Débordement
La colère déborde . Ce qu’elle fait dire est inimaginable. La contrôler nécessiste quelque chose dont je ne dispose plus. J’ai perdu tout recul, tout discernement. En débordant la hargne m’entraîne dans son courant. J’en prends conscience, je me débats, je barbote lamentablement. Bouchon, pauvre petit bouchon. Est-ce que l’on va te plaindre, certainement pas. tout est encore de ta faute. Mais oui. Mais bien sûr que ça t’incombe. Rappelle-toi ça. Le mot comme une tombe. Sinon tu as aussi la possibilité comme beaucoup de te fourrer la tête dans le sable. N’a pas su n’a pas souffert. Après tout. Pourquoi pas. Essayons. Admettons. Tu tiens pas plus de vingt secondes. La bouche pleine de terre. Tu craches, tu dégueules, et hop ça repart forcément, tellement c’est intenable. Et le pire dans tout ça c’est que les gens tout autour eux continuent à avoir la tête dans le sable. Tu ne vois que leur plumet, leur croupion qui s’agite lascif à l’apéro. Oui, peut-être, tu es sûr, il fait chaud pour parler de tout ça.
Quand je dis que ça ne va pas ce n’est vraiment pas de la blague. Cette nuit j’ai dormi sept heures. Incroyable. Impression désagréable. Celle de rentrer dans le rang. Alors c’était bien la peine de résister tant que ça pour en arriver là
Oui mais si je prends ma tension je ne suis qu’à 10.9 comment expliquer ça. La chaleur. La lassitude. Les médocs. La difficulté insupportable de supporter tout ce qu’il y a à supporter.
En attendant Annie Saumont. C’est marrant comme idée. En attendant de trouver ma voix je voulais dire et je pensais à Annie Saumont en même temps. ça se sera télescopé sans doute en raison du mot considération qui vient s’ajouter à la masse critique. Ce qui signifie que ce n’est pas encore ça mon petit vieux. tu cherches encore trop à rentrer dans une foutue case. Tu lis Annie Saumont et ce putain d’enfoiré de dibbouk te susurre à l’oreille tu vis dans une simulation géante mon p’tit gars, Annie Saumont n’est qu’une partie de toi que tu as laissé filer en raison de ton ignorance crasse. Tu sens qu’elle est de ta famille et ça t’embête toi qui ne cesse de te revendiquer orphelin
Il y avait longtemps que tu ne m’avais pas brandi moi la tête de turc la voix remonte comme un remugle. vieille voix chevrotante. vieux con. La voilà sans doute ma vraie voix. Elle me rappelle quelque chose mais quoi. Je cherche. Je ne trouve pas. En fait je ne veux pas trouver, je ne veux pas le savoir. Il y a tant de façons de se fourrer la tête dans le sable
English version — “Head in the Sand”
Anger is spilling over. What it makes me say is unimaginable. Controlling it would require something I no longer have. I’ve lost all sense of distance, all judgment. Once it overflows, the rage pulls me along with it. I’m aware of it, I try to fight back, but I just flounder like an idiot. A cork, a pathetic little cork. Do you think anyone’s going to pity you ? Of course not. It’s all your fault. Again. As always. Yes, of course it’s your responsibility. Remember that. The word like a gravestone. Otherwise, you can always do like everyone else : shove your head in the sand. Didn’t know, didn’t suffer. Why not ? Let’s try. Let’s suppose. You last twenty seconds. Mouth full of dirt. You gag, you spit, you retch, and of course it all starts again. It’s unbearable. And the worst part is that people around you still have their heads firmly buried in the sand. All you see is their tail feathers wiggling at cocktail hour. Yeah, maybe it’s just too hot to talk about all this.
When I say I’m not okay, I’m really not joking. Last night I slept seven hours. Incredible. Unpleasant. Felt like I’d fallen into line. So that’s what all this resistance was for ? Just to end up here ?
But when I check my blood pressure — barely 109. That’s low. Why ? The heat ? The fatigue ? The meds ? Or just that — the unbearable strain of having to bear what has to be borne. Nothing else adds up. Just that weight, again and again.
