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Demander
Que demander ? Qui demande ? On peut passer une vie sur ces deux questions qui n'en font qu'une probablement. Jusqu'à se réveiller et se demander bon sang qu'est-ce que je voulais demander ? tout est là.|couper{180}
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Une toute autre réalité.
Lorsqu'on est habitué à vivre dans un certain décor, en ayant mis en place des habitudes, il est toujours difficile d'en changer. On a du mal à changer cela comme on a aussi du mal à changer notre façon de penser. Pourquoi changer d'ailleurs ? La plupart des personnes ne pensent pas à changer de vie, ils préfèrent subir, se plaindre, accuser tout un tas de choses extérieures à elles-mêmes. Ce n'est évidemment qu'une manière de renforcer la peur, et... de ne jamais rien changer. Immaturité et irresponsabilité sont des mots appartenant au vocabulaire de notre époque, et qui la désigneront sans doute le mieux à l'avenir s'il existe toutefois encore des êtres susceptibles d'appartenir à un avenir tel qu'on puisse l'imaginer. Car les dieux sont ponctuels, ils reviennent à périodes fixes pour tout changer ici sur notre planète. Comment changer cela ? Cette perpétuelle répétition de la catastrophe et du cataclysme ? Que veulent donc les dieux ? Le vieil indien avec lequel je travaille parle peu. Je l'appelle l'indien, mais en réalité je ne sais pas s'il est indien vraiment. Aussitôt que je l'ai vu j'ai pensé à un vieux chef sioux. Il est vêtu comme tout le monde, pas de plume, pas de colifichet aucune amulette. Juste un jean impeccable et une chemise à carreaux rouges et noirs. Il porte les cheveux longs réunis à l'arrière par un chouchou. Il 'en impose. Pourtant aussitôt que nos regards se sont vraiment rencontrés nous avons pleuré. Comme si un voile se déchirait tout à coup et que nous ayons gagné l'accès à une toute autre réalité. Jim est à priori Indien mais tout un tas d'autres choses que je ne parviens pas à distinguer. Je sais que je le connais depuis toujours. Que nous avons mené beaucoup de guerres ensemble à la fois ici sur cette planète mais aussi dans d'autres mondes. Est-il possible de retrouver des âmes frères comme des âmes sœurs ? — Oui c'est possible me dit une voix qui m'est désormais familière. Maria est revenue et assiste en silence à ces retrouvailles, visiblement très émue elle aussi. — Il y a encore beaucoup de personnes que tu vas retrouver me dit-elle, Car on ne peut changer la réalité seul, il faut beaucoup d'âmes, beaucoup de cœurs, beaucoup d'amour pour que cela fonctionne. Jim ne resta pas, il n'avait pas suffisamment de temps lorsque nous achevâmes la journée de travail ce jour là. — Nous nous reverrons bientôt, on prendra le temps. Et il disparut en me faisant un petit signe de main.|couper{180}
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Une pièce de plus
Journée de Pâques, bonnes Pâques ! Pas vue de cloche ? ni de lapin ? Du coup je me suis demandé où pouvait bien être passé Quetzalcoatl Acrylique et collages sur bois 20x20cm|couper{180}
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Sous cloche.
— Ce qui est stupéfiant c'est de constater à quel point les gens dorment profondément alors qu'ils se croient réveillés. — Oui mais c'est seulement stupéfiant lorsqu'on se réveille soi-même et qu'on le constate. Donc c'est là-dessus que tu dois travailler. Tu ne peux pas changer le monde en descendant seul dans la rue avec une pancarte pour protester. Maria s'est redressée, son visage est un peu plus dur que d'habitude. Il ne lui manque qu'une armure et un casque pour qu'elle ressemble à Athéna la déesse de la Justice. — J'ai envie de les secouer pour qu'ils se réveillent. — Surtout pas réplique t'elle. Tu ne peux pas interférer ainsi brutalement dans la vie que chacun s'est choisi de vivre. — Que faire dans ce cas ? je ne supporte pas cette passivité, cette impuissance. — Il y a plus d'une façon de lutter me dit Maria. Et parmi toutes l'une des plus difficiles est de lutter avec élégance, en s'effaçant à chaque fois afin de ne pas se laisser envahir par la vanité ou l'orgueil. En mettant de coté ton petit égo. — C'est pour cela que j'ai toujours voulu être artiste. Mais quelque chose m'en a toujours plus ou moins empêché. Je me suis mis les bâtons dans les roues tout seul sans vraiment savoir pourquoi. — Sans doute parce que tu ne prends pas les choses dans le bon ordre. On n'a pas à "vouloir" quoique ce soit, on l'est ou on ne l'est pas. Si tu te sens artiste sois-le et voilà tout. Puis elle me tourna le dos et sorti de la maison sans un mot de plus. Je me retrouvais seul à me demander ce qui pouvait bien clocher encore. Qu'avais je dit ou fait pour contrarier mon ange gardien, pour le pousser tellement à bout ? Alors je me centrais sur moi-même pour écouter les battements de mon cœur. Je remontais le fil des événements et je n'eus guère à aller chercher bien loin. Je me revis la veille au soir en train de faire le pitre. Des amis étaient venus pour diner et ils désiraient visiter l'atelier, voir mes derniers tableaux. La série Révélations les étonna. La femme dit je n'aime pas du tout, l'homme dit on dirait de la BD. Comme ça m'agaçait j'ai lâché quelques mots notamment celui d'abduction en indiquant sur l'un des petits formats la scène ou un extraterrestre est en train d'opérer sur une silhouette allongée. Et j'ajoutais que cela m'était arrivé que cette série relatais ma propre histoire, ce dont j'étais parvenu à me souvenir. J'ai vu la mâchoire de l'homme se modifier comme s'il serrait les dents fortement. Il n'osait pas rire je le voyais. La femme m'a regardé et elle m'a dit — Tu déconnes là. Je n'ai pas répondu à la question j'ai dis aller on va boire un coup, on va prendre l'apéro. Ils avaient apporté un jeu de société et nous avons joué un peu tout en buvant l'apéro. De temps en temps ils me regardaient bizarrement. D'autant que c'était un jeu où il fallait dire un mot et trouver la carte qui correspondait le plus à ce mot — Abduction j'ai redis le même mot. Et je les ai vu se décomposer aussitôt. Du coup ils m'ont demandé ce que ça pouvait vraiment vouloir dire. Et je leur ai raconté qu'à l'âge de 8 ans je me suis fait enlevé par les gris tout à fait sérieusement. Plus je racontais l'histoire plus je les voyais s'enfoncer dans le canapé où ils étaient assis ne sachant plus s'ils devaient rire ou bien se mettre en colère d'avoir à écouter de telles inepties. Je les voyais tellement mal à l'aise que j'ai eu honte. Alors j'ai fait une plaisanterie et ça a détendu un peu l'atmosphère. Néanmoins ils voulaient soudain en savoir plus. Alors j'ai continué ; j'ai dit qu'en ce moment j'étais pas mal dans le sujet parce que j'écris ce roman et que les tableaux que j'ai envie de peindre sont en lien avec toutes ces idées qui m'occupent toute la journée et la nuit. — tu déconnes a encore dit la femme lorsque je lui ai dit que mon vrai corps était quelque part