Livre Flipbook - Le Dibbouk

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bistrot de la Bérézina

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Table des matières

15 septembre 2024

15 septembre 2024

À la lecture du Dit Nerval de Florence Delay, cet étonnement de voir s’afficher le mot « Bérésina » (elle l’écrit avec un « s » au lieu d’un « z », comme je le fais). En effet, mais il se peut que ce ne soit qu’une légende véhiculée par Gérard Labrunie, sa mère serait morte en traversant un pont jonché de cadavres lors de la retraite de Russie. Peut-être à Glogau en Silésie.

Elle est morte à vingt-cinq ans des fatigues de la guerre, d’une fièvre qu’elle gagna en traversant un pont chargé de cadavres où sa voiture manqua d’être renversée. Mon père, forcé de rejoindre l’armée à Moscou, perdit plus tard ses lettres et ses bijoux dans les flots de la Bérésina.

Je note la coïncidence simplement, sans en disserter.

Autre découverte dans un article du site Cairn.info : cette affaire de la maison du docteur Blanche que F. situe dans ses vidéos vers la maison de la radio, ce qui m’a fait beaucoup douter de ma propre mémoire, car je situais celle-ci à Montmartre, du côté du Château des Brouillards. Or, dans cet article, il est effectivement question de la maison d’Esprit Blanche à Montmartre. (Nerval avait été soigné précédemment à la maison de santé Madame Sainte-Colombe, rue de Picpus.) Après quelques recherches sur le docteur Blanche, il s’avère qu’il a déménagé de Montmartre pour Passy lorsqu’il devint plus aisé (en 1846).

La chirurgie est étroitement liée à l’histoire de G. À noter que le célèbre chirurgien John Hunter, au 18e siècle, n’a jamais achevé de cursus de médecine ni obtenu de diplôme en la matière. Ce qui ne l’empêcha pas d’être reconnu comme le fondateur de l’anatomie pathologique et par beaucoup comme le père de la chirurgie scientifique moderne. Il a servi durant la guerre de Sept Ans (1756-1763), où ses expériences l’ont conduit à publier un traité sur les blessures par balle. À noter aussi que le père de G. est chirurgien et qu’il a rejoint l’armée du Rhin, lors des guerres napoléoniennes. Le père de F.L. l’était également, tout comme le docteur Blanche. Le mot « chirurgie » provient du grec kheirourgía, qui signifie « travail manuel », faisant référence à la branche de la médecine responsable de la manipulation physique des structures corporelles.

Cela me conduit presque aussitôt à repenser au mot « organe », à « s’organiser ». J’avais déjà écrit quelque chose à ce sujet, mais comme je ne suis pas du tout organisé, va savoir où et quand.

Ce qui me conduit, encore et encore, à me morfondre un peu, puis à prendre le taureau par les cornes une fois de plus en charognant sur ce site SPIP local que je développe parallèlement à celui déposé sur un serveur distant. La partie graphique (structure de la page) m’a déjà bien fait tourner en bourrique. Mais avec un peu d’opiniâtreté, de la patience… surtout ce fait que le développement web me renvoie à ma scolarité désastreuse en mathématiques. Je passe de fichus quarts d’heure à relire plusieurs fois ces tutoriels du site SPIP.net concernant les boucles. Concernant la partie CSS, j’ai découvert une façon commode, rapide et efficace de ne pas perdre de temps. J’ai téléchargé les fichiers CSS et JS de la plateforme Uikit, que j’ai collés ensuite dans des dossiers préparés à cet effet. Plus qu’une simple ligne de code ensuite pour y faire référence, et le tour est (presque) joué.

Cette incapacité à structurer le code, ce désordre dans lequel je me débats, reflète sans doute un chaos plus large, celui de la pensée, de l’existence. Comme la chirurgie organise un corps en souffrance, je tente maladroitement d’organiser ce fouillis de boucles et de pages web, en espérant trouver une cohérence cachée.

Ce besoin d’organisation… ou cette incapacité à l’atteindre ? Peut-être que mon chaos apparent est aussi une forme d’organisation, une autre façon de structurer les choses. J’aime penser que je m’organise comme un corps qui guérit de lui-même, sans intervention directe, avec ses propres moyens. Ou peut-être est-ce juste une excuse pour expliquer mon manque de rigueur…

Cette affaire de mise en page, de structure, rejoint assez vite l’idée d’entrée en matière. Le moindre de ces termes soulève des montagnes d’interrogations quasi métaphysiques. Presque toujours en filigrane une phrase de Beckett ou d’un de ses personnages : « Quand est-ce qu’on va naître ? » (de mémoire).

Autrement dit : que ce soit dans la chirurgie, le développement web ou même l’écriture, il y a toujours cette question de la matière. Quand est-ce qu’on va naître, pour de vrai ? Ou bien est-ce que tout cela n’est qu’une série d’entrées incomplètes, jamais totalement réalisées, des fragments d’organisation qui cherchent encore leur cohérence ?

Hier matin et après-midi, tout le long de la journée, de magnifiques gribouillis, et parallèlement chacun se vide concernant la situation actuelle du pays , tout le monde à peu près d’accord pour dire à quel point c’est injuste, dégueulasse, et presque aussitôt l’ombre sinistre de l’abattement. Les corps se voutent un peu, et observé leur lenteur à se relever, à ranger leurs affaires, à repartir vers la cour, traverser la cuisine, ressortir dans la rue.

