Exploration par observations
Observations par mots-clés :
Aucun groupe "observations" configuré.
/B_groupe_observations>Cliquez sur un mot-clé pour voir tous les articles associés
Murs
Passer devant un mur et le regarder, le photographier, repérer des dessins, des changements mêmes imperceptibles sur sa surface, des impressions fugaces, des souvenirs de murs que ce soit dans des logements, des lieux de travail, des promenades.
fictions
La ville déserte Partie 3
Ils ne voyaient plus rien. La lumière avait disparu, avalée par l’obscurité, comme si la porte qu’ils avaient franchie les avait projetés dans un autre monde. Jesse serra la crosse de son revolver. C’était devenu un réflexe, un point d’ancrage. L’obscurité l’enveloppait, mais il savait que les deux autres n’étaient pas loin. Il entendait leurs respirations, rapides, irrégulières. « Henry ? William ? » murmura-t-il. Une réponse sourde, puis un raclement de pied sur le sol. Henry. Toujours là. William aussi. Jesse avançait d’un pas, sa main libre tendue devant lui. L’air était lourd, comme chargé d’électricité, et il lui semblait sentir les murs se refermer. Ou était-ce seulement dans sa tête ? Un craquement résonna soudain, suivi d’un bruit sourd, lointain, comme une pierre qui tombe dans un puits sans fond. Jesse s’arrêta net. Quelque chose bougeait. Pas eux. Pas leurs pas. Une autre présence, dans l’obscurité. « Vous avez entendu ça ? » dit William, sa voix tremblante. « Pas besoin de demander, » grogna Jesse. « Bougez pas. » Henry parla enfin, à voix basse, mesurée. « La pièce change. Elle se déforme. Je crois qu’elle veut qu’on bouge. » Sa lampe à huile s’était éteinte avec la lumière, et il tâtonnait dans le noir, cherchant un repère. Un grondement sourd monta tout autour d’eux, d’abord faible, puis plus fort, comme si les murs eux-mêmes rugissaient. Jesse se tourna vers la direction supposée du bruit. Quelque chose approchait. « Faut pas rester là, » lança-t-il en se dirigeant vers ce qu’il pensait être une sortie. « Et aller où ? » protesta Henry. « Si on bouge sans réfléchir, on se perdra. » « T’es déjà perdu ! » répliqua Jesse. Mais il s’arrêta. L’obscurité n’était pas seulement une absence de lumière. C’était une chose en soi, vivante. Il pouvait presque la sentir glisser sur sa peau. William murmura quelque chose. Un mot ou une phrase. Jesse ne le comprit pas. Mais quand il tourna la tête, il vit une faible lumière à l’horizon, une ouverture minuscule au loin, comme une étoile isolée dans un ciel noir. « Là, » dit-il en pointant du doigt. « C’est là qu’on doit aller. » Henry hésita. « Et si c’est un piège ? » « Tout est un piège ici, » répondit Jesse. « Alors autant foncer. » Ils avancèrent, d’abord lentement, puis plus vite, comme poussés par l’urgence du grondement derrière eux. William trébucha une fois, se releva, essuyant ses mains sur son manteau. La lumière semblait toujours aussi loin, comme si elle reculait à chaque pas. Mais ils n’avaient pas d’autre choix. L’espace autour d’eux rétrécissait. Les murs invisibles se resserraient, contraignant leurs mouvements. « On n’y arrivera pas si on continue comme ça, » dit Henry, haletant. « On doit… comprendre ce que la ville veut. » Jesse ne répondit pas. Il accéléra, comme pour échapper à cette logique qui lui donnait la nausée. Tout dans cette ville parlait de manipulation. Il n’allait pas jouer son jeu. Pas cette fois. Une main le saisit par le bras, le stoppant net. C’était William. « Attends, » dit-il, presque suppliant. « Regarde. » Jesse regarda. Une fissure s’ouvrait dans le sol, juste devant eux. Noire, béante, infinie. Ils n’avaient pas vu venir. La lumière au loin était une illusion. Jesse recula d’un pas, le souffle coupé. « Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? » murmura-t-il. Henry s’approcha prudemment, ses mains tremblantes effleurant le bord de la fissure. « Ce n’est pas une fissure. C’est… un choix. » « Quoi ? » Jesse serra les poings. « T’es pas sérieux. » William hocha la tête, son visage blême dans la faible lumière. « Regarde bien. Ce n’est pas réel. Rien ici ne l’est. » Jesse se pencha, observant le gouffre. C’était impossible, mais il voyait des reflets. Des fragments d’images mouvantes. Une rue poussiéreuse. Une salle de bal vide. Un désert sous un ciel blanc. Chaque image clignotait, fugace, et disparaissait. « Ça nous teste, » dit Henry, sa voix presque un souffle. « Il faut choisir. » « Et si on choisit mal ? » demanda William, hésitant. Jesse ne répondit pas. Il n’y avait pas de bonne réponse. Juste une réaction instinctive. Il s’avança d’un pas, regarda une dernière fois ses compagnons. Puis, avant qu’ils ne puissent l’arrêter, il sauta. Le noir était absolu. Pas un bruit, pas un souffle, rien. Jesse tombait, ou il avait l’impression de tomber. C’était difficile à dire. Il ne sentait plus rien sous ses pieds, ni autour de lui. Pourtant, il n’avait pas peur. Pas vraiment. Juste une tension sourde, comme une corde tendue qui allait bientôt céder. Puis, soudain, il atterrit. Pas de choc. Un sol. Dur, froid. Il ouvrit les yeux. Une lumière tamisée baignait la pièce où il se trouvait maintenant. Les murs étaient lisses, brillants, sans aucune ouverture. Un cube parfait, pensa-t-il. Sur le sol, au centre, un objet luisait faiblement. Jesse s’avança, ses bottes résonnant sur le sol métallique. C’était un miroir. Rectangulaire, posé à plat, avec une surface si nette qu’il voyait son reflet comme s’il était face à un double. Mais ce n’était pas lui. Pas tout à fait. Le Jesse dans le miroir avait un regard différent, plus jeune, mais plus dur. Il tendit la main pour toucher le verre. Le reflet bougea avant lui. Jesse recula d’un pas, la main sur la crosse de son revolver. « Qui es-tu ? » murmura-t-il. Le reflet ne répondit pas, mais Jesse entendit une voix, calme, presque familière. « Ce n’est pas la bonne question. Demande plutôt ce que tu fais ici. » Pendant ce temps, Henry et William étaient restés au bord de la fissure. Ils avaient vu Jesse sauter, mais rien ne s’était produit ensuite. Pas de cri, pas d’écho. Juste la fissure qui semblait… se refermer. « Il est parti, » dit William, la voix tremblante. « Parti où ? » Henry se redressa, les yeux fixés sur l’endroit où Jesse avait disparu. « Ce n’est pas un simple gouffre. C’est une transition. » William hocha la tête, bien qu’il ne comprenne pas tout. « Alors… on le suit ? » Henry hésita. Il savait qu’ils n’avaient pas le choix. Cette ville ne leur laissait jamais d’options faciles. Il s’agenouilla près du bord, observant la surface noire. Pour lui, elle semblait vibrer doucement, comme une membrane. Un passage. « On ne va pas le laisser seul, » finit-il par dire. « Prépare-toi. » William, pourtant si rationnel, s’accroupit à son tour, prêt à sauter. Mais alors qu’il posait la main sur le sol pour s’élancer, la fissure changea. Elle se divisa en deux. Devant eux, deux passages s’ouvraient désormais, chacun menant vers une lumière différente. L’un brillait d’une lueur chaude, presque