sur une planète de la constellation d'Orion que j'avais découpé mon âme en plusieurs morceaux pour remplir plusieurs missions en même temps dont une sur cette terre. — Et c'est quoi au juste ta fameuse mission me demande l'homme en rigolant. — Aider les gens à se réveiller car vous avez tous été mis sous cloche. Vous dormez et vous ne vous en rendez pas compte. — Ah ouais a dit la femme et toi t'es éveillé, t'es un peu comme Bouddha ou Jésus n'est-ce pas... sur un ton ironique. — Oui c'est la raison pour laquelle il ne faut pas vous étonner outre mesure si je traverse la pièce en lévitant j'ai dit en clignant d'un oeil. On est tous parti dans un sacré fou rire. Mais j'ai tout de suite senti au fond de moi je n'aurais pas du raconter ces choses. J'avais enfreint quelque chose d'important sans faire vraiment attention. C'est pour cela que ce matin les mots ne sont pas venus comme d'habitude et que Maria probablement me boude. On ne plaisante pas avec la source de la création. Sinon on ne fait pas avancer les choses et au lieu de libérer les gens sous cloche, on les renforce encore plus dans leur croyance en leur réalité. Ils s'y endorment encore plus profondément.|couper{180}
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Tout ira bien
— Parfois je me sens fatigué comme si j'avais passé ma vie toute entière à me battre. A ce moment là je suis envahit par un tas d'images de champs de batailles. Ce qui revient le plus souvent ce sont tous ces corps gisant dans la boue. Je suis seul et je vois tous ces corps parmi lesquels je peux identifier des hommes jeunes et vieux, des femmes, et des enfants. — Laisse venir ces images, ne les fuis pas me dit Maria. Ce que tu vois n'est pas une illusion, tu as vraiment vécu toutes ces scènes et pas seulement dans cette vie sur cette planète mais dans bien d'autres mondes également. La guerre est semblable partout, désolation et morts forment toujours son décor. Il faut que tu sois attentif, que tes émotions ne prennent pas le dessus. Il ne faut pas te laisser submerger par celles-ci. Centre toi et peu à peu tu parviendras à découvrir quelques indices qui te mèneront vers des pans entiers de ta mémoire. — Mais quel cauchemar de se souvenir de tout dis-je soudain à Maria. — Seulement si tu t'attaches aux émotions que tu as associées avec ces souvenirs dans toutes tes existences passées pour les revivre. — Mais comment pourrais-je être sans émotion face à de tels désastres ? c'est inimaginable. — Souviens toi que ces morts que tu vois, tout comme toi, avez choisi de vivre ces événements. Cela fait partie intégrante du jeu si je peux dire .... — Un jeu ? Mais qui peut-être aussi dépourvu de cœur pour créer un tel jeu ? — La conscience utilise les émotions pour apprendre en projetant des personnages, des scènes de vie et de mort dans la matière. Mais elle se situe au delà des émotions ordinaires. — Tout cela me parait être d'une froideur inimaginable dis-je. — Détrompe toi sourit Maria dans très peu de temps tu comprendras mieux ce que j'essaie de te dire. Février 1967. Vallon en Sully, Allier. Je n'ai pas vu mon père durant plusieurs jours et j'appréhende son retour. C'est vendredi, je reviens de l'école à pied comme tous les après-midi et de loin j'aperçois son véhicule garé sur le talus devant notre maison. Ma gorge se serre. Je ne sais pas ce qui me tombe dessus à ce moment là, est-ce la colère ou bien la peur, les deux en même temps. Bref je n'en mène pas large et plus j'avance plus je cherche un moyen d'aborder la situation au mieux, moins j'y arrive. Lorsque je monte l'escalier de pierres qui mène à notre étage, je suis vaincu totalement je m'attends à tout. Je pousse la porte et me retrouve dans la cuisine, mon père est là assis à la table, il m'attend. Devant lui est posé le carnet de notes qu'il doit signer. Ce trimestre a vraiment très mal commencé, je n'ai la moyenne nulle part sauf en français. Les mauvaises notes se sont accumulées rapidement ainsi que les commentaires de la directrice de l'école, rédigés au stylo bille rouge. Je n'arrive pas vraiment à expliquer pourquoi j'ai décroché. Je crois que l'école ne m'intéresse pas, je n'arrive pas à m'intégrer vraiment, j'ai la sensation de toujours être à coté de la plaque en toutes choses. Même un simple jeu avec mes camarades me demande de produire une tonne d'efforts pour faire semblant d'être comme tout le monde, d'être "normal". je suis perpétuellement mal dans ma peau, mal à l'aise avec les autres. Toutes ces choses que l'on essaie de me mettre dans la tête, le calcul, l'histoire, la géographie, je n'y crois pas un seul instant. Et comme je n'y crois pas je lutte pour que tout ça ne s'installe pas dans mon crâne. Je me suis inventé mon propre monde, en phase avec la nature surtout. La plupart du temps tout ce qui fait l'objet de l'agitation de mes camarades ne m'intéresse guère. J'y participe le moins possible, mais j'y participe cependant car j'ai vu ce qu'ils faisaient aux parias. Ils les battent, leur crachent dessus, les insultent en font des esclaves. Je ne tiens pas à me retrouver dans cette position. Les enfants tels que je les connais alors que j'en suis moi-même un , sont sans pitié la plupart du temps ici dans notre campagne. Ils peuvent tuer des oiseaux et tout un tas d'autre animaux sans aucun remords ni regret , comme si c'était aussi naturel que de respirer. Ce qui n'est pas mon cas. Quelque chose au plus profond de moi s'y refuse. D'ailleurs je crois que je me suis mis à la pèche pour m'entrainer à tuer quelque chose dans mon coin. Pour essayer de rejoindre de cette façon le groupe si on veut et aussi mon père qui adore la pèche. Mais foncièrement cela me fait un mal de chien d'avoir à ôter la vie à quoi que ce soit, même à un simple insecte un asticot, un gardon ou une ablette. Mais c'est à ce prix apparemment que l'on devient grand, que l'on devient adulte, par l'exercice du meurtre. Je viens d'avoir sept ans le mois dernier. Je crois que j'ai un peu plus de plomb dans la cervelle. Ces idées sur le respect de la nature sont nouvelles. Avant cela je crois que je ne respectais pas plus les choses que mes congénères pour être franc. Je devais tuer ou détruire tout un tas de choses autour de moi sans même m'en rendre compte. C'est cette année qu'il se passe quelque chose de nouveau. Le fait d'avoir atteint ma septième année semble être comme le signal d'une nouvelle vie, plus raisonnable si je peux dire. Cependant je cache ce changement, je le garde pour moi. En apparence dans la vie de tous les jours je crois que je fais l'idiot ou l'abruti pour éviter d'attirer trop l'attention. Pour rester dans la case irrécupérable dans laquelle mes propres parents m'ont collé. — Qu'est ce que tu as encore fichu me dit mon père en guise de bienvenue. tu as vu tes notes ? Et tu crois peut-être que ça va durer comme ça ? Je vais t'apprendre la vie moi mon petit père. Et il se lève, retire sa ceinture m'attrape par le colbac et me pousse