Relu quelques articles d’Annie Le Brun dans Ailleurs et Autrement. Bien raison d’en revenir à Jarry autant qu’on peut, drôle de retrouver ça, qui date des années 2000 et de me souvenir encore de « Mère Ubu, tu es bien laide aujourd’hui. Est-ce parce que nous avons du monde ? » que j’ai du dire à voix haute il n’y a pas si longtemps encore.

Notre promenade du 14 septembre emprunte un nouvel itinéraire, l’autre côté du Rhone à Serrières, une bonne heure, un vent formidable souffle, nous débarrassant de tous les miasmes engendrés par la morosité actuelle du monde.

11 septembre 2024

11 septembre 2024

L’expression « fuite en avant ».
À travers les fenêtres du bistrot, celui qui reste assis aperçoit des gens courir dans la rue. Ils vont tomber sur les forces de l’ordre, peut-être s’y opposer. L’idée de faire partie de l’événement, d’entrer dans l’histoire, de faire quelque chose plutôt que rien, d’agir, même si c’est peine perdue, en dépit du bon sens. Et la colère monte, donne du cœur au ventre, les meut.

« C’est toujours la même histoire », dit quelqu’un assis à côté.
« Ça fait partie de la ritournelle », répond un autre.
« Ils sont peut-être désespérés », suggère une femme.
« Qui a dit que le désespoir est une bonne chose ? » reprend celui qui observe tour à tour la salle et la rue. « Ceux qui sont désespérés, qu’attendent-ils ? Ils attendent l’espoir, voilà ce qu’ils veulent. Et quand ils verront la mascarade, quand ils seront persuadés qu’il s’agit encore d’une blague, ils reviendront à leur désespoir, et ainsi de suite. »

« Donc il faut se tenir loin de l’espoir, dis-tu ? Ce n’est pas humain comme position. C’est une position solitaire, coupée du monde, un désert glacé. »
« Tu n’as donc rien compris, ce n’est pas l’espoir ou le désespoir l’important, c’est d’être ensemble, comme ici, dans ce bistrot. »

Pendant ce temps, le 25 novembre 2012, à Gruyère, à Villars-sous-Mont, les Suisses célèbrent seuls les 200 ans de la Bérézina, car des Suisses y étaient. L’événement est si peu connu des cantons environnants, dans toute la Suisse, qu’ils seront bien les seuls à le célébrer.

« Ne perdons pas espoir, ne perdons pas la mémoire, restons unis, et chantons en chœur : Ah, le petit vin blanc », dit une voix enjouée.

« Ce ne serait pas ça exactement, « une fuite en avant » ? » conclut le loufiat, en nettoyant une table vide.

Comment parvenir peu à peu à s’extraire totalement de la surface des choses, sans que ça ne se voie trop ?
Question bizarre, n’est-ce pas ? Il en était presque fier de sa question. Elle allait faire sa journée, comme on dit. Sauf que, le soir venu, à l’heure du dîner, sa place était vide. Il n’était pas rentré. Il revint dix ans plus tard, comme si rien ne s’était passé. Et effectivement, rien ne s’était vraiment passé. Il ne savait pas s’il fallait en être chagrin ou en colère. Il se sentait plus balaud qu’autre chose.

Puis ce fut à leur tour de disparaître, les uns après les autres. Sauf qu’on savait où ils étaient. Il suffisait de se rendre au cimetière de Valenton, ou encore à celui de Vallon. Mais ce qu’il trouvait là-bas, les quelques fois où il avait voulu les « voir », était encore bien pire que l’absence.

S’effacer petit à petit, en parlant de moins en moins. Pas d’un seul coup, ça se verrait trop. On penserait encore qu’il boude.

Ce trou dans les carrières, par exemple, et tous les autres trous qui vinrent à sa suite. S’enfoncer dans un trou, progresser lentement dans un tunnel qu’on creuse comme une taupe aveugle. C’est là, seulement dans ce mouvement, cette progression, qu’il se sentait vraiment vivant, se dit-il.

On imagine qu’il fit de même à la marge du champ de bataille : il rampa pour atteindre la neige blanche, traînant derrière lui une traînée de sang rouge, mais ce n’était pas le sien. Puis, parvenu dans le silence, dans la nuit noire, il creusa la neige, cherchant à atteindre la terre tiède. Mais il n’avait plus de main, seulement de grosses pattes insensibles.

À la nuit tombée, une femme sortit de la maison et cria un prénom, une fois, deux fois. Pas de réponse. L’obscurité ne renvoyait que l’obscurité – c’était déchirant.

Enfin, il s’allongea. Il chercha un moment les cents noms pour nommer le soleil. Il ne réussit qu’à en retrouver dix. C’était suffisant pour s’aveugler quand même, sombrer dans la rêverie, s’absenter.

Les deux hommes se retrouvent ainsi juste avant de devoir passer la Berezina, et c’est après ce passage que l’auteur est capturé par les cosaques. Commence alors la seconde partie des Mémoires, évoquant les temps de sa violente captivité, de laquelle il ne parvient à survivre (deux survivants sur trois cents) que parce qu’un général russe cherchait un professeur de piano pour ses filles. Après cette libération, il doit encore se faire passer pour un paysan polonais durant presque un an avant de pouvoir regagner la France, qu’il quitta impériale en 1812 pour la retrouver monarchique en juillet 1814. ( Mémoires de Jean-Baptiste Mathieu de Vienne, auditeur au Conseil d’Etat à l’époque de la Bérésina)

