Rester du côté de la nécessité. J’essaie de rester du côté de la nécessité. Ce n’est pas toujours facile. Il arrive que le sol soit glissant, que je m’emmêle dans mes propres contradictions. Ce qui est d’ailleurs très bien, très utile. Si je n’avais pas de contradictions, je ne serais pas de ce monde. Or c’est indéniable : je suis de ce monde. Donc ce matin, j’écris un texte — une fois de plus — sur l’interaction numérique. Publier un texte, recevoir un commentaire, ne pas répondre. Aller voir tout de même. Constater que la même personne a laissé des commentaires partout, sur plusieurs auteurs. Geste automatique ? Tentative d’alerte ? Message codé ? J’ai lu, maintenant à toi de me lire. Peut-être. C’est humain. Même logique que celle énoncée par l’auteur du blog : “Si vous voulez être lu, commentez les textes des autres.” Je comprends. Mais le conditionnel me fatigue. Vous pourriez être lu si… Ce “si” mériterait un long livre.

Mon point de vue n’est pas le meilleur, mais c’est le mien. Je pense que l’interaction numérique est un leurre. Comme dans la vie quotidienne, elle obéit à des règles tacites. Si tu ne me lis pas, je ne te lirai pas non plus. Très bien. Je m’en arrange.

Mon travail, c’est d’écrire. De mettre des textes en ligne. Puis d’oublier qu’ils y sont. Je ne guette pas les lectures, ni les commentaires. Je préfère qu’on ne me réponde pas. Cela m’aide à voir clair dans ma propre prétention. C’est mon hygiène.

Et si l’on me demande pourquoi je publie ici, alors que je me fiche des avis ? Je réponds simplement : Parce que je n’ai pas trouvé mieux que ce blog pour me parler à moi-même en public.

Puis je réfléchis à sa publication. Et je me dis : non, pas comme ça. Ça va m’attirer encore des problèmes, je le sens. Je pourrais apprécier les problèmes autant que les contradictions, mais tout de même — une chose après l’autre.

Après avoir exposé mon point de vue, j’ai listé toutes les contradictions possibles :

“Tu dis que tu te fiches des avis, mais tu écris un texte entier sur le sujet.” → Parler d’un mécanisme ne signifie pas y adhérer. C’est précisément en le nommant que je cherche à m’en extraire.

“Tu critiques les commentaires mais tu publies sur une plateforme faite pour ça.” → La plateforme est un outil, pas une injonction. On peut publier sans solliciter. On peut marcher dans la rue sans saluer tout le monde.

“Tu te poses en solitaire, mais tu parles quand même à un public.” → Je parle devant, pas à. C’est une parole posée dans un espace traversé. Elle n’attend pas de réponse.

“Tu as l’air de mépriser les autres sans le dire.” → Non. Je me méfie surtout de moi-même, de mes attentes mal placées. Je ne juge pas ceux qui commentent — je dis pourquoi je ne le fais pas.

“Si tout le monde faisait comme toi, plus personne ne lirait personne.” → Peut-être. Mais je ne propose pas un modèle. Je tente juste de formuler ce qui, pour moi, fait sens, ici et maintenant.

“Pourquoi alors publier publiquement, si tu n’attends rien ?” → Parce que j’ai besoin d’écrire devant le monde, pas au monde. Je n’écris pas pour convaincre. J’écris pour continuer.

En fin de compte, j’ai tout de même écrit un texte. Ce n’est pas celui que je pensais écrire. C’est un autre texte. Il n’explique pas mieux les choses que le précédent. Mais c’est un texte pour continuer.

Voilà tout.

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