L’ambiguïté est devenue clarté. Le fameux protocole qui veut que l’on exerce sur un ressort une pression telle qu’à un moment il se détende. Une fulgurance. Une clarté dans l’obscurité. La plupart du temps c’est éphémère, à un point tel qu’on croit avoir rêvé. Les choses sont étrangement liées par des passerelles analogiques. Hier déjà je me demandais pourquoi il n’y a pas plus de personnes prêtes à s’insurger contre cette absurdité établie. C’était d’une limpidité extraordinaire. Aujourd’hui, plus calme, plus détendu, la nécessité des protocoles me saute aux yeux. Ceci étant c’est le résultat d’une accumulation, d’un trop plein. Entre mes recherches pour comprendre la notion de prompt afin de communiquer avec l’intelligence artificielle, les interrogations qu’émet à voix haute François Bon sur la possibilité de faire « halluciner » la machine quand on la pousse dans ses retranchements, avec la découverte de la dernière version de Bard et la gymnastique mentale qu’il faut faire pour inverser en grande partie tout ce que j’ai appris du modèle Openai chatGPT pour obtenir un résultat de ce service Google, il est possible que mon cerveau redécouvre soudain l’évidence de ce terme, le protocole.

Il y a aussi la fatigue. La fatigue d’un certain type de narration, la fatigue des raisons que l’on veut toujours se donner pour obtenir quoi, on ne le sait même pas précisément, sauf souvent par pure paresse ou crainte, ou pour faire correspondre un désir à un moule préformaté. La fatigue qui m’a terrassée il y a de ça plus d’un an, peut-être bien deux, vraiment, et contre laquelle je n’ai plus eu envie de résister. Une fatigue comme une béance dans laquelle à la fin on s’abandonne. Et tout à coup une comète passe, cette fulgurance : Comme dans cette fresque de Padoue de Fra Angelico. Ce n’est pas le résultat qui compte mais ce que l’on décide de mettre en œuvre pour obtenir un résultat. C’est à dire un protocole que l’on peut même partager avec d’autres qui obtiendront des résultats semblables ou différents peu importe. Et tant mieux qu’il y ait des différences. Ce sont ces différences justement qui font trembler le réel auquel nous nous accrochons. Et pourquoi nous accrocher au tremblement, comment s’y accrocher, on hésite tant et si souvent, et pourquoi — sinon le plus souvent par peur d’en être expulsé, d’arriver à un en dehors du réel qu’on nomme aussi le groupe. Puis, comprendre que c’est depuis ce dehors qu’on voit le mieux le dedans.

Le fait que ce mot soit mis en valeur lors de la dernière pandémie n’est sûrement pas une coïncidence. Ces protocoles auxquels nous nous sommes pliés bon grès mal grès. Et L’agacement renforcé d’autant quand nous vîmes le résultat désastreux d’obéir par habitude, par lâcheté, par faiblesse, par fatigue.

Tout est lié. Peu à peu le puzzle s’achève. Plus que quelques pièces encore mais d’avis que le plus gros est fait.

J’ai renoncé à utilisé DALL-E pour la création d’images. J’explore les prompts en anglais de Stable Diffusion. Mais le résultat n’est guère plus satisfaisant. Et je vois aussi comme une sorte d’obstination malsaine à m’acharner en ce sens. Soit les images sont clairement irréelles, fictives comme la fiction est hélas entendue de l’être, soit elles sont de l’ordre de l’illustration naïve. Elles n’offrent pas, jamais, ce léger tremblement que l’on éprouve à la frontière du rêve et de la réalité. De là à penser que pour l’intelligence artificielle ces deux termes sont tout bonnement dans une même catégorie de langage. Que l’AI considère le rêve, le réel et la fiction comme des synonymes.

Par réaction je me suis remis à peindre et presque achevé ma grande toile accrochée au mur de l’atelier depuis plusieurs semaines. Je préfère ce genre d’image dans toute l’imperfection qu’elle me propose. J’en suis même à me demander si je ne suivais pas un protocole sans le savoir. Celui de peindre en m’abstenant toujours d’obtenir un résultat se rapprochant de près ou de loin à quelque chose d’existant. Un protocole minutieux totalement en collaboration avec le hasard, ou l’inconscient, m’expulsant systématiquement en tant qu’entité fabriquant du but, du résultat à atteindre.

Atelier de Roussillon. A l’aide de morceaux de papiers découpés ou déchirés dans des magasines, des journaux, créer une composition. Puis utiliser la dominante pour remplir les espaces vides. Ajouter des traits. Créer des rythmes, chercher un équilibre par les déséquilibres. Non pas une idée d’équilibre convenu, mais d’un équilibre personnel, unique.

Le second exercice. Faire un fond, peu importe la couleur, mais plusieurs ont décidé le jaune. Découper des morceaux de papier de différentes couleurs et grosseurs. Créer une idée de musique. Puis passer des glacis de couleur chaude ou froide pour regrouper certaines formes par section. Donner une tonalité générale à l’ensemble.

En travaillant on s’est mis à évoquer Kurt Cobain, Nirvana. Puis on est passé à Donna Summer, et très vite ensuite aux Bee Gees. X. évoque sa période disco. Un peu de mal à l’imaginer avec un col à jabot et un pantalon moulant. Du coup ça m’a rappelé mon mépris pour ce genre de musique, de rassemblements à l’époque. Je n’en étais pas bien fier. J’aurais pu dire que j’étais par réaction un blouson noir. Mais ce n’est même pas vrai. Je crois que j’étais déjà largué depuis belle lurette.