2 juin 2025
Temps maussade. Réveil tardif. L’impression d’avoir travaillé une vie entière dans mon sommeil.
Des flashs. L’Exposition universelle à Paris. Des tapis roulants sur lesquels défilent des silhouettes comme si j’y étais. Soudain, un véhicule électrique déboule au coin d’une rue — un genre de bus bizarre. Les passagers regardent dans le vague pendant que l’engin passe lentement.
Puis des images, comme un spot d’actualité durant la dernière guerre au cinéma. Les restes d’un certain Trouvé, déterrés pour non-renouvellement de concession au cimetière de Descartes, en Indre-et-Loire. On voit des gens s’activer avec des pelles et des pioches. Les os tombent lentement sur d’autres os, par centaines. On se sera souvenu de Trouvé pour mieux l’oublier.
Du coup, en buvant mon café, je lance une recherche sur les moyens de locomotion entre 1800 et 1925. Quelque chose cloche. On ne cesse de nous rabâcher la modernité, le progrès, les véhicules électriques. Le doute s’accentue au fur et à mesure : tout ça existait déjà il y a presque deux cents ans. Je lis, éberlué, les chiffres. 130 kilomètres d’autonomie pour certains modèles. Et encore, possible que l’IA ne nous dise pas tout.
C’est comme si je me retrouvais dans une boucle temporelle. Cette impression se mêle à la grisaille de ce jour de pluie. Et si tout ça n’était qu’un éternel recommencement ? Que nous soyons les mêmes dont on se souvient puis qu’on oublie ? Nous nous oublierions même de façon autonome — ce serait l’unique progrès. De recommencement en recommencement, avec à période fixe un événement mystérieux susceptible de vider la population entière d’une époque pour la replacer dans une autre.
L’engouement pour les véhicules électriques, dit Wikipédia, se serait altéré en raison d’un soi-disant manque d’autonomie des batteries. On imagine que ce n’est évidemment pas l’unique raison. Dans les années 1920, c’est le développement des usines Ford pour fabriquer des véhicules à essence, couplé à la découverte de grands gisements pétroliers — donc un faible coût de l’essence — et l’invention du démarreur électrique en 1912 par Charles Kettering (avant, on démarrait à la manivelle) qui sonne le glas presque définitif des véhicules électriques. Un tiers des véhicules aux États-Unis étaient alors électriques.
Voilà quelques éléments qui ont de quoi faire rêver ou cauchemarder littéralement notre époque. On se rend compte que ce qui sous-tend ce prétendu progrès n’est pas vraiment le bonheur de l’humanité. Loin s’en faut.
Gloomy weather. Late awakening. The feeling of having worked a lifetime in my sleep.
Flashes. The World’s Fair in Paris. Moving walkways where silhouettes drift past as if I were there. Suddenly, an electric vehicle rounds the street corner—some kind of bizarre bus. Passengers stare into space as the thing rolls slowly by.
Then images, like a newsreel from the last war at the cinema. The remains of one Trouvé, dug up for non-renewal of his cemetery plot in Descartes, Indre-et-Loire. People bustling about with shovels and pickaxes. Bones falling slowly onto other bones, hundreds of them. Trouvé remembered only to be forgotten.
So over my coffee, I search for transportation methods between 1800 and 1925. Something’s off. They keep hammering us with modernity, progress, electric vehicles. Doubt creeps in as I discover it all existed nearly two hundred years ago. I read the figures, stunned. 130 kilometers of range for some models. And the AI probably isn’t telling us everything.
It’s as if I’m caught in a time loop. This feeling mingles with the gray of this rainy day. What if it’s all just eternal return ? What if we’re the same ones who get remembered then forgotten ? We’d even forget ourselves autonomously—that would be the only progress. From restart to restart, with some mysterious event at fixed intervals, capable of emptying an entire population from one era to place it in another.
The enthusiasm for electric vehicles, Wikipedia says, supposedly waned due to insufficient battery range. We can imagine that’s obviously not the only reason. In the 1920s, it was Ford’s factory development for gasoline vehicles, coupled with the discovery of vast oil deposits—hence cheap gas—and the invention of the electric starter in 1912 by Charles Kettering (before that, you cranked by hand) that sounded the almost final death knell for electric vehicles. A third of vehicles in the United States were electric then.