dorée, rappelant un coucher de soleil. L’autre était d’un blanc froid, perçant, comme la lumière d’un hôpital ou d’un lieu stérile. « Qu’est-ce que c’est encore ? » murmura William, ébahi. Henry resta silencieux, réfléchissant intensément. « Deux choix, » dit-il finalement. « Peut-être qu’ils mènent tous les deux à Jesse. Peut-être pas. » William secoua la tête. « Et si c’est un piège ? » Henry se redressa. « Tout ici est un piège. Mais rester ici ne nous sauvera pas. » Sans attendre, il choisit le chemin blanc. William, après une longue hésitation, suivit l’autre. Jesse, seul dans son cube-miroir, continuait d’interroger son reflet, ou ce qu’il croyait être son reflet. La voix revenait, toujours calme, presque moqueuse. « Tu n’as jamais compris, n’est-ce pas ? Ce n’est pas la ville qui te teste. C’est toi. Tu es ici parce que tu refuses de voir ce que tu es. » Jesse serra les dents. « Tais-toi. » « Pourquoi ? Parce que j’ai raison ? » Il fit un pas en arrière, ses bottes raclant le sol. La lumière dans la pièce s’intensifiait, reflétant chaque angle, chaque imperfection de son visage dans le miroir. Et dans ces reflets, il voyait des choses. Des fragments de son passé, des moments qu’il avait enfouis. Des erreurs. Des visages qu’il aurait préféré oublier. « Ce n’est pas réel, » dit-il, la voix plus faible. « Réel ou pas, » répondit la voix, « ce sont tes choix qui t’ont amené ici. » Au même moment, Henry arrivait dans une pièce blanche, nue, où des voix résonnaient autour de lui. Pas une voix unique, mais des dizaines, peut-être des centaines, comme des échos fragmentés. Ils parlaient de décisions, d’erreurs, de conséquences. Mais il n’y avait personne. Juste lui, et un vide infini. De son côté, William, dans le passage doré, marchait sur ce qui semblait être une route pavée. Autour de lui, des silhouettes floues apparaissaient, semblant l’accompagner. Elles parlaient, mais il ne comprenait pas leurs mots. Elles riaient, parfois pleuraient. Il avait l’impression qu’elles voulaient lui dire quelque chose d’important, mais leurs visages restaient hors de portée. Jesse était tombé, mais il était toujours entier. Ses doigts glissaient sur la surface froide du miroir. Le reflet avait cessé de bouger, mais Jesse sentait une pression, comme si quelqu’un ou quelque chose tentait de s’infiltrer dans ses pensées. Il recula, le souffle court, mais une voix résonna à nouveau. Cette fois, elle ne venait pas de la surface. Elle résonnait dans toute la pièce. « Pourquoi as-tu sauté ? » Jesse chercha l’origine du son, mais il n’y avait rien, personne. Juste ce cube parfait. Il serra les poings. « J’ai sauté parce que je ne reste pas planté là à attendre que les choses se passent. » Un éclat de rire sec retentit. Ce n’était pas moqueur, mais cinglant, comme une porte qui claque. « Toujours prêt à agir, hein ? Toujours incapable de réfléchir. » Il lança un regard noir vers le miroir. Le reflet le regardait à nouveau, mais cette fois, il souriait. Ce sourire n’était pas le sien. Jesse sentit un frisson le parcourir. Ce n’était pas lui. Henry était debout dans le vide blanc. Pas un vide froid ou neutre, mais un vide qui vibrait, bruissait, comme si des milliers de voix y murmuraient en même temps. Il avait l’impression qu’il marchait, mais il n’y avait pas de sol. Rien ne bougeait, sauf lui. « Où suis-je ? » demanda-t-il à haute voix, plus pour se rassurer que pour obtenir une réponse. Une voix surgit, douce, presque caressante. « Ici. Là où tu dois être. » Il se tourna, mais personne. Pourtant, il savait qu’il n’était pas seul. Cette présence, invisible mais insistante, était là, autour de lui. « Pourquoi suis-je ici ? » Les voix changèrent de ton, plus graves, presque accusatrices. « Tu sais pourquoi. Pour comprendre. Pour voir. » Henry secoua la tête. Comprendre quoi ? Voir quoi ? Il cherchait une logique, une clé, mais tout ici semblait conçu pour défier la raison. Pourtant, il sentait une tension dans l’air, comme si le vide lui-même attendait quelque chose de lui. Il s’arrêta et inspira profondément. Peut-être que, cette fois, il devait simplement écouter. William avançait sur la route dorée. Chaque pas résonnait d’un écho étrange, comme si le sol n’était pas tout à fait solide. Les silhouettes floues autour de lui se précisaient peu à peu, prenant des formes presque humaines. Il entendait leurs voix, mais elles étaient brouillées, comme des souvenirs anciens qu’on ne peut saisir pleinement. Une femme passa près de lui. Elle ne le regarda pas, mais William sentit une vague d’émotion le traverser. C’était comme si elle portait avec elle un fragment de sa vie, un moment qu’il avait oublié. Il tenta de l’arrêter, de lui parler. « Qui êtes-vous ? » Elle ne répondit pas. Mais une autre silhouette s’approcha, cette fois un homme. Son visage était indistinct, mais sa voix était claire. « C’est toi qui dois répondre, pas nous. » William fronça les sourcils. « Répondre à quoi ? » L’homme leva un doigt vers le ciel, et William suivit le geste. La lumière dorée s’assombrissait. Quelque chose approchait, une ombre immense qui s’étendait sur toute la route. Les silhouettes autour de lui commencèrent à s’effacer, une par une, avalées par cette ombre. William sentit son cœur s’accélérer. Il savait que rester immobile signifierait disparaître avec elles. Alors, il fit ce qu’il avait toujours fait : il continua d’avancer, même si ses jambes tremblaient. Les trois hommes, chacun plongé dans sa propre épreuve, ressentaient une force nouvelle. Quelque chose les poussait, les tirait, comme si les murs invisibles de leurs mondes respectifs s’effondraient. Jesse, Henry et William ne voyaient pas encore la sortie, mais ils savaient qu’ils ne pouvaient reculer. Et alors, sans prévenir, leurs environnements changèrent. Le vide blanc d’Henry, la route dorée de William, et le cube de Jesse semblèrent s’effondrer dans un chaos de lumière et d’ombres. Ils furent projetés ensemble dans un nouvel espace. C’était une salle immense, mais différente. Pas un cube, ni un vide. Un espace qui semblait vivant. Les murs palpitaient doucement, comme des veines d’un organisme géant. Au centre, une immense table circulaire, gravée des mêmes symboles que sur la porte. Les trois hommes se regardèrent. Fatigués, mais toujours debout. Jesse, brisant le silence, lança : « Alors, quelqu’un a une idée de ce qu’on fait ici ? » Henry posa les yeux sur la table. « Ce n’est pas fini. Je crois qu’on doit encore choisir. » William, essuyant son front, s’approcha lentement. « Et si le choix n’était pas entre nous et la ville ? Et si c’était entre nous trois ? » Un silence lourd s’abattit. Jesse croisa les bras, Henry serra les poings, William observa. Ils savaient que cette fois, ce serait un choix qui les changerait à jamais.|couper{180}
Carnets | août 2024
29 août 2024
