Frank Stella, le minimalisme des années 60
Frank Stella, le minimalisme des années 60

La vitre, légèrement trouble, laisse deviner l’intérieur d’une pièce exiguë. Dans ce cadre étroit, un homme est assis devant la lueur bleutée d’un écran d’ordinateur. Sa silhouette massive occupe presque tout l’espace. Le haut du crâne, dégarni, capte parfois un reflet de la lumière extérieure.
Immobile, il fixe l’écran. Seule sa poitrine se soulève au rythme d’une respiration lente, presque imperceptible. Puis ses mains s’animent soudain sur le clavier, comme répondant à une impulsion invisible.
Un bruit, peut-être, ou un mouvement dans la rue, détourne brièvement son attention. Son visage pâle se tourne vers la fenêtre. Les traits sont creusés, le regard absent - celui d’un homme qui a traversé trop de nuits blanches. L’instant d’après, déjà, il replonge dans la lumière artificielle de son écran.
À l’aube, une lampe s’éteint, ne laissant que la lueur bleutée de l’écran. À travers la vitre sale, ce point de lueur artificiel troue l’obscurité. Dans le ciel, les cris des martinets s’élevent.. Un train au loin s’annonçe en gare, sa rumeur portée par le vent jusqu’aux abords du village. L’horloge de la place de l’église sonne sept heures, puis les derniers relents de la nuit sont balayés par le fracas de la benne à ordures.
À midi, les bruits s’atténuent. Par les fenêtres ouvertes s’échappent des tintements de vaisselle, des bribes de radio, des échos de télévision. Une mère appelle ses enfants pour le repas, sa voix résonne dans l’air immobile. Un chien traverse la grand-rue déserte, son ombre ramassée sous lui glisse sur le sol, mais il file sans s’y attarder, disparaît dans une impasse. Le vent apporte l’annonce lointaine du retard du train de Marseille, quinze minutes. Une odeur de poisson frit monte de la rue, envahit la pièce.
La luminosité faiblit. Les derniers cris des martinets disparaissent derrière la silhouette des toits de tuile. Pétarade de la moto d’un voisin qui rentre du travail. Quelqu’un à une fenêtre secoue une nappe ou un drap puis referme celle-ci. Bruit caractéristique d’un rideau électrique qui tombe doucement devant la devanture d’un commerce. Une odeur sucrée monte des jardins alentours, celle des fruits oubliés sur leurs branches, de l’humus des terres retournées. Tout à l’heure, les réverbères s’allumeront l’un après l’autre et ce sera la nuit.

Dormi deux heures. Mille guerres. Sensation de fatigue. Paupières lourdes. Moral dans les chaussettes. Le café percole audible depuis l’étage. S. est déjà réveillée. L’odeur du café parvient au nez. Presque déjà le goût. Amer.
Le café percole doucement bas dans la cuisine. S. est déjà réveillée, elle a déjà mis trois machines en route et se prépare à allumer le transistor sur la table de la cuisine.

Voilà une chose importante, j’aime la simplicité. Dire le plus de choses en le moins de mots possibles.