Cabine 32567 – Dernier appel
Les cabines téléphoniques ont été conçues, financées et déployées par France Télécom, entreprise publique jusqu’en 1997, date de sa transformation en société anonyme.
Pendant plus de 40 ans, les investissements liés à :
la conception du réseau,
l’installation sur le territoire (urbain + rural),
l’entretien courant et la supervision,
ont été entièrement portés par l’État, donc par les contribuables.
Ce sont des milliards d’euros cumulés, non détaillés poste par poste, mais intégrés aux grands budgets télécoms publics d’après-guerre.
À partir de 1997, France Télécom devient entreprise privatisée, puis deviendra Orange SA.
L’entretien du réseau de cabines reste une obligation via le service universel, imposé à Orange, mais financé indirectement par :
les opérateurs télécoms (contributions obligatoires),
les usagers finaux, à travers leurs abonnements.
En 2016, par décret officiel, cette obligation est levée. Orange est autorisé à démonter les cabines, car jugées obsolètes.
Orange missionne des sous-traitants pour démonter les cabines.
Les matériaux sont récupérés et recyclés par Veolia, souvent via contrats de traitement des déchets.
Ce démantèlement devient un marché discret, potentiellement rentable (aluminium, câblage, acier, verre...).
Le service public est ainsi démantelé à bénéfice net pour certains opérateurs privés, sans débat démocratique notable. Le retrait du service universel a été acté par décret, sans vote parlementaire spécifique.
Le suivi a été confié à l’ARCEP, qui valide la conformité mais ne surveille pas la logique de démantèlement commercialisée.
Aucune enquête d’impact globale n’a été publiée sur :
les pertes d’emploi des prestataires techniques locaux,
la destination exacte des matériaux,
ou la revalorisation économique des cabines.
“Ce que les contribuables ont financé pendant 40 ans a été discrètement démantelé par le privé, avec recyclage à profit – sans concertation, ni mémoire.”
Et ce, avec la collaboration active d’Orange, des prestataires techniques, et de Veolia, sans protestation massive, dans un vide politique et émotionnel.
Jusqu’en 2017, les cabines téléphoniques faisaient partie du service universel des télécommunications en France, imposé à Orange (anciennement France Télécom). Ce service était défini par le Code des postes et des communications électroniques (CPCE), article L.35-1 et suivants. Il garantissait à toute personne l’accès à un téléphone public, en particulier dans les zones rurales ou isolées.
Mais : le décret n° 2016-1536 du 16 novembre 2016 est venu modifier le périmètre de ce service. Il a mis fin à l’obligation de maintenir les cabines téléphoniques. Ce décret s’appuyait sur la baisse drastique de leur utilisation. Moins de 1% des Français s’en servaient encore à cette date. Rapporté à une population de 65 millions, cela représente encore environ 650 000 personnes — chiffre modeste, mais pas insignifiant.
Le coût d’entretien était jugé disproportionné : plusieurs millions d’euros par an. On notera qu’en 1997, près de 300 000 cabines étaient encore en service. En 2016 : moins de 40 000, dont beaucoup en panne ou inutilisées.
À partir de 1997, France Télécom devient entreprise privatisée, puis deviendra Orange SA.
L’entretien du réseau de cabines reste une obligation via le service universel, imposé à Orange, mais financé indirectement par :
les opérateurs télécoms (contributions obligatoires),
les usagers finaux, à travers leurs abonnements.
En 2016, par décret officiel, cette obligation est levée. Orange est autorisé à démonter les cabines, car jugées obsolètes.
Orange missionne des sous-traitants pour démonter les cabines.
Les matériaux sont récupérés et recyclés par Veolia, souvent via contrats de traitement des déchets.
Ce démantèlement devient un marché discret, potentiellement rentable (aluminium, câblage, acier, verre...).
Le service public est ainsi démantelé à bénéfice net pour certains opérateurs privés, sans débat démocratique notable. Le retrait du service universel a été acté par décret, sans vote parlementaire spécifique.
Le suivi a été confié à l’ARCEP, qui valide la conformité mais ne surveille pas la logique de démantèlement commercialisée.
Aucune enquête d’impact globale n’a été publiée sur :
les pertes d’emploi des prestataires techniques locaux,
la destination exacte des matériaux,
ou la revalorisation économique des cabines.
“Ce que les contribuables ont financé pendant 40 ans a été discrètement démantelé par le privé, avec recyclage à profit – sans concertation, ni mémoire.”
Et ce, avec la collaboration active d’Orange, des prestataires techniques, et de Veolia, sans protestation massive, dans un vide politique et émotionnel.
À partir de 2017, Orange a été légalement autorisé à démonter ces cabines, selon une logique progressive : d’abord les zones urbaines, puis les zones rurales, avec information des mairies. Certaines ont été conservées à titre patrimonial, ou reconverties — en boîtes à livres, micro-bibliothèques, mini-musées.