Here are elements enough to make our era literally dream or nightmare. We realize that what underlies this supposed progress isn’t really humanity’s happiness. Far from it.
Pour continuer
Carnets | juin 2025
30 juin 2025
Gros boulot sur le base de données. Renommage de toutes les tables et suppressions de certaines qui semblaient poser problème. Je n'ai pas encore réussi à nettoyer la rubrique import de toutes les balises wp dont sont truffés les articles. Après moult essai et l'importation d'un dernier script, j'envoie un ticket à OVH. J'ai rétrogradé ma version php de manière à être dans les clous avec la version 4.4.4 de SPIP. Bref, accaparé par ces contingences techniques je ne peux pas dire que ce soit une journée palpitante. De gros coups de chaud mais pas dûs aux températures. Demain nous allons à C. S. et moi pour voir E. et l'après-midi rendez vous avec le remplaçant de B. Le tableau est prêt. Nous verrons L. et A. seulement dimanche avec M. et C. Espèrons qu'il leur plaise. Préparation pour affronter Avignon. Avec cette chaleur, j'avoue que je ne me vois pas du tout arpenter la ville. Je prévois d'apporter un carnet à dessin et de me mettre à l'ombre. Petite pluie tout à fait ridicule en fin de journée. pas grand chose d'autre à ajouter. Le mois se termine en queue de poisson on dirait bien.|couper{180}
Carnets | juin 2025
29 juin 2025
Réveil 3h30. Il faut un petit laps de temps pour que je retire le masque de mon visage. Le temps de visualiser l'enchaînement des gestes. D'abord appuyer sur le bouton off de la machine. Puis retirer l'harnachement de sangles et de lanières. Ne pas oublier de déloger les deux petits pitons de leurs encoches respectives, de chaque côté du morceau de plastique dur. Enfin libéré, se diriger vers l'interrupteur et allumer. Puis démonter la partie souple en contact avec le nez pour se rendre à la salle d'eau et la plonger dans le bol préparé la veille. Mélange d'eau et de savon. Ne pas oublier non plus de vider le réservoir d'eau, de le rincer et de le retourner sur une serviette afin qu'il sèche. Ne reste que le long tuyau rigide à rincer. Eau et savon encore mais au-dessus de la baignoire cette fois. Puis l'accrocher sur l'étendage afin que tout soit de nouveau opérationnel pour la nuit prochaine. Hier vers la mi-journée j'ai achevé la commande de A. et L. J'ai pris une photographie et je la leur ai envoyée. J. arrive vers 12h. Nous prenons un moment pour faire le point sur nos faiblesses, nos obstacles, nos maladies avant de nous mettre à table. Poulet rôti et pommes de terre au four. Nous testons le vin restant dans le cubi. Il est encore correct. Sieste ensuite. Puis nous sortons sous la chaleur, nous prenons la Twingo pour aller chercher la fraîcheur à Saint-Pierre-de-Bœuf. Marche le long de la rivière. Spectacle assuré par les canoteurs. Puis nous avisons un petit établissement. Terrasse ombragée. Café et verre d'eau glacé. Nous restons là à prévoir notre prochain séjour en Avignon. S. nous a trouvé un hébergement à Montfavet. On ira certainement voir la tombe de Camille Claudel. De mon côté je préviens que je ferai cavalier seul. Un programme parallèle qui me dispensera de me jeter dans cette course annuelle et frénétique vers les salles de théâtre. Il doit bien y avoir des choses à visiter autres que des théâtres, dis-je. Nous restons encore un peu puis nous repartons. Les sièges de la Twingo sont bouillants. Nous proposons à J. de dormir à la maison mais il décline. Il prend le train de 8h02 pour Lyon.|couper{180}
Carnets | juin 2025
28 juin 2025