Meanwhile : Lucia Berlin. Funny thought. While waiting to find my own voice, I thought of her. It must have overlapped in my head with that damned word : “consideration.” Which basically means : you’re still not there yet, old man. You’re still trying to squeeze into a stupid box. You read Lucia Berlin and some bastard Dibbouk whispers in your ear : “You’re living in a giant simulation, buddy. Lucia Berlin is just a part of you you let slip away because of your own thick ignorance. You feel like she’s family, and it pisses you off. You, who never stop calling yourself an orphan.”
It’s been a while since you pulled me out — your old scapegoat. The voice comes back like a stench. Old man voice. Maybe that’s the real one. It reminds you of something, but what ? You search. You don’t find. In truth, you don’t want to find. You don’t want to know. There are so many ways to bury your head in the sand.
Pour continuer
Carnets | juillet 2025
30 juillet 2025
J’avais dit "table rase", pas pour rien. SPIP et MySQL m’ont répondu en chœur. Tout ce que j’avais construit sur mon site local a été mis par terre par l’importation de ma base de données distante vers mon PhpMyAdmin local. Au début, j’ai tempêté. Des heures et des heures de boulot qui s’envolent en un clic. Puis je me suis souvenu de mon envie de faire table rase. Et je me suis dit que cet incident était plutôt une chance, que ça allait m’aider. SPIP a connu pas mal de mises à jour, et c’est là qu’il faut être vigilant. Il ne suffit pas de lancer le fameux spip_loader.php pour mettre à jour la distribution. Il faut aussi aller voir du côté de la base de données et vérifier les versions (table spip_meta). De vieux plugins non mis à jour peuvent également s’accumuler et créer des distorsions. C’est à peu près tout cela qui m’est tombé sur le coin du nez ces derniers jours. Ignorance ou négligence : le débat reste ouvert. Le fait est que SPIP, en contrepartie de sa robustesse et de sa fiabilité (quand tout roule), demande un peu de jugeote, de mémoire et d’attention. La gravité du problème rencontré n’est pas immense. J’avais bien sûr pris soin de sauvegarder mon travail. Mais quand même, devoir tout refaire ne m’amuse pas. Cela m’oblige donc à repenser, une fois encore, ce que je veux — ou ce que je ne veux pas (la seconde option est toujours plus facile). Je reprends donc, encore une fois, la reconstruction des squelettes, os près os — mais sans doute avec un peu plus d’expérience, ce qui se paie d’échecs, comme il se doit. En attendant, je continue à écrire mes textes sur le site en ligne. Je ne donne pas de date pour la mise en ligne de la prochaine version, mais j’ai déjà quelques trouvailles dans la boîte — notamment un JavaScript extra qui permet de disposer d’une imprimerie de poche pour créer des livres numériques. Reste à savoir ce que j’y mets, dans ces livres. Ce n’est pas l’embarras du choix qui manque.|couper{180}
Carnets | juillet 2025
29 juillet 2025
Contrôler l'accès à la nourriture, c'est contrôler les corps, les territoires, les populations. Impossible de ne pas penser aux famines organisées, aux embargos, aux politiques agricoles. En même temps qu'à la télévision on aperçoit ces parachutages de denrées sur Gaza, on repassait hier La Passion de Dodin Bouffant, du réalisateur Trần Anh Hùng. Il s’est produit quelque chose d’étrange à cet instant. Une attirance et une répulsion dans un même mouvement, pour la nourriture, mais plus encore pour cette culture de la mangeaille. Et ce, malgré la qualité visuelle et sonore — surtout sonore — du film. Ça m’est resté en travers de la gorge. Soudain, cette surreprésentation de la bouffe m’est apparue profondément obscène. Mais pas plus, au fond, que ce qu’on nous fait avaler sur papier glacé, dans les affiches publicitaires, sur les réseaux sociaux. L’importance que la nourriture a prise ces dernières années est considérable. Peut-être que le culte de la boustifaille est