légendes et autres vies édulcorées
Bien sûr comme beaucoup, commencé par la vie des saints. Jacques de Voragine et la légende dorée. Mais difficile d’y croire vraiment. J’avais déjà été frappé par les fameux éclairs de lucidité, chers à Raymond Carver. A quinze ans j’étais comme ça. A douze j’avais lu la collection complète des Rougon- Macquart. Un pari. Une varicelle me cloîtrant à la maison. Il faut vraiment vouloir y croire à ces vies édulcorées. Sans doute une bonne dose de malheur à avaler en perspective avant d’accéder à cette resucée de naïveté. Quant aux vies d’artistes, d’écrivains, quasiment rien. On ne sait comment ils mangent, gagne leur pain et ce durant de longues années. Puis la découverte de John Fante, demande à la poussière, m’a requinqué. Mais pas encore suffisamment. C’est la lecture du Tropique du cancer de Miller qui m’a révélé ce que je présupposais déjà. Que l’on puisse écrire d’une façon aussi triviale et magnifique sur tant de sujets dont on ne parle jamais fut un nouveau coup de tonnerre, une révélation. Sauf que même ça est encore de la littérature avec tous les guillemets et artifices que ce mot me suggère immédiatement. Et aujourd’hui je lis les feux de Carver. Son histoire où il se retrouve à devoir faire cinq machines à linge en même temps pour aller chercher ensuite ses gamins et les habiller pour qu’ils partent. Pas de sèche-linge disponible et la rage l’impuissance qu’il ressent à cet instant précisément. Et ce constat du fardeau de la responsabilité. Il le dit avec un tel accent de sincérité, dans un tel dénuement... peut-être que si j’avais lu « les feux » à 20 ans au lieu de Miller ma vie en aurait été changée du tout au tout.
Fait deux autres petits tableaux. Comme Carver ses nouvelles, parce que pas de taille pour autre chose, pas suffisamment de capacité de concentration ou d’attention.


Post-scriptum
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
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technique mixte 70x70 cm
mai 2023 technique mixte 70x70 cm mai 2023|couper{180}
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La ramener
Il la ramenait sans arrêt. Pour un oui, un non. Sans qu’on ne lui demande quoi que ce soit. Pour passer le temps je l’imaginais aux toilettes pendant qu’il la ramenait. Son gros cul posé sur la lunette. Ou encore accroupi la tête rouge en train de pousser dans des turques. Il pouvait la ramener tant qu’il voulait. Je pouvais même le regarder dans le blanc des yeux sans ciller cependant . Il y avait même en chœur tout un raffut de sons foireux qui appuyait les images mentales. Quand il avait terminé, il disait — alors t’en pense quoi ? C’est un sale con n’est-ce pas, ou encore une belle salope tu trouve tu pas ? J’en pensais rien bien sûr, je le laissais avec sa question en suspens. Puis je me dépêchais de prétexter une course urgente avant que ça ne lui reprenne, qu’il la ramène encore sur un autre sujet. En gros toujours le même. Lui aux prises avec les dangers infinis du monde extérieur peuplé d’idiots, d’idiotes écervelées. Je me tirais au même moment où il commençait à entrouvrir la bouche de nouveau le laissant là planté comme un poisson en train d'étouffer C'était un miroir qui devait au moins faire sept mètre de long et qui faisait face au bar. Un jour qu'il la ramenait j'ai chopé un tabouret et je l'ai envoyé valdinguer dans le miroir. Il ne l'a plus ramené, c'était fini.|couper{180}