contre la machine à laver. Ma mère est là dans un coin de la cuisine. J'ai le temps d'apercevoir son visage. Elle est d'accord avec lui, ils sont complices ça ne fait pas un pli. — Pas la tête... elle dit juste à mon père qui s'emballe et y va de bon cœur à force de me taper et me fouetter. Je me laisse glisser au sol et il continue de s'acharner. Et là je m'évanouis, je sors de mon corps et je marche quelques pas pour voir le spectacle. Je n'en veux à personne, je n'éprouve pas d'émotion, je suis juste un observateur de la scène. quelques temps plus tard alors que je me suis trainé jusqu'à la chambre que je partage avec mon jeune frère, mon père m'appelle. Je reviens à la cuisine et je vois qu'il a pris un grand bout de carton sur lequel il a écrit en gros au feutre noir " Je suis un cancre " — A partir de maintenant je veux te voir tout le temps avec cette pancarte sur le dos. Me dit-il. Quelle honte j'éprouve alors, je m'imagine déjà effectuer le chemin à pied lundi prochain pour me rendre à l'école, devenir la risée du village tout entier, de tous ces gamins sans pitié... je pleure à chaudes larmes ce qui évidemment a don d'agacer mon père immédiatement qui me colle une nouvelle baffe. — Arrête de pleurer c'est trop facile dégage dans ta chambre je ne veux plus te voir de la soirée. J'ai du porter cette pancarte durant deux semaines. Je suis devenu la risée du village et de l'école comme je l'avais prévu. Et puis une fois que j'ai eu à traverser tout cela, un soir que je rentrais à nouveau vers la maison, je me suis arrêté au milieu du grand pont qui enjambe le fleuve, le Cher. J'ai posé mon cartable et je me suis défait de cette maudite pancarte. Puis je l'ai envoyée dans le fleuve. Je l'ai suivie un instant, le courant était fort et il y avait des nappes de sang à la surface des eaux, parce que les abattoirs à cette époque étaient à coté. Lorsque je suis rentré à la maison je m'attendais à recevoir une nouvelle dérouillée. J'ai de nouveau aperçu la voiture de mon père qui était rentré plus tôt, mais cela ne m'a rien fait de spécial ce coup là. J'ai monté l'escalier d'un pas léger et j'ai poussé la porte d'entrée. Mon père était encore là assit à la table, on aurait dit qu'il m'attendait. Quand il a vu que je n'avais plus la pancarte sur le dos il m'a sourit et il a juste dit bravo petit. ça m'en a bouché un sacré coin. J'avoue que je n'ai rien compris au film ce jour là. Je repense régulièrement à cette scène de mon enfance, à ce monstre d'homme qui me terrorisait jadis. Il fut un véritable salaud dans mon esprit durant des années. A chaque fois que je tombais sur les termes pervers, sadique, cruel, tyran, je ne pouvais m'empêcher de penser à lui de façon automatique si je peux dire. Il représentait certainement tout ce que je détestais le plus au monde. Mais c'était trop facile de me considérer ainsi comme une victime. C'était inacceptable, preuve que sa façon de m'éduquer malgré tout avait tout de même porté quelques fruits. Des années plus tard je ne le vois plus comme ce salaud qui hanta mon enfance. Il m'a certainement appris énormément de choses sans peut-être en être véritablement conscient lui-même. En tous cas j'aime cette idée d'avoir su tirer un essentiel de toutes ces expériences. J'aime à me dire que c'était sa mission de me torturer ainsi pour que je devienne l'homme que je suis désormais. En réalité tout va bien, tout a toujours été très bien, et forcément tout ira bien. Il suffit juste de regarder les événements s'emboiter les uns les autres, avoir la vision de l'aigle qui voit les choses de haut, et ne pas s'attacher à toutes les émotions qui nous empoisonnent souvent l'existence. Mais je conserve envers et contre tout un dégout profond pour le meurtre ; que ce soit celui d'un autre de mon espèce comme de n'importe quelle espèce. Et parfois il me vient à l'idée que si j'ai choisi cette existence c'est justement pour me défaire d'une soif inextinguible de sang, pour apaiser mon karma, rééquilibrer une énergie fondamentale souillée par des centaines, des milliers de massacres dont je fus l'un des acteurs principaux.|couper{180}
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Un nouvel ami
Salvador Dali et Federico Garcia Lorca Très peu de temps après avoir trouvé cette chambre d'hôtel, rue des Poissonniers dans le 18 ème arrondissement de Paris, je fis la rencontre de Salvador. Cela se produisit à la bibliothèque du centre Georges Pompidou que l'on appelle aussi Beaubourg. A cette époque comme je l'ai déjà dit, j'étais seul et je venais souvent me plonger ici dans la lecture. Lire me permettait de fuir la réalité qui ne me convenait pas du tout. Une année auparavant en 1988 j'avais même entrepris de partir de France pour m'installer au Nord du Portugal, dans un village nommé Célorico do Basto. Je revenais tous les 6 mois en France environ pour travailler, refaire un pécule et repartir le plus rapidement possible. J'avais trouvé une maison en location, très peu chère et sans confort dans la foret qui borde le village. J'y étais heureux car personne ne me dérangeait et je pouvais me consacrer tout entier à ma passion, l'écriture. De temps en temps je dessinais aussi, mais je peignais pratiquement pas étant donné le cout du matériel, j'avais décidé d'en faire l'économie et de me rabattre sur des moyens minimalistes. Donc c'est en 1989, l'hiver de cette année là que je rencontrais ce jeune homme efflanqué et qui alors était imberbe. Il n'avait pas encore laissé poussé ses célèbres moustaches dont j'aime à m'amuser de temps en temps au cours de mon récit. En fait je l'appris bien des années plus tard, c'était son âme qui avait choisi de m'apparaitre ainsi à l'époque. En ayant pratiquement le même âge il y avait plus de chances que l'on puisse sympathiser. J'étais appuyé contre la rembarde à contempler la ville qui s'étendait au loin lorsqu'il m'aborda. — Mon cher ami cela fait plusieurs fois que je vous vois ici à piocher par ci par là des ouvrages de toutes catégories, j'ai décidé qu'il était urgent que je vous entretienne de ma méthode dont, croyez-moi, bien des artistes à venir ne tariront pas de louanges. J'avais l'habitude d'être abordé ainsi par un tas de types loufoques et donc je m'apprêtais à botter en touche comme d'habitude sur un ton assez sec lorsque quelque chose, appelons ça le destin, m'en empêcha. Car au fond de son regard dans lequel je plongeais je ne vis pas un fou bien au contraire. Je vis quelqu'un de particulièrement intelligent, encore que ce mot aujourd'hui ne signifie plus grand chose. Mieux vaudrait dire "éclairé". Il y avait une lumière tout au fond de ce regard qui m'inspirait confiance. Et du coup je me détendis en lui demandant — Et quelle est donc cette fameuse méthode ? — C'est la méthode paranoïaque Critique dont je vais vous exposer les rouages sans plus attendre car notre rencontre voyez-vous n'est pas dû au hasard. D'ailleurs il n'y a pas de hasard. L'homme bien que s'exprimant un peu