Auteurs littéraires

Ce mot-clé trace une cartographie affective et mouvante des auteurs qui accompagnent l’écriture — qu’ils l’éclairent, la traversent ou la dérangent. Il ne s’agit pas d’un panthéon, mais d’un compagnonnage parfois inconfortable, toujours vivant. On y croise des fragments de lecture, des citations, des réminiscences, des malentendus fertiles. Lire, c’est aussi se disputer avec ses modèles, éprouver la distance entre leurs mots et les nôtres. Ces auteurs deviennent alors des clefs d’accès : non pour valider un propos, mais pour ouvrir des failles, pour obliger à penser ou écrire autrement. Que signifie écrire après eux ? Avec eux ? Malgré eux ?

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Carnets | novembre 2023

06 novembre 2023

Pluie, vent, et déjà ce froid mordant. La facture de régularisation EDF est tombée. Salée. On a beau faire attention — lumières, multiprises, ordinateurs — rien n’y fait. C’est le toit qu’il faudrait refaire. Mais impossible. On sent poindre une mentalité de pauvre. Celle que j’ai toujours fui, même dans les pires moments. Le rouleau compresseur avance, et l’âge nous rend plus vulnérable. On se plaint déjà des articulations. Et la jeunesse hante, comme un fantôme. Rien ne soulage. Pas même l’horreur du monde. Hier, une femme dans l’Ouest, maison inondée, dit : je voudrais partir… je voudrais mourir. Cela se comprend. Moi aussi, parfois, je l’ai pensé. Trop d’absurdité. Trop peu de recul. Le stoïcisme a ses limites. Une avidité louche à se plaindre. Faire face. Toujours ce mot d’ordre. Héritage ? Reflet d’une tradition de survie. Hier soir, au vernissage de X. Trois peintres. Hommage à leur ancien professeur, mort du pancréas. J’apprends que sa fille a bradé toutes ses toiles. Pas la place. X a récupéré deux dessins, encadrés chez Action. Plus de carburant. J’ai pris la Twingo. Pare-brise embué malgré la ventilation. Dix-sept kilomètres dans la buée. Face à moi, des phares plein feu. Sauvagerie générale. On y entre ou pas ? Allumer ses pleins phares, vaille que vaille ? Non. Refuser. Garder quelque chose. Un peu de fierté. De dignité. À l’exposition, beaucoup de monde. P. a exposé un tableau inspiré de Bram Van Velde. Belle tentative, mais trop de travail tue le geste. Lissage, essuyage, excès de contrôle. Je rêve de matière. D’Anselm Kiefer. Ce n’est pas la couleur ou la composition qui manquent : c’est la vie. Peut-être cette absence dépasse les toiles. Peut-être est-ce un prisme. Je rentre, ébloui par les phares. 7700 morts. Comment rendre ça en peinture ? Kiefer, encore. Ce paysage blanc, strié de noir. Une manière élégante de refuser la sauvagerie. J’apprends qu’il écrit beaucoup. Des livres. Je ne savais pas. Je l’ai vu à Avignon. Son père était nazi. Lui, parle un français impeccable. Hésite à peine. Impeccable. Je termine la journée avec La fin du monde en avançant de Bergounioux. Il parle de sa Corrèze qui disparaît. Il cite Michelet, Kant. Kant, à Königsberg, sa ponctualité légendaire. Les cuisinières réglaient leurs plats sur son passage. Jusqu’au jour où, poussé par l’actualité française, il sort plus tôt. Le rôti brûle. Le gâteau aussi. Querelles. Deux heures de sommeil. Un rêve. Mon père, torse nu sur le canapé, en pacha. Comme autrefois. Et ce texte de B. sur son aïeul, soldat de la Grande Guerre. Deux ans. Initiation virile. Bon pour le service, bon pour les filles. Une copie carbone du père. Et les guerres légitiment l’homme. Combien de meurtres, de trahisons, pour oser se dire « j’en suis un » ? Le même que mon père. Mais sans les légendes. On se réveille dans un corps étranger. Rien ne nous regarde. L’imaginaire est parti. Les démons aussi. Voilà comment on vieillit. Illustration : Il y a quelques jours, en allant poster une lettre recommandée, un rayon de lumière a frappé l’église de mon village. sous-conversation … encore cette facture… encore… malgré les efforts… toujours plus… et le toit… toujours pas… le froid passe… entre les lames… pauvre… ce mot… il colle… je ne veux pas… mais il est là… la femme… noyée… moi aussi… parfois… oui… mais pas de larmes… pas de drame… juste… l’impossibilité de rire… faire face… mais à quoi ?… toujours à quoi ?… le vernissage… les toiles… trop lisses… trop calmes… trop mortes… et moi… je veux du Kiefer… du noir… du vrai… le pare-brise… la buée… les phares… est-ce que je peux… juste une fois… allumer moi aussi… non… non… Kant… sa rigueur… son cabillaud… et pourtant un jour… même lui… il sort… trop tôt… père torse nu… rêve… souvenir… pacha… temps d’avant… et le rayon de lumière… là… sur l’église… juste ça… juste encore ça… note de travail Ce texte est un journal de veille. Une tentative de tenir face au froid, au réel, à la guerre, à la fatigue, à la mémoire. L’auteur se tient au bord — du manque, du rêve, du doute. Il regarde tout de biais, mais intensément. L’élément central : la matière. Ce qui manque aux toiles, ce qui fait défaut dans la vie : une épaisseur, une accroche, un grain. Tout semble trop lisse, trop effacé. Et lui cherche du Kiefer, du Van Velde, du Bergounioux — des hommes qui font face, avec le corps, avec les mots. La guerre revient comme une question de filiation. Qu’est-ce qu’un homme ? Celui qui part ? Celui qui tient ? Celui qui tue ? Le narrateur ne croit plus à la réponse. Il vieillit. Il ne se reconnaît plus. Il habite un corps qui n’est plus sien. Mais il écrit. Et l’écriture, elle, tient. Même dans le froid. Même dans la fatigue. Et puis ce rayon, sur l’église. C’est peu. Mais c’est là. C’est beaucoup.|couper{180}

