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De profundis
Photo de Nicolas Postiglioni sur Pexels.com —Lorsqu'on chute il n'y a rien de pire que de vouloir s'accrocher à quoique ce soit pour ne pas chuter. Je vous parle d'expérience, vous ne trouverez guère d'information dans les livres à ce sujet. Sauf peut-être dans la Bible, car tout absolument tout est dans celle-ci pour ceux qui ont des yeux pour voir évidemment. Il était accoudé au zinc et nous avions engagé la conversation comme c'est l'ordinaire dans ce genre d'endroit entre naufragés lorsque toutefois ils sont bien conscients de leur état de naufragés. C'est à dire que nous allions droit à l'essentiel, sans ambages. Et sa façon de boire m'en avait déjà appris sur lui plus que tous les longs discours que nous aurions pu échanger. C'est l'avantage que produit au fur et à mesure des mois, des années, la fréquentation des bars de tout acabit et de la population interlope qu'on y croise. Il était enseignant à la Sorbonne, et son domaine était les humanités, enfin c'est ce qui m'en est resté. Chaque semaine nous nous retrouvions dans ce café dont le nom désormais m'échappe. J'ai tenté de retrouver son nom sur internet, mais cela fait désormais tellement de temps que tout a changé. Et puis ma mémoire aussi n'est sans doute plus digne de toute la confiance que je voudrais. Disons donc " ce bar à l'angle de deux rues dans le quartier Saint-Germain", et où j'avais coutume d'échouer après avoir écumé tous les autres. Nous étions lui et moi sur la même longueur d'onde et sans avoir commis le moindre effort pour y parvenir. Une basse fréquence du monde dans laquelle nous voyions tout en noir non sans plaisir et soulagement - oserais je dire avec délectation ? — Je ne croyais pas au diable quand j'avais votre âge, vous êtes donc en avance sur moi si je puis dire car vous, vous savez qu'il est présent. Si j'avais eu votre audace... — Mais de quelle audace parlez-vous donc demandai-je. Est-ce audacieux tant que ça de croire au diable ? ou est ce que ce n'est pas plutôt de la stupidité ? en ce qui me concerne j'ai encore quelques doutes qui subsistent. Sauf qu'à la vérité je mentais, j'avais de moins en moins de doutes déjà à cette époque de ma vie. Mais ce type était en train de se réveiller et je ne voulais rien brusquer. — Des années à étudier la philosophie, la logique, et tout un tas de choses très sérieuses pour en arriver là, à ce qu'hier encore j'appelais l'obscurantisme ... et voici qu'un jeune homme de vingt ans à peine en est arrivé aux mêmes conclusions que moi sans être passé par ce parcours aussi ennuyeux qu'inutile... — L'important c'est le résultat dis-je pour tenter de le calmer car visiblement il avait l'air désespéré. Il fallait boire de toute urgence, seul remède que je connaissais à l'époque pour soigner un grand nombre de maux et donc je fis signe au serveur pour qu'il nous recharge en munitions. Des Carlsberg bien fraiches dans mon souvenir. — Connaissez vous le numéro 130 des psaumes pénitentiels jeune homme ? celui qui commence par "De profundis" ... ? — Je connais la chanson paillarde dans laquelle on ajoute morpionibus dis je pour essayer de l'entrainer vers la légèreté car je voyais que l'état d'accablement de mon interlocuteur s'aggravait de plus en plus malgré le verre rempli d'un joli liquide ambré que le serveur venait de déposer devant lui. Et donc voyant sa tête de cocker, in extrémiste j'évoquais aussi Bach et Messiaen ( mais ce dernier surtout pour faire le malin car discuter avec un universitaire demande un peu d'habileté pour ne pas perdre le fil ) Nous parlâmes ainsi de la valeur du temps pour apprendre des évidences, et puis soudain nous abordâmes le sujet des femmes, cela finit souvent ainsi ai-je observé. Le professeur avait été amoureux d'une jeune femme qui je le compris à mi mot était une de ses étudiantes. Quand il l'évoqua son regard changea du tout au tout, et je vis cette flamme s'allumer que je connaissais par cœur, la flamme du désir qui vacille toujours derrière la confusion embuée des regrets et des pseudo sentiments. — Vous ne pouvez savoir ce que c'est que de redevenir un jeune homme puisque vous l'êtes déjà me dit-il. — Donc ce que vous regrettez ce n'est pas cette jeune fille mais votre jeunesse retrouvée et perdue à nouveau dis-je en lui souriant effrontément, œil pour œil, dent pour dent ! — Tous les prétextes sont bons pour s'engager dans la chute dit-il alors, comme s'il ne se parlait plus qu'à lui-même. Et je dois vous remercier jeune homme car vous m'ouvrez encore un peu plus en grand les yeux décidemment. Du fond de l'abime il ne reste plus d'autre solution que de regarder bien en face une réalité qui d'ordinaire nous échappe. Il ne sert à rien d'atermoyer dans ce processus, de se trouver des raisons, des excuses ou je ne sais quoi d'autre encore. L'ivresse de la chute voilà vers quoi il faut se rendre de toute urgence ! Et il recommanda une nouvelle tournée à ma plus grande joie car je n'avais plus un kopeck et j'avais encore grand soif.|couper{180}
