Le désarroi, quand tu tombes sur des liens morts en cherchant un article qui t’intéresse. Ça date de 1997, et malgré la renommée du site de la maison d’édition (Verdier), tu tombes sur la fameuse page introuvable. L’article concerne la sortie des Onze de P.M. Dommage, mais qu’à cela ne tienne, tu navigues. Tu te laisses entraîner vers un hommage à Pierre Rahmy, né en 1966, mort en 2017. Pierre Rahmy te mène à Béton armé, que tu retrouves, et ensuite, tu atterris tout près du Voyageur de Cristal de Lou Lepori, etc., etc. Ça pourrait être sans fin, comme sans but.

Ou plutôt, pour éviter le but.

Il te semble que tu as passé ta vie à rêver le but, et à chaque fois que tu l’atteins dans la réalité, il te déçoit. Tu en attends trop. Tu fais d’un but une fin. Ta vie ne tient qu’à ce but, comme une dent suspendue à son dernier lambeau de chair.

Tellement revenu de tous les buts, il se peut que l’unique, en ce moment, soit de t’en éloigner chaque jour un peu plus, consciemment. Avec une sorte de nostalgie, comme un animal de compagnie qui réclame, que tu nourris malgré tout, mais avec parcimonie. Tu lui reconnais une existence, bien sûr, mais tu n’en fais pas un but.

Et puis, cette réflexion de Dominique Rabaté te revient à l’esprit : « le roman constituerait […] le lieu paradoxal de résistance face à la normalisation sociale, aux dispositifs toujours grandissants de contrôle et d’assignation, une façon de déserter qui puisse exprimer la force encore vitale d’une sécession individuelle ». Est-ce cela, le but que tu poursuis sans cesse, cette désertion, cette sécession vitale ?

Plus rien, une cure de rien : plus de livres, plus de vidéos, plus d’images, plus de sons, plus de paroles.

Un enfoncement progressif, volontaire, vers l’aridité souhaitée du quotidien.

Et tu dis que tu n’as pas de but ?

Personne ne t’en voudra de t’arrêter, de faire une pause, et même de t’enfuir dans la fiction.