Auteurs littéraires peinture rêves

Carnets | septembre 2023

Cormac McCarthy

Notes de lecture du Passager. « Le Thalidomide Kid la dénicha dans un meublé de Clark Street. Près du North Side. Il frappa à la porte. Pas dans ses habitudes. Elle savait qui c’était, bien sûr. Elle s’attendait à le voir. D’ailleurs ce n’étaient pas vraiment des coups à la porte. Plutôt de vagues gifles. » Extrait de Le passager McCarthy, Cormac Ce qui m'a donné l'idée du site. On peut imaginer que le Kid soit un dibbouk, une âme errante qui vient s'introduire dans le corps d'un vivant pour achever d'accomplir une tâche. Le dibbouk existe également sur Wikipédia "Le Dibbouk (ou Entre deux mondes ; en yiddish : דער דיבוק אדער צווישן צוויי וועלטן) est un drame en trois actes rédigé en yiddish par Shalom Anski, de son vrai Shloïme-Zaïnvl Rappoport, et créé à Vilna en 1917. Il s'inspire du thème folklorique du dibbouk qui est, dans la tradition juive kabbaliste, un esprit qui entre dans le corps d'un vivant pour le posséder, à la suite d'une erreur ou d'une mauvaise action. Shalom Anski, ethnographe russe, rédigea cette pièce d'abord en langue russe. Puis, lorsqu'il la montra au metteur en scène moscovite Constantin Stanislavski, celui-ci lui conseilla de la réécrire en yiddish, afin qu'elle puisse être jouée d'une manière authentique par des acteurs juifs. Le Dibbouk est une pièce essentielle dans l'histoire du théâtre yiddish. Son auteur s'est fondé sur des années de recherches dans les shtetls en Russie et en Ukraine, où il s'est documenté sur les croyances et contes des juifs hassidiques." A noter aussi l'artiste plasticien et musicien Rainier Lericolais, Leah’le, la voix du Dibbouk, film 2021|couper{180}

