L’histoire est cyclique, tout comme les propositions d’écriture de F.

Je revisite le cycle été 2023 surmon ancien blog, et relis les textes que j’avais écrits à l’époque. C’était une tentative de participer aux premières interrogations :

Y a-t-il eu, pour chacune·chacun de nous, une scène originelle de l’écriture ? Et pouvons-nous en faire récit dans un hors-soi, comme avec le prologue on séparait l’écriture du livre, et comme Annie Dillard sépare sa vie d’écriture de toute autre considération autobiographique ?

Cette friction autour du terme autobiographie, je ne sais pas si je la ressens encore aujourd’hui avec la même intensité. À l’époque, elle se manifestait comme un réflexe, une tentative de combler un manque, ou peut-être une forme de paresse  ? Il y avait une honte immédiate, brûlante, que je n’arrivais ni à dissimuler, ni à atténuer. J’essayais de m’en extraire avec de pauvres moyens, en usant d’exagération et de provocation, mais tout cela formait encore l’ossature maladroite de mon écriture.

J’y ai passé encore une nuit entière. Je ne sais pas si j’ai obtenu un résultat. Seulement des pistes de travail, encore et encore.

Ces carnets ont ceci d’intéressant  : ils montrent comment je m’égare parfois dans d’innombrables impasses en travaillant un seul texte. Mais cette fois, j’ai cherché un autre angle d’attaque. Pour ne pas me laisser envahir par le découragement, j’ai creusé dans mes concepts, mes tensions, et je les ai organisés en fiches interconnectées, à la manière du Zettelkasten.

Cette notion d’angle ou de positionnement, je crois que je commence à la comprendre grâce à Queneau – et à ChatGPT. Encore que Queneau ressurgisse de façon anachronique, après ChatGPT. En demandant à l’AI de réécrire le même texte avec différentes voix – Carver, Bukowski, Ginsberg – j’ai immédiatement pensé à Exercices de style, que j’avais lu adolescent.

À l’époque, ce livre m’avait amusé  : la même scène d’un autobus répétée à l’infini, déclinée selon divers styles et conjugaisons. J’avais pris cela comme un passe-temps, du divertissement. L’écriture, pensais-je alors, était bien plus sérieuse  ! L’écriture, c’était Proust, Gide, Sartre – des noms que je croyais gravés dans le marbre, souvent ennuyeux, mais que je respectais sans me demander pourquoi.

Deux ans plus tard, la roue a tourné, et je me retrouve à nouveau dans le même cycle d’atelier d’écriture. Est-ce que j’ai progressé  ? Je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire. Mais je reconnais désormais ces cycles  : les retours aux mêmes questions, les nouveaux points de vue sur les mêmes textes.

Je sais aussi faire des fiches, recueillir des concepts et des tensions comme on récolte des patates dans un champ. Et peu à peu, je cède au protocole  : je m’intéresse aux tambours, aux hochets, aux costumes bariolés, aux cercles – ceux des tambourins, des tipis, des yourtes. Comme si je m’apprêtais à faire le nécessaire, à préparer mes valises pour partir.

À partir, enfin, dans l’écriture.