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4.Tu ne jugeras pas
Et charité bien ordonnée commence par soi-même. C'est à dire que ce jugement qui te conduit sans relâche dans les plus basses vibrations de l'énergie, tu apprendras à t'en défaire, à t'en libérer. Tache ardue. Surtout si on considère que l'on est perpétuellement installé sur le banc des accusés. Dans un procès sans appel, avec le pressentiment que les choses finiront mal. Que reste t'il alors pour s'orienter ? La méditation et l'observation furent des clefs. Et aussi cette sensation perpétuelle de ne pas appartenir à ce monde dès mon plus jeune âge. Malheureusement le jugement m'attrapa très tôt, il m'extirpa de l'enfance en me scindant en deux parties distinctes. Probablement pour que je parvienne à comprendre sa raison d'être, ses tenants et aboutissants. C'est à dire la séparation, l'oubli, l'aveuglement. Il faut juste se souvenir. Se souvenir que rien ne surgit par hasard. Que tout est toujours là exactement au bon moment. Ainsi cette volonté soudaine de rejoindre la classe de catéchisme du petit village où j'habitais me tenaillait depuis des semaines lorsque soudain je décidais de m'en ouvrir à ma mère. Mon père ne voulait pas que j'aille au catéchisme, toute idée d'église lui hérissait le poil sans que je ne comprenne pourquoi. Peut-être voulait-il que la responsabilité, le choix ne vienne que de moi-même. Peut-être ne voulait-t 'il pas m'imposer une religion ainsi qu'il est d'usage dans notre campagne. C'est à dire reproduire par habitude, par tradition, et peut-être aussi dans un soucis de conformité. Il avait dit que je pourrai bien choisir la religion qui me plaira le jour où j'aurai suffisamment de jugeotte pour le faire. Ce qui projetait mon désir, ou ma curiosité de la chose religieuse dans une temporalité qui m'obligeait à patienter. Or la patience en tant qu'enfant n'a jamais été mon fort. La patience était ce mot que l'on interposait toujours entre l'envie et la satisfaction de l'envie. La patience créait le temps. Et je trouvais toujours le temps beaucoup trop long en tout. Et bien sur dans cette sensation d'ennui que le temps interminable me procurait pour atteindre n'importe quel but, j'avais recours à cette nouvelle propriété de mon esprit qui était le jugement. Je crois que je me suis mis à juger à peu près tout et n'importe quoi, n'importe qui par pur ennui. Mais à l'époque je ne me rendais pas compte à quel point ce jugement s'insinuait en moi comme un poison et dévastait mon cœur. Le jugement était le petit morceau de glace que je me fourrais tout seul dans l'œil pour ne plus percevoir qu'un monde désenchanté. Et probablement que le but caché de ce mouvement était de rencontrer la reine des Neiges, ce personnage dont j'avais fait connaissance dans ces livres de contes que je ne cessais de dévorer. Je suis passé ainsi en un claquement de doigt de l'unité à la séparation en laissant pénétrer en moi la notion de jugement pour tromper mon ennui, parce que j'ignorais tout des raisons de la patience et du désir. Le monde s'obscurcit aussitôt. Je revois défiler toutes ces scènes dans une grisaille quasi permanente. Même les moments que je considérais jadis comme des pauses, des récréations, des moments où l'on peut reprendre sa respiration après un long moment en apnée, me semble teintés de gris aujourd'hui. C'est à dire que l'aura de beauté, de poésie, dont je me suis servi pour les conserver durant de nombreuses années s'est évanouie. Elle ne semble plus avoir de raison d'être puisqu'elle fut créé en miroir de ce sentiment d'ennui, de désolation qui s'évanouit désormais. Je me dis que ça ne doit pas être facile d'écrire simplement les choses sans jugement. Que probablement ça n'intéressera pas beaucoup de personnes. Si je juge utile de publier ces textes c'est avant tout pour moi, pour réparer un malentendu. Le fait d'appuyer ensuite sur le bouton publier n'est peut-être pas grand chose d'autre qu'un symbole lorsque je considère la naïveté enfantine qui ne m'a jamais quitté tout à fait. Comme je le dis à mes élèves, je ne cherche pas à réaliser un chef d'œuvre littéraire, je me concentre plutôt sur le fait de parvenir à effectuer un bon exercice. Et puis pourquoi avoir encore besoin de justifier les choses comme pour s'excuser de faire quoi que ce soit ? Sans doute parce que cette part de moi qui est à l'œuvre chaque jour et qui écrit ces lignes ne connait pas de frontière, ni de séparation. Elle s'aventure sur tous les plans de l'être et récupère le ton de chacun d'eux, le restitue sans jugement. Sans jugement véritable malgré tout ce que moi je peux en juger. C'est aussi une sorte de foi dans le pouvoir des mots que j'ai depuis toujours. Pas tellement les mots que l'on prononce mais ceux qui restent noirs sur blanc dans les livres. C'est mon aspect maya dont il faudra bien que je parle un jour ou l'autre, et de cette part intime dont progressivement je me souviens grâce à l'écriture, grâce aux mots. La fonction de scribe revient