Marie-Jeanne Vallet : La "Pucelle du Gévaudan", héroïne et figure tragique
Marie-Jeanne Vallet, servante devenue héroïne populaire, s’illustra par son courage lors d’un combat face à la redoutable Bête du Gévaudan, mais son parcours ultérieur révèle une vie marquée par les épreuves et les tragédies.
L’exploit d’une jeune paysanne : un acte de bravoure face à la terreur
Le 11 août 1765, dans un petit vallon de la Margeride, Marie-Jeanne Vallet, alors âgée d’environ 19 ans, affronta la Bête du Gévaudan. Ce jour-là, elle se rendait avec sa sœur Thérèse à la métairie de Broussoux, lorsqu’elles furent attaquées par l’animal. Munie d’une baïonnette – un bâton prolongé d’une lame métallique – Marie-Jeanne fit preuve d’un courage exceptionnel : reculant de quelques pas pour prendre son élan, elle planta son arme dans le poitrail de la Bête.
François Antoine, porte-arquebuse de Louis XV, constata par la suite que l’arme portait des traces de sang sur environ 7 centimètres, attestant de la profondeur de la blessure infligée. Si la Bête échappa à ses poursuivants, l’acte de bravoure de Marie-Jeanne marqua les esprits. Elle fut surnommée "La Pucelle du Gévaudan" en référence à Jeanne d’Arc, et sa détermination fut célébrée par le Courrier d’Avignon, qui la décrivit comme une "fille robuste, hardie et adroite".
Une héroïne dans l’ombre de l’histoire
L’exploit de Marie-Jeanne Vallet ne suffit pas à apaiser les tourments liés à la Bête, qui continua de hanter la région et de nourrir les peurs populaires. Malgré la reconnaissance publique de son acte, des témoignages rapportent que la jeune femme sombra dans une dépression après cet événement traumatique. Cette ombre psychologique illustre la charge émotionnelle qu’un tel combat pouvait engendrer, loin des récits glorieux relayés dans les gazettes.
Un destin brisé : de la gloire à la déchéance
La vie de Marie-Jeanne bascula de manière tragique après son acte héroïque. Devenue aubergiste, elle fut arrêtée en mars 1778 pour vols et perturbation du commerce de grains, dans un contexte de disette sévère dans son village. Jugée pour brigandage, elle fut condamnée à trois ans d’enfermement à la Tour de Constance d’Aigues-Mortes. Son transfert, un périple de 200 kilomètres à pied à travers les Cévennes, fut une épreuve d’une cruauté extrême.
La discipline rigoureuse et les travaux forcés marquèrent un contraste saisissant avec son ancien statut d’héroïne célébrée. Libérée vers 1783, elle retourna à Paulhac, mais la tragédie continua de jalonner son existence. En 1784, elle fut confrontée à l’assassinat de son époux, un drame qui précéda de peu son propre décès, en 1787, à seulement 41 ans.
Une mémoire pérenne
Malgré les épreuves, la mémoire de Marie-Jeanne Vallet a survécu. En 1995, une statue fut érigée à Auvers pour commémorer son combat contre la Bête. Elle incarne non seulement l’acte de bravoure d’une jeune femme face à une menace terrifiante, mais aussi la lutte des populations rurales contre des fléaux qui les dépassaient.
L’histoire de Marie-Jeanne Vallet, faite d’héroïsme et de déchéance, reste un miroir des fragilités sociales de l’Ancien Régime. De "Pucelle du Gévaudan" à criminelle condamnée, son parcours révèle la précarité du statut héroïque, mais aussi la puissance des récits qui transcendent les destins individuels.
Conclusion : entre mythe et réalité
Marie-Jeanne Vallet demeure une figure à la fois fascinante et tragique. Héroïne d’un jour, elle a connu la dureté d’un système qui oublie aussi vite qu’il glorifie. Son histoire, riche en contrastes, continue de captiver et de rappeler que derrière chaque mythe, il y a une réalité humaine souvent plus complexe.