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Cycles
Les anciens avaient compris l’importance des cycles. Cela leur avait sauté aux yeux. Cependant qu’ils n’en comprenaient l’origine qu’en l’attribuant à une cause divine. Cycles des saisons, cycles astronomiques ou astrologiques, tout est cyclique et si on ne s’en rend pas compte toujours c’est qu’il nous manque souvent à la fois le recul comme la mémoire des événements. Il nous manque de plus en plus la mémoire, et la disparition de l’Histoire, consciemment voulue ou pas. Car un peuple qui oublie sa propre histoire est voué à l’extinction. Ce n’est plus un peuple, c’est une bande d’individus plus ou moins bien organisée dont l’unique but est la survie. Un peuple qui sort de son histoire est prêt à se vouer à tout pour tenter de pénétrer dans une nouvelle histoire, celle qu’on lui fait miroiter en brandissant tous les ingrédients de la division, de la séparation pour lui indiquer une différence, artificielle évidemment. Que penser alors désormais de la mondialisation qui n’est qu’une façon de plus de gouverner l’humanité en gommant toute différence identitaire peu à peu pour faire de chaque habitant de la planète un simple consommateur et déjà presque uniquement un numéro ? Que penser du groupe de Davos qui prend des décisions pour l’humanité et qui ne servent que le profit, les intérêts d’une poignée de vassaux qui ne se cachent plus d’être inféodée au Pire ? L’histoire peut s’oublier mais non l’attention aux cycles. Surtout lorsqu’il s’agit des cycles menant à la violence, à l’asservissement et à l’anéantissement. L’intelligence malsaine qui se tient derrière ces recommencements n’a pas d’imagination vraiment. Elle ne fait que répéter des boucles à la façon d’un programme informatique. De là à songer que nous sommes dans une sorte de simulation, une matrice artificielle, ce n’est pas si idiot que ça peut en avoir l’air. Même si la raison, le bon sens s’y opposent généralement. Mais peut-être que cette raison, ce fameux bon sens sont ils encore des fictions crées de toutes pièces et dont la fin est de nous dissimuler l’évidence. Car si nous osons effectuer un pas seulement en dehors de la raison et du bon sens nous nous retrouvons alors confrontés aussitôt à l’effroyable comme au merveilleux. Nous voici face à face avec des forces qui nous dépassent et dont nous sommes incapables de saisir les intentions, les buts. Cependant les cycles sont là pour nous aider à nous repérer dans la confusion et nous avons, en même temps que nous les observons, le réflexe génétique, la nécessité ou le devoir, dirais-je, de les noter comme de les faire remarquer à ceux qui nous entourent et ne les voient pas, aveuglés par la Soi-disant modernité, le progrès, etc. Donc à période régulière des forces qui nous dépassent s’affrontent ici bas et font de chacun de nous des pions sur la terre qui devient pour la circonstance leur échiquier. Que nous nous accrochions à la raison ou à l’imaginaire, nous ne pouvons y échapper. Quelque soit le camp que nous choisissons cela n’a pas non plus d’importance, je veux dire que ça n’interrompt pas le cycle, chacun remplira un rôle qui semble attribué depuis toujours et dont il n’a pas conscience dans le détail. Comment résister alors à l’inéluctable ? C’est cette question essentielle que la fréquentation des œuvres d’art peut faire naître en chacun de nous. Que ce soit la peinture, la sculpture, la poésie, tous les arts ne ramènent qu’à cette interrogation, qui prend la figure d’une résistance inédite. Une résistance qui s’adapte et se transforme pour tenter de s’extraire du cycle justement en pointant une unité, une spécificité de chacun des êtres humains uniques que nous sommes. Pour nous rappeler à une Histoire au delà des histoires, au delà des fictions qui ne cessent de créer les mensonges de toutes ces histoires.|couper{180}
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Comment repérer le vrai du faux ?
