import
import
Le bien peindre et le bien écrire
J'appartiens à cette génération à qui on a inculqué l'envie, parfois de force, de former des belles lettres à la plume. Le pâté à l'encre violette était à bannir, signe d'une inattention qui ne tarderait pas de mener aux pires méfaits, à une délinquance crasse. J'appartiens à cette génération dont les pères s'en revenaient cassés d'Algérie et qui disaient à leurs rejetons : travaille bien à l'école, applique-toi bien, et encore : trouve un bon patron, une bonne place et reste-z'y, applique-toi bien, sois ponctuel et bien sage, sois patient, ça finira par payer. J'appartiens à une génération à qui on a inculqué une certaine idée du beau et du bien et dont j'ai vu les contours se déliter tout au long des années. Je ne parle pas de regret ici, je parle de changement. Il en va de même avec une certaine idée de la peinture, probablement un écho de la Renaissance qui aura poussé ses stries jusqu'à ma rétine. Le bien peindre comme le bien écrire. Mais qui ne sont plus que des coquilles souvent bien vides désormais tant on aura insisté sur la forme justement bien plus que le fond avec cette croyance que les deux étaient intimement liées. Et la génération d'avant autant que je me souvienne prenait à cœur de s'effacer dans le travail bien fait sans pour autant guetter la louange, c'était comme ça Je fus récalcitrant. Je fis énormément de pâtés dans les marges et sur mes écrits. Et je me crus pataud, inapte, méchant comme mauvais durant longtemps. Je crois surtout que j'ai flairé, une partie de moi-même qui appartient à l'ange, le coup fourré ou de Jarnac quasiment illico. Je fus récalcitrant par amour. Pour changer mon avenir en élevant les vibrations du cœur vers les fréquences inaudibles. Tout en demandant je ne me souviens plus quoi. Je savais seulement qu'il fallait que je m'adresse, que je demande quelque chose à mon futur pour qu'il remodèle mon passé, et par ce fait m'entraine à découvrir le présent profond, la conscience vaste de l'espace. J'ai tout foiré hypnotisé par l'angle obtus de mes maladresses, ce que j'avais fini par accepter comme une fatalité. Puis une année le printemps comme cette année est venu. Mes maladresses étaient un masque que l'ange fit voler en éclat avec le surgissement des jonquilles. Mon cœur s'ouvrit encore je crus mourir de grâce. Puis, j'enterrais toutes ces découvertes sur le bord d'un chemin en forêt. Et je continuais ma route un brin d'herbe entre les dents avec l'air encore plus abruti que jamais. Et je me mêlais à la foule, et je tirais la langue à gauche, à droite, pour m'appliquer sans but à bien écrire, à bien peindre, jusqu'à ce que les premiers froids s'amènent et qu'il gèle. Que la graine s'étourdisse s'oublie se meurt. Et puis un jour je me mis à écrire et à peindre comme ça, le bien et le mal avaient été réduits à un ou deux vers de Prévert, je ne saurais guère en dire beaucoup plus. Ils m'ont tiré au mauvais sort par les pieds et m'ont jeté dans la charrette des morts des morts tirés des rangs des rangs de leur vivant numéroté leur vivant hostile à la mort Et je suis là près d'eux vivant encore un peu tuant le temps de mon mal tuant le temps de mon mieux. Complainte du fusillé Jacques Prevert ( Fatras) Huile sur panneau de bois 20x20 cm 2022|couper{180}
import
Avoir un bon fond en peinture.
Encore un réveil impromptu. J'enchaine les habitudes sans y penser. Café, cigarette , petit coup d'œil sur le toit en me rendant à l'atelier. j'ai rêvé ou je crois que c'est la pleine lune ? Il fait toujours froid. Puis mon regard se pose sur les 3 petites feuilles de papier tâchées de peinture que j'ai posées sur le buffet de l'atelier hier soir. Et aussitôt je pense à la cette histoire de fond. Je pense à cette obsession sans doute qui me poursuit depuis des années : qu'est ce que c'est d'avoir un bon fond ? Je pense à la peinture bien sur. Mais tout à coup je tombe sur cette évidence comme lorsqu'on tombe sur un mot que l'on croit connaitre et qui soudain s'avance tel un inconnu. je découvre que la peinture à ce sujet n'est peut-être rien d'autre qu'un prétexte. Depuis l'enfance elle me taraude cette histoire de fond. — Cet enfant n'a pas bon fond. Il a le diable dans la peau. Me rappelle quelqu'un encore une fois. Ce contre quoi je me suis toujours révolté. Se révolter contre quelque chose d'inexorable, je connais. Donc peut-être que je n'ai jamais cherché autre chose dans ma vie que de comprendre cette histoire de fond. Et par ricochet c'est le sujet qui en pâtit. D'ailleurs qui serais-je pour "avoir des sujets" ? Je le dis souvent à mes élèves, en peinture le sujet n'est rien d'autre qu'un prétexte. Ce que je ne leur dis pas c'est mon obsession silencieuse, sans doute occultée par tout un tas de prétextes, personnels, pour ne pas la regarder bien en face. Cette importance pour moi de savoir si j'ai ou non "bon fond". Il y a eu des jours avec et des jours sans. Des jours où j'ai réellement pu penser que j'étais le diable, d'autre un ange. Mais évidemment rien de tout cela n'a d'importance. Ce qui est important c'est de s'inventer une histoire qui permettrait de comprendre pourquoi on fait certaines choses, c'est