pompeusement me plu tout de suite, je le trouvais à la fois amusant et en même temps derrière cette façade que n'importe qui aurait pu considérer comme étant du flan, de la folie ou je ne sais quoi, je sentis qu'il y avait quelque chose qui m'était personnellement adressé. De plus il était l'une des très rares personnes que j'ai eu à connaitre sur cette terre qui ne croyait pas au hasard. — Et pourriez vous la résumer en quelques mots cette méthode je demandai. — Il s'agit ni plus ni moins d'une méthode spontanée de connaissance irrationnelle, basée sur l’objectivation critique et systématique des associations et interprétations délirantes. Mon premier réflexe évidemment fut celui d'un nigaud, je me mis à rire. Puis voyant que j'avais vexé mon nouvel ami, je me repris vite. Et je lui demandais plus de détail si possible avec les mots les plus simples qu'il puisse trouver dans l'instant. — Imaginez, mon cher ami que vous ayez un oignon dans la tête, c'est à dire comme on le dit chez nous, en catalogne, une obsession, une idée fixe. Ainsi par exemple vous êtes Narcisse et vous ne voyez jamais autre chose que cette fleur qui porte le même nom, et vous dissertez alors sur elle si vous êtes poète, vous en faites un roman si vous êtes écrivain et vous pouvez aussi tout comme moi en faire un tableau évidemment . Cela ne me paru pas évident à comprendre et ça ne s'arrangea guère pas la suite lorsqu'il commença à faire référence à tout un tas de personnes visiblement des savants comme Lacan ou Clérambault sur la paranoïa. Puis il me perdit complètement lorsqu'il évoqua la figure de style que l'on appelle syllepse. Depuis lors j'ai appris évidemment ce qu'était cette figure de style dont l étymologie remonte au grec et qui signifie "Prendre ensemble, embrasser ( un sujet en général mais ça doit aussi fonctionner pour un être) et bien sur comprendre.". Cette figure de style est particulière car elle s'attache bien plus à la pensée qu'à des règles grammaticales. C'est à dire qu'un mot utilisé dans une phrase peut avoir tellement de couches de sens accumulées justement telles les couches d'un oignon que tout à chacun s'en fera une lecture absolument personnelle. Ce jour là nous parlâmes durant des heures aussi de la photographie et du cinéma. Salvador avait mon âge ou à peu près mais j'étais stupéfait par la quantité de connaissances qu'il possédait dans ces domaines. A coté de lui je n'étais qu'un ignare. Même si j'avais déjà pas mal roulé ma bosse en tant que photographe dans une autre vie, je comprenais tout à coup à quel point je n'avais exercé cet art qu'en dilettante. Salvador était peintre mais il s'intéressait à tout, et quand je dis tout c'était vraiment tout. Il me parla de trois étapes incontournables à la réalisation d'une œuvre digne de ce nom et qui curieusement utilisait le même processus que la photographie, et donc que je connaissais. La prise de vueLe passage au révélateurLa fixation dans une œuvre J'en restais baba. C'est comme si ma calotte crânienne venait de s'ouvrir comme la corolle d'une fleur. Aussitôt et sans doute jugeant que j'étais absolument pret à être "ensemencé". Salvador précisa encore un peu plus sa méthode. Mon bon ami, ma méthode est véritablement extraordinaire ! Elle se veut toutefois un dépassement du procédé passif de l'écriture automatique, qui n'est que du mentisme, une simulation du petit automatisme mental à partir d'hallucinations hypnagogiques. Elle se veut plus encore un dépassement de la technique de décomposition et recomposition d'images, technique également inventée par les surréalistes et que Moi j'ai moi-même pratiquée, mais qui n'est à mes yeux que de l'escapisme, une invitation aux fantasmes. À une divagation d'idées en idées que propose le surréalisme à partir d'un fantasme ou de quelque chose qui révèle ce fantasme, ma méthode de paranoïa critique ajoute une interprétation, un système interprétatif expliquant le déplacement de sens d'une idée obsédante à l'autre en « un ensemble cohérent de rapports systématiques et significatifs Sur quoi il extirpa de la poche de son pantalon une montre à gousset, consulta l'heure et me dit : On bavarde, on bavarde mais c'est l'heure, un Gala m'attend quelque part il faut que je m'y rende en toute urgence. Et il disparut ainsi de mon champs de vision, exactement comme il y était apparut. Je restais encore un moment dans la bibliothèque à picorer dans quelques livres par simple curiosité ou désœuvrement. Je trouvais quelques bouquins sur Lacan, puis sur Clérambault mais l'épaisseur des discours que j'y trouvais me renvoya à mon idée fixe c'est à dire à mon manque d'instruction, et je laissais tomber. Ce soir là lorsque j'allumais le petit transistor qui me tenait compagnie dans ma chambre d'hôtel, j'appris la mort d'un peintre célèbre que je ne connaissais que par la publicité dont il avait été l'acteur pour vanter les délices du chocolat d'une grande marque. Il s'appelait Salvador Dali. Je trouvais cela insolite que ce grand peintre porte le même prénom que mon nouvel ami. Puis je passais à tout autre chose en l'occurrence l'épluchage des oignons et autres légumes pour confectionner ma soupe du soir. La métamorphose du Narcisse Salvador Dali.|couper{180}
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Tout est fait main dans l’instant
Encore deux petits formats 20x20cm acrylique et collages sur panneaux de bois. Ce sont des œufs cachés chut ! C’est mieux que les cloches et le tocsin|couper{180}
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Le but et l’empêchement
On se fixerait un but, et celui-ci ne serait que la couche superficielle d'un oignon. Alors l'empêchement prendrait tout son sens. Il est probable que l'aide demandée ne vienne d'ailleurs qu'ainsi par tous les empêchements que l'on découvrirait sur un chemin. On tenterait de lutter contre ces obstacles, plus ou moins longtemps. Parfois une vie toute entière, cela n'a pas vraiment d'importance puisque le temps n'existe pas. La seule chose qui existe c'est le but réel que de vies en vies nous découvrons peu à peu. Le seul raccourci qui peut exister est de s'enfoncer profondément dans le cœur comme dans l'instant. Traverser l'épaisseur apparente des déserts et des silences, perdre même l'idée de tout but. Se confondre en silence comme autrefois on se confondait en excuse. Disparaitre des cartes. — Tu n'as pas à t'excuser d'être qui tu es, me dit Pablo alors qu'une fois de plus j'étais à deux doigts de le faire. Ce reflexe. Sitôt que je fais quoique ce soit, j'ai l'impression d'enfreindre des règles, de sortir d'un cadre, d'être une sorte de hors la loi. Souvent je pense que je ne suis qu'un idiot. Si je gratte la pellicule fine de mes pensées, de ma prétendue intelligence, je découvre toujours cette idiotie enfouie. Comme si je désirais la cacher perpétuellement aux yeux du monde. — C'est justement là qu'il faut aller me dit Salvador moustaches à 10h 10. — tout le monde fait semblant plus