Photo de Ylanite Koppens sur Pexels.com L'illusion étant aussi parfaite que totale, on est bien en peine, et encore plus pour ceux qui ne jurent que par le vrai et le faux, afin d'asseoir leur autorité sur autrui comme sur eux-mêmes, d'effectuer le sacro-saint distinguo entre ces deux mots. Comment repérer le vrai du faux ? Y a t'il des formations que l'on pourrait acheter ? Y a t'il un mode d'emploi aussi clair que ceux rédigés en français pour l'utilisation des cafetières, des autocuiseurs, sans oublier la limpidité extrême d'un plan de montage Ikéa... Sans doute cela existe t'il déjà. Surement. Sauf que je ne suis pas encore tombé dessus. Et c'est heureux. Car j'aime douter évidemment du bien et du mal fondé, tout autant que du vrai et du faux que l'on m'impose. J'aime surtout laisser résonner cette impression bizarre, déstabilisante à souhait, provoquée par le doute incessant. Et puis cela prend parfois des années avant qu'une justesse ne sorte de terre comme un champignon après la pluie. Et alors là c'est l'évidence qui me saute aux yeux, une évidence éminemment personnelle quasiment impossible à partager sans tomber dans le travers d'une quelconque autorité, d'une volonté de puissance idiote. Non cette évidence est seulement intime voilà tout. Le seul vrai comme le seul faux que je puisse repérer alors est comme une note de musique incongrue qui se serait échappée de la portée et qui par ricochet me fait découvrir justement l'existence celle-ci. Ainsi pour les couleurs c'est la même chose. Je ne dis plus désormais j'aime le vert je déteste le fuchsia, ça n'apporte rien à personne, je me contente de penser que dans un environnement favorable toutes les couleurs ont bien le droit comme leur raison d'exister telles qu'elles sont. Et elles ont même le droit d'échanger quelques vérités comme quelques incongruités. Ensuite tout est une question d'oreille comme d'habitude.|couper{180}
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Influencer
Ça veut dire quoi influencer ou être influencé ? Je pense à cela en regardant deux vidéos YouTube ce matin, l’une qui reprend les paroles d’un alchimiste médiatique, l’autre qui évoque le fait d’avancer en tournant en rond. Ce qui est interessant je ne cesse de le dire et le penser ce sont les intentions qui se trouvent à la base de toute action. Et donc je me demande quelles intentions se dissimulent derrière ces deux discours. Surtout quand il s’agit de le faire publiquement. Cela me conforte d’autant plus sur mon empêchement depuis des mois à partager sur cette plateforme une opinion quelconque sur la peinture comme j’ai pu le faire dans le passé. Si autrefois je cherchais à dépasser le ridicule que m’imposait ce genre d’activité, aujourd’hui je n’en ai plus besoin. Car souvent la seule personne que je cherchais à convaincre par ces paroles n’était personne d’autre que moi-même. Et donc à terme, une sensation désagréable d’exhiber ce ridicule lui-même que pour mieux s’en défaire. Et donc aucune valeur ajoutée vraiment ni pour le spectateur ou l’auditeur. Sinon éventuellement le soulagement pour lui de constater qu’un autre puisse être encore plus ridicule que lui-même Je suis peu sensible aux influences en fait, je m’y oppose même comme s’il s’agissait d’un réflexe. Sitôt qu’on désire m’influencer j’ai cette image de conquistadors espagnols ou portugais avec leur armée de prêcheurs qui se déverse sur une plage de sable fin. Ce qui entraîne un renforcement, une ténacité digne d’un naufragé s’accrochant à une bouée ou un flotteur en plein naufrage. C’est purement un réflexe de survie.|couper{180}
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Éperdu
Éperdu c’est tout, sans complément, sans objet, et même sans sujet si possible. Lire un poème où les mots sertissent les gouffres et les silences. Où soudain les mots recouvrent leurs fonction, où le vecteur dirige vers un point dense et qui repousse le danger d’orientation. Éperdu et c’est l’instant sans surface ni profondeur. Ça ne dure pas longtemps, la durée alors est de nature inverse de tout le temps passé à se chercher pour se trouver, puis enfin d’abandonner. Éperdu c’est tout.|couper{180}
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Le grand art