de les tirer à la conscience en les extirpant de notre inconscience permanente. D'une immanence à une autre finalement. Et donc le véritable boulot ensuite c'est bien de dépasser l'aspect risible, dérisoire, puéril. Faire tout ça pour prouver au monde ou à soi-même que l'on n'est pas à jeter aux chiens, que l'on n'est pas cette "petite ordure", ce "déchet", cette "déception permanente" que l'on nous aura dépeint jadis. On a beau se relever après chaque chute, ça laisse des bleus quand même. L'ignorance réciproque laisse des ecchymoses qu'on le veuille ou pas. Qu'on veuille les oublier en serrant les dents puis en sifflotant par bravade, puis encore par joie vraie en respirant l'air des grandes étendues. Je veux dire comme c'est étonnant, terrible, lamentable, tout ce parcours entre avoir été mis plus bas que terre et parvenir à simplement se tenir debout. Alors que d'autres font ça sans même y penser comme s'il s'agissait d'un acquis ou d'un dû. Je me félicite de ça quand même. Je ne peux pas être un si mauvais bougre. Je dois tout de même avoir quelque chose dans le fond. Peut-être même qu'il ne s'agit pas tant d'avoir mais d'être enfin. Voyez-vous cela... et l'explication soudaine, sans doute une nouvelle hypothèse. On se hâte toujours tellement de vouloir en trouver. Comme je ne savais pas si j'avais bon fond je me serais fait peintre pour travailler ça. Pour l'explorer, pour l'exploser aussi cette histoire de fond et de sujet. C'est à dire surtout que ça se retourne directement contre toute notion de sujet, que le sujet incarne le doute face à la certitude qu'il puisse y avoir un fond derrière toutes ces conneries. Et vice versa, pas de jaloux. A la pèche enfin je m'en souviens aussi, il fallait prendre une plombée pour mesurer le fond du fleuve. Pour pouvoir ensuite régler la hauteur du flotteur et attraper tel ou tel type de poisson. Les carpes, les tanches préfèrent le fond, la vase, alors que les ablettes, les gardons oscillent entre le lit et la surface. Donc quand je peins, la plupart du temps et que je veux surtout ne pas penser à quoique ce soit qui ait la moindre relation avec la notion de sujet c'est parce qu'il n'y a que le fond de toute cette histoire qui m'intéresse vraiment. Sans doute aussi n'intéresse t'elle que moi. Sans doute est-ce une sorte d'auto hypnose. Et pour revenir au monde encore faudra t'il en revenir au sujet ? Souvent je me sens honteux lorsque je me rends compte qu'il est probablement trop tard déjà pour jouer ce nouveau Je. C'est une honte que je déguise avec un sourire comme je l'imagine beaucoup d'entre nous le font. Comme si le sourire était absolument nécessaire. Mais l'est t'il ? Le sourire n'a rien à voir avec les procès et les preuves par plus qu'avec la moindre patte blanche de chat ou de lapin. Et soudain au second café je me frappe presque le front. Et si je grand sujet désormais était le fond ? Et je vois les peintures de Rothko s'entretenir avec celles de Pollock et je vois tous ces posts sur les réseaux sociaux en même temps qui répercutent, en peinture, la déflagration. Cette obsession du fond, que les choses ne doivent surgir que d'un fond avec quelques traits par ci par là, quelques formes tentant de se distinguer d'un chaos. Et qui ont désormais pour habitude de déclencher chez moi une émotion "facile". Une émotion "réflexe" si j'ose dire et dont je me détourne assez vite finalement. Ce qui expliquerait-autre hypothèse, autre conte de fée aussi, mes élans répétés vers la peinture figurative, la fabrication de ces fameux visages notamment qui joueraient un rôle d'intermédiaires, d'intercesseurs, dont la fonction ne serait que recréer un lien social, une relation avec le monde tant parfois il me semble m'être égaré profondément justement dans cette histoire de fond.|couper{180}
import
Tout ça me travaille
peut-être que le coureur s'est arrêté, a fait une pause, un genou à terre, avant de rejoindre Marathon. Je m'étais dit aller soyons raisonnable, prenons soin de l'âne, mettons la viande dans le sac. A 21 h quelques pages d'un roman populaire me font sombrer dans les bras de Morphée. Puis dans mon rêve je me retrouve quelque part dans une maison en bordure de forêt. Une région inconnue, une maison inconnue. Et là je vois qui ? je vois ma chatte Lola qui me file entre les jambes comme elle a l'habitude de le faire depuis toute petite. J'ai à peine le temps de lui parler que déjà je me réveille. Un coup d'œil sur la table de nuit et j'aperçois l'heure 00:05... je me dis qu'il faut que je me lève, le temps s'est rafraichi, elle est peut-être par là dans la cour a attendre. Je m'habille et je descend et évidemment il n'y a personne. Il faut que je me rentre bien ça dans la tête, cette évidence. Et c'est comme une abdication lente qui n'en finit pas de tomber en elle-même. Un puit sans fond. Ce qui me laisse dans une tristesse, comme un coup en traitre. Je me rappelle maintenant que si les animaux ne sont pas morts on ne peut les voir en rêve. Et la guerre que tout le monde ici regarde à la télé. La nausée. La guerre spectaculaire qui moi me donne la sensation d'être lâche. Un lâche comme tous ces français de la dernière guerre qui