vraiment apparu sur les réseaux lors des premiers confinements de 2019 ou 2020. Il y avait là déjà quelque chose d’abject, mais j’y accordais sans doute moins d’importance. Peut-être même en ai-je profité, en recopiant quelques recettes. Mais hier soir, non. En écoutant le frémissement du bouillon clair, les rissolements des foies, les rôtis en train de suer, j’avais plutôt envie de dégueuler qu’autre chose. J’avais déjà vu ce film en 2023, je crois, et je n’avais pas éprouvé la nausée à un tel point. Cette célébration m’avait même laissé admiratif, et en même temps nostalgique, voire envieux. Les souvenirs du culte sont nombreux, ils remontent à l’enfance, aux grandes tablées, aux aurores embaumées par l’odeur de brûlure de pattes de volaille, par l’oignon qui revient vers une tendre transparence. Autant de souvenirs olfactifs que l’on se passe comme un relais dans les familles françaises de classe moyenne depuis des générations. Ce goût de la bouffe, de la “bonne chair”, je le transporte encore dans mes gènes. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, à tant de reprises, de m’en séparer. De traverser des périodes d’austérité, peut-être dans l’unique but de m’en débarrasser. Mais ça revient. Par le nez, par les papilles. C’est plus fort que moi, comme on dit. Un réflexe pavlovien de chien qui revient vers le maître, celui qui, à la fois, le bat et le caresse. Une voix, tout au fond de moi, voudrait me ramener à je ne sais quelle “raison”. Tu confonds tout, me dit-elle. Tu ne peux pas mettre sur un même plan les exactions, les guerres, l'effroi des images que ces événements charrient, avec l'atmosphère tellement chaleureuse d'un film célébrant la gastronomie française. Tu ne peux pas, tu n’en as pas le droit, continue-t-elle. Je l’écoute, je la respecte. Mais pourtant, si je mets cela en parallèle, si je les place sur un même plan, c’est que le plan du dégoût est devenu si vaste, une fois les apparences traversées — les apparences tellement claires — ainsi que les contours fumeux des lendemains qui ne chantent pas.|couper{180}
Carnets | juillet 2025
paupière tombante
Voir la honte au moment même où elle vous prend, c’est voir par en-dessous. Par défaut. À rebours. Ce n’est plus une image, c’est un voile. Une membrane lente descend sur la pupille, un clignement avorté, comme une fermeture en suspens. J’ai connu un perroquet honteux. Il chantait à tue-tête auprès de ma blonde, mais sa paupière flanchait à chaque syllabe. Elle s’écroulait sur l’œil, molle, involontaire. Il continuait de chanter, mais à moitié aveugle. Un œil fermé par la honte et l’autre qui insistait. L’entêtement du regard blessé. La honte n’arrive pas de l’extérieur. Elle monte. Elle boursoufle la vue. Elle se glisse entre le monde et soi comme un écran bistre, opaque, figé. Elle ne trouble pas la vue : elle l’arrête. Et quand elle laisse passer un peu de lumière, c’est une lumière malade, caverneuse. Voir par la honte, c’est comme voir à travers un œil d’aiguille : un point, rien de plus. Honte d’être là. Nu, immobile. Pris dans une impudeur si totale qu’elle semble presque tranquille. Et pourtant personne ne voit. Personne ne regarde. L’invisibilité n’apaise rien. Elle épaissit. Elle appuie là où ça brûle. Elle fait mieux que montrer : elle isole. Le regard manque, mais l’essentiel reste. La honte ne dépend pas de l’œil de l’autre. Elle se propage par en dedans, de la peau jusqu’au nerf optique. la honte au centre du paysage n’arrondit pas les angles. Elle tient le milieu comme un pion figé. Autour, les allées blanches dessinent une spirale hésitante, un tourbillon à ras du sol. Le sable crisse sous les pas, sans rythme net. J’avance d’un pas, je recule de trois. Chaque détour me ramène au point d’avant. À la manière d’un patineur sur carton glacé, glissant sans grâce sur un vieux jeu de l’oie. On ne gagne rien, on recommence. Une case vide, une case piégée, une case où l’on attend.|couper{180}