Séparer, diviser, est une spécialité humaine alors que la nature ne cesse de multiplier et d'additionner. Et donc il y a un malentendu de taille entre ce que l'on nomme confus et clair. La confusion étant naturelle et la clarté devant donner du sens, de l'ordre à la confusion. Mais que savons nous de la confusion réellement ? En avons nous fait une sorte de bête monstrueuse qu'à la seule fin de faire de notre prétendue clarté un apanage proche du Sacré voire du divin. Un sacré et un divin à notre sauce moderne. D'ailleurs explorer la confusion n'est pas autorisé, et on fait bien tout pour nous en empêcher depuis les bancs de l'école. Et si on se pose la question, pourquoi ne doit-on pas pénétrer dans cette confusion ? et bien on avancera toujours la nécessité de la clarté mais pas grand chose d'autre. Le serpent se mord la queue voilà tout. Ce qui fait qu'on impose une idée de lumière plus qu'une réalité de lumière. Et une fois celle ci enfoncée dans les esprits par une élite religieuse, politique, elle servira souvent pour asseoir une domination. Ceci est ou n'est pas la lumière. Vous voyez ? Et bien pour l'art c'est devenu la même chose. La séparation est tracée ainsi de la même manière avec les adjectifs petit et grand, vulgaire et sacré etc etc .... J'ai bien peur que tout cela ne soit que du brassage d'air, du bruit que l'on fait avec sa bouche. D'ailleurs j'ai moi aussi raconté beaucoup de bêtises je ne me mets pas à la marge. Simplement la prise de conscience d'un vulnérabilité chronique, vis à vis de cette unité que l'on voudrait remettre en question par la séparation, la division, à seule fin de tester sa réalité ontologique ou sacrée justement. Et la tester pour des raisons évidemment douteuses si je puis me permettre encore. Mais la réalité ontologique on ne peut ni la cerner ni la découper en tranche puisque tout à chacun baigne dedans comme toutes les définitions que l'on pourra trouver sur toutes choses pour tenter de les séparer, les isoler, souvent en vain. S'il existe un grand art c'est l'art de pénétrer en toute conscience dans la confusion elle-même, de s'y fondre totalement pour examiner le silence que cette prise de conscience crée en nous. Pouvoir être l'observateur en même temps que le co créateur d'un tel silence est un art qui réduit en poudre toutes les dimensions, l'orientation en général et la longue cohorte des adjectifs inutiles. Ce serait l'art d'un inutile dont on ne pourrait plus se passer car il renverserait gentiment, sans violence l'utile et ses empires, ses servitudes , ses maitres comme ses esclaves.|couper{180}
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Ils l’avaient bien cherché.
Adam et Eve dans le jardin d'Eden Artiste Johan Wenzel Peter (1745 - 1829) « Le complotiste et le paranoïaque ont toujours raison car il n’y a pas de fumée sans feu » C’est cette hypothèse qu’il s’était forgée lui-même vers laquelle il revenait sans cesse comme on revient au centre d'un cercle. Et cette certitude l’aiderait désormais à ne pas sombrer dans la débilité absolue du monde moderne. Pour lui l’humanité était frappée par une malédiction biblique sur laquelle il n’y avait plus à revenir. Et la preuve la plus évidente de cette malédiction, c’est qu’elle continuait sans répit ses ravages. Il n’y avait qu’à constater le peu de cas que l’on faisait des rituels, du divin, du sacré, relégués par l’incommensurable orgueil de cette humanité perdue à des croyances puériles et archaïques. L’indifférence qu’il nourrissait désormais pour l’ensemble des turpitudes humaines était ce mat auquel il s’attachait pour traverser la journée. Et l’on pouvait lui faire miroiter tout ce qu’on voudrait il n’en dérogerait plus, cette fois ci il en était certain, il n’avait plus de temps à perdre. « Ils l’avaient bien cherché » était le mantra qui lui permettait de botter en touche aussitôt qu’un relent de compassion, résidu de son ancienne existence, surgissait de façon impromptue, Son nihilisme lui permettait de s’enfoncer dans une obscurité de plus en plus épaisse au bout de laquelle, autre hypothèse à laquelle il s’accrochait, il apercevrait enfin la lumière. Et cette lumière là n’avait bien sûr rien à voir avec toutes celles dont autrefois il avait rêvées, car même son imagination était une source permanente de doutes et de méfiance, cette imagination n’était qu’une mèche trempant dans la gadoue générale, et qui ne cessait de s’en imbiber, on ne pouvait pas faire grand chose contre tout cela sinon d’en être toujours conscient. La haine qu’il entretenait désormais avec