Espace carré, temps circulaire. Un mur semble absent formé de rien de vide de nuit et d’air « Cette quatrième surface est en quelque sorte pratiquée dans l’air, elle permet aux paroles de se faire entendre, aux corps de se laisser regarder, on l’oublie par conséquent aisément, et là est sans doute l’illusion ou l’erreur. En effet, ce qu’on prend ainsi trop facilement pour l’ouverture d’une scène n’en est pas moins un panneau déformant, un invisible et impalpable voile opaque qui joue vers les trois autres côtés la fonction d’un miroir ou d’un réflecteur et vers l’extérieur (c’est-à-dire vers le spectateur possible mais par conséquent toujours repoussé, multiple) le rôle d’un révélateur négatif où les inscriptions produites simultanément sur les autres plans apparaissent là inversées, redressées, fixes. » Nombres P. Sollers. Parvenu là dans la pièce, il s’asseoit encore une fois à sa table ronde, il a prit soin auparavant d’ouvrir la fenêtre. Parvenu ici dans la chambre, il ouvre la fenêtre en grand puis s’asseoit à la table rectangulaire pour écrire sur un cahier d’écolier. Il referme soigneusement la porte de la chambre, se dirige vers le mur nord, ouvre la fenêtre qui donne sur un mur aveugle, puis il s’asseoit à sa table, ouvre son cahier d’écolier, la main qui tient le crayon en suspens. Il relève la tête, son regard se dirige vers la fenêtre. Au delà de celle-ci, au-dessus du mur aveugle, un rectangle de ciel bleu. « D’après un passage des Rites de Tsheou, le magistrat chargé de la surintendance de la divination avait dans ses attributions la surveillance des règles posées par les trois livres appelés Yi, ou des Changements. Le premier de ces trois livres était intitulé Lien shan, Chaîne des montagnes, c’est-à-dire succession ininterrompue de montagnes. Ce titre provenait de la classification adoptée des hexagrammes, dont le premier figurait « la montagne sur la montagne » ; le symbole adopté était les nuages émanant des montagnes. Le second était intitulé Kouei mang, Retour et Concèlement, parce qu’il n’était aucune question qui ne pût y être ramenée et que toutes s’y trouvaient cachées et contenues. Le dernier avait pour titre Tsheou [1] yi, Changements dans la révolution circulaire, ce qui exprimait que la doctrine du livre des changements s’étend à tout et embrasse toutes choses dans son orbe. Cette explication des titres de ces trois ouvrages est personnelle à son auteur et n’est appuyée sur aucun texte faisant autorité ; elle n’est plus admise par personne ; je la crois cependant plus près de la vérité que les autres, qui vont suivre. » Yi King P.- L.- F. PHILASTRE (1881) Alternance du récit et du commentaire. Trois pans à l’imparfait et un bloc au présent en italique, à la façon d’une note de bas de page directement incluse dans le fil du récit. Si on dispose de blocs supplémentaire autre que par convention quatre, on sort alors du carré, d’un espace à quatre dimensions – on sort de quelque chose de connu. En Chine les nombres ont plus un pouvoir descriptif servant à situer plus qu’à compter. D’ailleurs à l’origine quand on place des cailloux dans un sac dans la méthode dite terme à terme, on réalise moins un calcul qu’une situation. Il se trouve que dix moutons sont remplacés par des cailloux, l’affaire est dans le sac. Le chiffre cinq marque un passage chez les mayas, après l’inscription de points on parvient à une ligne d’horizon. Ensuite tout ce qui se situe au-dessus de l’horizon, six sept huit neuf traite d’une aventure génétique. C’est à dire d’une évolution, jusqu’à la décimale, le neuf étant l’ultime étape de la série- quelque chose se renouvelant. L’effort de faire des petits paquets de dix pour s’aventurer dans l’inconnu que représente l’innombrable. Et aussi ces carrés- calqués sur ceux de la page de ce cahier d’écolier- que l’on dessine, dont on renforce les contours, enfant , en ajoutant des diagonales et croix à l’intérieur. Dans un carré un flocon de neige. Sauf qu’on ne dépasse pas le huit- l’infini- ainsi. La méthodologie du carré barré est mieux adaptée pour parvenir à l’horizon d’un évènement ( cinq). Je compte sur mes dix doigts pour arriver à deux mains ( demain) mais difficile d’être carré, je tourne en rond. Cela vient-il du fait que je suis plus constitué de temps que d’espace ? La notion d’empan- la largeur de la main, la largeur de l’esprit, directement reliée aux nombres. Ce blocage vis à vis des mathématiques, des chiffres et des nombres, provient- c’est l’histoire qu’il s’inventa- d’un passage intempestif de l’arithmétique à l’algèbre. Mais peut-être que c’est faux, qu’au delà de cette invention, il cherche à réutiliser les chiffres comme le font les chinois, les anciennes civilisations. Non pour calculer des sommes, des profits, mais pour simultanément situer l’existence des choses et des êtres qui l’entourent et lui-même vis à vis de ces choses et de ces êtres. Pour tenter d’élucider la quadrature du cercle. Le cercle du temps inscrit dans le carré de l’espace et vice versa. Peut-être se disait-il : le hasard n’est qu’un synonyme de ce que représente les lois de la génétique. Dans le mot génétique, le génie, l’esprit, les eaux. Et cette réminiscence soudaine, à quel point les lois terrestres changent alors que la loi maritime ne change pas. L’idée que la mer est reposante en cela que les lois dans son espace restent immuables. Le fait que le profit s’empare du vocabulaire de l’eau. La banque dérivé de bank- berge, rive, canalise le flow, le flux, le contrôle. La délivrance d’une femme qui accouche et delivery la livraison d’un produit, le certificat de livraison et de naissance. Ainsi on passe d’une préoccupation de situer les choses dans le monde à leur comptabilité, à leur accumulation, à la propriété, au pouvoir. Et tout l’ésotérisme lié aux termes de droit et de comptabilité. Encore une fois les initiés et les ignorants. Les ignorants étant aussitôts exploités par les sachants. S’enfermer entre quatre murs pour écrire. La page blanche, un espace rectangulaire aussi, mais peut-être que celui qui écrit se confond avec l’un des côtés de ce rectangle, celui le plus proche du clavier, le côté bas de l’écran. Et cette image de F. qui dans une vidéo nous montre l’acquisition d’ un nouvel écran ( vertical ) supplémentaire. On peut donc imaginer qu’il y a bien un soucis de situation avant toute chose, avant toute réflexion. Le fait de ne pas réussir à s’installer- même temporairement- dans une situation crée une fatigue, une érosion, une usure. Avoir de la suite dans les idées, expression en relation avec ce mot de situation. Où est-ce que je me situe dans la suite de ces idées, dans le déploiement d’une seule de ces idées ? Si je n’arrive pas à le savoir, la fatigue me tombe dessus, une confusion s’installe, je baisse les bras d’avoir trop essayé de résoudre cette énigme sans disposer d’un savoir nécessaire à cette fin. C’est pour cette raison que le 1 est en début de série, le B A – BA. 1 engendre 2 qui ensemble engendrent le 3 etc. La mise à mort de la représentation doit se laisser représenter ; le refus du récit passe obligatoirement par le récit ( pileface.com) Encore une fois me voici perdu à la fin de cette séance d’écriture. Prise de conscience d’une surchage cognitive dans le texte qui est le reflet de celle présente dans ma caboche. Ce qui fait qu’au bout du compte suis crevé en imaginant la somme de travail encore à produire pour clarifier ces textes. En cela il ne s’agit que d’un gigantesque brouillon, un salmigondis. Cela n’apporte au monde qu’un peu plus de confusion dont il n’a pas besoin. Mais finalement si ce blogue, ce journal ne servent qu’à parvenir à cette prise de conscience ce ne serait pas si tragique. A ce moment là une source possible de la fatigue vient de cette surcharge déposée par l’écriture dans l’écriture. Peut-être qu’une période de calme, de silence est la suite logique de ce mouvement. Jusqu’à ce que l’écriture reprenne, débarrassée d’un trop plein, du fantasme de l’infini, proche d’une toute puissance, laissant place à un espoir de clarté.|couper{180}