de façon lancinante tout au long de ma vie. Et mon intérêt pour les rébus, les charades, me fait désormais me souvenir avec nostalgie d'une dextérité que j'ai perdue ou que je considère incomplète, que je juge incomplète. Que je juge incomplète comme pour mieux m'interdire de m'en souvenir réellement. L'art de manier les glyphes. De les assembler avec la plus haute élégance dans des dédicaces éblouissantes. Mais je n'ai guère que des flashs, je me revois assis sur ce que je crois être un lit luxueux entouré de serviteurs et d'amis qui tous sont suspendus dans l'attente de ma prochaine combinaison de signes et de sons. Et si le jugement vient interrompre tout à coup le flot de ces images ce n'est certainement pas du au hasard pas plus qu'à la peur au désir ni à l'ennui. C'est seulement pour éviter de pénétrer trop avant dans une digression dont je suis trop souvent coutumier. Lorsque je me souviens de toutes ces années emprisonné dans le jugement je peux aussi bien penser à Merlin l'enchanteur emprisonné par celle qu'il aime la belle Viviane à l'intérieur d'un rocher. Viviane n'est pas à maudire ni plus qu'à révérer. C'est là justement que se loge toute la beauté que je découvre peu à peu à mon histoire. Doucement les voiles frissonnent sur la peau de la nuit nue. Et cependant une image surgit lumineuse. C'est celle où je suis en train de jouer avec la boue dans un jardin, je crée des villes au bord de fleuves et j'imagine la vie de leurs habitants . Lorsque soudain j'aperçois un fil de vierge qui traverse le jour ou la nuit. Un fil de Vierge léger et lumineux Alors j'interromps tout, je ne peux faire autrement que de le suivre et qu'importe où il me mène, qu'importe tout ce que je dois laisser à nouveau derrière moi pour le suivre. A ce moment précis où je me lève et le suis j'ai perdu le jugement comme on le dit aussi des fous. Encre et chocolat les doux plaisirs d'une ancienne vie de scribe.|couper{180}
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Que la lumière soit
Rêve ou réalité ? C'est la nuit, la maison est tranquille. Je viens de descendre à l'atelier pour fumer une cigarette et je contemple le désordre dont je me suis entouré comme d'habitude. Depuis quelques jours ce désordre m'est incompréhensible, il ne me semble plus nécessaire comme avant. Je peux imaginer un espace désormais totalement différent, un lieu où à chaque fois que j'aurais besoin de quelque chose je saurais immédiatement à quel endroit le trouver. J'avoue avoir fait de nombreuses fois l'inventaire des solutions qui pouvaient s'offrir pour créer la clarté. Aucune n'a tenue plus de quelques jours. Aujourd'hui je crois comprendre la raison véritable pour laquelle le désordre revient sans relâche. Il me sert à la fois d'entrave et de protection. Il est cette habitude que j'ai installée faute de mieux, tout simplement parce que je ne sais pas demander d'aide. Parce que depuis toujours je me considère comme l'unique responsable de mon désordre. Et donc par cette même logique je pense être aussi le seul qui puisse être apte à créer l'ordre, à réparer ce que je nomme le laisser-aller, le désordre de ma vie comme de mon atelier. Cette tentation de créer un ordre, je sais déjà à quel point elle sera vouée à l'échec si je ne compte que sur mes seules ressources. Si je continue à vouloir être ce vieux con orgueilleux et soi disant savant dont je ne cesse d'entretenir l'image à mon propre regard. Hier en me rasant durant un bref instant j'ai aperçu mon reflet vaciller à la surface du miroir. J'ai soudain vu un jeune homme en pleine vigueur qui me souriait. une Image loufoque que j'ai immédiatement chassée de mon esprit en me traitant de benêt. J'ai répété ce mantra de la vieillesse , avec plusieurs références aux trains qui déraillent, à des choses qui autrefois étaient sensées tourner rond muées par de pauvres vues d'esprit. Je fume ma cigarette en repensant à cette lassitude qui s'est emparée de moi et qui a répudié les rêves. Je fume ma cigarette en observant méthodiquement chaque ilot du désordre. Je ne fais qu'observer, rien d'autre, je me dis que ce n'est même plus la peine de m'accabler. Les carottes sont cuites, tu te diriges vers la fin accepte le et observe. Voilà ce que je me dis. C'est à ce moment là que je me suis senti soudain totalement différent. D'un seul coup j'ai trouvé le gout de la cigarette absolument immonde et j'ai écrasé celle-ci dans un cendrier plein déjà à ras-bord. J'ai regardé le grand mur blanc face à moi sur lequel j'ai peint un carré de toile 70 x70. J'ai éprouvé une envie de rire soudaine. Et le rire qui m'a soudain secoué a du produire quelque chose. Je n'avais plus aucune douleur nulle part soudainement. Je me suis même senti joyeux tout à coup sans raison. Un jeune homme. —Je suis un jeune homme j'ai dit tout haut. La chatte a dressé une oreille et s'est retournée, elle semblait acquiescer en miaulant. Et puis j'ai eu soudain cette intuition qu'il suffisait peut-être de prononcer tout haut ce que l'on voulait