Pluie et orage toute la nuit, température autour de 20° , acrobaties dans l’obscurité pour trouver de quoi petit déjeuner ce matin, café soluble et eau bouillante, mais l’espace est réduit donc on peux s’y déplacer de nuit sans réveiller l’autre, en pratiquant un brin de taï chi, position du panda sur une jambe, de la cigale sourde, du chat qui déteste l’eau en silence et puis on trouve l’issue vers la mer, et ce qui en premier nous en arrive c’est son bruit, le bruit de la mer qui vient embrasser les rochers, la côte. Ainsi donc des manifestations en général que l’on habille de tant de noms, de mots, mauvais temps , beau temps, drames, tragédies, tempêtes, sinécures et villégiatures ; mais ce sera bien pour avoir à en dire quelque chose. Car on peut tout à fait se tenir là, dans la posture du phasme, se confondant dans le décor sans mot dire, vaquer lentement mais fermement à sa vacuité.

ce qui ne sert pas à grand chose c’est bien de se faire une opinion de quoi que ce soit, étant donné la mobilité de l’être et des choses. Très difficile de rester sans, surtout aujourd’hui . Tout semble fait pour nous solliciter voire nous contraindre à en formuler une voire de multiples . N’avoir aucune opinion est suspect. Il faut fournir la preuve qu’on a une opinion. l’opinion ou la mort. Et la contrainte viendrait autant de l’extérieur que de l’intérieur sous peine d’excommunication. Si toutefois on croit encore au pape, à ses bulles et à toute institution chargée de bâillonner l’énergie vitale, ce qu’on nomme violence à l’état pur.

et ainsi de suite « ni jamais la même ni tout à fait une autre »
Le nom ne m’est pas familier, il est encore imprononçable. A l’arrivée dans l’île nous entrons les coordonnées de la location dans le GPS et suivons la voix féminine nous guidant dans la montagne. C’est ainsi que nous découvrons un second tunnel du Fréjus, mais gratuit celui-là. Au moins 3 ou 4 peut-être même 5 ou 6 kilomètres, une obscurité utérine, et tout au bout enfin la lueur, l’espoir de sortir enfin, l’extase après l’angoisse. Toujours la même histoire.

De toute cette comédie humaine à laquelle bon an mal an nous sommes contraints de participer, cela vaut le coup de lire ou relire Balzac car en la détaillant ainsi aussi finement, avec force détails du décor il nous aide à prendre un recul salutaire avec celle-ci. Non en se disant je vaux mieux qu’un tel une telle, ce n’est pas ça, mais il nous aide à mettre le doigt sur l’ensemble, à le percevoir comme on peut percevoir une musique peu à peu en l’extrayant d’une première impression cacophonique. Ainsi prenant conscience, le décor s’éclaire l’esprit emprunte tous les rôles et les nouant les dénouant devant nos yeux, apporte cette petite touche à la fois étrange, ce je ne sais quoi d’étrangeté qui peut provoquer un malaise sous l’acropole pour certains et faire sourire d’autres, car cette étrangeté n’est pas dépourvue d’humour, ce qui me réconforte d’une manière si récurrente si insistante que je peux la sentir juste ainsi.

Comme il pleut, je continue ces notes. Des lieux, des objets, des paroles, des odeurs, des goûts, du toucher de certaines textures et matériaux que l’on puise dans l’expérience personnelle et dont on se servira dans les tentatives d’écriture quelle qu’elles soient, autobiographiques ou dites « de fiction » — toujours un doute qu’il puisse exister une véritable différence entre les deux. Car déjà l’effort pour nommer l’expérience est arbitraire et le cheminement d’une naïveté l’autre précaire.

Le mot peut être catalyseur, réceptacle, déclencheur. Sa lecture, sa lecture silencieuse, le croit-on, ou à voix haute. Et il y a aussi ce voyage qu’un mot fait avec nous durant toute notre vie, la façon dont il va s’enrichir ou s’appauvrir selon l’attention qu’on lui apporte tout au long des circonstances traversées convoquant son usage. Il y a les mots nouveaux aussi appris au fur et a mesure de l’âge de l’expérience, ceux que l’on accepte fraternellement, et d’autres beaucoup moins, que l’on se dépêchera d’oublier, d’ailleurs ce sont ceux là qui par la suite une fois creusé la raison l’oubli deviendront souvent nos plus intimes, précieux, dont l’amitié aura été gagnée de haute lutte.

hier nous nous nous faisions la réflexion que nous aimons les « îles » avec mon épouse. Nous avons énuméré toutes celles où nous sommes allés. Corse, Sicile, Crête, Kalymnos, Andros, Patmos, Noirmoutier, Capri, Cuba . Quels furent les critères nous permettant d’associer le mot et l’expérience à ce moment là… la mer, les bateaux, un je ne sais quoi de plus difficile à dire sur le moment mais qui sans doute participe de nos deux imaginaires confondus avec le mot et les rêves, les lectures, tout ce qui nous arrive de l’extérieur comme de l’intérieur du mot île, et bien sur toutes les sonorités, la phonétique entendue sur tous les tons depuis l’origine de nos deux existences, l’ile de la Cité, Isle et Bardais, Isla Mujeres, Ile de France.

« Il et elle » tout commence et s’achève ainsi phonétiquement ainsi de tout ce qu’un être puisse se dire et l’exprimer.

La vieillesse est une ile entourée par la mort (Juan Montalvo, On Beauty )