le monde était le pendant de son amour d’autrefois, piétiné par l’égoïsme , la bêtise crasse, l’intérêt personnel de tout à chacun et dont il s’était vu impuissant à s’opposer. — A qui donc t’adresse tu quand tu répètes encore une fois ces choses ? demanda une voix douce. Il sentit un frisson l’envahir comme la première fois que l’on joue au ouija. —Qui est là ? Parvint il enfin à articuler en tentant de rassembler une fois encore toute sa méchanceté pour se défendre de sa naïveté. — Qui voudrais tu que je soies ? répondit la voix sur le même ton. c’est à toi de le décider puisque visiblement tu sembles décider de tout… — Très bien ! Ah tu veux jouer à ce petit jeu ? Et bien je pense que tu es encore un de ces démons imposteurs qui veut se faire passer pour un ange. vas-y qui sera tu donc cette fois ? L’archange Saint-Michel ? Jésus ? Bouddha ? Il y eut un silence et, dans la pénombre de la pièce un imperceptible mouvement. Puis la silhouette se laissa distinguer peu à peu jusqu’à qu’à devenir on ne peut plus visible. Et il se vit comme on voit son propre reflet dans un miroir. Mais il était tellement rodé au refus qu’il refusa de se voir une fois de plus. Il tourna les talons et s’en alla s’occuper au jardin car il y avait beaucoup à faire pour maintenir la vie en vie et cette tâche désormais, il l'avait décidé aussi, passait avant toutes les autres.|couper{180}
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Exorcisme moderne
Saul déboucha la bouteille de coke avec ses dents à la grande joie de Betty qui lui tendit aussitôt le gobelet blanc en plastique. Puis elle étendit sur le carton un napperon de dentelle, quelques pièces de Lego, la coquille vide d’un escargot et l’obligatoire bouquet de fleurs artificielles qu’ils avaient fauché plusieurs jours auparavant sur la tombe d’un chien crevé dans le jardin de madame Tronchu, elle même enterrée dans le cimetière du village. — Tu es sure que tu veux vraiment le faire ? demanda Saul encore une fois à la petite fille. — Oui grand-père ! Trop c’est trop il faut que ça cesse. À huit ans Betty possédait déjà l’essentiel qui ferait d’elle une femme au caractère bien trempé pensa Saul. Elle n’avait pas froid aux yeux, ne croyait plus au Père Noël depuis deux ans, et connaissait une quantité phénoménale de vocabulaire, notamment dans le domaine des gros mots, des invectives et des insultes. Saul avait raccroché depuis des années, il ne consultait plus qu’en cas d’extrême urgence, et encore la plupart du temps il bottait poliment en touche et envoyait désormais les personnes qui venaient le trouver soit chez une confrère un peu plus jeune, soit à l’hôpital le plus proche, soit il se contentait tout bonnement d’un signe de tête qui indiquait un refus sans autre. — Raconte moi encore une fois, et surtout avec le plus de détails possibles, c’est très important, demanda Saul à la petite fille — Et bien ça arrive quand je suis endormie, je me réveille et j’ai cette putain de sensation bizarre d’être complètement paralysée, et là je dois faire des efforts incroyables pour ouvrir les yeux et je la vois. Elle se tient assise sur ma poitrine et elle pèse super lourd. Sa robe bleue pue la naphtaline et le moisi. Son auréole dorée brille comme un néon de troquet glauque. De plus son haleine a une odeur dégueulasse comme si elle s’était enfilée toute une boîte de cachous Lajaunie. Puis elle commence à me siphonner, sitôt que j’ai peur et que je me souviens d’être paralysée elle en profite. Au début j’ai cru que c’était la Vierge Marie, évidemment, mais vu son comportement j’ai tout de suite eut du mal à avalé ce bobard. — Bien sur Betty tu as raison, rien à voir avec la Vierge je connais bien ce genre d’histoire. Beaucoup se sont déjà fait avoir que j’ai du remettre sur les rails. Je suis fier de toi vraiment, quelle sagacité pour ton âge ! Puis il ouvrit un paquet de cookies au chocolat, versa le coke dans les gobelets. —Il faut que toi et moi ingérions ces saletés pour démarrer le rituel dit-il. Ils le firent en silence. Puis une fois l’affaire achevée Saul leva une main et elle se transforma en oiseau qui virevolta devant le regard de la petite fille. Puis il entonna sa chanson fétiche, un vieux tube des années 70, mister tambourine man de Bob Dylan. Betty dodelina un instant de la tête puis ce fut bon, elle était en état de transe comme Saul. Ils allaient pouvoir cheminer tous