Auteurs littéraires musique

Carnets | septembre 2023

Les Voix et les Mues : Entre Écoute et Positionnement

À partir de la lecture de Quignard, ce fragment s'aventure dans une exploration personnelle du malaise face aux voix aigües, la quête d'une identité artistique et la complexité du positionnement en art. C’est une plongée dans les méandres de la pensée et de la création, où se mêlent fatigue, introspection et une forme de rébellion contre les attentes du monde.|couper{180}

Auteurs littéraires Autofiction et Introspection écriture fragmentaire

Carnets | mai 2023

Pessoa comme Lautréamont

Je l'avais lu tôt, l'intranquillité de Pessoa résonnait tellement bien avec la mienne. Trop tôt peut-être, j'aurais pu encore jouir un peu de la jeunesse si je l'avais lu vers la quarantaine. Mais cette phrase « vivre cela n'est rien, naviguer est précieux » ou encore celle-ci, « je ne suis rien mais en moi il y a tous les rêves du monde... » Elle auront achevé une grande partie de mes doutes sur le fait de vouloir être quelqu'un et certainement avant même que je commence à en prendre conscience. Pas étonnant de voir que Lautréamont évoque également cette nécessité d'anéantissement de l'auteur. Pessoa comme Lautréamont comme on pourrait dire étoile comme fleur. L'utilisation d'un comme nécessite une disparition, d'abattre certaines cloisons. Il ne s'agit plus de métaphore au sens où on utilise la métaphore par défaut ou par facilité. Tout au contraire. On use du comme comme d'une gomme. Maintenant concernant la conscience que l'on peut continuer à entretenir durant la mort comme de son vivant, il s'agit probablement de la même chose, c'est à dire se résoudre à passer par le goulot étroit de cet anéantissement. De mettre fin à une fiction. Cette fiction qui, pour exister, aurait besoin d'une réalité. Une absence parce que les mots viennent mieux ainsi, ils ne sont plus freinés. Les mots sont comme des bolides qui traversent l'espace intérieur, et partant rendent compte de l'existence d'un tel espace. Qu'on puisse les projeter ensuite vers l'extérieur nécessite l'invention d'un extérieur également. On pourrait dire alors l'intérieur comme l'extérieur. J'ai souvent pensé non pas à la mort mais à qui j'étais avant de venir au monde. Avant de naitre et après-vivre, n'est-ce pas tout comme, abstraction faite de toutes les péripéties. très métaphysique ce mardi.|couper{180}

Auteurs littéraires

Carnets | avril 2023

Les chroniques de voyage.

Certainement un art à part entière. Peut on vraiment s’improviser chroniqueur de voyage. Des tentatives effectuées, impression de malaise. C’est plus un bloc-notes qu’autre chose. Que devrait-on inscrire dans ces lignes qui ne paraissent pas aussitôt dérisoire, futile, soporifique. Se renseigner sur l’histoire et la géographie des lieux. Essayer de rejoindre une logique interne à ceux-ci. Peut-être. Ou alors utiliser un ton, la méchanceté par exemple. Me reviennent les propos de Stendhal sur Grenoble. Et non, aucun souvenir des chroniques italiennes. Par contre Grenoble, quelle hargne, quelle méchanceté, sans doute justifiée, puisqu’il y est né. Comme j’avais aimé lire ce genre de textes vers quarante…M’y intéresserais-je encore à plus de soixante… rien n’est moins sûr. D’ailleurs Henri Beyle, Stendhal, n’a jamais été un de mes auteurs favoris. Jamais haï, jamais adulé. Des souvenirs passables de Dominique Fernandez. Sur l’Italie également tiens. Mais trop ampoulé pour mon goût, trop de chichis, trop de littérature. Ce qui me fait remonter à des interrogations essentielles quant aux écrivains en général. On ne sait jamais trop pour la plus grande partie comment ces gens vivent, mangent, baisent et chient. Comment ils parviennent à gagner leur vie, comment ils vivent vraiment, et écrivent. C’est grâce aux romanciers américains, principalement Miller, Bukowsky, John Fante, que le rideau aura été tiré sur cette énigme. Encore que, c’est aussi de la littérature, que le narrateur n’est jamais tout à fait celui auquel on pense. Laurence Durrell ami d’Henri Miller et si opposé cependant dans la façon de raconter les voyages. Mac Orlan très poétique, trop sans doute, lorsque je l’avais lu jadis en même temps que Pierre Loti, et bien sûr Cendrars. Je n’ai pas cité Jack London. Pourtant il avait été d’un précieux secours lui aussi. Non pour écrire des chroniques de voyage, sauf si on considère qu’écrire est bel et bien une forme de voyage, d’aventure. Plus proche de notre époque il y a aussi Nicolas Bouvier et son merveilleux livre, « l’usage du monde », je l’avais emporté avec moi en m’en allant au delà du Bosphore en 1986. Un poids. Et puis j’ai du le prêter ou le donner à quelqu’un. Et en y repensant, c’est un livre qui me manque. Qu’il serait bon de retrouver|couper{180}