Carnets | juin 2024
09 juin 2024
Nouvel accrochage, à la médiathèque de S. Arrivé quelques minutes à l’avance, X. arrive presque en même temps. Puis A. surgit du coin de la rue, on s’embrasse. Toujours cet air faussement austère. Elle s’excuse, ils ont commandé de nouvelles cimaises mais pas encore reçues. Nous refaisons encore une fois le tour du propriétaire. La grande salle au rez de chaussée sera pour X. Celle aux murs rouges pour G. et je me contenterai d’une antichambre au haut de l’escalier. Tiens ils n’ont toujours par réparé ce problème de lumière. Je prends cela comme ça vient, mes toiles sont faites pour être exposées sans tenir compte des éclairages. Elles luisent d’une manière interne. Bien sûr. L’idée ne serait pas d’écrire une chronique par le menu, la description, la relation des faits et gestes. Mais plutôt de ne recueillir que quelques éléments suffisamment épars, ceux-là mêmes qui comptent vraiment, auxquels dans l’action on ne prête que peu d’attention, celle-ci étant mobilisée par je ne sais quel essentiel. La chaleur intense vers 17h me fait traverser la rue pour rejoindre l’ombre astringente d’un catalpa. M. la compagne de G. fume. Elle sort souvent pour fumer. j’hume l’odeur de la cigarette en m’interrogeant sur son effet. Rien, c’est juste une odeur de cigarette. J’observe ma maladresse à verser le café avec ce genre de bol habituel dans de gros gobelets de carton. On ne trouve pas le sucre. Nous nous asseyons pour regarder les toiles que X a déposées au pied des murs, l’aidons, l’encourageons, puis vaquons à notre propre installation. Moment de silence où chacun se retrouve seul avec ses œuvres. A quoi je pense, à pas grand chose. Que l’ensemble tienne la route. S. et moi avons tout préparé, les listes, les bio, les cartels, j’ouvre la pochette jaune dans laquelle tout est remisé, j’ai apporté la moitié d’une plaquette de pâte collante, amplement suffisant pour une vingtaine de toiles. Les petits carré de Patafix semblent pouvoir se scinder à l’infini. De retour à la maison S. n’est pas encore revenue de chez sa mère. Je dépose un doliprane dans un verre pour calmer la rage de dent qui revient lancinante. De retour devant mon écran je m’aperçois que la connexion réseau est tombée, que je n’ai plus d’accès à internet. Je farfouille sur mon iPhone dans les forum Ubuntu pour retrouver les commandes du terminal me permettant de rétablir la liaison avec le monde. Je m’arrète pensif en réfléchissant à ce que je nomme liaison avec le monde. A noter, la splendeur du grand tilleul vu à la fenêtre de la salle de cours. Des vers tendres et des verts profonds, une spirale, un vortex dans quoi j’aurais volontiers disparu corps et âme, vers 19 heures. A noter aussi, le lendemain un arbre encore plus majestueux sur le parking S. Même émotion vivre, sensation d’être attiré par l’imposante présence d’un être. C’est un tilleul aussi après avoir repris mes esprits. Ce sont des sensations très anciennes qui remontent à la surface, renversant toute notion d’âge, de distance, des chocs émotionnels pour ne pas dire esthétiques, esthétique étant, je crois, un mot banni, avec tout le pédantesque qui l’accompagne généralement. Et il n’est pas rare que, ne désirant pas l’être et le refusant plus ou moins énergiquement, on soit victime d’un effet de bord de la pédanterie même.|couper{180}
Carnets | juin 2024
04 juin 2024
Abandonner une position sociale, n’importe laquelle, cette idée me fait rêver. Il faut que je sois sûr de ne pas le regretter. Je suis comme ça. Je rêve, j’agis dans le rêve et il est assez courant que je veuille revenir en arrière, en réalité, et alors je ne sais rien faire d’autre que regretter. Je crois que le regret est le péage de ma réalité. Anonyme vis-à-vis de tous, mais encore plus vis-à-vis de moi-même. La perte de la mémoire. L’oubli du moindre intérêt pour le futur. Vivre non pas dans le présent, car avec un tel point de vue, il n’y en a pas. Il n’y a rien. Seulement écrire tout son saoul. Creuser sous la surface sur quoi l’on pensait tenir debout. Dans une ivresse du dévalement lent. Il doit bien y avoir un savoir écrire comme un savoir boire. Ni trop vite ni trop lentement. Une cadence qui ne soit pas juste une répétition vide de sève. Hier soir à I., on m’a trouvé désagréable. On ne m’a pas dit le mot mais j’ai traduit tout seul. On m’a demandé si j’étais malade et pour couper court j’ai dit oui, sans autre. Et en un sens, je pense que je le suis vraiment, malade du monde, malade des autres, malade de me voir ici à devoir interagir avec le monde et les autres. Malade de voir le temps s’écouler inexorablement dans l’absurdité, l’inutile, les poses, le rôle. J’étais venu à l’atelier à reculons. Il n’y avait plus cette envie, ce désir, ces illusions qui me permettaient de tromper mon ennui, de l’interrompre en tout cas durant les quelques heures à animer les cours auprès d’enfants, d’adolescents, d’adultes. Pour compenser cette perte, quelque chose en moi s’était durci. Ce que j’avais pris pour de la bienveillance ou de la compassion avait été balayé et ce qui le remplaçait était d’une sécheresse étonnante, d’une acuité implacable. J’avais distribué les conseils sans fioriture, je n’avais pas pris garde de ménager les susceptibilités, je n’avais pas pris de pincettes. Cependant, d’une certaine manière, j’étais aligné avec les forces les plus violentes et les plus effrayantes de qui j’étais. L’impression d’avoir été désagréable, ainsi qu’on me le disait, me renvoya presque aussitôt à une culpabilité habituelle. Ce qui renforça d’autant mon agacement et la sécheresse de mon ton.J’allais dire à voix haute de toutes façons l’année prochaine je ne serai plus là. J’ai trouvé cela inutile aussitôt. J’ai trouvé la réciprocité vaine, comme toute réponse que je pouvais formuler, ou plutôt que j’étais incapable de formuler. J’allais dire à voix haute : de toutes façons, l’année prochaine je ne serai plus là. J’ai trouvé cela inutile aussitôt. J’ai trouvé la réciprocité vaine, comme toute réponse que je pouvais formuler, ou plutôt que j’étais incapable de formuler. Enfin, l’accrochage a été rondement mené. J’avais pris soin d’acheter de la pâte