pour créer quoique ce soit. Chose que je me suis toujours interdit de faire étonnement en cette vie. Je me suis bien sur demandé si j'étais en train de devenir complètement maboul. Etais-je en train de rêver tout bonnement, un de ces rêves gris et stupides comme j'en traverse tant en tant que jeune vieillard ? Et tout à coup j'ai entendu cette phrase que j'avais apprise sur les bancs du catéchisme. — Que la lumière soit ! Qui n'est dans le fond qu'une demande effectuée à haute voix par le Verbe lui-même. Une prière à mon humble niveau désormais alors que longtemps j'ai pensé qu'il s'agissait d'un commandement. Ce qui change tout. Ce qui permet de passer d'un cauchemar au rêve et du rêve à la réalité que l'on désire finalement. Que la lumière soit c'est bête quand on y pense, surtout dans cette époque de boutons poussoir où on allume et éteint des pièces et des villes sans y penser. Je me suis dit que j'étais peut-être prêt, enfin, à demander vraiment quelque chose désormais. Et c'est paradoxal d'avoir ce genre de pensée au moment même où je sens que je n'ai plus vraiment besoin de grand chose, à part un peu de clarté et cette envie de voir disparaitre le désordre. Enfin, après avoir relaté cette petite expérience qui m'a bousculé dans toutes mes certitudes, j'ai décidé d'aller me coucher et de m'endormir sur une nouvelle demande. Plusieurs fois j'ai murmuré tout bas : —Qui suis-je ? Avec cette étrange confiance que je remarque m'envahir en prononçant ces mots, une confiance proche de la plus folle des certitudes. Mais cette fois je balaie mon envie de rire. Je me sens tellement paisible. Et voilà exactement comment je me suis endormi comme un petit enfant certain du lendemain. Photographie de mon atelier vu au travers de vitres embuées.|couper{180}
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Abolir le hasard en peinture.
Quand la science moderne évoque le hasard c'est toujours parce qu'elle se trouve face à une impasse qui lui demande de reconsidérer ses hypothèses de départ. On pourrait dire qu'elle botte en touche ainsi, comme les sèches elle se carapate en projetant un nuage d'encre pour tenter de brouiller les pistes à tous les adeptes du bon sens. Quand on accepte que le hasard n'existe pas la vie est beaucoup plus simple. Mieux, tout prend un sens. Encore faut-il ne pas se tromper de sens en confondant son bon vouloir avec la réalité. Réalité dont à priori nous ne savons rien à part pour les plus futés qu'elle existe, qu'elle est présente, qu'elle brille par la présence si je puis dire de sa perpétuelle absence. Car chaque fois que l'on s'accroche un peu trop à une réalité il est de bon ton qu'elle s'évanouisse. Comme pour nous dire justement : "doucement je ne suis pas une fille facile". Et c'est sans doute pour cela que l'on confond souvent les femmes et la réalité. En les sublimant dans un premier temps, puis en les conspuant lorsqu'on se trouve confronté à nos propres déceptions. Le respect est primordial ici . Respecter la réalité c'est aussi respecter l'idée de l'instant présent, d'accepter tout ce qu'il nous présente, y compris le hasard en tant que présent. Aussi abolir le hasard ce n'est pas le répudier dans la catégorie insensée des aléas. En peinture non plus on ne joue pas aux dés. La seule raison qui reste en tant qu'obstacle est simplement le saut à effectuer qui transmute la peur en foi. Je ne donne pas de recette pour effectuer ce saut. Il est propre à chacun d'effectuer le sien selon sa nature, et surtout ses intentions d'origine. A ne pas confondre avec les petits désiderata du quotidien. On ne se sert pas du hasard pour briller, pour paraitre, pour vendre quoique ce soit. Ce n'est pas prévu comme ça. Par contre pour peindre oui, c'est à dire comprendre l'équilibre, l'harmonie, les lignes de force, l'ombre et la lumière, appréhender une unité dissimulée sous les contraires, les opposés en chevauchant la vitesse des paradoxes. Oui vraiment, c'est à cet instant que le hasard est un allié, le meilleur de tous sans aucun doute. Cependant que pour ce faire la conscience doit s'élargir. On doit sortir d'une habitude de voir uniquement ce que l'on veut toujours voir. De ce programme installé comme une routine qui nous porte à toujours voir les mêmes choses tout en ignorant toutes les autres. Comment y parvenir ? Il n'y a pas de technique pour cela, et après de nombreuses années de réflexions semblables à autant de petits chocs qu'une mouche subit en se heurtant à la surface de la vitre pour trouver la sortie, je dirais qu'il faut vivre. D'abord en toute inconscience. Puis une fois que l'on s'en lasse pour telle ou telle raison, s'éloigner de la répétition. S'asseoir et observer. Car rien n'est fait pour rien. Et l'erreur est la brique de toute dextérité à venir une fois qu'on accepte de la considérer pour ce qu'elle est. C'est à dire tout sauf un hasard. Esquisse fusain au hasard 2022|couper{180}
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Le personnage de l’éveillé revient au printemps.