Auteurs littéraires carnet de voyage

Carnets | mars 2023

Double voyage 09 | Wittig

Il faudrait remonter assez loin dans ce blog pour retrouver la trace de l’inspecteur Blanchard. Non pas un homme unique, mais une silhouette mouvante, effacée par le temps, décomposée en fragments épars. De même, quelque part entre deux chroniques, Dali, enlevé dans un vaisseau de l’Alliance Galactique, disparu comme un reflet sous la pluie. Alonso Quichano aussi s’efface, englouti par le tourbillon des jours. Les moulins à vent eux-mêmes, dressés un temps contre le ciel, se sont effondrés, usés par les années, réduits à quelques pierres moussues dispersées dans l’herbe. C’est ainsi que les personnages s’enfoncent dans l’oubli, happés par la durée qui ronge les contours des souvenirs. Ce site n’est-il pas un voyage lui aussi, une déambulation incertaine où l’on croise des pays, des figures, des objets sans fil conducteur ? On passe de l’un à l’autre sans prévenir, de la chronique d’un jour à l’évocation d’une nuit, comme si la continuité elle-même était un leurre, une illusion patiemment entretenue par la succession des jours et des nuits, qui se répondent sans jamais se rejoindre. Sur un fichier reçu, on distingue les blocs noirs sur fond blanc, pareils à des stèles anonymes. Ce sont les traces d’une parole, mais une parole que le silence ronge. On pourrait prendre un paragraphe au hasard, ils parlent tous du même oubli, d’une lutte vaine pour fixer ce qui échappe, comme si la répétition elle-même n’était qu’un simulacre de résistance. Il y a là des voix de femmes, qui racontent, des noms familiers qui émergent de l’ombre pour replonger aussitôt, signes fragiles d’une mémoire qui vacille. On croyait ces souvenirs rangés dans l’aval, mais voilà qu’ils proviennent d’un amont obscur, d’un temps antérieur à la perte. Homère racontait une guerre qui n’en finit pas. Pas de début, pas de fin. Le livre se ferme sur la fatigue des corps, mais la guerre elle, demeure, infinie comme une rumeur lancinante, et l’on ne sait jamais vraiment quand elle a commencé, ni pourquoi elle se prolonge dans cet état d’indécision, ce balancement perpétuel entre violence et accalmie. C’est peut-être cela, l’histoire humaine : une lutte sans cesse reprise, une suite de justifications qui, en se heurtant les unes aux autres, n’en produisent aucune. On se souvient mal du début du récit, de ce voyage qui devait mener quelque part et qui s’enroule maintenant sur lui-même, un cercle concentrique, une spirale sans fin autour d’un centre mort. Comme les corbeaux tournant autour de la carcasse d’un animal, l’histoire revient sans cesse sur le même point, sans parvenir à s’en détacher. Peut-être est-ce là la nature même de ce récit : une montée interminable sur un escalier dont on ne perçoit ni le départ ni l’issue, une quête obstinée vers un autel de pierre où le sacrifice attend sans jamais s’accomplir. Il y a ce vendredi aussi, compagnon de Robinson, jour des stages de peinture, où l’on tente de faire surgir quelque chose du néant. On pose des formes, des couleurs, des éclats de lumière, mais c’est toujours le même geste qui revient, la même quête d’un sens qui se dérobe, la même recherche d’un espace où le regard pourrait enfin se poser. On s’efforce de saisir l’air du temps, mais l’impression d’y être ne tient jamais longtemps. Circe transforme les marins en cochons, mais qu’en est-il de ceux qui l’étaient déjà ? Peut-être l’évidence est-elle si criante qu’on la contourne. Peut-être les lions, les taureaux, les ânes sont-ils ce qu’ils sont depuis toujours, et les métamorphoses, des pièges de l’esprit. Borges aussi jouait avec les ombres et les reflets, jonglant avec l’érudition pour en faire surgir la poésie brute, comme une lumière soudaine dans la cécité du monde. Il attirait les mots comme on appâte les mouches, sans illusion sur leur valeur réelle, mais en sachant que, parfois, dans cette errance textuelle, un éclat de vérité pouvait se produire, aussi fugitif qu’un rai de soleil sur un mur défraîchi. On cherche un point de repère, une boussole qui dirait où est le Nord, mais le retour à l’intuition, au geste premier, semble plus juste. Peut-être que lire ce texte avec la rigueur d’un typographe permet de toucher du doigt ce qui importe vraiment : la tension entre la colonne et le mot, la manière dont les blocs se dessinent sur la page, comme des souvenirs alignés dans l’oubli, une justification graphique qui tient les choses ensemble. Peut-être est-ce là l’essentiel : savoir qu’on ne saura pas, que la quête se poursuit sans jamais aboutir, et que vouloir tout comprendre est peut-être le plus sûr moyen de se perdre.|couper{180}