collante pour installer toutes les œuvres des enfants sur les murs. Ensuite, ce fut le tour des adultes d’accrocher leurs tableaux sur les cimaises. L’exposition de fin d’année est prête. Ils feront le vernissage vendredi, et bien sûr je ne serai pas là, mais à R., en train de travailler dans un autre atelier. J’ai pris un podcast au hasard. Une fois sorti, j’ai marché jusqu’à mon véhicule. J’ai vu qu’il faisait presque nuit, j’ai vu les silhouettes des arbres, de la tour, j’ai vu les élèves démarrer leurs véhicules, j’ai vu les feux rouges des feux arrières des véhicules, sortes de points rouges incandescents dans l’obscurité bleue, il pleuviotait. J’ai pris un podcast au hasard après avoir inscrit Paul Léautaud dans la barre de recherche de l’application. Je suis tombé sur l’interview de Frédéric Martin, fondateur de l’édition Tripode. J’ai entendu la phrase de Ponge sur la fabrication des bombes à retardement. Je me suis dit que si j’avais à chercher un jour un éditeur… et puis j’ai pensé à tout autre chose je crois, mais je ne m’en souviens pas. De la réclame, ça me revient. En écoutant une autre vidéo plus tôt – à aller. J’ai pensé au mot réclame qui dit bien ce qu’il veut dire, contrairement à publicité. En même temps, j’ai pensé qu’il m’était complètement impossible de réclamer quoi que ce soit. Il faut se sentir acculé, enfin, c’est cet autre mot qui m’est venu. Proche d’un autre grossier par la sonorité. Enfin quelque chose en rapport avec la chance ou la malchance, l’expression que je n’entends plus : avoir du cul, avoir le cul bordé de nouilles. Mais bien sûr on peut aussi réclamer en ayant démoli tous les remparts d’une pudeur mal placée. Bien sûr on peut réclamer un dû. Ce qui m’a agacé le plus, c’est comment je ne peux pas, moi, réclamer un dû. Voilà la réalité et la petite porte étroite du regret. Photographie d’illustration. 1989 Portugal. Dans le salon de thé du petit village. La télévision était accrochée à l’un des murs de la salle. Elle était en marche du matin au soir ce qui permettait aux visiteurs de s’absorber dans sa contemplation, les dispensant d’entretenir des conversations inutiles. Ces gens, les Portugais semblaient calmes, revenus des confins du monde pour atterrir ici, à C. à l’extrême nord du pays. Ils avaient vécu l’aventure du désir, s’étaient rendus à ses confins, puis le but leur avait échappé, comme il arrive souvent, et ils étaient revenus. Ils étaient revenus de tout, sauf du silence que recouvrait le bruit incessant de la télévision. écrit le 30 mai 2024 publié le 4 juin 2024|couper{180}
Carnets | Février 2024
08 février 2024
Le protocole consiste à n’avoir pas de protocole. C’est à dire d’extraire de l’habitude, de cette volonté louche de s’organiser. De recommencer ad vitam aeternam la même chose avec l’espoir idiot-mais est-ce que ce n’est pas un pléonasme- de voir surgir un changement. Même imperceptible. C’est ce qui est traqué dans le protocole sans doute. Détraquer le chaos, détraquer un ordre interne ou externe. On finit par se perdre. Et puis nous savons bien. Il le faut. Nous savons à présent tous très bien. Nous savons la plupart des sujets, des histoires. Il n’y a que les jeunes qui font mine de découvrir. Hier encore j’inventai avec une candeur exceptionnelle : le fil à couper le beurre, l’eau chaude et j’enfonçai dix portes déjà ouvertes. Et en une seule phrase. En battant des mains. Je m’applaudissais. Mais ce que j’en retiens c’est cette envie d’applaudissement, c’est tout. Et c’est à cela que je me suis attelé depuis, à m’en défaire, comme de toutes ces vieilles attentes. Rien de nouveau à l’horizon. La nouveauté est de le savoir vraiment, puis de s’en contenter. Une autre paire de manches. Je laisse murir cette quatrième proposition d’atelier d’écriture. J’y pense de temps à autre durant la journée. C’est à peu près tout. 160 pages sur le fait de gravir un escalator ravive immédiatement ( quand j’y pense) un côté fantasque en moi assez gênant. Le fait que ce soit un simple exercice, une distraction, même si parfaitement sérieuse comme toutes- m’amène progressivement à renâcler encore une fois de plus. C’est un mouvement. Parfaitement identifiable désormais. L’enthousiasme naïf, l’engagement inconsidéré, la tête en avant, puis le mur, la bosse, le mea culpa. Non, un peu de poil de la bête à force de faire toujours la même chose. Patience. Et s’éloigner pour se rapprocher. Les allées et venues. « Quant les bourdonnements qui lui tintaient aux oreilles cessèrent, il crut entendre des gémissements, des allées et venues dans le salon, […]. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832) De ces instants qui sont, dans le grand mouvement vers le but, des interstices. Pas si facile de les repérer. Pas si facile de les tenir en main pour les examiner. Mais, une fois l’exercice fait une première fois, c’est si facile de le recommencer, cela devient une seconde nature. Un petit sentier de traverse qui s’éloigne des nationales, des départementales, à une ou deux voies. C’est bien de s’y enfoncer, quelque chose de l’enfance vous revient presque instantanément. Des peurs et des merveilles. Comme si le moment avait pris une grosse gomme pour effacer tout ce que l’on avait mis en place pour ne plus s’y attarder. L’air adulte. La préoccupation. Le soucis. Le savoir. L’ignorance et la honte. Et soudain une clairière, un rayon de lumière posé là en plein centre de ce petit moment anodin, qui ne l’est plus du tout et façon évidente, limpide. C’est comme revenir sur les lieux longtemps après. Passé le malaise qu’on éprouve à se dire que tout à tellement changé, que rien n’est plus comme avant, finalement quelque chose se déchire en soi. Une poche. C’est peut-être ça la réalité. Une poche des eaux qui, si l’on s’en approche de près, laisse apercevoir un petit poisson rouge tournicotant dans son bocal. Ah mais comme il me ressemble. seconde version Le protocole, c’est l’absence de protocole. C’est refuser l’habitude, cette volonté suspecte de tout organiser. C’est répéter inlassablement les mêmes gestes, avec l’espoir, pourtant vain, de voir émerger le changement, même imperceptible. C’est traquer, sans relâche, le chaos, qu’il soit interne ou externe. Et à force, on finit par se perdre. Nous le savons bien, c’est inéluctable. Nous maîtrisons désormais la plupart des sujets, des histoires. Seuls les jeunes feignent la découverte. Il y a peu encore, je faisais preuve d’une candeur remarquable : je réinventais le fil à couper le beurre, l’eau chaude, et j’enfonçais dix portes déjà grandes ouvertes. Mais ce dont je me souviens surtout, c’est de ce besoin d’applaudissements. Et depuis lors, j’ai entrepris de m’en libérer, tout comme de toutes ces vieilles attentes. Rien de neuf à l’horizon. La vraie nouveauté, c’est d’en être conscient, et d’y trouver satisfaction. C’est une autre paire de manches. Je laisse mûrir cette quatrième proposition d’atelier d’écriture. J’y pense de temps à autre durant la journée. C’est à peu près tout. L’idée de consacrer 160 