Une attention toujours maintenue à tout ce qui nous entoure vaut elle quoique ce soit si l’ on n’est pas attentif à cette attention elle-même, l’englobant dans l’observation, dans l’expérience et si, à un moment ou un autre de ce processus on ne se demande pas « pourquoi » Pourquoi vouloir rester dans cette attention, dans cette sorte de tension, à recueillir autant d’informations pour finalement les laisser nous traverser et n’en rien dire, conserver ce fantôme, cet amas nébuleux comme un avare conserve son or. Mais l’avarice est-elle encore un défaut dans cette époque apocalyptique où toutes les valeurs s’inversent comme s’inversent les genres, la géopolitique, les pôles magnétiques, et probablement tout un tas de choses qu’on ignore encore ?
Il est sans doute bénéfique pour les nerfs de s’attendre à tout comme à rien avec équanimité. Que l’idée d’importance que l’on s’invente ne soit éclairée alors que par la seule certitude d’avoir à disparaitre un jour. Et partant, si on oublie cette certitude quelques instants, la grâce en profite probablement au même instant pour nous tomber dessus. Et de s’inventer derechef une bienveillance, une compassion, de l’amitié, de l’amour.
La vieille baudruche se dégonfle, on assiste alors dans la capitulation de l’attention à sa propre disparition, mais d’une façon douce, molle, presque confortable. On croit qu’il s’agit d’une première, et on se pâme déjà d’être un nouveau Colomb découvrant un nouveau monde, un nouvel espoir de vivre différemment, mais non, si on examine froidement tout cela, c’est encore du trafic, du bricolage, un nouveau labyrinthe dans lequel trottine le rat blanc, incorrigible ego ; mais comment ne pas admirer ce phénomène de la nature, toute cette inventivité pour se leurrer sans relâche, pour gagner du temps, reculer le plus possible le moment fatidique de l’éveil ? Comment ne pas être tenté de s’attendrir comme un vieil homme assit sur un banc observe les enfants jouant au dehors comme en lui dans un gigantesque bac á sable ? cet attendrissement est sans doute la dernière cartouche qu’on se tirera dans le crane , tout un océan d’attendrissement se ruera alors à l’assaut des côtes de ce qu’il reste de notre orgueil de notre vanité, les emportera dans son reflux et nous deviendrons cette mousse, cette écume enfin débarrassé de toute attention de toute importance sous le vaste ciel où les oiseaux écrivent liberté en toute lettre en toute langue.
Ne disposant pas du 22/11/63, de Stephen King je me contente de lire insomnies. Le but étant d’observer comment l’auteur tire sur trois fois rien pour en faire 1000 pages ce qui demande quoiqu’on en dise ou pense à la fois du métier et du talent. Après tout on n’est pas si loin de Balzac. Et si au 19 -ème siècle l’intérêt du lecteur était appâté par la Comédie humaine, ses acteurs, ses enjeux, ses ressorts psychologiques, il ne reste plus grand chose de cet intérêt aujourd’hui. Si on lit Balzac c’est que l’on est encore á l’école ou dans un atelier d’écriture. Et bien des personnes que l’on nomme Comme il faut, cultivées, savantes, expertes dans le champs littéraire n’ignorent certainement pas Stephen King, á moins de vouloir maintenir en elles comme vis a vis du dehors une posture idiote. Stephen King écrivain populaire tout à fait comme était honoré du terme Balzac en son temps. Devenu désormais révéré par les gens dits de gauche aujourd’hui, quand on a encore la joie de savoir où se tiennent la gauche et la droite évidemment.
Je veux dite aussi que l’inconscient est un continent véritable dont on n’a encore rien exploré vraiment toute déférence gardée envers la psychologie et ses adeptes. Ce n’est pas par raisonnement qu’on y avance, qu’on s’y oriente, surtout si l’on continue à désirer les quatre points cardinaux, dont on a oublié qu’il s’agit d’une fiction.