Auteurs littéraires

Carnets | février 2023

Hammett et Chandler

Hammett était un vrai détective, il puisait dans son expérience. Chandler n’avait aucune expérience, mais il adorait Hammett, dont il s’est inspiré en majeure partie pour écrire ses romans. La langue de la rue lui était inconnue, autant que le serait une tablette sumérienne pour le moindre quidam. Il a dû apprendre cette langue dans les bouquins d’Hammett. Chandler éprouve des difficultés à construire des intrigues — ça l’ennuie — il préfère coller des fragments, les assembler, bricoler tout cela pour que ça ressemble à une histoire. Ce qui l’intéresse, c’est le style, les métaphores, les images. Il se laisse aller à la navigation, à l’errance, ce qui n’est pas le cas d’Hammett qui, lui, sait où il va. Chandler recycle énormément. D’ailleurs, il refuse que soient republiées ses premières nouvelles parues dans des pulps. Il s’en sert pour constituer des romans en les assemblant. Chandler était un écrivain plus qu’un romancier. Il place la différence entre les deux sur une absence totale de données autobiographiques. Simenon aussi se considère plus comme romancier qu’écrivain, et je crois qu’il est sincère en le disant, même dans ses romans dits durs. Manchette, par contre, est un écrivain plus qu’un romancier. Il me semble — mais je peux me tromper bien sûr — que ses personnages ne lui servent parfois qu’à exprimer ce qu’il n’ose assumer en pleine lumière : cette douleur liée à la solitude, à une agoraphobie ou misanthropie, sans doute propre à l’écriture. Baudelaire écrivait de courts textes la plupart du temps ; il ne parvenait pas à se fixer, en écho à sa quarantaine de déménagements. Étrange qu’il se soit autant intéressé à Edgar Poe, jusqu’à le traduire. Les contraires s’attirent, ça doit être ça. Si on pouvait être attentif à qui l’on est vraiment à vingt ans, on n’aurait pas à faire ce sale boulot à plus de soixante. À vingt ans, tout est déjà joué. Le reste n’est que bricolage. Ne pas vouloir voir cette évidence en face tient de la bêtise autant que d’un orgueil façonné par notre environnement. Faire croire aux gens qu’ils ont plusieurs chances, qu’ils sont éternels : une belle saloperie. La vérité est toujours ce que l’on évite le plus de regarder en face. Ce qui m’a manqué à vingt ans, ce ne fut pas le courage — je crois que je regardais déjà assez froidement les choses et ce que j’étais. Je crois plutôt que cela m’amusait de temporiser, de trouver des raisons, des prétextes, des excuses à moi comme à tout le monde. C’était le système la cause de tout le merdier. Je me débattais aussi pour ne pas trop y croire, que tout était déjà fichu, conserver un minimum d’espoir. C’était déjà de la survie, mélangée à beaucoup de gesticulations inutiles, du divertissement. La rêverie était un acte de résistance, mais elle n’était dirigée sur aucun but. C’était une résistance à vide, une résistance contre moi-même et mes possibilités surtout. Quand j’ai commencé à écrire, je me suis toujours dit que je n’étais pas assez ceci ou cela. J’avais déjà une exigence qui dépassait mes moyens, que j’essayais de rejoindre de manière têtue, sans beaucoup de jugeote, de malignité. Je voulais écarter surtout la méchanceté, qui est un excellent moteur pour écrire. Autant dire que j’ai tout de suite scié la branche sur laquelle j’étais grimpé — un peu par hasard, pensais-je. Je crois que c’est à partir de cette déception première, de mon manque de foi dans le hasard, qu’ensuite je me suis mis à faire machine arrière, à vouloir le vénérer. Mais c’était déjà trop tard, les dés étaient jetés. Ce que je tentais d’écarter, ce que je nommais la méchanceté, c’était une force vive. Je ne mettais pas le bon mot sur elle à l’époque. J’imagine très bien Chandler et Manchette aux prises avec cette même difficulté. Mais ni Hammett ni Simenon, qui avaient accepté de bonne heure ce carburant pour écrire.|couper{180}

