Plus j’avance, plus j’ai l’impression d’avancer, est-ce que j’utilise le bon mot quand j’utilise ce verbe, car il signifie se rendre à une destination implicitement et je ne parviens toujours pas à en définir une pour ce blog, simplement j’ajoute des textes au fur et à mesure où le temps passe, où les journées se succèdent les unes aux autres dans ce que je peux parfois nommer « l’inéluctable », en un mot vers une fin, vers la mort soyons clair, plus j’écris au fur et à mesure du temps qui passe moins j’ai l´impression où le sentiment de savoir vraiment écrire. cela vient surtout du fait que je considère ces textes comme des notes, des brouillons, des esquisses que je réalise en vue de quelque chose d’autre, un livre à venir peut-être, tout en le plaçant toujours dans un avenir flou sans date sans contour et surtout sans fil directeur encore.
Cet atelier d’écriture avec François Bon est encore une occasion, un prétexte sans doute pour essayer d’élucider quelque chose concernant la notion de thème. Je me rends compte à quel point tout concourt au fond de moi pour échapper systématiquement à la consigne, surtout si j’essaie avec une étonnante « bonne volonté » de m’y résoudre. Plus j’y mets de la bonne volonté moins je n’y parviens en fait ce qui est risible, et me rappelle une scolarité fondée presque tout le temps sur le malentendu.
Ma grand-mère paternelle disait que je cherchais le bâton pour me faire battre, le cherchais ou le choisissais, soudain même cette expression m’échappe, se dissout, je n’en suis plus certain. En tout cas elle avait décelé chez moi une anomalie, une singularité qui l’avait effrayée et qu’elle devait juger d’assez mauvais augure.
C’est que je me bats contre quelque chose à chaque phrase, à chaque ligne, presqu’a chaque mot sans même en prendre conscience au moment où j’écris, c’est en relisant que je m’en aperçois. Et surtout quand il s’agit de commentaires, en écrire comme en lire, même difficulté de relecture, car les sens peuvent être si multiples qu’ils créent souvent une mise en abîme de cette notion de sens, souvent j’essaie de m’accrocher à un premier degré, à un sens commun mais c’est presque toujours le résultat d’une capitulation. Ce qui au bout du compte me rend méfiant envers tout commentaire, autant ceux d’autrui que les miens vis à vis d’autres. D’où des périodes plus ou moins longues, variables, durant lesquelles je n’arrive plus à aligner deux mots de commentaire et surtout je n’arrive plus vraiment à lire ceux que l’on m’écrit sans en être troublé, effrayé.
Grâce à cet atelier d’écriture je me rends compte aussi que très peu commentent, et que lorsque il y a commentaire cela tient plus du signe comme pour dire « coucou je t’ai lu, tu n’es pas tout seul » ce qu’aussitôt j’interprète sans doute mal comme une sorte d’appel du pied pour aller lire les textes des auteurs qui me font ce genre de signe, comme si je me sentais redevable, obligé par une convention que je me suis inventée seul de lire leurs textes voire de les commenter également. C’est la forme de politesse que j’apprécie le moins car elle n’a rien à voir avec la politesse. C’est bien plus du donnant donnant, un deal, c’est à dire encore une fois cette relation merdique que nous les gens créons entre nous désormais sans même y faire vraiment attention. Une façade.D’ailleurs si je résiste, si je ne commente pas les textes des autres je n’obtiens plus de commentaires non plus. C’est à dire que je tiens comme la preuve incontestable que j’ai bel et bien rompu un pacte et que le résultat de ce défaussement ne se laisse pas attendre longtemps.
Tout ça pour dire que je n’arrive pas à entretenir de vraies relations où tout du moins de relations durables sur internet mais aussi dans la vie souvent justement à cause de ce genre de deal qui me répugne sans que je ne parvienne à m’en expliquer les tenants et les aboutissants. peut-être ai je été si loin dans la solitude que bon nombre de réactions spontanées, normales, me sont devenues soit étrangères soit suspectes.
Pour m’en sortir pour rester à la surface commune des choses dans ce que j’en imagine, je ne trouve pas d’autre mode que de blaguer, parfois avec un humour douteux d’ailleurs, ou encore je retourne en enfance, à une spontanéité enfantine que je regrette presque aussitôt car elle réactive les mêmes douleurs qu’autrefois justement.
Peut-être que de façon enfantine j’espère encore en une gratuité vis à vis de laquelle l’adulte que je suis a renoncé surtout à cause des multiples déceptions crées par cet espoir enfantin.
Donc ce combat dans l’écriture et qui s’étend jusqu’aux commentaires, ce ne serait peut-être pas autre chose qu’une sorte de résistance enfantine à refuser l’horreur que l’adulte ne cesse de voir. Et personne ne gagne jamais vraiment, à chaque fois la guerre comme toutes les guerres s’achève temporairement par le compromis, des territoires qu’on cède après beaucoup de discussions, de tergiversations, en pesant bien les pour et les contre, bref une négociation continue perpétuelle, quasi commerciale, entre un épicier son fournisseur et ses clients.