pages à l’ascension d’un escalator réveille immédiatement, lorsque j’y songe, un côté fantasque en moi, assez embarrassant. Le simple fait que ce soit un exercice, une distraction, bien que sérieux comme tous les autres, me pousse peu à peu à résister une fois de plus. C’est un schéma désormais parfaitement identifiable. L’enthousiasme naïf, l’engagement irréfléchi, la tête la première, puis la rencontre avec le mur, la bosse, le mea culpa. Non, c’est un peu comme retrouver ses marques, à force de répétition. De la patience, et un recul nécessaire pour mieux avancer. Les allées et venues. ‘Quand les bourdonnements qui lui tintaient aux oreilles cessèrent, il crut entendre des gémissements, des allées et venues dans le salon […]’ – Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832. Ces instants, au cœur de la grande course vers notre but, sont des interstices. Ce sont des moments qui échappent au mouvement général du monde, des parenthèses dans le flux de nos préoccupations quotidiennes. En suivant les sentiers qui y mènent, nous pouvons découvrir des peurs, des merveilles oubliées, des clairières où la lumière perce la densité des jours sombres. C’est là que l’enfance reprend ses droits presque instantanément, où l’air sérieux et les soucis se dissipent, laissant place à la curiosité et à l’émerveillement. Comme si, en un instant, tout ce que nous avions mis en place pour nous détacher de ces moments disparaissait, effacé par une énorme gomme. L’air sérieux, les préoccupations, les soucis, le savoir, l’ignorance et la honte. Et soudain, une clairière, un rayon de lumière posé là, au milieu de ce moment anodin, qui n’en est plus un. C’est comme revenir sur les lieux après une longue absence. Passé le malaise de constater à quel point tout a changé, que plus rien n’est comme avant, quelque chose en nous se réveille. Une poche se déchire, et peut-être, c’est là la réalité. Une poche des eaux qui, si l’on s’en approche de près, laisse entrevoir un petit poisson rouge qui tourne dans son bocal. Ah, comme il nous ressemble. Le fait d’avoir à nouveau autorisé la banque à accepter les prélèvements de l’URSSAF, de la CIPAV me voue à l’intempestif. Après avoir négocié un échéancier avec l’un, l’autre sauvagement se sert. Voici donc la pratique des organismes privés chargé du recouvrement des cotisations sociales des indépendants. Je découvre ce matin ce prélèvement de 321 euros qui me fiche dans une rogne inouïe. Alors que j’essaie d’être d’un stoïcisme héroïque ces derniers jours. Tout à fait vexé pour le coup. Et de faire un mail acerbe à l’huissier pour lui expliquer que ce mois-ci, ça va comme ça, je n’ai pas de planche à billet, pas d’athanor pour créer des lingots d’or. Et de voir soudain surgir des horreurs sous mon clavier comme association de malfaiteurs, vol, arnaque, coup monté. bref. Et tout cela pour à la fin une pension de retraite de 673 euros versée une seule fois et puis plus rien. Impression de citron pressé. Est-ce qu’un citron à bien le droit de s’offusquer qu’on le presse. Tais toi je me suis dit, tais-toi. Le mot Christ en me réveillant vers les 4 h me vient en tant que métaphore, allégorie de tout ce qu’un petit indépendant peut subir comme calvaire de la part de l’Etat, de la Justice, de Charybde et de Scylla que sont la CIPAV et l’URSSAF. Et à la fin cloué au pilori par les actes, les mises en demeure, les saisies, est-ce qu’on ressuscite ? Va savoir. Quand même acheté deux toiles. Et à nouveau la même péripétie à la caisse du magasin. J’avais pris des 60F en voyant les prix modiques, seulement 23 € si pur coton. Et là boum on me demande 100 € parce que j’ai pris des mélanges coton polyester, qui elles coutent dans les 50 €. Cela fait deux fois qu’ils font le coup. Donc à la fin me suis rabattu sur du 50 f pur coton, il en restait deux seulement en stock. Souvenir en écrivant de cette conversation téléphonique d’il y a bien deux ans désormais. Cet écrivain qui organisait une formation à l’écriture. Une bonne demi- heure à discuter de tout et rien, à plaisanter. Lui en Bretagne en quête d’une forêt pour s’y planquer, moi encore à préparer je ne sais plus quelle exposition. Et à la fin il me dit qu’il est bien étonné, qu’il s’attendait à tomber sur un type perché vu ce que j’écris, alors que non, j’ai l’air tout à fait normal. Evidemment à l’époque, Je ne lui ai pas parlé du dibbouk. Je ne lui ai pas dit que j’étais possédé seulement de quatre à neuf tous les matins, que le reste de la journée j’étais un couillon tout ce qu’il y a de plus normal. Sans le faire exprès j’ai écrit deux fois la même phrase dans un petit billet déjà posté. Je ne m’en étais même pas aperçu. Mais l’effet de voir comme une sorte de grippage, de dérapage, un mécanisme qui se dérègle comme ça sous les yeux, est étonnant. Cela produit du « déjà- vu » à peu de frais. Et de l’utiliser aujourd’hui pour réécrire une seconde version d’un texte. Cela rejoint l’exercice de l’atelier d’écriture finalement. Deux textes presque en tout point identiques sauf que non, de toutes petites modifications sont à déceler. Exercice provenant de Jacques Roubaud à l’origine. De Roubaud au sonnet d’un pas mène à Marot. (Pour le may planté par les imprimeurs de Lyon devant le logis du seigneur Trivulse ) Du may à la racine des choses qui nous passent par la tête quand on écrit. L’interligne est trop large sur WordPress. Ce qui me conduit à le supprimer parfois en fabriquant de longues tirades d’un seul bloc. Se pencher sur ce problème technique. Mais en allant dans le thème, découverte que pour avoir accès au CSS il faut un plan payant. A suivre. Cette réticence à payer. Tout notre système basé sur cette comptabilité. Et ceux qui tombent, il faut qu’ils paient. Bien sûr on ne s’en prend plus aux corps, la Justice ne torture plus. Sa monnaie sonnante et trébuchante se compte en temps, en années de prison, et en amendes bien sûr. En vous ôtant vos droits on vous autorise malgré tout l’oisiveté. En prison seulement 5% des détenus participent à des activités culturelles. Tous les autres font jouer leur droit à ne rien faire du tout -le seul qu’il leur reste selon leur point de vue. Ils ne le font même pas jouer je crois, c’est un réflexe.|couper{180}
Carnets | novembre 2023
7 novembre 2023-3