Auteurs littéraires

Lectures

Simenon

Manchette et son affaire N'Gustro me conduisent à aller rechercher les livres de Simenon, toujours au grenier, mais eux je les avais rassemblés dans un carton avec une étiquette, plus simple à trouver. J'attrape le premier qui se présente, Au rendez-vous des Terre-Neuvas, et j'en lis quelques pages. La différence avec Manchette, c'est qu'il y a moins d'ambiguïté concernant le narrateur. Je ne peux pas dire que c'est mieux, ou que Manchette serait moins bien ; c'est complètement différent. Et puis peut-être qu'il n'y a pas de comparaison, sauf un désir chez moi de rapprocher je ne sais pourquoi deux types de narration. Il y a une désinvolture apparente chez Manchette quant à l'ordre des mots, des phrases très courtes, un rythme plus accéléré, mais bizarrement l'intrigue n'y gagne pas en rapidité. Les personnages de Manchette paraissent plus essoufflés que ceux de Simenon, et leur épaisseur tient surtout dans leur façon de s'exprimer. Ils vont droit au but cependant — le pognon ou le cul, notamment. Buts agités comme un chiffon rouge pour que le taureau fonce dessus, pour coller aux codes du polar, alors qu'en fait l'auteur désire parler de tout autre chose. Et parfois je me demande s'il le sait lui-même. Le langage parlé avec lequel les personnages de Manchette se dépeignent de façon inconsciente semble rendre le lecteur intelligent, mais je me demande si ce n'est pas un leurre de plus. Bref, je comprends la blague du « nouveau polar » et son utilisation journalistique. Simenon est plus classique, pour autant que je puisse dire, car je ne lis pratiquement jamais de polar. J'en ai lu quelques-uns autrefois, surtout ado, mais je n'ai jamais vraiment accroché au genre, contrairement à mon père qui, lui, n'a jamais lu que cela. En fait, je crois que lire des polars n'était pas utile pour se cultiver, et j'étais si tendu vers ce but — cette idée surtout que je me faisais de la culture, comme n'importe quel rejeton petit-bourgeois — que je ne leur accordais qu'un intérêt de divertissement tout au plus. Je n'avais que peu de discernement. C'est une erreur, évidemment. Et cette erreur ne relève directement que de l'erreur fabriquée de toutes pièces envers cette idée de culture par quoi j'étais obnubilé. Je crois aussi que le polar était la chasse gardée de mon paternel, qu'en lire m'aurait donné l'impression de pactiser alors que je préférais rester à couteaux tirés avec lui. C'était plus clair. Je détestais la nuance et l'ambiguïté. C'est aussi pour cela que j'ai vite plongé dans les auteurs américains n'écrivant pas de polar. Encore que, par exemple, Truman Capote a bien écrit De sang froid, mais ce n'était qu'une expérience, comme pour Fait divers de Calaferte. J'avais inspecté la bibliothèque familiale plusieurs fois pour être bien certain qu'il n'en avait lu aucun. D'ailleurs, pas de Manchette ni de Daeninckx non plus. Tout ce qui était taxé de « gauchiste » par le vieux était persona non desiderata sur les étagères en faux acajou. Donc j'avais acheté ces auteurs, notamment avec mes propres sous. Ils appartenaient à ma bibliothèque. Mais j'avoue que c'était plus pour faire chier mon père que pour me pencher vraiment sur leur contenu. Étais-je gauchiste tant que ça ? Je ne crois pas. Sinon par pure opposition encore, ou