10 septembre 2024

10 septembre 2024

La raison, être « raisonnable », se raisonner, raison garder, perdre la raison, voilà ce qui me vient en tout premier. Raison que j’associe aussitôt au bon sens, à une idée que je me suis toujours fabriquée de l’humanisme. Ce mot semble appartenir à un monde ancien, un monde qui me pousse gentiment vers la sortie. Il est possible que la lecture du Mahabharata influence cette pensée. On prend conscience de l’aspect cyclique des événements, des caractères, de l’alternance entre la destruction et la création des mondes. Sans doute avec plus d’acuité lorsque l’on est réellement face à ce chaos. L’étourdissante sensation de ne plus vraiment savoir ce qui, depuis toujours, nous semblait être bien et mal. Les doutes concernant nos propres jugements. Nous ne savons plus rien et sans doute est-ce le but recherché par… on ne sait pas très bien qui, au final. Mais on pourrait donner un terme générique : le Mal, l’Infâme, l’Abject. Cependant, je reste persuadé qu’on ne construit pas le bien sur le dos du mal, et en ce sens, je reste résolument manichéen, ou bonhomme, comme ils voudront m’appeler. Ce qui ne veut pas dire noir et blanc, comme on le croit souvent. Sans doute parce que l’Empire, ou l’Église catholique, les deux, nous ont fourré ce monde binaire en tête. Adorer une croix, quelle horreur quand on y pense, ou plutôt quelle ineptie.

Les contraires se valent, chacun ayant sa raison d’être, comme les faces d’une médaille, d’un symbole. Le problème est la terreur qu’on laisse entrer en soi si aisément, qu’elle nous dérange, nous détruit peu à peu, embrase le peu qu’il nous reste alors, le métamorphosant en rage, en colère, en une faiblesse inouïe qui nous achève. Je suis contre, évidemment. Je parie sur le sourire, envers et contre tout, sur l’humour, en prenant soin cependant de ne pas glisser vers l’ironie. Un pari pascalien, si l’on veut. Qu’ai-je à perdre, qu’ai-je à y gagner, même pas. Le seul fait de penser au décompte des jours qu’il me reste me suffit. Ne pas abîmer, ne pas gâcher, être du côté de la vie si possible, toute vie, car j’ai traversé la mort, ce grand désert inhabité, et j’ai senti à quel point le néant m’habitait, comment il désirait que je m’efface seul face à lui. Il voulait être l’empereur du monde, et moi, je veux seulement vivre ma vie comme je l’entends.

Un peu pompeux, mais c’est l’idée.

La guerre d’en bas est la manifestation d’une guerre se déroulant dans les cieux, dans l’univers, depuis le tout début de sa création. L’amour, la guerre, les deux opposés, pense-t-on, alors que ce ne sont que des forces aveugles. Mais toi qui vois, toi seul peux donner du sens à tout cela. À commencer par te donner une raison de vivre, pour toi d’abord, car charité bien ordonnée commence par soi-même.

Et les ragots, les potins, la rumeur se déployant sans cesse, si attirants dans tes moments de faiblesse, te rapprochant des autres, penses-tu. La plus habituelle teneur de nos conversations. La fatigue à les écouter est égale à celle de désirer les repousser. C’est donc un bruit de fond perpétuel et il faut faire avec. Garder l’équilibre consiste alors à ne pas refuser complètement d’écouter, tout en restant bien silencieux à l’intérieur, sans sombrer dans le jugement.

Il y a toujours un aspect spirituel à tout ce que nous faisons, une part invisible de nous-mêmes, un enjeu d’âme. C’est une de mes croyances profondes. Et parfois, même si nous nous engageons dans le mal en en étant conscients, nous restons inconscients des véritables raisons qui nous poussent. Elles nous échappent. Il n’y a donc pas à culpabiliser de trop, à s’en vouloir, mais en revanche, chercher le bien comme terme à ce mouvement semble être le but que l’on découvre avec plus ou moins d’effort, de discernement. Car la loi de l’univers semble être d’aller vers l’infini et vers l’avant, jusqu’à un certain point, où il rebrousse chemin, se contracte à nouveau comme un point, s’endort durant des éons, revisitant en rêve toutes les aventures de sa création, puis se réveille, et recommence, comme on respire.

C’est un survol. Ce qui donne un aspect brouillon à ce billet, comme à de nombreux autres. Je ne sais pas bien où je désire aller avec ce « Bistrot de la Bérézina ». Je compte sans doute sur la spontanéité pour me l’apprendre. Parallèlement, c’est en prenant conscience de mes erreurs, de cette errance, que j’arrive à entrevoir une sorte de texte parallèle qui, peu à peu, s’écrit en creux. Une alternance composée de textes très courts, une phrase parfois, et puis des développements sur certaines idées qui ont ici l’air trop vagues ou trop abstraites. Pour cela, il faut redéplier quelque chose, tout un cheminement qui aura pris des années pour parvenir à cette abstraction. Ce qui renvoie à l’évidence, à ce que je comprends de l’évidence, la mienne, celle des autres, et la difficulté renouvelée qu’elle soit la même pour les deux parties.

Le lyrisme, le mien, souvent m’effraie, me met mal à l’aise, me fait rire. Exactement la même chose que lorsque j’entends Malraux prononcer son discours sur Jean Moulin. C’est une réaction première, instinctive, presque animale : le lyrisme me fait rire ou m’ennuie. Puis, le doute sur un tel point de vue surgit, m’interroge, et je me souviens qu’il n’en a pas toujours été ainsi. À certains moments, le lyrisme est le seul mode possible pour atteindre des strates profondes de l’être, pour dévoiler certains trésors enfouis. En cela, il est semblable à ces dragons légendaires qui gardent les montagnes, protégeant des secrets inaccessibles autrement. Le lyrisme, dans sa grandeur et son excès, devient alors une clé pour accéder à des vérités intérieures, cachées au-delà du langage quotidien.