Il faut énormément d'énergie pour maintenir la moindre illusion. C'est cette phrase qui me réveille en pleine nuit. Et bien que je ne comprenne pas pourquoi elle surgit ainsi, je décide de faire confiance. Toujours faire confiance dans l'à propos. Et déjà, par cette confiance dans ce que n'importe qui d'autre que moi nommerait le hasard, j'économise une énergie précieuse en ne m'y opposant pas par le doute. L'énergie est un des leitmotiv de mon existence. Un sujet de réflexion permanent. Une obsession. Certains se demandent combien d'argent coute telle ou telle chose. Moi je m'interroge sur la quantité d'énergie à dépenser pour parvenir à comprendre l'absurdité de mes prétendus besoins ou désirs. Quelle énergie va me couter le fait de dire la vérité ? La mienne surtout. Car, c'est une intuition aussi, dans tout l'univers, l'énergie dont je parle est le bien le plus précieux. Celui pour qui on ment, on assassine, on assujetti des mondes, ici et partout, en tous temps et en tous lieux. c'est à dire maintenant. C'est par le grapin de l'attention sans relâche, cette attention que l'on on exige de chacun de nous, que cette énergie nous est dérobée. Evidemment cet esclavage est tellement présent depuis ce que nous imaginons être des milliers d'années, l'habitude de le considérer comme étant "normal" est tellement bien ancré dans nos cervelles que nous ne nous rendons plus compte de cet esclavage. Mais imagineriez-vous un seul instant que ce vous voyiez dans votre vie de tous les jours, tout ce que vous considérez comme vrai ou faux, que tout cela n'est qu'une gigantesque illusion ? Et que vous participez grâce à l'énergie que vous paraissez donner de vous-mêmes, à maintenir ce mensonge collectif ? Que feriez-vous dans un tel cas ? J'observe la résistance en Ukraine. Comment une si petite armée peut-elle résister à l'envahisseur, lui donner autant de fil à retordre. Couper les ponts est la meilleure stratégie pour empêcher la progression des chars, voilà ce que je désire sélectionner comme information utile du film que l'on me projette, et peu importe les raisons pour lesquelles on me le projette, peu importe les raisons pour lesquelles j'ai choisi d'être spectateur. C'est aussi ce que j'ai fait durant toutes ces années. Je n'ai fait que couper les ponts avec ceux qui désiraient me dérober mon énergie. Soit l'entreprise avec son univers où l'on doit marcher sur la tête. Soit les femmes que j'ai fréquentées, toujours le même genre de femme, comme si on avait deviné mes gouts, à moins que l'on ne m'ait programmé secrètement ces gouts et que l'on m'avait " par hasard" toujours mis en présence de celles-ci. Soit mes désirs et ce fut le plus difficile que de remonter à leur source véritable pour m'apercevoir enfin qu'ils n'étaient comme tout le reste, un placage et rien d'autre. Ce que je pensais être mes désirs n'était rien d'autre qu'une installation de derricks à perte de vue pour exploiter et à mon insu, une grande part de mon énergie. Les mots utilisés pour me faire réagir la plupart du temps pour je ne sais quelle raison n'ont jamais fonctionné. On m'a dit que j'étais paresseux, velléitaire, dispersé, dépourvu de ténacité, impuissant, lâche, ridicule, paranoïaque. On me l'a dit tant de fois que j'ai fini par les intégrer peu à peu ces opinions comme des vérités. Et le résultat fut ce sentiment de honte contre lequel je n'ai eu de cesse de lutter. Mais voyez-vous, même cette réaction à la honte fait partie du programme implémenté. Toute révolte visible ou invisible est déjà prévue et de longue date. Se révolter contre sa propre honte est le dernier pont que j'ai coupé avec l'illusion. Aujourd'hui, je me suis réveillé en pleine nuit ainsi que je le fais désormais depuis des mois et c'est cette phrase qui soudain a surgit. Et je me souviens tout à coup que c'est une réponse à quelque chose que j'ai pour la première fois oser demander. C'est cette question qui parait si inutile si souvent que j'ai osé demander en silence, c'était ma prière. —Qui suis-je ? Le monde que j'ai connu ne sera plus jamais le même. Moi-même je ne serai plus ce que j'ai toujours cru être. C'est comme si une nouvelle présence , un nouveau point de contact avec la réalité de l'univers s'était soudainement établi. Beaucoup plus intense que tout ce que jusque là j'appelais être présent. Car non seulement je découvre cette présence mais je m'aperçois qu'elle a toujours été là, dissimulée au fond de moi, au fond de ma poitrine, dans le tréfond de cet organe physique qu'on nomme le cœur. Tout m'arrive par flots désormais, je peux me souvenir de tout mon saoul, sans rien réenfouir dans l'urgence que nécessite le paraitre. Et ce dont je me souviens si délirant cela soit-il je sens que ce n'est pas une nouvelle illusion. Car la joie est si intense et à la fois si paisible que je dépose à ses pieds tous mes doutes, toutes mes antiques failles, et je recouvre tout ce que j'avais cru perdu à jamais. Toute l'énergie est là à nouveau comme au tout premier jour. Et je pourrais, si je le désirais, effectuer une nouvelle pirouette, attribuer tout cela à l'arrivée du printemps que ça n'y changerait rien. Simon Hantaï Peinture qui représente les plis de tous les plis traversés.|couper{180}
