Pas d’échange, rien, sinon quelques onomatopées. Tatouage. Je repense au confinement. Hier, j’ai essayé d’écrire quelques lignes sur ce qui surgit de ce mot. Mais dès que c’est du souvenir, c’est fatiguant tout de suite. En revanche, ce qui est intéressant, c’est cette difficulté même à écrire sur le confinement. En y repensant, c’était, au-delà d’un simple fait historique, une expérience vraiment partagée collectivement, qu’on le veuille ou non. Partagée, et en même temps si singulière.

J’ai continué sur SPIP, tout allait bien pendant une heure. Puis, je ne sais pas comment je m’y suis pris, tout s’est emmêlé. Obligé de supprimer le dossier squelettes. De revenir à la configuration d’origine. Trop compliqué. En même temps, l’informatique oblige à reconsidérer ses ambitions plus rapidement qu’avec l’écriture — ça fonctionne ou pas, voilà tout. Faire et défaire, je passe ma vie à ça. À croire que ça m’amuse. Que dans ce mouvement, j’apprends.

Lu quelques pages sur le site de Pierre Vinclair, ce qu’il dit des barques dans la vague d’Hokusai. Je me rappelle l’avoir écrit dans un carnet (1982, 83 ?). Sur le fait qu’on découvre toujours de nouvelles choses dans ce que l’on croit connaître, voir, savoir. Et je me demande si c’est une affaire de configuration stellaire ou bien d’humilité. Lu aussi quelques pages sur Remue.net à propos de Pierre Ivar, alias Ch’Vavar. Puis nous sommes partis chez B&B, à Pont d’Isère. Mes yeux se remettent à couler. Pollen, peut-être. Ou lié à une sinusite. Pas besoin de parler beaucoup, c’est bien. On boit un café, déguste une part de gâteau fait par B., un clafoutis aux poires. Délicieux. On regarde les gamins sauter sur le trampoline dans le jardin. Jardin entouré de plantations, poiriers et pêchers (ces derniers déjà en fleurs, incroyable). Une immensité agricole balayée par les pesticides, nous dit B.

La sensation que la vie est comme l’Isère, un fleuve caché au pied de la colline, dissimulé derrière un bouquet de peupliers. Un fleuve qu’on peut entendre si l’on tend l’oreille, mais qui reste invisible parce que si l’on s’en approche, on voit à quel point l’eau est trouble, sale, le décor insipide. Rester à distance pour rêver le fleuve, plutôt que de l’approcher.

J’écris, et il manque toujours quelque chose à la fin. Peut-être que j’écris le jour suivant pour essayer de comprendre ce qui manque. C’est comme un jeu. Sûrement plus sérieux que je ne le veux. Parfois, j’ai l’impression que mon avis n’a aucune importance. Que plus vite je m’en débarrasse, mieux c’est. Ou plutôt, moins j’ai d’avis, moins j’ai d’entrave. Tout à fait comme en peinture.

En fin de journée, j’ai lu quelques pages de L’Usage du monde de N. Bouvier, pioché au hasard sur la tablette. En lisant, je me souvenais de bons moments passés avec D. et S. à Lyon, ces soirées dans leur cuisine à parler littérature, à s’échanger des titres d’ouvrages, des noms d’auteurs. Des années qu’on ne s’est pas vus comme ça. Depuis le Covid. 2019. Impression que c’est hier, alors que si je compte sur mes doigts, cinq ans sont passés.

Un journal pendant qu’on peint un tableau, pendant qu’on construit un site sur SPIP, un journal pendant qu’on écrit un journal. Se tenir à l’œil. Surtout quand plus personne ne regarde.