ont entendu la Pologne envahie en touillant leur café leur thé leur chocolat en petit déjeunant en écoutant la radio à l'époque. Lâche ou abruti je n'arrive pas trop à savoir le bon mot, tellement le mal est d'une banalité ordinaire comme le disait Hanna Arendt J'enfile les raisons de m'être réveillé, comme des perles. je me retrouve au milieu de la cour dans le froid ahuri de ne pas voir se découper sur le toit la silhouette de Lola qui tout à l'heure descendra de l'échelle de bois et viendra ronronner contre mon bras. Je cherche l'origine et je ne vois que de la colère, due à une sensation de trahison et d'impuissance à l'origine de tout. C'est peut-être ainsi que tout a réellement commencé pour chacun de nous, dans l'incompréhension d'une telle colère, d'une telle impuissance sur lesquelles nous tentons de poser des mots, des couleurs, des pensées, dans l'espoir d'atténuer le vertige procuré par leur intensité, contrepoids exact me semble t'il à toutes les joies les plaisirs les espoirs qui auraient surgi comme une rose au bout de tant d'épines. Voilà il est 1h30, écrire ces quelques mots ne résout rien vraiment mais procure juste un peu plus de clarté à cette confusion, à tout ce qui me travaille comme un vieux meuble.|couper{180}
import
La peinture pansement
Trop de coups, de bleus, d'ecchymoses, trop d'agressions multiples et variées, à la tête, au cœur, à l'âme et de tous les côtés, à confondre les 4 points cardinaux en un seul, unilatéralement pénible, hostile, inutile. Donc je peins comme je panserais si j'étais à un front quelconque. J'infirmerais la certitude morbide, les gorges chaudes, la péremption. Les guerres ne sont pas toutes médiatisées, les guerres on ne s'y intéresse vraiment que lorsque nos intérêts sont touchés. Et ceux dans les tranchées ne pensent guère qu'à survivre, c'est partout et toujours ainsi. Et ce sont toujours les pauvres types que l'on habille d'un uniforme, à qui l'on donne une arme, l'espoir de vaincre l'ennemi accessoirement. Des pauvres types de pauvres gens. La guerre est toujours un amusement de puissant. J'accoure du fin fond des trous noirs le couteau à peindre en l'air et je panse les blessures, plein de blessures, pas que les miennes je bouche le noir avec la couleur, j'espère toujours que ça sera clair. ça c'est clair. Aujourd'hui 3 petits pansements de format 20x20cm à l'huile sur panneau de bois.|couper{180}
import
Je vais encore vous embêter.
Même pas fait exprès car ce tableau date de 2019 Je regarde parfois la boite à conneries, et un truc m'horripile c'est le petit drapeau dans le coin en haut à droite de l'écran. Comme ça m'horripile aussi de voir que même les peintres se mettent à placer fort opportunément du jaune et du bleu dans leurs tableaux. Du coup je m'interroge sur mon horripilation tout seul dans mon coin en m'ôtant les poils à la pince à épiler, ouille ça fait pas du bien, surtout ceux au bout du nez. Donc pour montrer sa solidarité désormais il suffit d'afficher les bonnes couleurs au bon moment. Voyez-vous cela. C'est d'autant plus agaçant lorsque vous ouvrez le poste et que vous tombez sur une émission de Hanouna, ou encore une pub de bagnole qui sont pléthore en ce moment ( 1er loyer à 3200 euros pas moins) Bref je dis ça je ne dis rien. Il y a un tel constat d'impuissance générale qu'on n'est plus à une tarte à la crème près. Cependant mine de rien, c'est du copywriting. La première règle étant d'attirer l'attention du consommateur, je me méfie toujours lorsque je remarque que mon attention est attirée régulièrement par les mêmes choses. Et du coup assez vite je suis agacé. Ce qui fait que je reviens à mon point de départ sans autre explication que ça à vous fournir. Vous m'en voyez désolé désormais en plus d'être horripilé. Une chose encore sur les "bons sentiments" proposer un tableau jaune et bleu sur internet c'est toujours faire une offre à des clients potentiels. Celui-ci n'est plus à vendre, c'est juste pour dire qu'il faut réfléchir à ce que l'on fait.|couper{180}
import
Le "profil artistique" matière de l’art contemporain
Aujourd'hui découverte d'un site qui met en parallèle les éléments de la psychologie cognitive avec la démarche artistique. Le but est de parvenir à rapprocher chaque artiste de sa singularité en lui proposant un certain nombre de "moteurs" reliés à nos principaux besoins fondamentaux, puis à étudier les "moyens" utilisés pour y parvenir. Ainsi sera dressé à la fois le profil artistique de chaque artiste et la possibilité ensuite de créer des ensembles de personnalités tant sur la scène française qu'internationale en les reliant les unes aux autres au travers de ces filtres. Les trois besoins fondamentaux, ou "moteurs" La psychologie cognitive identifie trois besoins fondamentaux chez l'être humain RessentirFaireComprendre A partir de ces trois moteurs principaux on peut relier chacun d'eux à des sous-moteurs immergés ElementsdePsycognitiveTélécharger Maxime Chanson, parvient ainsi à créer un système dans le cadre d'une œuvre exposée au Palais de Tokyo ( à partir d'artistes qui ont exposé au Palais de Tokyo) qui se résume ainsi je cite Sa pratique est centrée sur le portrait analytique : composition réalisée sur la base de profils artistiques et ayant pour sujet les artistes ou toute entité du monde de l'art qui exprime sa vision par leur intermédiaire (collectionneurs, institutions, galeristes). En revanche le postulat de départ semble être, d'après ce que j'en ai compris, que le moteur ne change pas en cours de route dans le parcours d'un artiste. C'est à dire que si je suis animé à l'origine par le besoin de ressentir ( le corps, moi, ma vie ) je ne peux pas tout à coup changer de moteur et créer des œuvres dont le moteur serait de vouloir comprendre le monde ( codes-société, perception) Car les conviction en bout de chaîne sont différentes. Cela signifie donc qu'on ne peut pas changer de conviction en cours de route. Et là je crois que j'ai besoin d'une clope, peut-être même deux d'un seul coup, ça me fait trop flipper. https://youtu.be/BCklTYIxBJI|couper{180}
import
L’ère des simulacres
2022 mon vieux Platon, nous y voilà, et rien de ce que tu disais n'a changé. Nous sommes toujours dans une caverne à gribouiller sur les murs des vérités qui nous arrangent pour expliquer le monde, les événements, et ainsi nous conforter, nous réconforter, autant qu'il est possible de le faire avec des bribes que l'on nous jette, depuis la table des banquets comme des restes à des chiens. Les grands de ce monde ne se salissent toujours pas les mains. Ils planchent sans relâche sur la nouvelle façon de conserver leur pitoyable avantage, leur belle image, leurs intérêts. Leur priorité absolue reste la même : Faire fructifier le profit sur la pourriture des cadavres et des morts-vivants, arroser tout ça avec la sueur et les larmes, telle est leur sempiternelle rengaine. D'où découlent l'école, l'usine, le bureau, le bureau de placement, l'EHPAD, le crématorium, et toutes les petites urnes dont on disperse le contenu à tous vents. Nous voici donc 2000 ans et des broutilles plus tard parvenu à l'ère des simulacres. Le film Matrix est encore une sorte de conte de fée à côté de la plaque. Tout ce qui nous reste c'est un fantôme de rêve, un fantôme de liberté, un mince espoir aussi tenu que les dernières racines de la dernière dent que je viens de perdre en mordant dans mon pain dur. Il faut 21 jours pour que le souvenir d'un membre perdu, amputé s'estompe, que la cervelle enfin soit au parfum, au diapason de l'absence. 21 jours à voir passer de la viande rouge comme Tantale l'eau et ensuite passer joyeusement et sans regret à la purée. Dans 21 jours nous en serons où ? encore vacillants à nous demander ce qui a bien pu se passer ? Vacillants et hésitants, à faire appel à des experts encore ? Le cadre ne tient plus la route, aucun cadre ne peut supporter autant d'ineptie. Sans doute que je vais proposer un nouveau service, je ne vais plus monter mes toiles sur châssis, je vais proposer de leurs envoyer roulées, par tubes à mes collectionneurs, en leur faisant grâce des frais de port, l'argent ainsi gagné pourra servir à les monter sur des châssis sur place. Et ma foi ils encadreront ou pas si ça leur chante.|couper{180}
import
Sortir de sa zone de confort
Je ne prépare rien. J'aime improviser, j'aime cette sensation de se retrouver soudain suspendu au dessus du vide à marcher comme un funambule sur un fil. Si j'ai peur ? oui, bien sur, un peu tout de même, c'est à dire juste ce qu'il est nécessaire d'éprouver pour être poussé à effectuer le premier pas, et continuer ensuite à avancer. Je me disais ça en rentrant de mon stage de peinture hier soir. Je me disais que ça avait fonctionné encore une fois comme par miracle. J'avais encore osé me rendre là-bas les mains quasiment dans les poches j'avais osé encore me dire on verra bien. Car quel enjeu au fond que ça marche ? que ça rate ? Que je gagne ou pas de l'argent ? Toutes ces questions que l'on se pose sans relâche à chaque pas que l'on effectue dans un sens ou dans un autre... à quoi bon ces questions ? Si je suis ce que je dis alors tout ira bien. Et si ça ne fonctionne pas, c'est que je dois continuer à polir mes phrases encore et encore, c'est que je suis encore trop éloigné de moi et du ciel. Donc une leçon nouvelle, des choses à apprendre... il suffit de l'accepter, d'y prendre plaisir, de conserver l'enthousiasme comme une braise. Assez classique le début de ce stage. Quoique la présentation soit originale, trois vignettes en bas un grand format dessus, le tout réalisé à l'encre de chine et avec juste un coin de tableau. Puis on enchaine avec le fusain. Encore plus classique finalement sauf qu'à un moment je propose de zoomer d'agrandir le premier dessin, mais peu s'égarent de la représentation d'un visage connu. Et puis vient l'après-midi, la peinture. Je fais coller des bouts de papier journal, puis on peindra en les oubliant, un fond, puis le fameux visage. Oh les beaux visages bien peints, superbes .... Et maintenant retirez donc les morceaux de papier que vous avez collés au tout début... Horreur, stupéfaction, désolation, les visages sont presque entièrement détruits par les déchirures. Reprenez le fusain, complétez la parie manquante ... rien de grave aller courage ...|couper{180}
import
La liberté, l’art de savoir choisir.