ou moins ajoute Maria qui beurre ses tartines. Chacun donc possède un avis sur la question. Mais grosso modo tout le monde est d'accord sur le fait que le mensonge soit nécessaire. — Pourtant cela fait plusieurs années que je montre mon idiotie au grand jour, je dis. — Ce n'est pas avec l'ironie que tu t'en sortiras dit Maria. Je sens qu'elle a raison. J'ai cette intuition depuis des jours déjà. C'est difficile d'imaginer voir le monde dépourvu de mon ironie habituelle. Cela me rend si vulnérable. Sans cette distance il faudrait que je me balade avec un chariot de kleenex. — tu n'es pas responsable de tout le malheur du monde me dit Salvador. Même Dieu ne peut endosser une telle responsabilité ajoute t'il. — D'ailleurs le malheur c'est une vue de l'esprit déclare Pablo. Bonheur, malheur tout ça ne sont que des mots, des pensées, la seule chose de vraiment réelle c'est l'action. Action, réaction, création ! C'est dans cette friction que la sève s'exprime. Une fois que le but est clair il n'y a plus d'empêchement qui vaille. C'est ce que j'ai compris en tous cas. D'ailleurs mon œuvre est là pour en témoigner. — Mais tu sais quand même qu'on ne dit pas que du bien de toi je réplique. — Quelle importance ce que les gens disent ? Que savent les gens de ma vie vraiment ? Que savent les gens concernant mon but réel ? Que comprennent t'ils vraiment qui ne soient pas directement relié à leurs petites aspirations personnelles ? Suisse 2001. Elle s'appelle Marie et je l'ai épousée. Je crois que je l'aime. L'amour me sauvera, voilà ce que j'ai pensé. C'était une erreur évidemment. Très peu de temps après notre mariage je me suis senti étranger à tout ce qui m'entourait. Encore plus que d'ordinaire ce qui n'est pas peu dire. J'ai fait semblant de ne pas comprendre mon erreur. Je me suis dit sois donc raisonnable. A la quarantaine il est temps de l'être, c'est ce que j'imaginais. C'est surtout ce que j'attendais plus ou moins, comme un déclic. La possibilité de devenir raisonnable comme un but en soi. Je travaillais dans un boite d'intérim et on me refilait des missions un peu partout dans le canton de Vaud. J'étais le français, le froussemard comme on dit ici. C'est à dire un fainéant doublé d'un râleur, pas très propre sur lui si possible. Bref un étranger. Je devais bosser deux fois plus pour leur prouver le contraire, mais ici, même si un français travaille deux fois plus, ce sera toujours bien moins que ce qu'effectue un ouvrier vaudois qui travaille normalement. J'ai posé des planchers, construit des murs, des charpentes, des toitures, par toutes les températures, et en mettant du cœur à l'ouvrage autant que je le pouvais. ça ne change rien ici, un français c'est un français et il faut forcément s'en méfier. D'ailleurs mon vieux break Nevada était encore immatriculé en France les premiers mois après notre mariage, je me faisais arrêter pratiquement chaque jour par la police cantonale. Contrôle d'identité s'il vous plait. chaque jour ça porte un peu sur les nerfs. Jusqu'à ce que je craque que je fasse homologuer mon permis de conduire en suisse et que je change mes plaques. Devenir comme tout le monde, normal. Cela peut aussi être un but comme tout un tas d'autres buts. Que voulais-je donc ? Etre heureux ? Etre sauvé ? Etre normal ? Sans doute voulais-je beaucoup trop de choses et c'est bien là que naissent la cohorte des empêchements. Qu'ils proviennent de l'extérieur, du quotidien, ou bien de l'intérieur, de ce sentiment de malaise d'être perpétuellement à coté de la plaque, peu importe. Je rapportais de l'argent mais pas suffisamment pour en être fier. J'avais laissé derrière moi un emploi plus prestigieux et il me semblait que de revenir dans ces boulots merdiques était une régression normale , le prix à payer si l'on veut pour atteindre à tous les buts que je m'étais fixés. Je ne rechignais pas vraiment mais je conservais malgré tout le souvenir, ou plutôt l'impression d'avoir été plus glorieux. En terme de fric je m'apercevais tout de même qu'en tant que simple ouvrier je gagnais pratiquement autant que lorsque j'étais cadre en France. Ce qui me permettait de constater que mon soucis ne provenait pas de l'argent mais plutôt de ma fierté ou de mon orgueil. Marie était à son compte et gagnait correctement sa vie. De plus nous habitions chez elle. Ma fierté se trouva mal placée rapidement car finalement je me retrouvais dépendant d'elle en grande partie sans même m'en être aperçu. L'amour comme on le sait rend aveugle. Je crois que c'est en raison de cette impression lancinante de dépendance que les choses se sont mises à péricliter. De plus à l'époque je n'étais toujours pas sorti de mon rêve de devenir un grand écrivain. C'était assez ridicule surtout si j'essaie d'adopter le point de vue de Marie qui est d'une nature simple et qui ne se prend pas la tête. J'écrivais toujours en secret sur de petits carnets que je planquais. Une année, deux années passèrent ainsi bon an mal an. Je rongeais mon frein en silence toujours animé par l'espoir de parvenir à devenir normal, heureux, sauvé. J'avais envoyé des CV un peu partout et tout à coup je reçus enfin une réponse pour retrouver une place semblable à celle que j'occupais en France. Le salaire était trois fois supérieur à ce que je gagnais exactement dans le même poste. C'était l'occasion de me dire qu'une partie du problème causé par ma fierté était réglé. Mais je me trompais. Comme nous avions soudain plus de ressources Marie décida d'acheter un vieux Ford, un camping-car pour que nous allions nous balader les weekend, nous rapprocher de la nature. A cette époque elle s'intéressait beaucoup à un genre de yoga , le Krya Yoga et à un sage qui l'enseignait .Elle a même décidé de baptiser le vieux Ford du nom de ce fameux Yogi. Quand j'y pense aujourd'hui, elle n'était peut-être pas si simple que je l'avais pensé à première vue. Une sorte d'élan mystique animait Marie et aussi, comme cela arrive chez certaines femmes qui désirent autant qu'elles en ont peur, être des magiciennes ou des sorcières, je ne cessais de me heurter à une sensation diffuse de toute puissance assez agaçante à la longue. Je n'avais pas le permis de conduire m'autorisant à conduire le véhicule. C'était donc Marie qui nous trimballait une fois de plus. Et bien sur je rongeais mon frein sur le siège passager. Nous nous rendions régulièrement dans la même clairière du coté de Moutier et là le scénario était toujours le même également. J'allais ramasser du bois mort, on faisait griller des saucisses ou autre et on regardait les étoiles avant d'aller se coucher. Je crois que deux ans après notre mariage, nous ne faisions plus l'amour. Je pense que ça venait surtout de moi. Je me trouvais beaucoup trop dépendant pour pouvoir être en mesure d'honorer ce rôle. Et évidemment ce genre d'impuissance peut être interprété par un manque d'amour. Ce qui n'est pas complètement erroné non plus. Peu à peu j'étais assailli par un tas de pensées