07 septembre 2024

7 septembre 2024

Lu sur le site Diacritik un article bien intéressant à propos de Midlife Crisis de Jean-François Santoro. Pour l’essentiel, c’est l’expression « dilapidation de la parole » qui m’a poussé à lire. Conclusion : économiser ou dilapider la parole (dans un but littéraire) conduit à un résultat semblable : la vanité de la condition humaine, pas vue méchamment, peut-être même théâtralement, poétiquement. Et plus que jamais, il s’agit de faire front à une parole tout aussi bête (moins consciente d’elle-même). Une sorte d’entité fasciste qui surgit de toute part. Au bout du compte, on retrouve la notion d’un dialogue avec soi dans l’utilisation du monologue. Du coup, j’ai pensé un peu à moi.

La seconde fournée des élèves, ce vendredi. J’ai pu ainsi mettre quelques sous sur mon compte en banque. Il était temps, pour être aussitôt engloutis par les prélèvements URSSAF et CIPAV. Moins peur cependant de ne pas manger que d’être emmerdé encore comme l’année dernière.

Le froid, est-ce que 20° représente le froid ? J’ai mis un gilet. Je me suis souvenu que, pas si longtemps, on crevait de chaud. Je ne me plains de rien, mais quand même, il me semble que le froid, c’est autre chose. Ce qui me fait penser à la vitesse à laquelle on dit certains mots, juste parce qu’on se sent obligé de dire quelque chose.

Un nouveau Premier ministre in extremis, bien impliqué dans la grande vacherie européenne à ce que j’en comprends. Ils vont vouloir passer à la vitesse supérieure, nous tondre jusqu’à l’os. Est-ce qu’on va sortir avec des fourches ? C’est pas dit. On a fini par comprendre que tout vacille gentiment, qu’il faut se mettre au russe, qui est ma foi une jolie langue, ou au chinois. Enfin, il faut se mettre à quelque chose. S’occuper avant d’être totalement occupé par des événements bien désagréables.

J’ai continué un peu la lecture du Mahabharata en me reposant après le déjeuner. Puis me suis endormi, et soudain, au réveil, des souvenirs d’un rêve de la nuit précédente, une nuit bien courte. Dans ce rêve, je crois que j’étais avec un groupe de personnes que je ne connaissais pas. Je m’empêtrais dans les usages, ne sachant pas s’il fallait les saluer en les étreignant, les embrasser comme les membres d’une famille , ou bien leur tendre la main. Puis, soudain, me suis retrouvé bloqué dans une cahute vitrée, impression d’une douane à traverser. On me demande mes papiers d’identité et je découvre un document qui porte un autre nom que le mien et qui aussitôt s’effrite, tombe en poussière. C’est à ce moment que je me réveille.

Encore charogné un peu en fin d’après-midi sur les fichiers de SPIP. Le dossier INCLURE notamment se révèle être un véritable trésor. Je me suis rendu sur le site UlKIT pour télécharger les fichiers CSS et JS nécessaires à retravailler la mise en page de mon site local. J’ai passé un bon moment ensuite à faire des tests de boucles imbriquées.

Cette sensation de piétiner, de tourner en rond, ne m’importe pas autant que je le craignais hier encore. Il ne manque plus que la garde-robe à constituer : sirkke, hirka et tennure, et je serai fin prêt à danser.

06 septembre 2024

7 septembre 2024

Entrée en matière. C’est sur le trône que je m’interroge souvent, dans l’urgence puissance deux, par exemple, ce matin, sur la signification de l’expression « entrée en matière ». Peut-être un relais neuronal, l’intestin étant, paraît-il, notre second cerveau, ou l’unique pour ceux qui ne disposeraient pas du premier. Ce qui m’entraîne rapidement au mot « traiter », traiter d’un sujet, du latin tractare, tirer, attirer, solliciter. De là, au surgissement d’un trait séparateur (celui du 6 sur le clavier azerty) pour écrire bien-traitance, alors que son antonyme, bien plus ancien, n’en dispose pas. Dans ce petit signe typographique, toute une époque, toute une pensée concernant la condition de l’enfance. Puis, ensuite, tout ce qui n’est pas dans ce domaine de la bien-traitance passe illico dans la maltraitance (aux alentours de 1997). Ce qui me fait ensuite songer à cette volonté de bien-traitance qui se généralise à de nombreux échelons de la société. Publicités où l’on ne peut omettre — pour certains produits — de ne pas en abuser, d’y aller avec modération ; sans oublier de manger cinq fruits et légumes par jour. Parallèlement à cela, et au passage, l’information m’est donnée qu’entre 1945 et 2021, le nombre de bistrots en France serait passé de 400 000 à 40 000. Donc, une fois ma culotte remontée, je suis allé vérifier l’orthographe de « bistrot », car l’effroi m’a saisi à l’idée de l’avoir peut-être mal écrit.

Aperçu une bande-annonce. La saga de Balam, qui semble réunir un certain nombre de théories alternatives (complotistes ?). Les Annunakis, les reptiliens, les Égyptiens et les Mayas. Bref, une autre vision de l’Histoire qui interroge un narratif officiel de plus en plus défaillant. Est-ce à dire que ces nouvelles théories, si ridicules qu’elles aient paru il y a encore vingt ans, se dirigent peu à peu vers une évidence ? On peut remarquer que l’enseignement, la façon de renouveler la pensée, les paradigmes, les mentalités, passe de plus en plus par les séries, les films. Au début, ils semblent inoffensifs, ce ne sont que des fictions, puis, peu à peu, l’idée germe d’une vérité s’y dissimulant.