Plutôt que de s’opposer, se cogner, se blesser — à seule fin de prouver que le mur est là — peut-être faut-il imaginer une autre issue. Non pas nier le mur, non pas l’ignorer. Mais le penser autrement. Non comme un obstacle ou une douane, mais comme un passage. Je pense à cette sculpture de Jean Marais, place Marcel Aymé. On y voit un homme surgir d’un mur — bras, jambes, tête — c’est Dutilleul, le Passe-Muraille. Un personnage falot devenu légendaire. Fantastique, drôle dans l’enfance. Bouleversant avec les années. Traverser les murs, est-ce vraiment un don ? « Il possédait le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé. » Cette dernière expression, « sans en être incommodé », me frappe aujourd’hui. Elle dit tout : le problème ne vient pas tant de l’acte, que de ses conséquences. Passer sans encombre, c’est s’éloigner des autres. C’est sentir qu’on a franchi quelque chose que d’autres n’ont pas franchi. Et cette singularité, tôt ou tard, nous isole. Nous désigne. Nous arrache. C’est un passage à l’acte. Un vrai. Et il y en a de toutes sortes. Certaines lumineuses, d’autres destructrices. Mais l’art, lui, n’est pas un ornement. Ce n’est pas seulement un objet qu’on suspend ou qu’on archive. L’art, c’est un passage à l’acte. Le mur qu’on traverse, c’est celui qu’on portait en soi. Et soudain, on le franchit, presque malgré soi. Parce qu’on découvre qu’on en est capable. Alors vient la question de la mission, de la vocation. Cette distinction posée par Alexandre Havard. Qui suis-je ? Qu’est-ce qui me meut vraiment ? À quoi suis-je appelé ? Et je repense à Castaneda. À Don Juan. À cette idée de récapitulation. De passer les murailles de l’autobiographie. Ces prisons qu’on entretient nous-mêmes, par peur du Grand Dehors. Traverser ces murs, ce n’est pas de la force brute. Ni de la ruse. Ni une manipulation. C’est une affaire d’amour. D’amour dans son expression la plus fine, la plus atomique. Ce qui fait danser le monde. Ce qui lui donne sa cohérence secrète. Traverser, c’est aimer. C’est croire qu’une autre réalité existe. Et que cette réalité n’est pas à chercher ailleurs, mais juste là, derrière le mur. Il suffit de tendre la main. sous-conversation … le mur… encore… il revient… toujours… obstacle ou passage ?… et si c’était moi le mur ?… Dutilleul… il passe… il traverse… mais sans douleur… pourquoi ça me dérange ?… je passe moi aussi parfois… sans savoir… et alors ?… je suis seul après ?… différent ?… coupé ?… l’art… oui… pas une chose… un geste… un passage… mais est-ce que j’ose encore ?… ils disent mission, vocation… et moi je cherche… je cherche… sans savoir où aller… je voudrais… je voudrais traverser… vraiment… mais si je perds tout en traversant ?… et si je ne trouve rien de l’autre côté ?… et si… et si c’était ça… aimer vraiment… à l’échelle du monde… danser comme une particule… devenir un passage… note de travail Ce texte est une topologie. Il pense l’espace psychique comme un lieu clos qu’il faut traverser. Le mur ici est le symptôme, l’obstacle, mais aussi le point d’émergence du désir. C’est un seuil. Un miroir. Un passage potentiel. Le sujet ne se demande pas tant comment casser le mur, mais comment y passer sans s’abîmer. Ou plutôt : comment traverser le mur sans le trahir. Sans trahir ceux qui ne peuvent pas. L’image du Passe-Muraille est brillante. Elle dit le fantasme d’un pouvoir. Mais aussi la solitude qui l’accompagne. L’exception coupe du commun. Elle isole. Et puis il y a cette réorientation vers l’art. L’art comme passage à l’acte. Une manière d’éprouver le réel en le traversant. En l’habillant de formes. En laissant une trace. Et là surgit une question clinique : est-ce que traverser suffit ? Ou faut-il aussi transmettre, restituer ? Peut-on traverser seul ? À la fin, la réponse semble pointer : l’amour comme passage. Non pas romantique. Mais physique. Atomique. Une force de liaison entre les choses. L’amour comme cohérence. Comme énergie de traversée. Ce texte est un passage. Il est lui-même un acte.|couper{180}
import
Quand le visible devient l’invisible
Il y a Mallarmé contre lequel je bute régulièrement comme on bute contre un mur, mettons ce mur immense qu'on a découvert récemment au fond des océans, qui mesure 3 km de hauteur et 20 de large et qui coure dans les profondeurs encerclant la planète à moitié. Mais, si je n'avais jamais essayé de lire Mallarmé , sans doute n'aurais-je jamais pris conscience de ce mur, ce mur entre le visible et ce qu'il dissimule presque toujours, l'invisible. Ensuite que ce fameux mur soit un bug crée par Google Earth, une affaire de pixel carrés, un collage trop précis d'images et dont le résultat peut faire rêver, ce n'est pas le problème. Dans la tête un mur s'est élevé, qu'il provienne de la frénésie des magmas ou de la main humaine, cela n'a pas vraiment d'importance. Il y a un mur visible au fond des océans désormais sur Google Earth, comme en poésie il y a Mallarmé. Il y a quelque chose que l'on n'avait pas vu avant et qui soudain est devenu très présent. C'est d'autant présent que ça résonne avec la question du moment. Qu'est ce que je vois, qu'est-ce que j'entends, qu'est-ce que je pense vraiment. Est-ce que tout ça n'est qu'une somme d'apprentissages, une éducation, un formatage, ou bien suis-je parvenu à creuser un écart par moi-même. Est-ce que je suis un être parlé par les autres, par une langue commune, une langue pratique, une langue dont l'intérêt est de me faire obéir à des injonctions qui ne m'appartiennent pas, ou bien suis-je parvenu à parler ma propre langue, à voir le monde de mes propres yeux, la réalité de façon personnelle ? Une chose m'ennuie dans les ouvrages de fiction, je l'ai déjà dit, et cet ennui provient de la gène que j'éprouve instantanément du visible au sens ou le visible se mêle à la facilité, à un mot d'ordre qui voudrait peindre l'évidence. L'idée de la transparence d'un langage est une idée fausse qui dans l'ennui saute aux yeux. J'aime bien revenir à la lettre dans ces moments là. Ces signes bizarres le deviennent d'autant plus qu'on fuira les mots, les phrases, le sens qu'on leur accorde si facilement, de façon automatique. Examiner la lettre c'est comme se munir d'un microscope et zoomer sur l'infiniment petit, se retrouver au même niveau que la molécule, l'atome, la bactérie. Peut-être devenir toutes ces choses soudain par immersion. Car on est vite happé par ce mystère des signes que quelques instants auparavant on considérait comme allant de soi. Ils étaient visibles pourtant mais on ne les voyait pas. On croyait voir une évidence et soudain voici qu'elle s'est dérobée que l'on se retrouve confronté au mystère des hiéroglyphes. Comment on réagit à cela, à cette incompréhension soudaine ? Je veux dire à cet ennui que provoque soudain le visible, à la découverte de ce hiatus, entre le signe et la signification, souvent on s'enfuit : trop c'est trop. On referme le livre, on le range au haut d'une étagère, on l'oublie. Il est possible que nos oublis soient de la même catégorie que nos ennuis. On devrait s'en souvenir, et à période régulière y revenir, les explorer encore une fois, pour voir. La poésie de Mallarmé pose de belles questions quand on y revient. Et la première que j'y ai trouvée c'est qu'est-ce que c'est que lire. On découvre que lire peut-être réflexif. Qu'on n'est pas tenu de rester assis sur un banc de l'école à bailler en ânonnant ce que le professeur désire qu'on ânonne. On peut lire ainsi sans consommer, avaler, bouffer, dévorer, digérer. On peut lire avec plus de difficulté, et apprendre à aimer la difficulté pour ce qu'elle nous apporte d'autonomie, de créativité, d'intelligence nouvelle des échanges, des relations entre les mots. Sortir du cadre sujet-verbe-complément c'est comme sortir de l'hiver et