Photo de Abhinav Goswami sur Pexels.com Tout à l'heure je repars pour une longue journée de stage dans une MJC. Je réfléchis au temps en ce moment, à comment j'utilise mon temps, et dans quel but ? Comme tout le monde ma priorité est de faire face aux factures évidemment, avec la peur qui accompagne souvent le fait, qu'en tant qu'indépendant, je ne peux jamais vraiment savoir quel chiffre d'affaire je vais réaliser mensuellement. C'est la raison pour laquelle j'ai conservé un job d'enseignant. En raison de la trouille. Parce que je ne suis jamais certain que le fruit de la vente de mes œuvres me permettra de faire face aux factures. Et je m'aperçois que c'est à double tranchant évidemment. Car il est difficile de se donner l'espace et le temps nécessaire à la création, à la recherche, à la rêverie et en même temps d'orienter ses pensées vers quelque chose de très pragmatique comme l'enseignement. J'ai tenté de me dire que c'était juste une organisation à trouver. Un emploi du temps à bien définir. Mais en fait ce n'est pas si simple, l'énergie dépensée dans l'une ou l'autre de mes activités n'est pas inépuisable. Ce qui au bout du compte finit par nuire à tout l'ensemble. Comme d'habitude j'oscille entre deux états : l'enthousiasme et la dépression. Je suis enthousiaste lorsque je parviens à dépenser mon énergie dans un sens utile et déprimé lorsque je m'aperçois que je ne suis pas parvenu à le faire. Si j'analyse d'un peu plus près les véritables raisons qui font surgir l'échec, la déprime, je ne vois qu'un problème de timing, d'organisation en premier lieu. Et surtout je m'accable tout seul, je ne rejette pas le problème sur des conditions externes. Ce qui au bout du compte me renvoie à la notion de responsabilité ou plutôt d'irresponsabilité. En même temps cela me demande une dose d'abnégation pour suivre sans broncher la moindre "to do list" que je pourrais inventer et qui parfois me gonfle, me fait ruer dans les brancards. Comme si soudain l'ouvrier et le patron, qui sont en fait une seule et même personne, entraient en conflit. Il est même à craindre que nous ne soyons pas que deux, il y a aussi l'architecte qui a une vision à plus ou moins long terme et qui lui ne se soucie que de rêver l'avenir, d'élaborer un projet à la minute, pour le remettre ensuite à toute l'équipe qui évidemment reste éberluée parce que ce genre de projet, ne tient pas compte de la réalité le plus souvent. Il n'y a pas de marche à suivre, pas d'étapes clairement définie, par d'énumération de moyens, tout est flou, un véritable merdier. Donc au moins 3 personnes dans cette équipe. Qui est le foutu patron de cet équipe, c'est la question ? Si je dis moi je fais rigoler tout le monde. Parce qu'évidemment tout le monde s'appelle moi dans cette équipe. Et tous ces moi sont enchainés les uns aux autres, ils ne possèdent pas de recul, pas de discernement. Chacun tire la couverture à lui et parfois elle se déchire. Donc il faudrait une entité au dessus de tous ces je qui leur attribuerait une casquette de couleur pour mieux pouvoir les identifier dans un premier temps. Toi l'ouvrier tu seras vert Toi l'architecte tu seras bleu et toi le patron tu seras rouge. —Oui c'est bien joli tout ça dit l'ouvrier mais c'est encore moi qui vais me taper tout le boulot — euh non tu te trompes dit l'architecte sans moi tu n'es pas grand chose, c'est moi qui te fournit les idées. — Bon bon calmez vous vous deux... je suis en train de réfléchir, dit le patron. De quoi vous plaignez-vous en fait ? Que voulez-vous vraiment ? — On voudrait bien savoir où on va dit l'ouvrier, parce que j'ai aussi une vie, une famille, je n'ai pas envie de passer toute la sainte journée à bosser pour toi, surtout pour ce salaire de misère ! — Moi je déborde d'idées et tu ne me donnes jamais l'occasion de les concrétiser dit l'architecte, c'est un véritable gâchis. — Ok ok je vous comprends, mais mettez-vous aussi à ma place dit le patron. Moi je dois faire face aux factures, je dois entrer tous les mois suffisamment de commandes, de fric pour que je puisse vous payer, poursuivi par cette angoisse. —Erreur magistrale , tu devrais courir dans l'autre sens andouille, car Quel est l'objectif de tout ça ? dit Dieu en allumant un feu dans le cendrier à cause d'une clope mal éteinte. Le cendrier ardent, vous noterez qu'il fallait le trouver...Dieu est fier comme un petit banc. Puis il ajoute : — Ok les gars je vais vous aiguiller, quelqu'un sait faire du café dans cette baraque ? et puis toi tiens file moi donc une tige, ça fait longtemps que je ne me suis pas encrassé les poumons. Dieu toussote, se racle la gorge, puis dit —vous êtes divisés parce que votre objectif principal n'est pas clair voilà la vraie raison de tout ce bordel. Donc la première chose à faire c'est de croire en l'unité, en gros : croire en Moi. Non pas ce moi ci, ce Moi là. Faites confiance arrêtez de vous égarer, de vous disperser, réunissez-vous autour d'une table, tiens celle-ci par exemple, asseyez-vous, il reste du café, et causons. Causons de la liberté car c'est le synonyme de l'unité qui elle même est issue du choix comme de la cuisse de Jupiter, c'est à dire encore Moi. Donc primo : chacun d'entre vous doit dire se qu'il veut vraiment à tout le monde. Quelqu'un doit tout noter pêle-mêle. Secondo trouvez parmi tout ce bazar ce qui vous réunit tous les trois. faite une liste réduite juste avec ça et enfin virez le reste ! Evidemment ça ne fonctionnera que si vous désirez à tout prix rester ensemble dans cette entreprise, sinon vous pourriez aussi vous virer les uns les autres jusqu'à ce qu'il ne reste plus comme toujours que Moi. Moi je n'ai hélas pas le choix, vu que je suis Dieu et que je suis en permanence la somme de tous les choix.|couper{180}
