucune joie, et sans doute aucune peine véritable non plus Car pour éprouver ces deux émotions il faut bien évidemment les relier à quelque chose de défini, il faut bien créer une relativité. J'arrive au monde comme tout le monde par une femme, mais je n'ai guère le temps de nouer une relation claire avec elle en tant que mère, que déjà je m'en trouve séparé une seconde fois. N'est-ce pas étonnant d'y penser. Il en résulte en tous les cas un rapport d'étrangeté à la mère, à la femme puis aux autres et au monde finalement. Le fait que j'ai passé des années à suivre le penchant naturel de la plainte, m'y accrochant, parce qu'elle me construisait, ne me sert plus à rien. Je crois que l'échafaudage tout entier s'est effondré en 2003 au mois de février à l'hôpital de Créteil. Ma mère est allongée devant nous, mon père et moi. Elle a les yeux grands ouverts elle est shootée à la morphine, les yeux gris bleu immenses grands ouverts mais elle semble ne pas nous voir, nous distinguer. J'ai passé la main devant ses yeux pour voir si ils suivaient le mouvement, rien. Un regard de nouveau né au moment même de repartir dans l'indistinct. Elle nous a laissé seuls encore une fois j'ai pensé. Du coup j'ai pris les commandes avec un sang-froid comme celui que l'on s étonne de rencontrer sur un champ de bataille, durant un accident de la route, ou dans la panique d' une émeute. Je ne me suis pas laissé envahir par l'émotion, j'ai oublié que c'était ma mère, j'ai juste pensé à l'homme que j'accompagnais et qui était encore mon père à cet instant. Je n'étais plus un fils vraiment mais un compagnon apte à gouverner, à naviguer dans la confusion de ce moment. J'ai dit prends lui la main. Ce qu'il a fait sans broncher. Puis je me suis approché de l'oreille de la mourante et j'ai dit, c'est bon ma petite maman, rien ne te retient plus ici, tu peux y aller. Je n'en reviens toujours pas en y repensant. Cette froideur, cette totale absence d'émotion personnelle, et qui m'a autant effrayé que surpris d'où venait t'elle ? Tout de suite après nous sommes rentrés à la maison familiale à Limeil Brévanne . Nous n'avons pas échangé un seul mot. Et le lendemain matin très tôt l'hôpital a appelé pour dire que maman était décédée. J'éprouve le besoin de dire maman comme pour me rassurer encore. Pour me dire que moi aussi j'ai eu une mère, même si le lien entre nous aura été d'une telle bizarrerie... Je nous dois bien cela. Pourquoi je reviens encore à cela ? Pourquoi partir de ce constat que la guerre est inéluctable pour parvenir à la mort de maman. Tout simplement par ce que sans doute c'est à cette occasion qui nous est offerte, la guerre ou la mort et ce même si nous imaginons les circonstances désagréables, que nous sommes sans doute le plus nous-mêmes véritablement. Sans les oripeaux, les déguisements, les mensonges dont nous nous revêtons dans l'illusion du groupe, de la famille de la patrie ou je ne sais quelle autre illusion , nécessaire pour nous distinguer au sein de la confusion générale. En fait comme à peu près à chaque fois que j'écris je me laisse déborder par les mots qui s'inscrivent. Cette fois comme le petit Poucet j'ai pris soin d'inscrire quelques mots clefs dans la case "étiquettes" de l'éditeur que j'utilise pour rédiger ces billets. J'avais écrit "avoir un but", "supporter la douleur" et "croire en un but". J'avais pensé à la question, à la torture je crois en démarrant ce texte. Je m'étais posé la question de savoir si mon but en tant qu'être humain me permettrait de résister à toutes les douleurs qu'un bourreau pourrait m'affliger pour obtenir je ne sais quelle information. Ce qui m'a amené à considérer cette idée de but. Puis partant, en remontant encore en amont du but ce qui pouvait sans faille le créer. Je ne trouve que la foi comme source ou comme raison et cause. Donc pour résumer et pour résister à la torture , il faut croire qu'un but existe même si on ne sait pas lequel car nous ne savons pas qui nous sommes sans cette foi. Peut-être que pour résister à la douleur il faut croire qu'il existe un but, et qu'à force d'y croire il finira par exister vraiment. Peu importe si on y laisse sa peau sous la main du bourreau. Et là comme vous me voyez je peux très bien être Harrison Ford avec tout son attirail d'aventurier le précipice est devant moi, j'avance une jambe, je ferme les yeux et j'avance. Bien sur c'est très américain, cinématographique, risible à première vue. Joe Biden sans doute aussi a coiffé un drôle de chapeau mou alors que le monde entier est face au précipice. Avance t'il aussi sa jambe pour voir si quelque chose de solide supporte le poids de sa foi , de son idéal américain, de sa croyance dans le pognon, dans la démocratie à l'américaine ? Et s'il s'agissait seulement d'un pari encore, d'une simple bévue, une erreur nécessaire juste avant de projeter le monde dans un cataclysme ? Comme ma grand-mère le disait à juste raison il ne faut pas tenter le diable surtout si on a la certitude qu'il n'existe pas. Bientôt la fin de l'ère du poisson, on ne pourra plus filer entre deux eaux. Je ne pourrais plus non plus achever mes textes en queue de poisson ni peindre avec une queue de morue. Quant à l'ère du Verseau elle promet effectivement d'être plutôt glaciale du point de vue des gens qui vivent aujourd'hui. L'émotion ne sera plus nécessaire, les sentiments non plus mais ce sera probablement à ce prix que l'âge d'or reviendra. Etrange âge d'or, incompréhensible encore à l'aube d'une nouvelle fin du monde.|couper{180}

Carnets | avril 2022

notule 9

Si je dis je de façon inconsidérée c’est un blasphème. Si je est un personnage crée par soi c’est différent. Mais c’est dangereux. Le danger de confondre moi et soi. Le blasphème serait de dire je au présent sans rien créer. Je crée mais ce n’est jamais l’ego qui crée. De même pour les maladies On ne devrait pas dire j’ai mal Mais plutôt j’ai eut mal jusqu’à présent Et c’est déjà du passé. Ça a l’air con comme ça si on n’est pas dedans. Mais si on y est c’est magnifique ! Cela dit voilà l’exemple typique d’un tableau bousillé suite à une erreur d’aiguillage entre je et soi.|couper{180}