les deux ensemble dans le monde invisible. — Rappelle toi surtout que c’est toi qui doit la repousser, moi je ne peux rien faire d’autre que t’accompagner ajouta t'il à la fillette. Quelques minutes plus tard la fausse sainte Vierge surgit dans la pièce. Betty respirait difficilement et Saul l’aida de son mieux en élevant peu à peu la voix tandis qu’il chantait Hey, Mr. Tambourine Man, play a song for me I'm not sleepy and there is no place I'm going to Hey, Mr. Tambourine Man, play a song for me In the jingle jangle morning I'll come following you Betty mobilisa toute sa force pour repousser la fausse sainte vierge. Une fois découverte cette dernière émit un cri affreux, c’était un vrai déluge d’ultra sons qui durant un tout petit instant déstabilisa la petite fille. Mais la chanson de Dylan l’aida à retrouver son chemin dans la confusion. Et pour se donner du cœur au ventre elle se mis à fredonner aussi tout en donnant de toutes ses forces des coups de pied imaginaires car elle était paralysée comme d’habitude. Puis il y eut cette chose étrange, le décor changea , elle se retrouva seule devant l’entrée d’une grotte et Betty ne portait plus le même prénom, elle savait qu’elle se prénommait désormais Bernadette. Lorsqu’elle ouvrit les yeux c'était le crépuscule d'un soir d'été, et il y avait près d'elle un seau vide , il devait être tard et elle se souvînt qu’elle avait rendez vous avec ce jeune type- Paul ou Saul, elle ne savait plus vraiment- qui lui avait fait du gringue à la foire de Lourdes. Son cœur se remit à battre la chamade, elle se releva comme libérée d’un poids puis elle s’élança légère vers la rivière où ils devaient se retrouver. https://youtu.be/PYF8Y47qZQY|couper{180}
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Le privilège.
De toutes les foutaises qui s'échappaient du poste pour tournoyer dans l'habitacle avant de s'élancer à l'extérieur du véhicule par la vitre grande ouverte, les élections à venir tenaient le pompon. Une vraie bagarre de chiens en rut, jappant, bavant, surenchérissant autant que faire ce peu, comme des camelots à la foire d'empoigne. Mais Louis n'y prêtait que peu d' attention , maintenant que la nuit était tombée il se hâtait lentement pour revenir chez lui. C'est à dire qu'il avait pris l'A7 en direction de Marseille, tout en prenant grand soin de ne pas dépasser le 90 km heure. Un sourire de satisfaction s'affichait sur son visage fatigué lorsqu'il apercevait dans son rétro les bolides obligés de le doubler puis qui se rabattaient ensuite rageusement sans même daigner allumer leur clignotant. Il alluma une Winfield et appuya le coude à la fenêtre tout en conduisant d'une main. La nuit était chaude et douce, et Louis nota avec satisfaction que les véhicules qui remontaient en sens inverse vers Lyon ne l'éblouissaient pas. L'opération avait été un succès. Désormais à 60 ans passés non seulement il y voyait plus clair, mais plus grand chose ne pouvait l'éblouir sur la route comme autrefois. Il nota aussi l'absence totale de surprise lorsque l'accident se produisit. Et aussi la dilatation du temps lors de celui-ci. Lorsque le 15 tonnes rencontra l'arrière du véhicule pour s'y enfoncer comme dans du beurre mou, il se retrouva projeté quelque part au dessus de la scène sans éprouver d'émotion particulière. Il vit pourtant nettement son corps traverser le pare-brise et s'en aller bouler sur le bas-côté, puis il remarqua aussi la présence d'un parfum familier. Une odeur de vétiver qui ne l'étonna pas non plus. Le parfum dont s'aspergeait son père et dont l'empreinte olfactive lui revenait tout à coup. Il y eut un carambolage sensationnel, des voitures qui n'avaient pas eu le temps de freiner et qui au ralenti s'emboitaient les unes dans les autres. Et Louis se tenait là quelque part à observer toute la scène comme spectateur. Puis la nuit envahit son champs de vision et il n'y eut plus rien. Lorsqu'il reprit conscience le parfum de vétiver était encore plus présent et il vit son père naturellement. Sa mère aussi était là et tout un tas d'autres personnes dont les visages lui étaient vaguement familiers. C'était difficile d'imaginer vraiment être là remarqua t'il encore. Il n'avait pas de corps vraiment, juste cette conscience qu'il était Louis et que toutes ces personnes étaient arrivées là tout autour de lui Dieu sait comment. Ce qui ne collait pas c'était leurs sourires. Tout