import
White hat, black hat
A l'époque où j'installais linux Red Hat sur ma bécane d'occase dans les années 90 je ne savais rien du pourquoi pas plus que du comment. Je voulais juste trouver une alternative à Windows. Les mises à jour à la chaîne m'emmerdaient royalement et cet impérialisme informatique, qu'il fallait supporter en sus des séries B à la con, en raison des quotas négociés par les chaines de télévision m'avait conduit à la rébellion. Mais Red hat, si je comprenais vaguement qu'on me causait de chapeau rouge, ne me disait rien de plus. C'est en écoutant hier une émission sur les stratégies SEO d'Olivier Andrieu que tout m'est soudain revenu. Lorsqu'il évoque les stratégies de référencement du futur, Olivier Andrieu évoque cette vieille affaire de chapeaux noirs et blancs. Dans cette histoire à la Star War il y aurait les Jedailles et des darkvadors qui s'affronteraient dans les années à venir. Sans oublier la puissance de l'A.I l'intelligence artificielle susceptible de damer le pion à un grand paquet de copywriters en utilisant mathématiquement la syntaxe sémantique ad hoc pour faire jouir les algorithmes gougolesques. Rester un white hat ne sera certainement pas de la tarte mais on peut aussi se dire que lorsqu'on a fait un choix il est bon de s'y tenir. Les chapeaux noirs proposeront un contenu de merde, ils inonderont le marché, choperont des gogos par milliers dans leurs mailles et le discernement viendra on l'espère par l'usure. C'est à dire après s'être fait baisé une fois ou deux en achetant compulsivement une merde de chez Ali express ou Wish qui vous explose à la tronche en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Chez les artistes c'est déjà en cours. Certains artistes passent déjà maîtres dans l'art du hashtag, dans le maniement des NFT, ils arrivent en prems dans les classements de Google, comme d'ailleurs les plateformes de vente d'œuvres d'art en ligne. Faut-il vraiment s'en inquiéter ? Faut-il s'inquiéter de l'utilisation de la magie noire en matière de SEO chez les artistes ? Bof j'aurais tendance à dire. Il y a toujours des gens qui vont acheter de la viande chez le boucher, du pain chez le boulanger, des boutons chez la mercière. Ce n'est pas parce que le village est cerné de grandes surfaces que tout le monde s'y rend comme à l'abattoir. Même chez les démunis qui normalement constitue le gros de leur clientèle, un sursaut de dignité ou d'intelligence est susceptible de se produire. Et avec un peu de réflexion on peut aussi comprendre qu'il vaut mieux patienter un mois de plus, voir deux, pour acheter une paire de godasses digne de ce nom, un peu plus chère certes, mais qui durera plus longtemps. Exactement pareil pour les œuvres d'art. J'ai été faire un petit tour sur la plateforme ETSY. Mon Dieu pincez-moi si je rêve... des œuvres peintes à l'huile à des prix cassés qui, à première vue, me font bondir. Puis je zoome, j'agrandis, je regarde et je me dis bon ouf je comprends à ce prix là le mec s'est vraiment pas cassé le cul. Il y a juste l'effet "flash" nécessaire à faire saliver le badaud. Pour répondre à ses besoins compulsifs. De là à vivre avec une telle œuvre accrochée au mur du salon durant des lustres ... perso ça me déprimerait, déjà que je le suis pas mal en général déprimé par un peu tout. Donc attention il faut réfléchir prenez un doliprane et une assurance vie. La différence entre un artiste libre et ce genre de peintre qui fourgue ses toiles à bas prix sur des plateformes pareilles, il faut tout de suite la saisir, ne pas soudain s'engager dans l'ambiguïté. ça n'a absolument rien à voir. Ces mecs là font de la peinture à la chaine de la peinture décorative, qui répond à un besoin du public bien sur et qui est de décorer sa maison. Rien à voir avec un véritable collectionneur d'art. Autre ballade, dans les chiffres cette fois, sur les intentions d'achat d'œuvres d'art classées par tranche d'âge. Et l'apparition d'un nouveau mot pour moi : les millenials Je vous donne ici une définition du mot "Les Millenials sont des individus devenus adultes aux environs de l’an 2000. Une génération de consommateurs mais aussi de gens de pouvoir, il parait par exemple qu’un Millennial gouverne la France. Alors, les Millenials sont nombreux – 2 milliards, à la louche. En Chine seule, ils sont 400 millions. Mais précisément, ils sont tellement nombreux qu’il est évidemment impossible de leur conférer une quelconque homogénéité, et c’est cela le paradoxe : depuis quand avoir le même âge veut dire se