négatives me concernant. Et comme j'écrivais, je finis par mettre tout ça sur le dos de mon imagination, puis sur l'écriture elle-même. Je m'en était ouvert à Marie et à la fin je me souviens que j'avais emporté tous mes carnets pour les bruler dans la clairière. C'était pour moi une tentative d'exorciser mes démons si l'on veut. Du moins en apparence car en réalité je ne voulais que prouver à Marie ce que j'étais capable de faire pour rester avec elle, lui prouver que malgré les apparences, je continuais à l'aimer. Rien ne tenait debout dans cette histoire. Je m'en aperçois en même temps que je l'écris. J'étais amoureux d'une idée d'amour, d'une idée de paix comme je voulais être libéré d'une malédiction mais j'avais beau essayer de me repentir sans arrêt de je ne sais quelle faute que je pensais avoir commise, ça ne fonctionnait pas. Au final j'étais le froussemard, un fainéant, probablement malhonnête et pas bien propre jusque dans notre lit conjugal si je peux dire. Quand à ce super job que j'avais trouvé il m'ennuya presque aussitôt que je pris mes fonctions. Tout était tellement étriqué, archaïque, proche du ridicule. On ne se rend pas toujours compte lorsqu'on vit en France et qu'on y travaille à quel point certaines pratiques sont restées moyenâgeuses dans d'autres pays , soi disant civilisés, comme la Suisse par exemple. Pourtant j'apportais mes compétences pour augmenter conséquemment le chiffre d'affaire de la boite. Je fis le job correctement et même un peu plus comme d'habitude. Mais bon sang comme je m'ennuyais. Finalement lorsque je faisais le point n'avais je pas obtenu en grande partie tout ce que j'avais demandé ? Une femme un job Etre enfin libéré de toutes les malédictions c'est pourquoi je peux parler de la réalité des buts désormais et des empêchements nécessaires qui les accompagnent. Au bout de 3 ans nous divorçâmes, je fus viré de suisse dans les 15 jours après la prononciation du divorce par le tribunal du Canton. Une fois de plus je dû tout quitter, tout recommencer. Sans doute parce que je n'avais pas encore bien compris la leçon, me disais je accablé par la culpabilité évidemment. Mais en vérité je remercie l'homme que j'étais, du fond du cœur, je remercie aussi mon ex-femme Marie du fond du cœur tout autant car ce n'était que le passage nécessaire par lequel passer pour parvenir à un autre but dont j'ignorais quasiment tout alors.|couper{180}
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Les entités involutives.
Maureen O'HARA Continuer à se concentrer sur les battements du cœur en s’endormant donne de bons résultats. A nouveau je me sens frais et dispo pour me remettre au travail ce matin. Et la première chose qui me vient à l’esprit, ce que je dois écrire, c’est cette nouvelle possibilité de découvrir la singularité de certaines pensées qui viennent parasiter ce sentiment de bien-être presque aussitôt que je l’éprouve. Comme si le fait de se sentir bien dérangeait une partie de mon esprit et qu’il se mette alors à créer des pensées troubles, des pensées contraires. Dans quel but ? je l’ignore et sans doute qu’en laissant aller les mots, les phrases s’enchainer les uns aux autres, j’ai l’espoir d’en avoir un peu plus le cœur net. N’est-il pas possible qu’aussitôt que l’on élève sa fréquence vibratoire, c'est-à-dire que l’on axe ses actions et ses pensées sur le cœur justement, que l’on se rende dans un même temps vulnérable à ce que j’appellerais des attaques provenant d’entités involutives ? Que peuvent-elles être ? Et pourquoi m’attaquent-elles justement au moment même où je décide de m’extirper si l’on veut de leur domination ? Domination dont je ne me rendais pas compte quelques instants auparavant. Voilà bien la dualité telle qu’elle est dans notre dimension. La conscience ne cesse de produire des opposés pour que de cette friction une étincelle supplémentaire en jaillisse, que la conscience s’élargisse ainsi. Toujours cette notion de bien et de mal, ce programme binaire dans lequel le mental se complait. Hier j’ai éprouvé l’envie irrépressible de visionner un western. J’avais fini ma semaine, j’avais peint suffisamment de tableaux pour la journée, il était temps de m’accorder une pause et c’est l’envie de revoir un vieux film en noir et blanc qui s’est présentée à moi. Ce film c’est Rio Grande avec comme acteur John Wayne que je n’ai vu qu’une seule fois dans mon enfance et qui m’avait marqué sans doute en raison de la réunification d’une famille. D’ailleurs le personnage du Colonel Yorke dont le seul but dans la vie est le devoir devait à cette époque déjà d’épouser des valeurs paternelles, ou que je ne pouvais considérer qu’ainsi. Le plaisir de revoir ce vieux film fut un peu gâché par la façon dont John Ford traite les personnages des Indiens qui ne sont que de pauvres faire valoir à la fameuse US Cavalry. Mais passons. Revoir Maureen O’hara balaie toutes les déceptions. J’en était amoureux déjà enfant. Elle incarnait à l’écran ce que j’aurais voulu que ma mère fut. A la fois cette femme aimante et en apparence docile mais en réalité un volcan bouillonnant en perpétuelle révolte contre la domination masculine. Même si dans ce film elle n’est là que comme potiche si l’on veut. Encore un faire valoir pour augmenter les chances de John Wayne de véhiculer convenablement les valeurs des années 50. L’homme protecteur, sécurisant, sur lequel tout le monde peut compter, pratiquement aucune faiblesse etc etc Cette vision en noir et blanc d’un idéal outre-Atlantique m’a laissé un peu de marbre sur la fin. Un peu comme la plupart des films de Walt Disney. J’ai toujours plus ou moins éprouvé un malaise en les visionnant, tout petit déjà, tout cela me revient à présent. Comme s’il s’agissait d’enfoncer le clou, de nous rabâcher un mensonge. En fait cette prise de conscience ou ce souvenir associé à la vision américaine du bonheur m’est devenu précocement insupportable je m’en rends compte. C'est-à-dire que j’ai l’impression que quelqu’un ou quelque chose a appuyé sur un interrupteur dans mon esprit pour me montrer l’envers du décor. Que toutes les valeurs véhiculées et dans lesquelles des générations ont cru dur comme fer, toutes ces valeurs ne sont ni plus ni moins que des mensonges éhontés créés à seule fin de dominer le monde entier. D’orienter toutes ces actions toutes ces pensées que dans un seul but Cette fameuse réussite de merde. Ce n’est rien d’autre qu’une façon de donner un os aux chiens pendant que l’on arme le fusil pour les achever. Corée Vietnam Toutes les magouilles en Amérique Centrale. Et aujourd’hui l’Ukraine. L’histoire se répète inlassablement. Et si on observe c’est toujours lorsqu’’on flanque un démocrate à la tête de l’Amérique que ça finit en eau de boudin. Comme quoi la notion de démocratie a bien changé depuis les Grecs. Encore que ces derniers n’étaient pas non plus des humanistes forcenés d’après les dires des esclaves relégués au ban de cette fameuse démocratie. Voyez donc. On