Encore une nuit d’insomnie durant laquelle j’ai passé beaucoup de temps à étudier des arborescences de sites, notamment celui du T.L et de T.C. Mes lacunes ne sont pas que purement techniques, je m’aperçois aussi d’un manque de réflexion de ma part (de créativité ?). Il semble que l’usage des boucles dans SPIP permette de réaliser cette alliance (tant recherchée) mêlant complexité et clarté. L’esprit de l’auteur d’un site web se révèle à l’aune de cet agrégat. En ce qui me concerne, j’ai totalement fait l’impasse sur la présentation, j’ai utilisé très peu du potentiel de SPIP, comme certainement très peu réfléchi à l’organisation de mes propres textes, à la façon de les présenter de manière cohérente, de donner envie de naviguer d’un texte à l’autre à l’intérieur du site. Bien qu’y ayant passé des heures, des jours, cette impression désagréable persiste, puis vient l’envie de me retrousser les manches, d’améliorer. D’ailleurs, je ne donne même pas l’adresse de mon site sur ce blogue. Bien la preuve que c’est encore en construction, pas abouti, pas présentable.

Lecture du Mahabharata, Serge Demetrian, Albin Michel, 2013. Impossible de mémoriser les noms des personnages. Une sorte de support de rêverie. Lecture lente, où presque à chaque phrase un feu d’artifice d’associations d’idées. Il faudrait reprendre depuis le début, noter les noms, leur fonction, leur rôle, les répétitions, et éventuellement les associations d’idées.

Les cours ont repris ce jeudi, peu d’élèves. La piste de ce trimestre consacrée au dessin est lancée et a été bien acceptée. Pour ce premier cours, des images appartenant à Cy Twombly, avec un peu d’appréhension au départ. Quel soulagement qu’elles aient été appréciées. Ce qui signifie quand même quelque chose dans ce parcours : un regard qui s’ouvre, qui s’est ouvert au fur et à mesure des années, pour eux et pour moi.

Tellement de choses à faire, tellement d’envies, et en même temps tant de lassitude. Cette guerre encore à peine déguisée entre le bien et le mal, avec toute la complexité de ce que peuvent être désormais ces deux termes.

Cueilli une figue sur l’arbre, son goût au début n’était pas celui attendu ; c’est en parvenant à la fin qu’on sait qu’elle est sucrée. Bu le reste d’une décoction de gingembre et de clous de girofle, amertume bue jusqu’à la lie, sans cet ajout habituel de citron vert pour faire passer.

Ce que j’aime sur le site de T.C., c’est ce mois de journal qu’on peut lire presque sur l’entièreté de l’écran : juste une date, quelques phrases, des séparateurs, une série de photographies entre les phrases, une autre date, et ainsi de suite. En comparaison, la volubilité est comme une absence de choix. Ne pas avoir le choix, ne pas vouloir faire un choix, refuser le choix.

05 septembre 2024

6 septembre 2024

Étonnante jeunesse. Un vieillard deviendrait bête comme ses pieds s’il ne la fréquentait pas. Aujourd’hui, j’ai entendu une analyse très pertinente du Lysis de Platon. La mise en scène, les acteurs, tout était au poil. Et soudain, le grand regret m’a envahi de nouveau : ma béance devant les langues mortes. Quel avantage certain de connaître à la fois le grec ancien, le latin, l’arabe, le sanskrit, essentiellement pour la clarté de l’esprit. Aller à la racine des mots, comme le boucher avec sa lame (qui du coup ne s’use jamais) dans les interstices des os, des muscles, des nerfs, et des mots. Voilà l’art, la discipline, la paix.

Nous devons acheter un tensiomètre. Cela fait bien trois mois. La tension ne faiblit plus. En m’allongeant, c’est comme si un pieu en fer rouillé se plantait dans ma cervelle. Un paratonnerre défectueux qui ne cesse de prendre la foudre. J’ai avalé plus que la dose prescrite de Nicopass. J’en suis à ma deuxième plaquette, entamée en début de soirée. Je ne vois que ça : la tension liée à la nicotine. Ça ne peut être physiologiquement que ça. Pour l’imaginaire ensuite, les possibilités se démultiplient, car l’esprit humain, laissé à lui-même, ne connaît ni bornes ni limites. À l’instar des mythes que nous cultivons depuis l’Antiquité, la pensée contemporaine, souvent incapable de discerner l’essentiel, s’embourbe dans des fictions grotesques. Ainsi, les sombres récits circulent : des gouvernements de pédophiles, des conspirations de faux juifs, des reptiliens dirigeant le monde depuis les coulisses. Et le peuple ? Bras ballants, béats comme des veaux devant l’abattoir, agneaux offerts au sacrifice. Mes cochons ! Sans oublier, bien sûr, TikTok, ce miroir aux alouettes modernes. Une journée là-dessus, et te voilà bon pour Sainte-Anne, interné avec les fous. Ô mes aïeux, quelle chute !

Donc, on en est revenu là. Pire que ce qu’on s’était inventé sur le Moyen Âge, sur l’obscurantisme. C’est à coup sûr ça, le Kali Yuga. Un effondrement par la bêtise, un déluge de sornettes de toutes parts. Personne ne peut être épargné, surtout ceux qui voient la Bête très clairement. Elle n’en fera qu’une bouchée. Et rien ne dit que ça l’étouffera.

