*Le soleil luisait, les oiseaux gazouillaient, l’air était empli de parfums printaniers.*
Une phrase banale, lue quelque part, reprise ailleurs, comme un motif qui se perd. Elle se réécrit, se diffuse, s’efface à force d’être transmise. L’auteur ? Oublié. Moi, je m’amuse à l’annoter à mon tour, la faisant glisser encore un peu plus dans l’anonymat. Et puis, il y a ce fil conducteur. Non pas son absence, mais mon refus obstiné de l’accepter. Il est là, pourtant, ce fil rouge qui implore qu’on le suive, qu’on lui donne sens. Mais non. Je lui crie de se taire, de disparaître. Pourquoi céderais-je ? Je n’ai aucune envie de coudre, d’assembler, de rapiécer. Laisser les morceaux séparés, c’est leur donner une existence propre. Le fil, c’est cet outil délicat qu’on fait passer dans le chas d’une aiguille, ce qui unit et transperce à la fois. Mais ici, il devient rouge sang, il rappelle les scènes d’horreur qu’on pourrait filmer à loisir, en boucle, à l’accéléré comme au ralenti. Je préfère lâcher le fil. Ne rien raccommoder. Refuser la réconciliation des morceaux disparates. Quant à "conducteur", le mot convoque d’autres images. Le métal glacial sous la paume un matin d’hiver, le portail gelé que je ne peux quitter des doigts. Mon père, conducteur d’agressivité, sa voiture garée en pente légère devant la maison, annonçant son retour comme une menace sourde. Il conduit tout et sans cesse, mais jamais moi.Il me conduira jamais. Je marche . École, dentiste, catéchisme – toujours seul, toujours à pieds. L’absence de conducteur m’a rendu autonome, mais aussi furieux dès l’origine contre le monde entier. Et c’est peut-être cela : un fil conducteur, c’est un lien. Mais aussi une contrainte, une structure imposée. Moi, je choisis de laisser les morceaux en suspens.
*note sur la notion de disparate ( août 2025)*
Tu écris *Refuser la réconciliation des morceaux disparates* Cela voudrait dire qu’une raison les a rendu disparates, une querelle, un conflit. Ce que tu n’acceptes pas c’est implicitement que la séparation soit "sans raison". Et donc quand tu te rends compte qu’aucune raison n’explique la disparité, tu refuses la raison. Tu refuses le fil conducteur.
Question : est-ce que les choses peuvent être séparées sans raison sans conflit, simplement parce qu’ils sont de nature disparate.
*Note sur le mot furieux* Tu penses aussitôt au Roland Furieux.
Parce que c’est le titre français d’Orlando furioso (1516, version définitive 1532) de l’Arioste. “Orlando” est l’italien de Roland, le paladin de Charlemagne ; furioso signifie ici non pas seulement “en colère” mais “devenu fou”. Dans le poème, Roland perd la raison en découvrant que Angélique aime le soldat Medoro : il arrache son armure, ravage forêts et campements — d’où le “furieux”.
La* furie* l’envahie. Et que sont les furies dans la mythologie grecque :
Les Furies sont, chez les Grecs, les Érinyes (ἐρινύες) : divinités chthoniennes de la vengeance et du châtiment.
Noms et nombre : à l’origine indéterminées et multiples, la tradition tardive les fixe à trois : Alecto (“l’Incessante”), Mégère (“la Rancunière”), Tisiphone (“la Vengeresse du meurtre”).
Origine : selon Hésiode, elles naissent du sang d’Ouranos tombé sur la terre (Gaïa) lors de sa castration par Cronos ; d’autres traditions les disent filles de Nyx (la Nuit).
Rôle : elles poursuivent sans relâche les coupables de crimes graves, surtout meurtres au sein de la famille (matricide, parricide, fratricide), parjure et impieté. Elles infligent folie, maladies, remords et malédictions jusqu’à expiation.
Apparence et attributs : vieilles déesses sombres, chevelure de serpents, torches et fouets ; leur présence s’accompagne de miasmes et de cris.
Culte et euphémisme : redoutées, on les appelle à Athènes les Euménides (“Bienveillantes”) par euphémisme, surtout après le procès d’Oréstes (chez Eschyle, Euménides), où elles deviennent protectrices de la justice civique.
Équivalents romains : Furiae ou Dirae ; chez Virgile, Alecto et Tisiphone interviennent pour déclencher ou garder les châtiments.
En bref, les Furies/Érinyes personnifient la vengeance implacable de la loi morale, née de la terre et plus ancienne que les dieux olympiens.