L’exposition Munch au Musée d’Orsay. Un choc visuel, immédiat. Tableaux en apparence simples, presque austères. Une peinture qui semble rapide, brutale. Des couleurs ternes : bruns, violets. Une impression de bâclage au premier regard. Mais non. Une intention bien plus profonde.

L’économie des moyens. Peu de détails dans les mains, les pieds. Une exécution qui évite le fignolage. Une volonté d’aller à l’essentiel, sans artifice. Munch ne cherche pas à séduire par la beauté plastique. Justesse avant tout. Chaque coup de pinceau, une vérité. Ce qui paraît maigre ou rapide révèle une honnêteté brute. Une économie de la forme, mais pas du sens.

L’austérité protestante ? Peut-être. Les tons rappellent la peinture flamande. Une palette sobre, presque religieuse. Une peinture qui refuse le spectaculaire. La vie et la mort, sans détour. Munch peint l’essence, dépouillée. Pas de surcharge émotionnelle. Un art qui parle directement à l’âme, sans décorations superflues.

La réutilisation des motifs. Leitmotivs récurrents dans ses tableaux. La répétition, loin d’être un manque d’inspiration. Une obsession. Une quête. Explorer les mêmes thèmes, encore et encore. L’amour, la mort, l’angoisse. Une nécessité de creuser toujours plus profond. L’abondance, une illusion. Munch le sait. L’artiste retourne sur les mêmes pistes, pour en extraire une vérité plus nue. Un recyclage qui ne triche pas, mais qui révèle.

Cette confrontation avec les œuvres, bien différente des reproductions. L’expérience directe. Être face à la matière, au tableau. Une vibration, une tension qui n’existe pas sur les pages d’un livre. La peinture semble respirer. Une immersion dans l’austérité, presque désarmante.

Un doute, cependant. Suis-je déçu par ce que je vois ? Non, pas vraiment. Plutôt troublé. Cette simplicité apparente, cette économie de moyens… Je m’attendais à autre chose, peut-être plus spectaculaire. Mais Munch m’apprend la retenue, l’austérité nécessaire. Un langage visuel qui se passe de fioritures, pour rester fidèle à une vérité intime.

Ce que je retrouve ici, c’est l’importance de la justesse. Faire avec les moyens du bord, sans chercher la perfection technique. Cette leçon résonne profondément en moi, artiste autodidacte. La recherche d’une forme d’honnêteté à travers la peinture, sans tomber dans le piège du fignolage excessif. Cela me pousse à reconsidérer mes propres pratiques. Un paradoxe entre la simplicité et la profondeur. Un équilibre fragile entre surface et profondeur.

Munch semble, lui aussi, en quête de cet équilibre. Ses tableaux, à première vue froids, révèlent en fait une chaleur interne , une tension entre vie et mort, entre présence et absence. L’économie des moyens n’est pas une faiblesse. Elle est au contraire un choix délibéré, un refus de l’artifice pour s’approcher de l’essentiel.

Munch, un peintre de la profondeur par l’austérité. Dans le parcours de l’exposition j’assiste à une confrontation directe de cet homme avec la vérité de la vie et de la mort. Une économie de moyens qui, loin de trahir une faiblesse technique, souligne au contraire une grande maîtrise. Une peinture qui refuse l’excès, qui reste humble dans sa forme, mais puissante dans son fond. Ses œuvres sont un écho à sa propre lutte intérieure : celle de représenter la vérité, sans se perdre dans l’artifice. Le recyclage des thèmes, des motifs, apparaît comme une exploration perpétuelle, une façon de plonger encore et encore dans les mêmes abîmes pour en extraire l’essence.

Un parallèle évident avec ma propre quête d’honnêteté en tant qu’artiste et écrivain. Ce que Munch me rappelle ici, c’est que l’abondance est une illusion. La richesse ne réside pas dans la multiplicité des formes, mais dans la profondeur avec laquelle on explore un seul et même thème. Une leçon toujours à méditer dans mon propre travail, où la tentation de l’abondance et du fignolage me guette toujours.

Dans ce texte, j’ai cherché à mieux percevoir la frontière entre l’analyse objective des œuvres de Munch (son style, ses choix artistiques) et mes réflexions personnelles. L’analyse critique insiste sur l’économie des moyens, l’austérité volontaire, et la répétition des motifs, tandis que mes réflexions personnelles se concentrent sur mon expérience face aux tableaux, sur ma remise en question en tant qu’artiste, et sur la résonance de cette confrontation dans ma propre pratique.