pour accompagner quelques filles sur lesquelles j'avais des vues dans des réunions de la LCR. En fait, je devais déjà être plus anarchiste que quoique ce soit d'autre. Les réunions de tout bord m'ont toujours emmerdé. Non que je ne sois pas sensible à l'injustice, mais je n'ai jamais été optimiste sur les solutions proposées pour l'éradiquer. La politique n'est en gros qu'une façon de vouloir se distinguer ou exister les uns par rapport aux autres, s'inventer des combats, des luttes, des faits d'arme — une histoire, en gros. Même s'il y a sur un groupe l'étiquette anarchiste, je fuis. La volonté d'exploitation de l'autre, d'en tirer profit et intérêt est si présente dans tous les agissements que j'ai toujours perçus, y compris les miens, que la vacherie est une donnée humaine naturelle, et on ne peut strictement rien contre la nature ; à part tenter du mieux possible de s'en préserver. Mon idée en ce moment, c'est d'écrire pour bouffer, ce que je ne sais pas ou n'arrive pas à faire avec la peinture. Écrire des polars, dans ce cas, pourrait être une solution, probablement meilleure qu'écrire des articles dans des journaux, plus indépendante dans ce que j'imagine en tous cas. Mais pour cela il faut que je m'en tape pour comprendre la recette de base ; que j'intègre les codes, au moins. Et puis j'y vois un autre avantage : c'est de se concentrer sur l'action, faire progresser une histoire grâce aux comportements des personnages. Sortir du bla-bla, des jeux intellectuels, de la littérature, quoi. Je n'ai qu'à me souvenir des petits matins où j'allais bosser dans des jobs à la con pour me donner le minimum d'allant. Donc tant pis pour Alonso Quichano. Peut-être qu'il surgit au mauvais moment et que, sitôt que je lève enfin les yeux sur lui, je n'éprouve plus qu'une envie : c'est de le buter. Pour une fois ce ne serait pas un geste désespéré, mais un choix mûrement réfléchi. Simenon a utilisé le polar pour commencer à écrire parce que ce dernier lui offrait des rampes auxquelles se tenir : un crime, un assassin, un modus operandi. Il disait d'ailleurs que c'était pour lui des romans faciles à écrire justement parce qu'il y avait ces rampes. De temps à autre il essayait d'aller plus loin, une page ou deux, de forer un peu plus profond dans ses personnages, comme un dentiste dans une dent — jusqu'à ce que ça fasse mal. En fait, le polar, les Maigret, lui ont servi de labo d'écriture dans un premier temps. Mais ce qu'il voulait vraiment, c'était cela : aller jusqu'à cette zone où ça fait mal. Manchette, lui, y va plus rapidement, je crois. Il y va même directement, parce qu'il sait ce qu'il veut, sans doute dès qu'il se met à écrire : il veut fabriquer des produits qui se vendent, écrire pour bouffer. Il ne louvoie pas quant à cela. Simenon, j'ai l'impression qu'il reste un bon moment le cul entre deux chaises, sans doute par fierté, une position plus aristocratique. Autre chose encore : le polar permet la mise en scène, via des personnages, d'une violence brute que ne permet pas la littérature, dont la manière, les longueurs, un art essentiellement axé sur la forme du langage, la rend démunie face à cette brutalité. Une brutalité classique, peut-être même de surface. Même Céline, quand il évoque les tranchées, la boucherie de 14-18, a du style — et ce style