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Comment trouver un sens au tableau ?
Je peins l'insensé car il n'existe pas, il ne peut exister. Car tout ce qui nait sur le tableau si désordonné soit-il, je prends pour hypothèse que c'est une création. Et que pour moi créer a un sens de toutes façons même si moi je ne comprends pas ce sens. Donc je peins les choses les plus insensées possibles, le désordre, le déséquilibre, le disharmonieux pour me convaincre que mon hypothèse est juste, tout simplement. Cependant cette observation me donne du fil à retordre. Quelle est la différence entre l'imagination, l'affabulation et le délire ? Qui sont trois termes de degrés différents sur l'échelle de la création. Et bien je crois qu'ils n'existent vraiment que dans un espace collectif, dans un égrégore au sein duquel tout le monde s'entend plus ou moins pour qualifier une chose, un événement, une sensation, une pensée. Cependant si je suis seul face au tableau ces trois mots ne veulent plus rien dire. Je ne vois qu'une création constituée de taches de couleurs, de formes, de lignes qui pour le moment reste muette. C'est à dire que je crée quelque chose qui n'entretient pas de relation avec cette partie de moi qui me fait dire justement que je suis moi dans un espace collectif. Ce que j'attends alors du tableau c'est qu'il me livre son sens dans une intimité. Par télépathie en langage clair et cordial. Que l'information me parvienne sous la forme d'une émotion. Je peins toujours dans ce sens là qui semble être le sens inverse de nombreux peintres lorsqu'ils évoquent leur processus créatif. Car beaucoup semblent savoir ce qu'ils veulent peindre, car ils ont d'abord une émotion qu'ils désirent peindre pour la partager. Je n'arrive pas à faire cela. Parce que peindre une émotion pour moi représenterait peindre quelque chose de mort, qui n'existe déjà plus, ce serait comme peindre une ruine, un vestige, un lien avec une nostalgie souvent insupportable. Et puis j'ai toujours la sensation d'une erreur de position comme si je me fiais à un GPS détraqué. J'ai vécu ça à mes débuts de peintre où je peignais des fantômes. Je suis pour la vie. Je ne peux et veux peindre que le vivant. C'est à dire l'émotion qui surgit de cet insensé que je tente maladroitement de décrire par des mots. j'essaie de sortir du programme habituel, de mon spectacle, de ma projection, de mon cinéma perpétuel. De changer le film si possible. Mais revenons à cette notion d'insensé. Accepter que quoique ce soit existe sous cette forme reviendrait à dire qu'il existe un hasard, et que nous ne sommes finalement que les jouets d'un tel hasard. Quelque chose de très ancien en moi me préserve ou m'empêche d'y croire. Je me suis toujours battu contre cette vision pessimiste en explorant d'ailleurs moi-même toutes les versions les plus pessimistes possibles pour les éprouver. Aucune de ces visions les plus pessimistes ne tient face au moindre rayon de soleil, à la fragrance du jasmin, au sourire d'un petit enfant. Toujours au fond des gouffres j'ai été secouru par le chant d'un oiseau qui m'a ouvert le cœur. Cela semble tellement naïf pour la plupart des gens à qui je l'ai dit. Tout le monde a son petit avis sur l'imagination l'affabulation et le délire n'est-ce pas. Surtout si on ne mets pas les mains dans le cambouis. J'écris l'insensé aussi probablement. Et pour les mêmes raisons que je le peins. Pour respirer car s'il faut vraiment trouver un sens à tout pourquoi pas celui-là ? huile sur toile 80x80 cm 2020|couper{180}
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Respiration de peintre
Détruire, construire, respiration de peintre Techniques mixtes 70x70cm 2022|couper{180}
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Peinture et chasse
— je ne mettrais pas ça aux murs, me dit- elle —c’est pas fait pour ça, je réplique Comme si on peignait que pour mettre des têtes de sangliers aux murs Monde étrange ! Peintures chamaniques 2022|couper{180}
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Le personnage du professeur de peinture.