Pour en revenir aux langues mortes, en marchant tout à l’heure, toujours dans ce même parc à Saint-Pierre-de-Boeuf, d’un seul coup ce dialogue silencieux avec les arbres, la végétation. Tout ce vert encore, ces ombres et ces lumières. Un moment suspendu. J’en ai ressenti une forte émotion, comme une surprise, un appel. Puis c’est reparti, aussi vite que c’est venu. Une fois l’extase dissipée, je me suis rappelé cette vieille leçon : pour chaque grâce, il faut payer un lourd tribut. Mais tant pis, ça vaut le coup. Puis je me suis demandé si ce n’était pas finalement un peu surfait, tout ce romantisme. Les arbres, le vert, la lumière… Rien de tel qu’une mauvaise sciatique pour te ramener les pieds sur terre. Je me suis remis en marche, en espérant que mes genoux tiendraient le coup. Ensuite, je suis passé à autre chose.

J’aimerais bien prendre une grande toile et la remplir comme je le fais avec ces textes, la laisser se construire ainsi, mettons, sur un nombre de jours défini à l’avance. Si je ne fixe pas de limite, je suis fichu. Il y a une relation avec le fait de rattacher un certain nombre de textes à un mot-clé, comme les côtes à la colonne vertébrale d’un squelette, et de se donner un nombre de jours limité pour laisser faire le hasard ou l’ignorance.

Je reçois cinq sur cinq une parole sans mot ni son ; c’est ainsi que je me console (un peu) de mes carences linguistiques. « Je la reçois » ne signifie pas « je la comprends », bien évidemment. Quel intérêt, d’ailleurs, de vouloir la comprendre ? Il me semble parfois qu’il suffit de s’en souvenir. Exactement comme ce contact intermittent avec l’éternité du présent, avec ce symbole que sont les arbres, la végétation, une toile de Bram Van Velde, l’aridité d’un texte de Beckett, ou l’admiration pour la jeunesse, parfois aussi, intermittente évidemment, intermittente. Mais bon, à force de tout recevoir sans comprendre, on finit par se demander si ce n’est pas juste la flemme déguisée en sagesse. Après tout, c’est plus facile de contempler l’éternité du présent que de comprendre un mode d’emploi Ikea. Entre Beckett et une étagère à monter, l’aridité prend parfois des formes bien moins poétiques. Enfin bref, je me dis que tant qu’on s’en souvient, c’est l’essentiel.

04 septembre 2024

4 septembre 2024

Parlons donc d’autre chose, de rien, de la peinture. Lieu de l’inexprimable qu’on cherche à exprimer malgré tout. ( n’hésitons plus à mettre les pieds dans le plat) Mais il est composé de quoi ce malgré tout et quel rapport à l’écriture – s’il faut passer par la géométrie.

Surtout, ne pas oublier le manque d’entrain, le manque de désir, Archibald et Thelonious Monk, prendre un temps, entrer en considération. Comment au couvent. Commencer absolument par là. Comme dans le Rig Veda ou les Upanischads. Petit matin glauque, tangible absence de soleil. Chaos. Prononcer le son à voix haute. AUM. Et prier pour que ça marche, encore une fois, en avant la musique sur 24 pieds.

Quel nettoyage en profondeur l’attend. Il ne se doute même pas. Donc s’accrocher à un livre mince. Trois dialogues chez Minuit. Georges Duthuit et Samuel Beckett. Idéale sécheresse du second. Roborative.

Facile de parler de certains peintres et d’ainsi tirer une couverture à soi ( il l’assume vraiment, il ne s’en cache pas) première réflexion à la lecture de « Trois dialogues » à déchiffrer l’échange entre D et B concernant Tal Coat, Masson et Bram Van Velde. Bon, ne vais pas recopier des bouts, pas de citation, c’est clair. Le noter pour moi ce matin simplement voilà.

Et si tous ces mois passés à ne pas peindre forment le chemin, le tunnel, le passage nécessaire. avec des si on mettrait Paris en bouteille. Evacuer tout désir de peindre. Surtout qu’il n’en reste pas la moindre goutte. Est-ce encore un espoir, une saleté d’espoir, la peau si douce de l’espérance vieille engeance. Une croyance. Une imbécilité. voilà ce qu’il dit vil spéculateur : C’est quand il n’y a plus de désir que la flamme revient.

Pauvre petite flamme à moitié étouffée par tout ce monstrueux désir.

En ce moment, ce qui t’empèche, te distrait, plisse les yeux et vois en boucle des tableaux de Cy Twombly. Je dois aussi lutter contre ça aussi.

Mais comment. Boxe, escrime, lancer de javelot, arc et flèches, à mains nues, révolver, arme blanche…

Quand je n’écris plus, quand le temps s’est écoulé, je dois lutter énormément contre tout un tas de choses de ce genre. Genre, tu parles de quel genre. Ne serais tu pas en train de vouloir te donner un genre …

Non tu n’as pas la chance ni la possibilité d’être fou.

Et je n’ai alors qu’une envie, trouver un trou. m’y enfouir, qu’on m’oublie. Parvenir surtout à m’oublier moi. Dans ce trou- je le trouve toujours- je peins sans rien, sans toile, sans pinceau, sans peinture. Je ne peins rien c’est à dire que je peins tout.

Faites pas suer avec votre pychologie à deux balles, pan ! pan !

