Visité le Pellet grâce à Google Earth, à la recherche de la Butte où subsistent les ruines du château d’Abélard. Pas trouvé, et de plus, pas mentionné. En revanche, j’ai vu la chapelle Sainte-Anne, de loin, car le chemin qui y mène n’est pas balisé par les Googles cars. Aperçu un cimetière et, devant une statue, un couple s’enlaçant. Beaucoup de raisons de penser qu’il s’agit d’Héloïse et Abélard.
À partir de là, je me retrouve face au mot Trivium (rencontre de trois voies), la première partie de ce que l’on nommait au Moyen Âge les humanités, c’est-à-dire l’étude de la grammaire, de la dialectique, puis de la rhétorique, considérées comme des arts, contrairement aux disciplines plus ardues et ésotériques du Quadrivium, qui sont des sciences : l’arithmétique, la géométrie, la musique, l’astronomie. Le passage du trivium au quadrivium explique en partie pourquoi certains ne parviennent jamais à accéder aux sciences, d’où l’idée de ce qui est "trivial".
Abélard eut pour maître Roscelin de Compiègne, qui considère la Trinité sous l’angle logique (hérétique) et qui sera condamné au Concile de Soisson en 1092 sous les accusations d’Anselme de Canterbury (voir la lettre d’Anselme intitulée L’incarnation du Verbe, qui éclaire les thèses nominalistes de Roscelin).
Après Roscelin, avec qui il apprend le trivium, Abélard rejoint Guillaume de Champeaux à Paris en 1100, à l’École de la Cathédrale, dont Guillaume devient Chanoine en 1103. Guillaume prône le réalisme modéré au sein de la querelle des Universaux : est-ce que les universaux ont réellement une existence en soi ou ne sont-ils que des concepts produits par l’esprit, exprimés par les noms (nominalisme) ? Une querelle commencée avec Platon et Aristote, qui n’est toujours pas totalement réglée.
Si j’étais de l’époque d’Abélard, je serais certainement nominaliste, condamné à l’hérésie, il ne me resterait plus qu’à espérer ne pas être châtré.
À noter : le village de Champeaux, près de Melun. C’est là que vit mon frère, que je n’ai pas revu depuis au moins cinq ans. Abélard devait connaître ce village. Lorsqu’il fonde son école à Melun, il doit y faire des promenades. Puis, après une courte interruption pour raisons de santé, il retourne en Bretagne. De retour à Paris, il ne peut s’empêcher de critiquer ouvertement Guillaume de Champeaux, ce qui entraîne son interdiction d’enseigner à Paris.
Ensuite, Abélard part pour la montagne Sainte-Geneviève (1110-1112 ?), puis, victime d’un ras-le-bol, rejoint Laon où il devient disciple d’Anselme de Laon (à ne pas confondre avec Anselme de Canterbury). C’est là qu’il rencontre Héloïse d’Argenteuil. Elle demande des cours particuliers, tombe amoureuse, et se retrouve enceinte. Expédiée en Bretagne, Abélard épouse Héloïse pour apaiser les choses, mais elle concède à contrecœur. Fulbert, l’oncle d’Héloïse, envoie des hommes de main châtrer Abélard.
Abélard devient moine à Saint-Denis et invite Héloïse à devenir nonne à Argenteuil. Plus tard, il fonde l’oratoire du Paraclet en raison du Saint-Esprit Paracletus (le protecteur providentiel). Héloïse et sa congrégation s’en occupent par la suite.
Les restes d’Abélard se déplacèrent presque autant que de son vivant. Finalement, il semble qu’ils reposent ensemble dans l’Abbaye avec Héloïse, encore que nous n’ayons aucune preuve indiscutable pour l’avérer.