Travail collectifTravail collectiftravail collectifTravail collectif Parmi tous les personnages de cette histoire abracadabrante, il est temps d'évoquer le professeur. Et si possible sans porter préjudice à celui-ci. C'est à dire en pesant le pour et le contre comme on le fait d'ordinaire pour se faire une idée à peu près juste de quoique ce soit. Impossible donc de pénétrer dans les extrêmes. Il n'y aura ni louange ni accablement. Juste l'observation la plus objective possible des faits. A très exactement 10h52 minutes le professeur commence à s'agacer et sort précipitamment pour fumer une cigarette. Dehors il fait encore un peu frais mais il fait beau temps. Un bref coup d'œil sur l'ampélopsis squelettique du mur ouest de la cour et qui commence à se peupler de longs bourgeons, inspire au professeur un bref réconfort. Il en profite pour faire le point rapidement car il se trouve aux prises avec un os. Avec cette élève là, la magie du professeur n'opère pas. Elle ne cesse de clamer qu'elle ne sait pas où elle va, que le tableau qu'elle est en train de faire ne veut rien dire, que tout est moche et qu'elle ne sait pas si elle reviendra le mois suivant. A partir de là le professeur a le choix. Soit il rentre à nouveau dans la pièce et il dit : —Effectivement c'est mieux que tu ailles voir ailleurs car tu me gonfles le boudin prodigieusement. ou bien Il peut aussi revenir dans l'atelier en disant : — C'est super ! l'ampélopsis commence à bourgeonner c'est vraiment le démarrage du printemps. Autre possibilité encore : — Tu sais c'est tout à fait normal de se sentir perdu au début, ce n'est que ta troisième séance, accroche-toi. Et même, il pourrait s'asseoir, prendre une feuille et lui montrer comment lui, le professeur, réalise un tableau abstrait sans réfléchir. En ajoutant en guise de préface peut-être : "l'important c'est de bien préparer ses couleurs sur la palette pour ne pas se freiner ensuite ou s'interrompre lorsqu'on peint et qu'il faut en refabriquer dans l'urgence." Eureka se dit le professeur en éteignant son mégot. Et il fait effectivement ce qu'il a décidé en dernier recours sous le regard de son élève récalcitrante. Elle a les larmes aux yeux la bichette. Puis il dit ; — à toi de jouer ! en ajoutant un petit clin d'œil bienveillant, ça ne mange pas de pain se dit le professeur. Désespoir de l'élève qui reste les yeux rivés sur le tableau du professeur. — C'est vraiment pas compliqué dit encore le professeur. Tu prends le pinceau, tu le trempes dans la peinture et tu peins sans y penser, en t'amusant à poser la couleur. — ... —Quels sont les trois mots importants ici et maintenant ? se sent contraint d'ajouter encore le professeur, je vous les rappelle : AccepterPlaisirEnthousiasme. —Maintenant si vous tenez à souffrir absolument, libre à vous, mais sachez que ce n'est pas du tout nécessaire pour réaliser cet exercice. —Moi je ne peux toujours pas m'empêcher de souffrir quand je peins dit une autre élève comme pour rassurer sa voisine éplorée. — c'est parce que tu crois que souffrir te préservera de faire "n'importe quoi" , parce que tu crois que souffrir est la seule solution pour un but une destination, un accouchement... Dit le professeur. Puis il s'adresse au groupe dans son ensemble : —Ce que vous appeler une destination un but c'est du déjà vu, c'est un cliché auquel vous vous accrochez comme une moule à son rocher. Oubliez ces choses idiotes, peignez et surprenez vous.|couper{180}
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L’un croit en Walt Disney, l’autre en Youporn
Photo de Alesia Kozik sur Pexels.com On en est là. Dans ce monde binaire, 0 ou 1. Entre les deux un anéantissement probablement cultivé de longue date. Pour qu'on ne se rende pas compte, pour nous étourdir avec un petit verre de rhum juste avant le passage de la faux, pour nous ratiboiser à fond, récolter, engranger le blé. L'un croit en Walt Disney, à Blanche Neige, à Cendrillon, et l'autre appelle une chatte une chatte en arguant qu'elle ne saurait porter une autre nom. Qui donc a tort qui donc a raison ? Qui pour 0 et qui pour 1 ? La balle au centre, et ça recommence, inlassablement. Le problème c'est que de moins en moins le peuple croit au contes de fées et que c'est la débandade coté branleurs. Où va le monde ? Quand donc un peuple extraterrestre va t'il nous reformater le ciboulot, enfin, pour qu'on voit tous la vie en rose ?|couper{180}
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Axiome.