Ainsi passer de la lecture des illusions perdues, du chef d’œuvre inconnu à insomnies n’est pas pur hasard, pas plus que ça n’a de sens de la façon dont on se sert de ce mot. Ce n’est pas non plus du vaudou du maraboutage. C’est l’inconscient et c’est de la poésie. En disant ça je ne déflore rien et tout va bien.
Tant pis si c’est long, c’est peut-être tout un cheminement d’écriture à emprunter pour parvenir au nerf soudain, à un quelque chose qui à provoqué le mouvement, la marche, le branle. On sent que quelque chose pousse, on ne sait pas ce que ça peut être, on doit même se désintéresser de ce que c’est pour qu’au detour d’un paragraphe, d’une phrase d’un mot on se retrouve soudain nez à nez avec ça.
Il tire sur trois fois rien pour en faire 1000 pages. Ce trois fois rien n’est-ce pas ainsi que l’on peut nommer tant de choses que l’on ignore ; que l’on veut surtout ignorer, car on sent très précisément qu’il s’y loge toute l’étrangeté qui risquera de nous épouvanter. Un réel inédit. Ce qui rejoint encore cette vieille intuition que rien ne vient pour rien, que cette histoire de hasard ne sert qu’à rassurer les experts, les conforter dans leur fantasme expertise.
L’analogie est elle une fiction comme tant d’autres ? Que peut aujourd’hui valoir un raisonnement par analogie, par le fait de découvrir une similarité dissimulée entre des objets qui, de prime abord n’ont rien de semblable.
Ma spécialité ou ma maladie incurable.
Ou encore et tout simplement un jeu, cette vieille histoire de Jeannot lapin. Quelqu’un me disait hier encore que c’était une posture, que je m’amuse à n’être convaincu de rien. J’y ai repensé en me promenant sur le bord de mer, d’abord au fait que l’on puisse avoir un tel toupet de balancer ce genre de chose á quelqu’un qu’on ne connait qu’à peine. Quel miroir est donc le texte pour déclencher ce genre de réaction. Est-ce que j’en ai été agacé, meurtri d’une quelconque façon. Je veux dire que l’on confonde ainsi le narrateur avec celui qui ne dit (pour autant que j’en sache ) absolument rien de qui il est vraiment. Jamais rien. Mais justement le narrateur doit à cet instant répliquer, il doit dire mais de quel droit, quelle extravagance, quel délire viens- tu t’immiscer dans mon texte !? l’ Imbécilité de ce narrateur là est-elle à l’image de celle du véritable auteur. Encore des doutes sur ce qu’est vraiment l’imbécilité comme l’intelligence. Des résistances à quoi.
Ensuite, á quoi bon. A quoi bon cela te servira t’il d’engager de telles palabres. Du coup le narrateur se drape dans son orgueil, relève le menton , toise cet autre personnage- car évidemment que s’en est un autre, et… ne dit rien.
Ce qui me rappelle un minuscule évènement sur le bateau Ancone- Split le matin á l’ouverture du bar pour le petit déjeuner . J’étais parmi les tous premiers à faire la queue quand soudain une belle jeune fille subrepticement s’immisce juste devant moi, ce qui évidemment m’agace car du coup je me sens vieux et idiot au travers de ce qu’elle peut bien imaginer de moi en effectuant ce genre de manoeuvre. Donc je colle au type devant encore plus et nous voici parallèles elle et moi. Et là je la toise, elle n’ose pas me regarder, j’insiste, et enfin elle tourne son visage vers moi et je ne baisse pas les yeux je la toise encore plus intensément sans dire un seul mot. Sa bouche a fait une drôle de grimace elle a détourné le visage de cet horrible vision, j’insiste toujours, elle est mal à l’aise, je continue. Puis soudain je la laisse passer devant moi en me disant laisse-lui donc le dernier mot va, sois donc un peu charitable. Mais la logique en fut blessée, parallèlement si je puis dire, j’ai dû l’insulter copieusement et lui tirer la langue afin d’obtenir comme dans les vieux duels satisfaction.