ressembler ?" ( une émission France Culture ) Donc parmi les critères les plus importants qui vont pousser un millenial à acquérir une œuvre d'art arrive en pole position, sans surprise, l'appât du gain. Evidemment celui est bien planqué dans un écrin de "bons sentiments" comme par exemple aider la culture, montrer qu'on est une gentille personne, avec du gout et tout et tout. Mais quand même le placement financier est prioritaire faut pas déconner. Ceux là ne vont pas s'abaisser à aller acheter une œuvre produite en série chez Ikea vous voyez. Donc imaginez que vous soyez un chapeau noir, un de ces fameux black hat... comment vous y prendriez vous pour qu'aussitôt qu'un de ces millenials cherche sur google une bonne affaire il tombe sur votre site, sur vos œuvres ? Et bien il faudra l'attirer tout simplement avec les bonnes expressions, les bons mots clefs, mais attention avec finesse, subtilité évidemment, en reconstruisant le même écrin de bonnes valeurs, de bons sentiments, qui fera de lui presque une sorte de mécène afin de ne pas trop montrer qu'il n'est qu'un agioteur et pas grand chose de plus. Comment s'y prendra alors un artiste White hat avec la même cible allez vous me demander ? Et bien un artiste white hat ne sait même pas qu'il existe une population de vieux jeunes dont fait d'ailleurs partie le président de la république française qui ne pense qu'au pognon sous couvert de bonnes manières. D'ailleurs il s'en fout complètement l'artiste white hat, lui il montre son travail, le partage, se fait copier par des chinois ou des balinais et ses œuvres se retrouvent chez ETSY, légèrement modifiées pour des raisons de référencement encore, pas des raisons morales. Car la duplication, google dit que c'est très mal et qu'il ne faut pas le faire.|couper{180}
import
Se laisser dévorer
Elle est revenue, je ne me rendais pas compte. Tout à fait le genre d'évidence qu'on ne saurait voir d'emblée. Cette ombre furtive qui entre dans le champs de vision et que l'attention ne parvient pas à identifier. L'attention se dresse comme un serpent prêt à mordre ou à cracher puis son long cou retombe mollement dans la torpeur. Et cela plusieurs fois par jour, par nuit, Comme une image subliminale répétée. Cette bête qui incarne toute l'horreur de mon enfance, la bête du Gévaudan. Elle ne semble attendre que ma lassitude, que je me couche et abdique. Alors elle arrivera comme d'habitude, rapide comme l'éclair, montée sur des patins à roulettes. Mon regard soutiendra son regard vide, je remarquerai encore une fois la bave qui perle de ses babines, sa longue langue rouge, et puis ces dents, acérées et blanches, seule clarté dans toute cette noirceur. Et alors je me laisserai aller, je capitulerai encore une fois, chair, muscles, nerfs, tendons abandonnés à l'avidité de sa faim si étrangère en apparence à la mienne. Je me laisserai dévorer. Depuis une bonne semaine tout s'accumule. La guerre, la mère Michèle qui a perdu son chat, l'embrayage de la Dacia qui lâche, une mise en demeure de la Cipav, l'ongle de mon petit doigt qui casse, et pour couronner le tout, dans les parterres, l'arrivée des premières jonquilles, et cette sensation bizarre de ne pas se sentir prêt pour accueillir le printemps, d'être "out". J'ai déjà parlé de ma nausée du bleu qui aura surgit aux alentours du début de février, voilà que désormais j'en veux au jaune des jonquilles. comme s'il fallait absolument que je m'accroche désespérément à une hargne pour enjamber les journées et les nuits blanches. Sensation d'être résidu, suif, relique des chaleurs qui refluent. Il m'arrive d'avoir froid aux pieds de plus en plus souvent alors que je ne connaissais pas cette sensation. J'ai toujours eu les extrémités bouillantes merde ! Impression d'être un météore en train de se refroidir et dont la chute de température , liée à la perte d'énergie de vitesse, comme d'agilité, esseule jusqu'au centre même de son noyau. Jusqu'à devenir aussi glacé que l'environnement au sein duquel il file, oh le beau mariage, oh la belle union ! ce sont les retrouvailles du froid avec ce qui l'a un jour produit. De bien tristes épousailles sans aucun témoin, sans lune de miel sans jarretelle ni petit bouquet, pas plus que la moindre dragée à jeter aux chiens. Vue hier dans le grand parc qui s'étend au delà des baies vitrées de la MJC une nappe , que dis-je, une déferlante de pâquerettes et de violettes qui me laisse encore pantois. La surprise du printemps encore, comme l'arrivée de cette bête sur le seuil de mon enfermement. Vient t'elle me délivrer ? Vient t'elle m'achever ? J'ai l'intuition très forte qu'il ne faut pas résister cette fois ci. Juste fermer les yeux, prendre une bonne respiration comme lorsqu'on s'enfonce dans un liquide quelconque en apnée. Se laisser dévorer par l'altérité tout simplement puisque sans doute ce sera la seule preuve tangible, réellement réelle qu'il ait pu y avoir quelque chose ou quelqu'un qui ne fut pas, depuis l'origine du tout, seulement moi. Se laisser dévorer comme on se laisse aller à genoux, dans une vraie prière et voilà tout.|couper{180}
import
Abstraction et démarche artistique.