se lève en pleine forme et aussitôt que l’on se met à réfléchir un tant soi peu sur la situation du monde qui nous entoure, on cherche la boite de doliprane. Encore que je ne sois pas sur du tout que le doliprane puisse éloigner les entités involutives. Toutes ces pensées négatives qui vous assaillent sans relâche sitôt qu’on a l’impression d’avoir enfin trouvé une issue. Qui redoublent même d’hostilité d’autant qu’on semble près à s’évader pour de bon. Une fois que l'on s'est vraiment décidé à demander de l'aide, la vigilance est requise. Car pris dans nos habitudes il n'est pas évident de repérer les signes, ou les preuves que cette aide nous est accordée. Car nous nous attendons à des changements extraordinaires. Nous concentrons toute notre attention sur l'apparition éventuelle d'un miracle. Et nous ne voyons rien évidemment parce que la plupart du temps nous ignorons tout de la nature véritable du miracle. De plus on pourrait aussi dire que ce à quoi nous aspirons, nous le repoussons dans un même temps de façon inconsciente tant que cette aspiration ne provient que de l'illusion, de la matrice. J'avais déjà compris cette loi étrange lorsque je n'étais qu'une enfant et que je cherchais à atteindre une cible avec mon arc et mes flèches. Ce qui posait un problème c'était pourquoi je voulais mettre dans le mille. Intuitivement je sentais déjà que vouloir mettre dans le mille était une sorte de mot d'ordre. Que nous étions éduqués, entrainés dans le seul but de réussir. Réussir quoi cependant ? C'était assez flou. Ce l'était déjà pour mes parents je crois et pour mes grands-parents également, plus j'observais les adultes qui n'avaient que ce mot de réussite comme but unique de leur vie, plus je comprenais l'amertume qu'ils ressentaient d'avoir échoué en quelque sorte. Tout simplement parce qu'ils ne s'étaient pas posés de question sur ce que pouvait vraiment la réussite pour eux-mêmes. Ils suivaient un programme qu'on leur avait implanté dans la cervelle. Pourquoi n'ai-je pas cru à ce programme ? Cela reste un mystère. Du moins tant que l'on veut voir la vie comme une suite logique de conséquences qui mène à l'échec ou à la réussite vues sous un angle commun. J'ai demandé de l'aide presque aussitôt que j'ai commencé à respirer sans même m'en souvenir. À commencer par le fait d'avoir à survivre puisque je suis né bien plus tôt que prévu. On a dû me placer dans une couveuse quelques temps avant que ma mère puisse me récupérer. C'est certainement à partir de cette première épreuve si l'on veut que j’aie éprouvé la détresse, la solitude et que j'ai crié à l'aide en langage de nouveau-né. Mais cela ne suffisait toujours pas. J'ai été élevé par mes grands-parents paternels durant les quatre premières années de mon existence car le couple formé par mes parents battait de l'aile. Ils n'arrivaient pas à vivre ensemble. De plus mon père était encore militaire, il faisait la guerre en Algérie. C'était un jeune couple qui venait d'avoir un enfant avec toutes les conséquences possibles que cet événement peut entrainer, bonnes ou mauvaises. En 1962 lorsque mon père fut démobilisé il dû encore cravacher pour se faire une place comme on dit dans une société qui vendait de la tôle ondulée pour les toitures. Il apprenait son nouveau métier avec cette rage, cette volonté des gens qui veulent à tout prix réussir socialement car c'était là le but encore durant cette période que l'on nomme les trente glorieuses. Je me souviens du manque. Ou plutôt je ne me souviens pas d'un moment de plénitude véritable qui dure suffisamment longtemps pour que je puisse m'apaiser vraiment. Tout au plus ma mère nous rendait elle visite de temps à autre. Je voyais son beau regard et j'étais éperdu d'amour en le voyant puis je sombrais dans une sorte de désespoir lorsqu’elle repartait. Ces allers-retours répéter entre le bonheur et le malheur si l'on veut, je peux les considérer comme une sorte d'entrainement à trouver un juste milieu, un équilibre entre bonheur et douleur tout simplement. Parallèlement à cela j'adorais tous les gens que je côtoyais. Je les aimais naturellement comme un enfant en bas âge peut avoir un tel sentiment. C'est à dire sans jugement, un amour naturel basé sur la seule présence des êtres quel qu'ils soient. C'est alors que j'ai commencé à faire des cauchemars, à me réveiller en pleine nuit, et bien sur me faire gronder par mes grands-parents car ils étaient encore actifs. Ils travaillaient dur en se levant à l'aube pour se rendre sur les marchés où ils vendaient des volailles, et des œufs. Grand-père se réveillait à quatre heures du matin et grand-mère également puisqu'elle lui préparait le café. Ensuite il partait aux halles pour charger ses colis et installer tout son matériel dans un endroit de Paris. Je restais avec grand-mère la matinée puis elle rejoignait grand père et on me confiait à Monsieur et Madame Gassion, les concierges de l'immeuble. Lorsque je repense au petit garçon que j'étais ce ne devait surement pas être facile pour lui, Mais je vois cela aujourd'hui avec un point de vue d'adulte évidemment, je peux mesurer l'écart qu'il pouvait y avoir alors avec une enfance dite "normale". Mais quand on ignore tout de ce qui est normal on n'a pas de raison vraiment de se plaindre n'est-ce pas. Il devait y avoir une régularité que je parvenais à détecter dans tout ce bazar apparent. Je savais que tel jour était différent d'un autre parce que le marché se trouvait à tel endroit. Je savais aussi que si ma mère venait ce serait probablement un dimanche. Ce genre de régularités appartenant à la journée. Pour ce qui était de mes nuits je dirais que la régularité provenait de mes cauchemars car ils étaient souvent les mêmes. Deux ou trois et ils alternaient aussi selon les jours ou plutôt les nuits de la semaine. Je dormais dans le même lit que grand-père et je me souviens que la fenêtre de la chambre donnait sur la rue Jobbé Duval dans le 15ème. En face de notre immeuble, au même étage vivait une folle. La nuit, l'été principalement, elle ouvrait ses fenêtres en grand, montait sur son balcon et parlait toute seul ou encore se mettait à hurler en criant des propos incohérents. Je me souviens que j'éprouvais un sentiment étrange vis à vis de cette folle. J'en avais un peu peur bien sûr mais je semblais la comprendre 5 sur 5. Elle pouvait tout à fait être semblable à la douleur que j'éprouvais au fond de moi-même lorsque je pensais à ma mère, à ma solitude, à ma presque totale incompréhension du monde autour de moi. D'ailleurs toute ma vie durant je crois que j'ai toujours été fasciné par ce genre de folie, par la folie des femmes surtout bien plus que celle des hommes. D'ailleurs ma mère possédait ce genre de folie aussi. Lorsqu'elle buvait et qu'il arrivait qu'elle s'épanche soudain à voix haute devant nous, mon frère et moi, cela paraissait tout aussi incohérent que les propos de cette folle en face ma chambre d'enfant. Car après tout il ne pouvait