Plus on me demande de faire, de dire, de penser quelque chose plus je me demande pourquoi on me le demande. C'est une façon de procrastiner un peu plus rigolote que toutes celles déjà expérimentées. Et le pire c'est qu'on découvre ainsi des trésors insoupçonnés de bassesse, d'hypocrisie, de bêtise, de fourberie. Entourloupettes à tous les étages ou presque. Mais comme il n'y a guère que les caves qui m'attirent je ne risque pas de rester pris au piège. Photo de Pixabay sur Pexels.com|couper{180}
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Une béance risible.
J'adore les romans de Dostoïevski. Ce n'est pas venu tout seul. J'en ai lu pas mal lorsque j'étais jeune et mon Dieu comme j'en ressortais avec un sentiment de malaise. C'est à la quarantaine qu'ils ont commencé à me faire rire. Et à la cinquantaine, lorsque je les ai relus encore une fois, un sourire s'est dessiné à chaque ouvrage que j'ai refermé. Un sourire de soulagement. Toute l'absurdité de la psyché humaine est dans Dostoïevski. Et le bougre sait y faire pour nous mener par le bout du nez dans les méandres de l'imbécilité. Aussi je ne miserai pas un kopeck sur tous les articles, les débats foireux que l'on nous présente aujourd'hui sur ce que pense Monsieur Poutine. C'est à n'en pas douter un héros de roman Dostoïevskien. Le problème c'est que ce sont de vraies personnes qui crèvent, victimes de sa vision romanesque. Et quelque part cette froideur, cette détermination qu'il affiche je la retrouve en face sur le visage faussement bienveillant de Monsieur Biden. Ils se valent bien. Bien sur on peut évoquer les enjeux humains, économiques, géo politiques, mais la véritable raison de tout ce merdier on n'en parle pas. On ne parle pas de la béance qui s'installe dans la cervelle des hommes au pouvoir, une fois que leur cynisme a tout dévasté de ce que nous nous accrochons à nommer l'humanisme, l'humanité ou je ne sais quoi. Ces gens savent ce que sont le mensonge et la vérité. Et pour eux la vérité n'est qu'un mensonge extrait du lot, un peu mieux habillé que les autres et surtout qui sert à leurs propres intérêts. Et nous autres quidam à nous offusquer de ceci ou de cela en résonnance avec ce genre de vérité qu'on nous assène à l'Ouest comme à l'Est. Sans doute ne sommes nous plus que des robots finalement dans les cervelles desquels on reprogramme sans relâche de nouveaux comportements à adopter selon les bons vouloirs de ces "maitres du monde". Même la polémique est un programme, la contestation est inhérente au système dans la gestion des risques calculée bien en amont de notre discernement. Et tout ça pour quoi finalement ? J'hésite car j'allais dire machinalement le pognon, mais à la vérité je crois que c'est plutôt une histoire de bite ou de couille. Toujours cette sempiternelle question qui agite les bacs à sable. Lequel a la plus grosse ? Et du coup l'effroi comme dans les romans de Dostoïevski, la béance qui surgit de cet effroi premier, une fois l'éclat de rire consumé, avec ses ruines encore fumantes, dessine sur mon visage un sourire d'idiot. La tristesse du roi , Henri Matisse. 1952|couper{180}
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La confiance
C'est avec le même mot que l'on bâti les grandes histoires d'amour et un système monétaire. Sans la confiance rien de tout cela ne pourrait vraiment exister. Et il suffit que le moindre doute s'insinue pour que tout s'effondre. La raison de la chute ne tient qu'à sa cause comme à chaque fois : Un détournement de l'intention première en vue d'effectuer un profit personnel. C'est du moins ce que j'ai pu constater tout au long de ma vie d'enfant, puis d'adulte. Et pas seulement chez autrui, mais aussi en mon for intérieur. Cette friabilité du mot confiance face au surgissement de milles événements, et à cet impératif de survie que je me serais intimé dès les tous premiers KO. Ainsi j'ai pensé que la survie était plus importante que la