Une véritable orgie de peinture pour être tout à fait précis. Sauf que non ça ne va pas, non mais quel gandin. Aucune précision, tu as seulement rêvé celle-ci encore une fois. L’épée de Damocles ressurgit. Tu vas dérouiller c’est sûr. Un peu de compassion pour lui quand même.

sinon, je pourrais continuer sur Lord Dunsany , puis dériver vers Sidney Sime, ça t’aiderait surement à te rappeler de l’expression aller au charbon. 1857-1941. Oui voilà, ce genre de phrase sybilline, épatant. Et qu’as tu fichu aujourd’hui à part ça me demande S. au retour de chez E. vannée.

J’ai mis bon ordre dans les choses. Il suffirait de le dire d’un ton assez ferme pour que tu y crois toi-même

récupéré un outil pour agréger les flux, akregator, épatant. Plus besoin de taper les url, de se rendre sur les sites, les blogues, « téléchargez le flux et hop ».

« On défroisse les eaux et on lisse les vagues. » t’ai pas dit, c’est très joliment dit. et aussi , plus loin « pour ce jour de repliement égoïste » Waterloo morne plaine, Victor.

Et non pas nécessaire de tout expliquer, c’est la grande mode on en crèvera , vous verrez.

Nouvelle série, nouvelle étiquette, ou mot clés. détournement de la taverne de la ruine en bistrot de la Bérézina.

Mais toujours bien trop long. Encore bien trop le sanglot long des violons.

17 mai 2024

26 juillet 2024

des bribes de notes sans conviction au sujet de la proposition en cours de l’atelier d’écriture.

Des flashs d’un feuilleton télévisé en noir et blanc, « Sans famille ». Et tous ces souvenirs qui remontent. D’abord la question de savoir si je suis un enfant adopté, puis si on va me vendre à un montreur d’ours. Déjà une imagination plus que fertile. La question étant de savoir s’il peut vraiment y avoir de la fumée sans feu. Si l’imagination sert à quelque chose, à part passer le temps, elle doit aussi servir de bouclier, du moins je l’envisage ainsi désormais. Une sorte de protection contre la banalité du mal. En fabriquant un mal parfois encore plus gigantesque, plus effroyable, c’est à dire un mal spectaculaire. Pendant qu’on passe du temps ainsi à s’effrayer du produit de sa propre imagination, on s’angoisse peut-être moins de tout le reste. A moins aussi que ce ne soit qu’un phénomène de vase communiquant.

Je n’arrive toujours pas à me décider pour faire cet exercice le plus simplement du monde, c’est à dire prendre la première famille qui viendrait, la décréter instance et à cheval sur mon bidet. Non je n’y arrive pas. Peut-être que je repousse. L’instant je le repousse aux calendes grecques. Bref je n’ai pas envie de me fourrer dans cette affaire.

Du coup je préfère comme d’habitude le retrait.

Quand je serai à la retraite peut-être que je pourrai m’y mettre, comme d’autres décident de se mettre au puzzle, à la pèche à la ligne, au vélo, à la sieste. C’est dans pas bien longtemps, mais ça doit faire deux ans que je dis ça. C’est aussi une marche d’approche fameuse pour parvenir à la retraite sans qu’elle devienne une Bérézina. Suffit de glisser sur la savonnette sous la douche et hop là, Waterloo morne vol plané.

Je dis n’importe quoi comme quand je peins, aujourd’hui j’ai fait par exemple deux tableaux uniquement avec cette technique. Elle aura fait ses preuves. Je ne comprends décidément pas mes élèves lorsqu’ils se plaignent d’arriver à rien, de faire n’importe quoi. Au moins ça ne ressemble à rien d’autre non ? C’est ce que je dis, mais il n’ont pas l’air de goûter toute la subtilité de cette remarque.

Au moins je continue imperturbablement à scanner mes vieux négatifs argentiques. J’ai retrouvé toute une série d’images de P. avec son chien, comment s’appelait-il déjà … et bien ça je l’ai oublié. Dans le fond je suis assez heureux de voir que je suis parvenu à oublier pas mal de petites choses.

Ah oui, toute cette histoire à propos de l’imagination, il ne faut pas que j’oublie de dire quelque chose à ce sujet. Il faut que je parle de ces visions qui me tombaient dessus deux ou trois fois par jour et qui me faisaient perdre complètement pied. Je crois que j’étais parvenu à les voir arriver juste un peu avant qu’elles ne déboulent. Juste le temps de m’isoler, de m’écarter des autres suffisamment pour qu’on ne s’interroge pas sur mon comportement étrange. Donc la vision arrivait par une certaine qualité de lumière , la vue ne se brouillait pas, mais tous les plans s’enchevêtraient, il n’y avait plus de profondeur de champ. Je n’ai jamais trop parler de ces visions, je crois que je n’en ai jamais parlé du tout. Si je n’en ai pas parlé c’est que j’avais peur de les oublier complètement je crois. Ce qui me fait penser par ricochet à tout un tas de choses dont je n’ai encore jamais parlé dans ce journal, , ni à personne dans la vraie vie. Il y aurait comme une sorte d’instinct de préservation là aussi. Une peur de perdre quelque chose d’important, même si toute notion d’importance semble nous avoir abandonné, celle là non.

Le bon moment. Attendre le bon moment. Y a t’il vraiment un bon moment. Pour que je les écrive ces visions, que je m’en débarrasse d’une certaine manière, en beauté si possible. Peut-être que c’est ce mot, la beauté qui me fait prendre parfois un certain retard. Ce ne sera jamais assez beau bien sûr, ni aussi effroyable que ça le mérite. Parvenir à trouver l’harmonie entre les deux, un poème.

