Nouvel accrochage, à la médiathèque de S. Arrivé quelques minutes à l’avance, X. arrive presque en même temps. Puis A. surgit du coin de la rue, on s’embrasse. Toujours cet air faussement austère. Elle s’excuse, ils ont commandé de nouvelles cimaises mais pas encore reçues. Nous refaisons encore une fois le tour du propriétaire. La grande salle au rez de chaussée sera pour X. Celle aux murs rouges pour G. et je me contenterai d’une antichambre au haut de l’escalier. Tiens ils n’ont toujours par réparé ce problème de lumière. Je prends cela comme ça vient, mes toiles sont faites pour être exposées sans tenir compte des éclairages. Elles luisent d’une manière interne. Bien sûr.
L’idée ne serait pas d’écrire une chronique par le menu, la description, la relation des faits et gestes. Mais plutôt de ne recueillir que quelques éléments suffisamment épars, ceux-là mêmes qui comptent vraiment, auxquels dans l’action on ne prête que peu d’attention, celle-ci étant mobilisée par je ne sais quel essentiel.
La chaleur intense vers 17h me fait traverser la rue pour rejoindre l’ombre astringente d’un catalpa. M. la compagne de G. fume. Elle sort souvent pour fumer. j’hume l’odeur de la cigarette en m’interrogeant sur son effet. Rien, c’est juste une odeur de cigarette. J’observe ma maladresse à verser le café avec ce genre de bol habituel dans de gros gobelets de carton. On ne trouve pas le sucre. Nous nous asseyons pour regarder les toiles que X a déposées au pied des murs, l’aidons, l’encourageons, puis vaquons à notre propre installation. Moment de silence où chacun se retrouve seul avec ses œuvres. A quoi je pense, à pas grand chose. Que l’ensemble tienne la route. S. et moi avons tout préparé, les listes, les bio, les cartels, j’ouvre la pochette jaune dans laquelle tout est remisé, j’ai apporté la moitié d’une plaquette de pâte collante, amplement suffisant pour une vingtaine de toiles. Les petits carré de Patafix semblent pouvoir se scinder à l’infini.
De retour à la maison S. n’est pas encore revenue de chez sa mère. Je dépose un doliprane dans un verre pour calmer la rage de dent qui revient lancinante. De retour devant mon écran je m’aperçois que la connexion réseau est tombée, que je n’ai plus d’accès à internet. Je farfouille sur mon iPhone dans les forum Ubuntu pour retrouver les commandes du terminal me permettant de rétablir la liaison avec le monde. Je m’arrète pensif en réfléchissant à ce que je nomme liaison avec le monde.
A noter, la splendeur du grand tilleul vu à la fenêtre de la salle de cours. Des vers tendres et des verts profonds, une spirale, un vortex dans quoi j’aurais volontiers disparu corps et âme, vers 19 heures. A noter aussi, le lendemain un arbre encore plus majestueux sur le parking S. Même émotion vivre, sensation d’être attiré par l’imposante présence d’un être. C’est un tilleul aussi après avoir repris mes esprits. Ce sont des sensations très anciennes qui remontent à la surface, renversant toute notion d’âge, de distance, des chocs émotionnels pour ne pas dire esthétiques, esthétique étant, je crois, un mot banni, avec tout le pédantesque qui l’accompagne généralement.
Et il n’est pas rare que, ne désirant pas l’être et le refusant plus ou moins énergiquement, on soit victime d’un effet de bord de la pédanterie même.