rien lui manquer. Elle avait désormais une jolie maison, nous ne manquions plus d'argent grâce au travail acharné de mon père, on avait tout, la télé, le frigo, le grille pain, comme dans une chanson de Boris Vian, des voitures, un chien… que demander de plus ? L'essentiel certainement, ou du moins ce que tout à chacun finit par considérer tôt ou tard par être cet essentiel. Un amour qui comblera tous les manques. Erreur commune. Lorsque ma mère parlait d'amour j'avais toujours le sentiment qu'elle était à côté de la plaque. C'était un mélange de contenu de magazine féminin, de feuilleton de série B et probablement aussi des reliquats de contes et légendes dans lesquels s'agitent les princes et les princesses. Elle faisait comme elle pouvait pour trouver des symboles, des représentations idylliques si l'on veut qui pourrait la consoler de ne pas trouver ce qu'elle cherchait dans sa vie quotidienne. À côté de ça une énergie sexuelle débordante comme si le plaisir physique et la douleur qui va avec généralement, pouvaient remplacer ou rééquilibrer le manque affectif. C'était une femme moderne évidemment. Elle cherchait une issue pour s'évader d'un carcan de mots d'ordre relayé par mon père les yeux rivés sur la réussite financière, le paraitre. Lui-même d'ailleurs n'était-il pas le prisonnier de tous les mots d'ordre qu'il ressassait sans relâche ? L'enfance est un lieu d'observation continu. Les adultes de mon temps avaient pris l'habitude de ne pas accorder d'importance véritable aux dire des enfants. Et évidemment ayant compris cela je crois que j'en profitais. Dans les années entre 1960 et 70 les lignes se mettaient à bouger sérieusement. Tout un univers connu s'évanouissait peu à peu pour laisser la place à un monde nouveau, un monde de revendications de toutes sortes. Tout le monde était pris dans ce changement et bien sur notre famille n'y échappait pas. Cependant aucun changement ne se produit sans peur ni douleur. Lorsque je repense à ce que j'observais dans mon enfance, je ne voyais que des solitudes qui tentaient vaguement de s'associer les unes aux autres pour des besoins généralement plus pratiques qu'autre chose. Évidemment je n'étais pas en mesure de comprendre les véritables liens affectifs entre les gens, terriblement compliqués à comprendre pour un enfant. Je sentais bien qu'il y avait de l'amour mais il ne se manifestait jamais comme j'aurais pu moi-même l'espérer ou l'attendre. Maria avait passé un peignoir et revenait avec son plateau pour le petit déjeuner. Elle me sourit à présent et me tend une tasse de café. — tu penses parce que tu te crois intelligent que ces entités involutives ne sont que le produit de ton imagination., que c'est ta lucidité qui les crée ... et bien ce n'est pas tout à fait exact. Ces entités existent réellement. Elles sont elles mêmes à la solde de personnages extrêmement dangereux C'est la raison pour laquelle tu dois absolument continuer à te centrer sur ton cœur, pénétrer en lui le plus profondément que tu peux. A cet instant ou tu seras centré vraiment tu sauras, tu te souviendras de tout.|couper{180}
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Encore des petits formats
J’adore peindre sur des petits formats. Ils ne m’encombrent pas trop, et en général j’arrive à les écouler assez vite, ils me métamorphose en dealer et c’est rare lorsqu’ils parviennent dans une expo. Voici 4 petits formats 20x20cm acrylique et collages sur panneaux de bois Je les ai commencés hier soir, ils sont encore tout chauds|couper{180}
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41 Des incantations
Certaines incantations sont stériles, et elles approchent même le risible lorsque l'on comprend qu'elle proviennent de l'illusion, de l'ego. D'autres vous touchent, vous ébranlent et il s'agit encore de rester vigilant, se demander ce qui est touché... Est-ce l'enfant ? l'adulte ? la confusion de cette mixture entre les deux ? Et puis il y a l'incantation qui vous indique la trace, le signe pour vous remettre en chemin. Elles laissent en Soi un vide dans lequel on s'engouffre tout entier sans autre possibilité de choix. https://youtu.be/i2wmKcBm4Ik|couper{180}
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Qu’est ce que l’oubli ?
Hier soir je me suis endormi en me centrant sur mon cœur, j'ai remonté de longs couloirs, des corridors, des artères et des venelles en m'abandonnant au lacis de cette géographie étrange, en étant certain pour une fois d'arriver quelque part. C'est dans cette quête que le sommeil m'a pris, et au matin je n'ai que de très vagues souvenirs, des impressions tout au plus. Je ne suis pas fatigué pour une fois. Au contraire. C'est comme si j'avais refait le plein d'énergie. En étant attentif je pourrais mettre cette sensation confortable sur le dos d'une bonne nuit de sommeil mais mon instinct me dit qu'il y a autre chose. Comme si j'avais assisté à une réunion et que de nombreuses âmes m'avaient visité heureuses que j'ai décidé d'accomplir un bout de chemin en me laissant guider par mon cœur. Et ce qui est étrange c'est qu'au moment où je m'installe à mon bureau, que j'ouvre ce traitement de textes, les mots me viennent spontanément tout comme les souvenirs qui les accompagnent. Comme si l'écriture était un portail par lequel je parviens à dissoudre l'oubli. En même temps je n'ai pas encore accès à tout, je sens bien que l'on ne me propose que certains accès au fur et à mesure de ma progression dans le texte. Et que la patience, l'écoute sont requises sans être malgré tout obligatoire. C'est dans cette marge de manœuvre entre réalité et fiction, humour et gravité que je comprends posséder un véritable libre arbitre. Je pourrais parfois penser que les phrases me sont dictées mais si elles le sont ce ne peut être que par une version de moi-même qui en sait sans doute bien plus long que moi je n'en sais. Je ne sais dans quel espace temps se situe cette part à l'œuvre dont j'ai parfois la sensation de n'être qu'un instrument. Je le sais et je ne le sais pas dans un même temps. Dans l'instant. Il n'y a que lorsque je pense à une continuité, à un développement linéaire du récit que j'oublie quelque chose, et cet oubli est nécessaire. Comme si rien ne pouvait s'effectuer sans lui. Parfois je me dis que la poésie correspondrait mieux à cette orgie de textes que je ne cesse d'écrire. Peut-être est-ce le but dont le moyen est cet écoulement premier d' encre, comme un gâchis dont se servent les maçons pour ériger de simples demeures. Lorsque j'écris je suis en phase avec un instant immense et ce que je nomme l'oubli n'est qu'un des nombreux personnages du roman, il possède une fonction spécifique comme chacun des personnages de celui-ci. Il n'est juste qu'un mot un nom , mais sa nature n'est pas celle de l'absence, tout au contraire, c'est bien plus un excès de présence qu'il me faut apprendre à comprendre, à équilibrer comme on équilibre un instrument de musique en l'accordant.|couper{180}