24 février 2024

24 février 2024

Ils font mal, on a mal, on souffre, on a peur, on vomit partout, on pisse, on chie partout, pour un oui pour un non, plus de dignité vraiment. Des bêtes ? Non, les bestioles sont plus dignes que ça, vraiment. Mais on est quoi ? On se le demande. Un nouveau genre de bétail, voilà c’est ça. Du bétail à capitaliste, pour les actionnaires de fonds de pension. Encore plus, toujours plus. Ils font mal, on a mal, on souffre, on a peur, on dégueule. La compassion aussi, on finira par la dégueuler une bonne fois pour toutes.

On est revenu à la même configuration d’étoiles qu’en 1789, sauf que c’est un peu plus soft, ça ne baigne pas dans le sang. Ça baigne dans le dégoût, voilà tout, il y a du vomi partout, du vomi et du caca qui flottent dans la pisse. On marche là-dedans. Marche ou crève. Attention ça glisse, mais poussez-vous, pousse-toi le vieux. Crève donc, allez. Allez hop, on serre les dents les p’tits gars. Ce n’est pas Tataouine ou les Aurès. Ce n’est pas Verdun, ni le chemin des Dames. Ce n’est pas non plus Dantzig, Arcole, la Bérézina. Tout ça, c’est derrière nous. À mon avis, on n’a pas encore vu le pire. Le pire est toujours devant, en estafette. Un pire qui guette un autre en douce. Un pire qui se repaît de l’avenir. Un âge d’or du pire. Vas-y, chante.

Nous aurons du pain
Doré comme les filles
Sous les soleils d’or
Nous aurons du vin
De celui qui pétille
Même quand il dort
Nous aurons du sang
Dedans nos veines blanches
Et le plus souvent
Lundi sera dimanche
Mais notre âge alors
Sera l’âge d’or

Merde, j’en pleurerais bien si je n’avais pas cours dans quelques minutes.

Je descendrais trois marches, mettons un perron en ciment, puis trois marches menant à une allée de terre battue. Je me retrouverais là dans cette cour, devant les hauts prunus frémissants sous la brise du printemps. Leurs feuilles bien rouges déjà. Le regard chercherait dans l’ombre les massifs de pivoines près du muret de séparation d’avec la maison à côté. Le mystère des pivoines. Une sensation qui place la vision dans la main, de les voir, de les sentir déjà en paume, par contre absence d’odeur. Le nez n’y est pas. L’ombre est due aux branches, aux feuilles, à toute la masse végétale rougeâtre qui s’élance en gerbe vers le ciel (bleu ?) Les cieux ne sont pas toujours bleus. Il y a des cieux ardoise, taupe, gris souris, rat musqué. L’odeur de l’orage monte au nez sitôt qu’on pense au ciel de ces jours-là.

Un télescopage de textes, couper le récit, enclencher sur tout autre chose. La clenche, le levier oscillant autour de l’axe d’un loquet venant s’engager dans le mentonnet. Comme un serpent qui danse. Ce ne sont que des brouillons, des textes indéfinis. Je devrais le rappeler de temps en temps.

Cauchemar en peinture

15 mars 2022

Hier soir je me suis mis au lit de bonne heure. Je sais ce n’est pas palpitant comme intro mais attendez, un peu de patience, même si je sais que vous êtes toujours pressés.

Mais je n’arrivais pas à dormir sagement. C’est à dire me concentrer sur mes pieds afin de les sentir pour de vrai , car il est bien connu que je marche à coté de mes pompes généralement, et sur ma respiration pour qu’elle m’emmène dans les bras de Morphée.

Donc je prends ma tablette et je clique sur les programmes TV. En général ça marche assez bien comme soporifique.

Je tombe sur une émission de M6 " Cauchemar en cuisine". J’allais zapper lorsque soudain il est fait état d’une énigme à résoudre. J’adore les énigmes à résoudre surtout si on me donne la solution assez vite.

Donc le chef est excellent, le restau est en bon état, la serveuse est béate. Le chef Etchebest se demande en se grattant l’occiput ce qui peut bien clocher.

Car ils n’ont évidemment plus de client, c’est la bérézina, des larmes coulent, on craint l’inondation et la faillite surtout.

Soudain on s’apercevra que tout ça est dû au fait que la patronne n’assume pas son rôle de patronne.

Bingo ! A partir de là, on change quelques trucs, à l’accéléré et tout se transforme sous nos yeux ébahis ( ou presque) pour atteindre le nirvana de l’hostellerie ni plus ni moins.

Je vous la fais courte.

Et j’ai pas vu jusqu’au bout du bout, la tablette m’a glissé des mains et j’ai sombré dans des cauchemars à mon tour.

Et donc je deviens le chef dans une immense cuisine, mais je réalise qu’en fait c’est un atelier de peinture. Que le Chef Etchebest s’est laissé pousser les cheveux et a un petit air de De Vinci. Et qu’il m’engueule copieusement à tout bout de champs parce que je suis une espèce de "palline morbide" ce que je me suis hâté d’aller poser dans google traduction et qui correspond grosso modo à couille molle chez nous.

La question est de savoir qui des deux de mon conscient ou de mon inconscient me traite de couille molle.

Autrement dit, à creuser.

J’avais juste écrit ça quand mon épouse est venue m’embrasser en se levant.

— tu en fais une tête elle a dit, puis elle a enchainé parce que je maugréais

— tu ne peux pas être un peu plus aimable, joyeux le matin ?

—Je suis une triste couille molle j’ai dit et en l’entendant sortir de ma bouche j’ai rigolé et elle aussi.

Voilà notre vie.