à fait le genre de sourires de faux-culs qu'il leur avait toujours connu et aussitôt il retrouva sa vigilance car pas de doute, un coup fourré se préparait. Comme si toutes ces personnes avaient pu lire dans ses pensées elles s'écartèrent soudain pour laisser passer un nouveau personnage. Le type avait la trentaine environ est était habillé avec un rideau. Ses cheveux longs crasseux et sa barbe mal taillée contrastaient avec la limpidité de son regard gris bleu. Un regard d'amour dans lequel Louis fut tenté un bref instant de se noyer complètement. C'est à cet instant qu'il se souvint qu'il avait déjà vu ce genre de regard plein d'amour chez les curés de son enfance juste avant qu'ils le malmènent et abusent de lui. Au moment où toutes ces choses lui revinrent la répulsion lui apparu comme la plus réelle la plus authentique des forces à sa disposition. Une force sur laquelle s'appuyer pour résister à tout ce cinéma. — Vous êtes morts, vous n'existez pas, vous n'êtes qu'une putain de fiction murmura alors Louis. Et les personnages se dissipèrent tous comme par magie. Sauf un. C'était un enfant blond aux yeux tristes qui lui souriait doucement et qui le prit par la main. Jusque là Louis n'aurait su dire s'il possédait des mains et c'est cette main tendue de l'enfant qui matérialisa la sienne une main qui lui appartenait il le sentait vraiment. —Je ne suis pas sur d'être encore en vie ni d'être vraiment mort se dit Louis. Et cette incertitude ne l'effraya pas non plus. C'était même une sorte de vecteur fantastique qu'il découvrait en même temps qu'il en prenait conscience. Une lueur déchira doucement la nuit pour créer un passage qui les invitait à pénétrer l'enfant et lui. C'était une pièce familière que Louis reconnut aussitôt, une chambre d'hôtel dans laquelle il avait passé quelques mois dans sa jeunesse. Sur la table ronde dont un des pieds était calé par un bouquin de Camus, trônait une vieille Remington et à coté d'elle un paquet de feuillets dactylographiés. L'enfant alla s'asseoir sur le lit comme pour tester l'élasticité des ressorts du sommier. Il y eut effectivement ces fameux grincements que Louis connaissait par cœur. Ils se sourirent franchement tous les deux. Puis il aperçut le transistor et machinalement tourna le bouton. Une voix de femme envahit la chambre. Une voix extraordinaire avec cette toute petite pointe d'humour qui aussitôt nous indiquait que l'on était sur FIP dans le temps. Ca tombait à pic, Louis se senti délicieusement bien des les premières mesures de "So What" , aux anges si on peut dire, quand la trompette de Miles envahit la chambre toute entière. Il s'empara du paquet de feuillets juste à ce moment là, et entreprit de les relire encore une fois, calmement, comme si désormais un grand pont avait été construit quelque part reliant toutes ses incertitudes. Et ce pont le menait sans nul doute quelque part, n'importe où, et en fait peu lui importait c'était là son seul et unique privilège de s'en foutre totalement. https://youtu.be/zqNTltOGh5c|couper{180}
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Notule 100
Le dernier de la série. 100 petits textes sans queue ni tête, juste pour le plaisir. Le plaisir de la continuité, ou de la régularité, c'est déjà beaucoup. Demain je verrai, je passerai à autre chose. Demain je serai un autre. C'est un parcours du combattant où il s'agit de perdre du lest au fur et à mesure que l'on se présente devant l'obstacle. On finit plus ou moins à poil à ce petit jeu là et ma foi c'est très bien comme ça. Le monde serait tellement plus vivable si tout le monde se baladait à poil. Plus guère de cachotteries, ça n'aurait plus vraiment d' utilité. Moins de mensonges aussi. A poil on deviendraient surement des anges au bout du compte. Oui mais... Certains voudront encore évangéliser ou laver plus blanc que blanc, c'est le hic. On s'emmerderait aussi pas mal j'imagine, faut soupeser le risque. Enfin moi, c'est clair le paradis m'horripile. Ce paradis là en tous cas. Avec des Mad Do à chaque coin de rue et des feux rouges projetant des lueurs de croix gammées au sol. De la merdocratie en barre à grand renfort de tubes de vaseline, Le C'est pour ton bien citoyen, sois sage et gaffe aux points, bouge pas qu'on va te retirer toute la laine. et tous tes hormones surtout toi la testostérone aussi par la même occasion. Déjà la langue devient un borborisme, le verbe acheter une panacée. Roule une pelle avec ça, si tu peux. Et l'opinion opine du chef sous la pine des chefs. Des chefs, mais qui les crée ? Il n'y aurait pas de loup si le mouton n'existait pas. C'est la nature, comme c'est dit dans le père Noël est une ordure. C'est la nature, humaine surtout.|couper{180}
