Le mieux est de dire non, de n’accepter aucun compromis—sans fermer les yeux pour autant. Il est préférable de les garder mi-clos, effaçant ainsi les détails superflus qui ne servent qu’à disperser l’attention. Le sommet de l’art consiste à ne surtout pas en parler, même si atteindre cet état de volonté extrême ou d’abandon total n’est jamais chose facile au jour le jour. Le mot clé réside justement là, dans ce quotidien si souvent perçu comme insoutenable par mode ou par effet de groupe. C’est dans ce quotidien que la volonté et l’abandon jouent leur partition corrosive. Il s’agit de refuser, de nier. Au début, on se force, tel un ressort que l’on comprime, jusqu’à ce qu’il se relâche et que l’on glisse dans un élan d’abandon. Le monde fourmille de mouvements, et mon esprit en est tout autant agité, sans qu’une interaction soit nécessaire. Rien de transitif ici. Le monde poursuit ses rêves et ses cauchemars, et moi les miens. L’illusion du levier perd toute importance, il n’y a plus rien à soulever. Bien au contraire, il faut descendre, marche après marche, s’accrochant à la rampe, pourvu que l’on ait encore la présence d’esprit de l’apercevoir.
Lorsque le silence tombe et que, là-bas, les immeubles s’effondrent lentement, les yeux toujours mi-clos, une question surgit : y a-t-il encore quelqu’un pour émerger des décombres, une silhouette, peut-être plusieurs ? Et ce désir même de les apercevoir doit être refusé, car cela adoucit l’âpreté de notre disparition imminente. Sans autrui, comment pourrait-on vraiment disparaître ?