"Sans titre n°7 (Orange et chocolat)", Mark Rothko 1957 (Collection Kate Rothko Prizel & Ilya Prizel ) Invoquer la paresse serait faire référence à la honte, voire à l'imposture ou à l'illégitimité du statut d'artiste-peintre lorsqu'il s'agit d'expliquer une démarche artistique en général, et dans le domaine de la peinture dite "abstraite" en particulier. Je pourrais facilement me dire que je peins des toiles abstraites faute de mieux. Parce que je suis infichu de créer une composition figurative qui ait un sens suffisamment solide pour que je n'ai pas à le remettre en question le jour suivant. C'est à dire avouer ouvertement la carence qui est la mienne en ce qui concerne le sens en général. Ce fameux sens, ou thème, qui ne me renvoie jamais à autre chose qu'une opinion. Opinion personnelle sur le monde que je trouve stérile lorsque j'y pense seul, et qu'il ne servirait à rien de vouloir propager. C'est cet obstacle que je ne parviens pas à franchir dans la peinture figurative et qui me renvoie aussitôt à l'abstraction, à l'espérance qu'elle m'offre quant au mystère, à l'inconnu, à l'étrangeté. C'est à dire à quelque chose que je ne peux pas définir vraiment. Que je ne veux pas non plus définir dans le fond. L'abstraction est une issue de secours. Elle me permet de m'évader de la dictature du sens. Et en cela elle me propose une nouvelle opinion qui se rapproche plus de l'idée que je me fais de la liberté. Car si pour beaucoup de personnes profanes peindre des toiles abstraites c'est en gros faire "n'importe quoi" et comme je l'ai à un moment de mon parcours cru moi aussi, il n'en est rien. Ce n'importe quoi c'est juste un lieu non indiqué sur une carte. Il n'y a pas de pancartes, pas d'indications claires, aucune signalisation pour pouvoir s'y rendre en toute certitude, en toute sécurité. Il faut tout fabriquer soi-même, y compris l'exigence, les règles, le cadre, tout le tutti. Donc parler d'une démarche artistique dans ce domaine est une gageure. Car c'est souvent par la plasticité des formes, la juxtaposition des couleurs choisies en amont et travaillées sur la palette que l'expression surgit dans l'immédiateté du geste pictural. L'intention se découvre en aval. Car beaucoup d'inconscient vient se poser là qu'il faudra ensuite prendre le temps de regarder, tout en évitant les interprétions faciles, les fameux clichés. Et au bout du compte s'éloigner de plus en plus de ce besoin de donner un sens, qui ressemble beaucoup trop à vouloir contrôler, maitriser, s'accaparer, par le discours, le verbiage ce qui est offert en silence. Il y a quelque chose de proche des mathématiques, de l'élégance mathématique dans ce que j'imagine être une bonne toile abstraite. Je dis cela et en même temps paradoxalement j'ai toujours été rétif à l'école justement dans cette matière. Parce que je crois qu'on en a fait un critère de sélection pour mesurer la capacité à obéir aux exigences du monde du travail. Dans ma jeunesse être "bon en maths" signifiait qu'on gagnait la possibilité de suivre une voie plus royale qu'une autre, d'accéder à des possibilités d'études et d'emplois par la suite qui nous feraient atteindre le haut du panier. Je crois que mon rejet des mathématiques dans ma scolarité est tout bonnement une position politique dans laquelle ma naïveté m'aura installé. Mes parents n'avaient pas les moyens de m'aider en mathématiques. Ils en ignoraient à peu près tout. En revanche je comprenais que les enfants des classes plus aisées se nourrissaient du partage des connaissances que leur famille leur transmettaient, que cela les étayait et ce sans même qu'ils en fussent conscients. Je me souviens de leur arrogance lorsqu'ils recevaient leurs copies avec " pff encore un 18 ou un 19/20" alors que je ne produisais que de très maigres résultats. J'avais honte d'appartenir à une classe de la société qui ne savait rien des mathématiques et cette honte provoquait une colère, un ressentiment exactement comme je l'avais ressentie chez mon père notamment. Du ressentiment certes ... mais le désir de s'accaparer un savoir hors de portée aurait pu en jaillir, si une sorte de fatum ne l'avait pas empêché. Je me souviens très nettement des propos de mon père lorsque je disais "je serai artiste" j'aurais très bien pu dire je serai mathématicien, il m'aurait dit la même chose — Tu n'y arriveras pas. Parfois je me demande pourquoi je ne suis pas mathématicien si le but avait été de vraiment m'opposer et en même temps prouver quoique ce soit à mon père. Cependant je n'ai jamais perdu de vue cette idée d'élégance mathématique. Parvenir à résoudre des choses compliquées en cherchant la forme la plus simple et la plus belle en même temps. C'est ce que j'ai fait avec la peinture abstraite je crois, cependant que je ne peux pas dire que je suis arrivé au but. Très peu de toiles finalement peuvent rivaliser avec la plus simple des équations en matière d'élégance, de beauté, de simplicité. Comme très peu de toiles peuvent rivaliser avec un vers de poésie. C'est que j'ai une exigence très haut placée, sans doute beaucoup trop. Ce qui entraine souvent ces crises après de brèves périodes d'enthousiasme. Et bien si l'on veut vraiment parler d'une démarche artistique personnelle dans le domaine de la peinture abstraite il convient de dire que ce qui se passe sur la toile est l'exact reflet de ce qui se passe dans la tête du peintre. La tentative souvent vouée à l'échec d'atteindre à l'élégance, au simple, en créant un univers qui n'a pas de sens commun à priori. Un univers qui est dans attente d'un sens à venir. Que ce sens vienne ensuite de la bouche du peintre ou d'un lointain descendant dans l'avenir, peu importe. C'est là le secret de bien des mystères qu'avec ma peinture je tente de percer, en allant de défaite en défaite. En ôtant à chaque fois un peu plus de sens inutile, pour regagner des territoires vierges.|couper{180}