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Notule 99
Fusain et acrylique, travail d'élève. Rebloguer un billet pour augmenter sa diffusion, obtenir plus d'engagement, plus d'abonnés, plus de ceci ou plus de cela. C'est quelque chose que je ne fais pas assez. Probablement parce que dans le fond je me fous de ces objectifs complètement. Ce qui est bien sur une manifestation de caractériel. Un manque d'humilité aussi certainement. Un manque de détachement. Parfois on vit avec de tels manques si longtemps qu'on ne s'en rend même plus compte. Donc, quand on en prend conscience, une petite secousse vertigineuse nous traverse. Et on y va gaiement du quel con, quel abruti etc. Et puis avec l'âge on attend que ça passe. On sait tellement bien désormais que demain sera un autre jour.|couper{180}
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Notule 98
Photo de abdo tahoon sur Pexels.com Le vertige produit par la prise de conscience d'une ignorance. Un gouffre sans fond s'ouvre soudain sous nos pieds. Et il arrive que ce vertige provoque aussi, dans un même temps, une attirance vers le vide afin que nous nous y engouffrions tout entier. Comme si nous voulions explorer cette négation de nous-mêmes. Cette fiction nous saute soudain aux yeux et nous aimerions bien nous en débarrasser de toute urgence. Ainsi ce matin ce click qui m'entraine vers le site Wikipédia intitulé "portail de la linguistique" J'aurais aussi bien pu me retrouver sur un autre site que celui-ci, où la matière eut été la mathématique, la physique ou la chimie, domaines sur lesquels ma totale incompétence règne, cela aurait probablement entrainé un résultat similaire. C'est plus une constitution d'esprit du moment, une conjoncture qu'autre chose. C'est cette configuration d'esprit qui cherche le vertige. Dont l'objectif prioritaire est ce vertige. Rechercher le vertige pour explorer la fiction de soi. Pour comprendre ce qui subsiste après cette chute dans le vide, où dans le moment même de cette chute. Cela participe d'une ivresse encore proche des techniques soufies. Que reste t'il alors sinon une conscience qui me pense plus que je ne peux la penser. Une conscience qui me dépasse et me déborde. Et aussi qui s'engouffre par l'entremise de ce vide que je suis parvenu à créer en moi-même par ce vertige. Il y a donc une association qu'on le veuille ou pas entre le je qui saisit soudain sa limite brutalement si je peux dire et la vastitude de la conscience qu'il découvre justement lorsqu'il se trouve à sa limite. Et ce vertige est à la fois dû à la dégradation de ce moi face à son ignorance qu'à l'ivresse provoquée par le désir parfois impérieux de vouloir dans un premier temps la combler. Et en outre une autre prise de conscience surgit encore, celle de l'âge et de l'impossibilité de tout combler dans un temps restant imparti. C'est la figure de Tantale qui contemple à la fois l'eau et sa soif les mains liées dans une posture d'impuissance. Impuissance qui, si on suit du regard son sillage baveux mène probablement, pour le plus grand nombre d'entre nous, vers cette sorte de sagesse qui découle du bon sens. D'où l'évasion. La tentation de l'évasion encore à 62 ans, à la fois merveilleuse et ridicule suivant l'humeur du jour. S'accrocher à des reflexes de jeune homme, retrouver l'énergie qu'apporte la curiosité, étincelles soudaines de milles feux de Bengale. Les contempler ces étincelles qui ne dureront qu'un déjeuner de soleil. S'en réjouir le temps que ça dure. Honorer ou célébrer ça, ne pas oublier surtout. Avoir au moins cette gratitude minimum qui manque toujours de nous échapper lorsqu'on se complait à sa désespérance, à sa tristesse en énumérant sans relâche les chiffres de notre désabusement, d'un point de vue morbide dû à la vieillesse. Est-ce de la témérité, de l'audace, de la bravoure ? Et quelle importance de définir cet élan ? Peut-être que justement il ne faut pas chercher à dépasser la limite cette fois et toutes les autres , ne pas chercher à définir cet élan mystérieux de crainte de le voir s'évanouir à tout jamais.|couper{180}