Structure extérieure
- Matériau principal : aluminium anodisé ou acier galvanisé peint
→ souvent gris clair, bleu pâle ou blanc cassé
→ finition lisse, striée ou satinée - Montants verticaux : profils métalliques creux (aluminium), angles arrondis
→ sabots en fonte à la base pour stabilisation
Parois vitrées
- Matériau : verre trempé ou plexiglas épais (PMMA), 6 à 10 mm
- Aspect : souvent griffé, jauni, tagué
- Fixation : joints en caoutchouc noir dans les montants
- Détails : sérigraphie “France Télécom”, logo spirale orange ou motifs géométriques
Porte
- Type : battante ou coulissante (dans les modèles récents)
- Matériau : rail en aluminium ou inox
- Poignée : plastique moulé ou aluminium, parfois absente
- Vitrage : identique aux parois, parfois partiellement opaque
Poste téléphonique
- Boîtier : métal émaillé (gris, bleu, vert), bombé, avec trappe de maintenance
- Fente : pour carte téléphonique, parfois pour pièces
- Combiné : résine noire, cordon spiralé en acier gainé
→ lourd, solide, prise large et ergonomique
Sol
- Matériau : plaque de métal strié ou caoutchouc texturé
- État courant : sale, humide, rouillé
- Détails : chewing-gums, mégots, parfois grille d’évacuation
Éclairage
- Type : tube néon horizontal sous cache plastique
- Lumière : blanche froide, souvent clignotante
- Activation : détecteur de présence ou interrupteur centralisé
Signalétique
- Plaque supérieure : “Téléphone” en capitales, fond blanc/bleu
- Logo : spirale France Télécom, ou pictogramme combiné
- Instructions internes (sur PVC rigide) :
- Composez le 0 pour la France
- Urgences : 112 / 15 / 17 / 18
- Insérez votre carte téléphonique
Caractéristiques d’ambiance
- Odeur : métal chauffé, poussière, urine, plastique ancien
→ parfois désinfectant ou humidité rance - Usure typique :
→ vitres rayées
→ combiné suspendu ou manquant
→ chewing-gums, autocollants syndicaux
→ inscriptions griffonnées à l’intérieur
Elle était là. Imposante et vide. Elle n’appelait plus personne.
Et pourtant, c’était bien elle qu’on venait visiter —
comme on visite une tombe familière qu’on n’a jamais vraiment connue.
Implications, pertes et profits
On ne se retourne pas quand une cabine téléphonique disparaît.
Pas comme pour une école. Pas comme pour un bistrot.
Et pourtant, pendant des décennies, elle était là. Au bord des routes, dans les parkings des supérettes, sous les arbres des places de village.
Le temps a plié autour d’elle. Puis l’a recouverte.
En 2017, Orange obtient le feu vert pour les démonter.
La France n’en a plus besoin, dit-on. Moins d’1 % de la population y a encore recours. C’est négligeable, 1 %, sauf quand on le convertit en voix.
En gens.
En gestes qu’on n’entend plus.
Au total, 300 000 cabines en 1997.
Moins de 40 000 en 2016. Beaucoup déjà mortes. Débranchées.
Certaines ont été recyclées. D’autres vandalisées, vidées, fondues dans l’oubli. Une poignée ont survécu — transformées en boîtes à livres, en mini-bibliothèques, en curiosités locales.
Ce qu’on appelle un “réemploi”, quand on ne veut pas dire “fantôme”.
Il n’y a pas eu de grève. Pas de chaîne humaine.
Mais dans certains villages du Morvan ou du Limousin, les cabines ont été défendues par les maires, à l’ancienne. Une lettre à la préfecture. Une motion municipale. Un “non” qui n’arrête rien, mais qui dit qu’on était là.
Pas de barricades. Juste des silences. Et parfois des larmes.
Du côté des entreprises, la logique est comptable.
Orange envoie des équipes. La sous-traitance suit.
Les techniciens démontent, pièce par pièce, ce que d’autres avaient installé vingt ans plus tôt. Les prestataires locaux — électriciens, nettoyeurs, poseurs — perdent leur contrat.
Certains seront redéployés sur la fibre. D’autres non.
Ils disparaissent dans les interstices du récit économique, là où ne poussent ni chiffres ni monuments.
Véolia récupère les matériaux. Aluminium, verre, câbles spiralés.
Ils sont recyclés proprement. C’est l’époque qui veut ça.
Dans certaines communes, les plaques "Téléphone" sont arrachées à la meuleuse. Dans d’autres, elles restent là, suspendues à rien, comme les vestiges d’un service qui croyait encore à la présence humaine.
Mais ce n’est pas l’histoire d’un objet.
C’est l’histoire d’un glissement. D’un effacement opéré sans conflit.
Un monde où l’on décide désormais à distance, où même la disparition se fait à huis clos.
On pourrait parler de profit.
De ce que coûte une cabine. De ce que rapporte son absence.
On pourrait aussi parler de Veolia, dont le nom revient dans bien des marchés publics.
On pourrait s’interroger sur les liens entre ce recyclage technique et le recyclage des élites.
Sur le fait que dans la fusion Veolia–Suez, l’Élysée ait joué un rôle discret mais décisif.
Sur le fait qu’Alexis Kohler, bras droit de Macron, soit visé par une enquête du Parquet national financier pour trafic d’influence.
Mais ce serait déjà une autre histoire.
Une histoire où les cabines ne sont plus que le décor d’un théâtre administratif dont les spectateurs ont quitté la salle.
Alors, pour cette fois, on laissera la lumière allumée.
Peut-être qu’un dernier appel viendra.