À droite de l'écran se dresse d'abord un mur vert percé d'une fenêtre grande ouverte en raison de la chaleur que l'on cherche à expulser pour la remplacer par la fraîcheur matinale. Considérations climatiques futiles qui m'auront échappées puisque j'étais parti pour décrire les lieux. Mais j'y reviendrai peut-être. Sur le climat. Donc, nous avons une fenêtre de forme rectangulaire, il est rare par ici de voir des fenêtres carrées. Les rondes ou en losange sont encore plus rares. Ici aussi je crois qu'on pourra se passer de la géométrie. Au-delà de la fenêtre, un mur qui monte jusqu'à une ligne taillée en biseau, et qui est tout simplement le fait souligné d'une ombre encore plus noire que la pénombre. Si l'on veut laisser l'œil s'élever encore on peut avoir un triangle de ciel gris bleu dans la partie supérieure de la fenêtre. Avec peut-être une légère nuance purpurine. Description qui n'est que l'écho d'une page lue ce matin. Ce qui me fait penser à Laurent Mauvignier quand on lui demande quels sont les auteurs qui l'ont inspiré. Il parle de cet écho chez d'autres auteurs d'un quelque chose qu'il cherche à dire. Est-ce cela l'inspiration, je ne sais pas. Peut-être que ça parle de solipsisme prometteur plutôt. Comme si à la lecture on avait franchi un mur. On aurait découvert cette percée, cette fenêtre que j'évoque au début, on passerait par celle-ci et l'on se retrouverait dans un jardin, dans une ville, dans ce que l'on voudra, une bibliothèque. La seule chose dont on ne pourrait plus douter c'est que c'est à soi de s'occuper des lieux. Car pas de jardinier ici, pas d'éboueur pour ramasser les ordures, pas de bibliothécaire pour épousseter les ouvrages, balayer les sols. Tout nous appartiendrait, d'accord. Mais nous serions les seuls responsables à la fois des merveilles qu'on y trouve comme des dégâts qu'on y cause. Une idée fugace passe, laisse-la passer, ne la retiens pas. Patience. Si elle revient une seconde fois note qu'elle se représente avec un léger étonnement. Mais laisse-la passer encore. La troisième fois cependant note-la car il y a de grandes chances qu'elle ne se représente plus. Cet espoir de retrouver goût à la lecture lui tomba dessus comme la grâce. Qu'allait-il en faire lui qui dans chaque espoir décelait déjà les prémisses d'une deception à venir. Donc le mot propriété revient par la bande. C'est à dire que tu lis un livre, tu le lis parfois plusieurs fois, tu t'en imprègnes et à la fin de voici étrangement devenu son propriétaire . Je ne parle pas de placer le livre sur l'étagère de la bibliothèque, évidemment. Je parle de cette sorte d'avidité incroyable au fond de soi qui s'accapare le monde de toutes les manières dont on peut imaginer que le monde se présente à soi. Que ce soit une rue que l'on arpente à période régulière et dont on fait sa familère, comme jadis on parlait de favorite. Que ce soit les fleurs du jardin que l'on arrose le matin pour qu'elles ne dépérissent pas trop vite. Que ce soit les livres que l'on lit et dans lesquels parfois on se reconnaît plus ou moins. L'idée d'être assisté pour respirer. Par une machine. L'agacement soudain s'additionne à la chaleur, se cumule, s'amplifie. Vers 23h j'arrache le masque. C'est à dire que le confort au bout d'un moment m'est tout aussi insupportable que tout le reste. C'est à ce moment, ne parvenant plus à dormir que j'ouvre les Nouvelles Complètes de Conrad, chez Quarto. Je n'avais jamais lu la préface de Jacques Darras. Il évoque la présence de Rimbaud et de Jozef Konrad Korzeniowski au même moment à Marseille, en 1875. Et surtout cet attrait des deux jeunes hommes pour les langues étrangères notamment l'anglais et le français pour le jeune polonais. "L'oreille devient organe majeur, les recherches linguistiques saussuriennes sont proches d'une formulation théorique". Hier encore je m'interrogeai sur l'utilité d'un récit de voyage et aussitôt que je lis ces pages ce sont les noms de lieux qui attirent l'oeil. l'île de Bangka au nord de Sumatra Semarang Singapour et Bornéo Aden Kinshasa Stanley Falls Harar L'hôpital de la Conception à Marseille.|couper{180}