assister à l'arrivée du printemps. Les branches sont encore nues mais déjà l'ellipse si présente laisse au regardeur tout loisir ou devoir de créer la feuille. La notion d'incidence souvent présente dans la phrase Mallarméenne oblige à ne pas perdre le fil d'une logique syntaxique qui secoue les neurones, et fabriques des connections secrètes inédites. Lire Mallarmé c'est inventer soi-même Ariane tout en étant Thésée, le labyrinthe n'est construit peut-être que dans un tel dessein. C'est aussi un bouleversement de l'idée de genre comme de l'idée de compréhension en général—vouloir comprendre comme pénétrer de façon phallique un sujet, comme en gros on l'apprend sur les bancs de l'école, n'est plus de mise. Pour comprendre il ne faut pas vouloir comprendre ce que veut dire le poète, mais la langue. C'est sauter par dessus le défaut des langues qui ne vient pas d'elles, mais de nous à vouloir les assujettir. Comprendre Mallarmé c'est avant tout comprendre qu'il existe mille façons de trouver son bonheur dans les mots bien au-delà de leurs significations vulgaires, de ces significations qui s'offrent si aisément, qui écartent les cuisses au tout venant et qui d'ailleurs s'y engouffre si facilement. « Le vif œil dont tu regardes Jusques à leur contenu Me sépare de mes hardes Et comme un dieu je vais nu. » ( La marchande d'habits, dans Poésies, Stéphane Mallarmé 1899)|couper{180}
import
sans la juger
A quoi cela lui a t'il servi de te juger autant, sinon de construire toutes ces années des murs entre toi et lui, des murs qui prennent la pluie, des murs inutiles, des murs sans toit, des murs sur quoi taper plutôt que de venir se jeter insouciant dans tes bras. Il se sera fait mal maintes fois et, regarde, comme tu le craignais autrefois, ses yeux sont devenus larmoyants. Tu détestais les hommes au regard larmoyant, je m'en souviens. Il dit que c'est l'opération, et nous faisons semblant d'y croire. Nous hochons la tête dans ces cas là. Et puis hier il nous a enfin dit quelque chose de toi, il a commencé par dire -sans la juger- et je ne me souviens plus de la suite. C'était si inespéré que ça m'a rendu sourd à tout le reste par la suite. Depuis lors ces trois mots sont comme un poids mort dans une eau vive. Sans la juger... Que deviennent vraiment les gens que l'on ne parvient plus à juger. ils s'éloignent doucement de nous, là-bas au large, et nous, nous sortons soudain un mouchoir pour dire Adieu, pour pleurer, mais ce n'est pas eux qu'on pleure bien sûr, c'est toujours nous. Pauvres de nous. quand on ne juge pas l'autre, on se lamente sur soi, est-ce bien différent, je ne crois pas. Ensuite il a encore voulu dire quelque chose encore mais rien n'est sorti. Ensuite encore il y eut le bruit de la vaisselle qu'il a déposé dans l'évier. -je nettoierai demain en mettant le café en route, je vais me coucher j'ai dit. -Elle me manque tellement il a soudain dit J'ai fait semblant de ne pas avoir entendu.|couper{180}
import
carnet 09
Lien vers le carnet entier compilation au jour le jour Huile bidon. 22h reçu nouvelle proposition, la 09. : ce que l’on refuse de voir mais que l’on voit quand même Nommer le réel tel qu’on le voit même si ca ne nous convient pas surtout si, ne pas s’attarder. Comme d’habitude partir au quart de tour. A un moment se retourner pour regarder en face la fin du monde. Pour quelle raison, pas d’importance, juste être là observer et noter. Quelqu’un à parler de signes. Le prix du pain est un signe. Plus 20 cents. La queue au loto. Et toujours ces millions de perdants. Plus le temps de discuter avec le jeune derrière ses parois de plexiglas. Bonjour bonsoir. Le tabac à rouler fleur de pays au lieu des winfield. Les winfield c’était déjà pour remplacer les Luckies. Cyril Hanouna encore un indice fameux, un exercice de rester devant le poste plus de deux minutes, mais faut voir. Dernier épisode de plus belle la vie. On imagine mal un remplacement. Réfléchis deux minutes. Organise sois malin. Ce genre d’exercice tu peux le décliner dans tellement de domaines. Prend un seul domaine ne mélange pas tout. Décline. Le fil d’actualité des réseaux par exemple ce que tu n’as vraiment pas du tout envie de voir mais tu regardes quand même. Que tu te forces à regarder. Les efforts de machin pour publier une fois par heure sur Twitter. L’arrogance de cet éditeur qui lit des manuscrits écrits par des coprophages, en fait un bon mot. Ce qui le rabaisse au meme niveau, de l’amer. Ce like que tu ne mettrais pas si tu ne voulais continuer à voir le contenu exaspérant de ce type. Cette impression nette de perdre ton temps est-ce que tu la sens est-ce que tu la vois. L’obligation que tu te donnes est-ce que tu te rends bien compte. Parle des murs. Il n’y a que ça des murs et des déserts. Comment le mot t’aide pour les traverser et continuer. Un mur de factures, un mur de dettes, un mur de silence, un mur lépreux dont tu évites de parler car cela te rendrait lépreux. Tu traverses une lèproserie quotidienne. Le mur des lamentations à peine dissimulées. Le mur de la fierté perdue, le mur de la dignité piétinée, le mur de la pauvreté sur lequel tu creuses avec une petite cuillère. Le mur du temps qui passe et que tu ne rattraperas jamais. Le mur des rêves qui fondent comme l’argent au soleil. Parle de tes lacunes aussi. Tu vois très bien désormais ce que tu ne sais pas et tu ne te hâtes plus pour le savoir. Tu parles de plus en plus mal anglais allemand russe farci parce que tu as laissé tomber l’envie de t’améliorer dans ces langues. Parle des envies que l’on abandonne parle de la proie et de l’ombre. Parle de ton ignorance en matière d’ordre, en matière d’administratif, de ton ignorance avec les gens en général. Parle de ton silence quand tu t’opposes au flux des mots mais que tu laisses tout de meme te dominer.Pas encore assez concret. Encore trop de concepts, trop de mots. Accepte d’aller au plus simple. Une énumération et rien d’autre. Par contre, attarde-toi juste à cela. // 18 novembre 8h06. —La cendre accumulée dans le cendrier les mégots dans le Cinzano la toux du matin chagrin le poste de radio allumé qui diffuse sur un ton badin les premières horreurs de la journée l’envie de le jeter dehors la réticence à engager une explication puis une dispute l’incompréhension facile de l’autruche l’obstination de l’âne le beau temps anachronique qui augmente d’un degrés le malaise les doigts gourds et fébriles qui tapotent sur le clavier le sac de croquettes de la chatte presque vide le tableau fait hier qui aujourd’hui est à vomir le bordel sur la grande table de l’atelier insupportable mais familier caillou que l’on conserve dans sa chaussure le manteau accroché à l’un des chevalets le pinceau pas nettoyé le pot de blanc presque vide la contrainte d’huissier posée au beau milieu de tout ça—|couper{180}
Carnets | septembre
04 septembre 2018
Il y a des paysages, des personnages qui n’attendent que toi pour exister. Tout le monde s’agite et ne regarde plus. Les murs ce ne sont que des murs.|couper{180}
- 1
- 2