Moi aussi, j’ai tenté l’expérience. Je me suis assis sur une chaise au jardin du Luxembourg, face à une statue. J’ai tiré vers moi une autre chaise en fer, je me suis installé et j’ai tendu la main. J’ai attendu ainsi, une journée entière, je crois. Il ne s’est rien passé. Enfin, presque rien. Deux passants se sont arrêtés, intrigués. L’un d’eux m’a demandé ce que je fabriquais là, main tendue, devant une statue.

« Je m’entraîne à ne rien recevoir », ai-je répondu, satisfait d’avoir pu ressortir cette phrase de Diogène.

Ils n’ont rien compris, évidemment. Ils ont esquissé un geste du doigt sur leur tempe, un petit quart de tour, puis un autre, et sont repartis. Cela faisait partie de l’exercice, aussi. Accepter d’être pris pour un fou, un original. Mais peu importait. J’avais un but, et je ne le perdais pas de vue.

Ce but, c’était d’atteindre une certaine forme de dépouillement. Une pauvreté choisie, en somme, mais qui n’était qu’un passage obligé.

Le véritable but, je ne l’ai découvert que bien plus tard, après m’être raconté mille mensonges. Ce but, c’était la franchise.

Pas la franchise envers les autres – on peut très bien vivre sans jamais se soucier de cette dernière. Mais la franchise envers soi-même. Et celle-là, si on l’évite, si on la manque, aïe, aïe, aïe... C’est comme dans le film Gravity : on finit par errer, seul, enfermé dans un scaphandre, perdu dans l’espace intersidéral, sans aucun espoir de retour.


Illustration :
Rembrandt Le philosophe en méditation 1632