confiance très souvent. Ce qui pour la plupart des personnes qui liront ces lignes, trace la première ébauche de ma petitesse. Cependant et malgré tout ce que j'ai pu dire, aux autres ou à moi-même, j'ai toujours eu confiance en la vie aveuglément. Cette part de moi qui se situe au zénith de ce foutu moi. Et contre laquelle d'ailleurs je n'ai jamais eu de cesse de pester, tout en abdiquant à chaque fois sitôt que les plaies furent cautérisées. La vie est la plus forte c'est un fait indéniable. Et souvent aussi j'ai trouvé obscène cette confiance viscérale en tout sauf en l'être humain. Obscène par exemple cette admiration pour un arbre, pour un caillou, pour un simple brin d'herbe comme si j'y déversais toute mon impuissance désormais à faire confiance et surtout à admirer le moindre bipède doué de parole, c'est à dire de mensonge, que représentent pour moi mes contemporains. Cette haine du mensonge aura été si intense et durant si longtemps que je crois qu'elle est la seule véritable raison de tous les mensonges que j'ai dû inventer pour survivre à la déception du monde. Une réaction enfantine qui ne prend sa source finalement que par et dans l'instinct grégaire, cette malédiction de l'espèce. D'où cette méfiance permanente envers les autres et moi-même. Ce que je nomme recul en tant que peintre. Recul et discernement lorsque je ne suis pas face à une toile posée sur un chevalet. Lorsqu'on m'adresse la parole, que l'on me vante telle ou telle chose, que l'on commente, m'encense ou me pourrisse peu importe d'ailleurs. Discernement quant à tout ce qui peut sortir de toutes ces bouches, de toutes ces cervelles, y compris de la mienne. Sans doute est-ce pour cette raison que j'écris. Parce que l'écriture, du moins j'en ai souvent l'impression, me hisse à une altitude qui me permet de planer au dessus du merdier général du monde. D'en tirer une matière aussi pour élargir ma vision de celui-ci. Je n'ai pas eu confiance en l'écriture non plus. Je me suis menti énormément aussi à son sujet. Et c'est grâce à ce parcours déjà effectué que j'ai tenté de ne pas répéter les mêmes idioties avec la peinture. On croit que l'on a gagné quelque chose, une expérience, un savoir, Dieu sait quoi. Il faut que l'on se dise cela pour se donner l'illusion de progresser. Mais à la vérité non, on ne gagne rien. On apprend juste à mieux connaitre l'étendue des dégâts, à mesurer la profondeur de nos failles et l'absurdité de nos croyances, de nos espérances de pacotille. Nous sommes des conquérants ridicules tentant de négocier à grands renforts de babioles avec une entité qui n'en a pas besoin. Appelons cela la vie. La vie se fout pas mal de ce qui brille, elle a un humour féroce parfois pour le gratter de son ongle et nous le représenter recouvert de vert de gris. Le mot d'ordre aujourd'hui c'est d'avoir confiance en soi-même. Et lorsque je vois le paquet d'inepties que l'on vous propose pour obtenir cette fameuse confiance et surtout en quoi elle consiste : une méthode Coué, où cette drôle d'ivresse vous fait atteindre à des sommets de fatuité et de bêtise, je préfère mille fois mes doutes. Ils ne me coutent pas d'argent, pas de compromission, pas de trahison, pas d'agitation non plus. Le doute me conserve dans une indéfectible zenitude intérieure. Même si j'affiche pour jouer le jeu toutes les émotions humaines sur les traits de mon visage. Parfois je me demande si je suis vraiment humain. Car en dehors du mimétisme nécessaire à la survie que reste t'il ? Ce que j'appelle mon cœur, ma vie, mon âme, est ce que ce sont juste des mots vides que je prononce comme un mouton qui bêle ? Et cette peur du loup que les bergers ne cessent d'entretenir pour qu'on oublie qui nous bouffera en dernière instance. alors je peins, je ne pense plus à tout ça, je m'engouffre dans la couleur pour sans doute donner forme à l'impuissance qui aura tout ravagé de moi. Avec bonheur. huile sur carton 30x30 cm 2022|couper{180}