est encore un écran, d'après mon ressenti à sa lecture. On finit par ne plus s'attacher qu'aux mots, à leur agencement, mais pas forcément à ce qu'ils désignent. La haine, comme la violence, ne sont guère plus que des plaisirs esthétiques. Mais peut-être que je suis tout bonnement en train de chercher des raisons, des prétextes, des excuses pour essayer de tuer non seulement Alonso Quichano, mais aussi une idée que je me suis fait de la littérature jusqu'à ce jour. Le bien écrire et son enfumage. Passons à autre chose. Finalement, hier, il y avait six personnes au stage sur l'autoportrait avec mains. Les absents ne nous rejoindront qu'après les vacances d'hiver, en mars, et je me suis dit que, pour que tout le monde soit au même niveau à cette date, il fallait seulement se concentrer sur le dessin. Pour apprendre ce qu'est la ressemblance dans l'exercice du portrait, j'ai eu cette idée au moment où je franchissais la porte de la salle de cours : celle de leur faire faire des caricatures. Cela les aura obligés à se regarder vraiment pour décider quels traits caractéristiques grossir afin d'y parvenir. Il y a eu quelques grincements de dents, surtout chez les personnes qui n'aiment pas être photographiées, n'aiment pas leurs visages. Je leur ai dit que ce n'était pas nécessaire de s'aimer ou de se détester pour faire l'exercice. Il fallait seulement décider quels traits grossir pour tomber sur une illusion de ressemblance, et ma foi, bonne pioche. On aurait pu entendre une mouche péter. Il n'y eut plus de bruit, au moins jusqu'à la pause café. Je n'ai pas pris de photographies ; peut-être en ferais-je quand tout le groupe sera réuni en mars. Pour la représentation des mains, tout le monde est tombé dans le panneau : elles furent trop petites. J'ai pourtant dit plusieurs fois exagérez la taille des mains. Mais une sorte d'hypnose par rapport à la photographie aura été la plus forte. La photographie est tellement confondue avec la réalité que l'on voudrait la reproduire le plus fidèlement possible. Du coup, ça donne juste une photo reproduite, mais pas un dessin. Encore une fois, on peut comprendre intellectuellement une donnée comme exagérer la taille des mains, mais tant qu'on ne l'a pas mise en pratique — avec la main justement — ça ne percute pas.|couper{180}

Auteurs littéraires

Carnets | février 2023

Manchette

Plusieurs émissions écoutées sur le trajet vers mes ateliers du mercredi, notamment une de la librairie Mollat, particulièrement sur sa correspondance. Manchette répondait à tous : écrivains, poètes, mais aussi aux écoles, et il soignait chacune de ses lettres sans exception. J’avais lu ses bouquins il y a longtemps, dans les années 85-90, mais j’avais peu accroché à l’époque, comme je n’ai jamais vraiment accroché au polar en général. Et puis le terme de « néo-polar » ou « nouveau polar » m’agaçait, comme tout ce qui commençait par « nouveau » à cette époque. En fait, « néo-polar » est un terme que Manchette a sorti de sa poche par dérision surtout, et qui fut pris au pied de la lettre par les journalistes, toujours très friands de locutions oiseuses, de propos vides de sens pour créer leurs gros titres. Où sont donc passés ces bouquins, ceux de Deaninks, d’A.D.G. ? Sûrement au grenier, avec les milliers de volumes ramenés de chez mon père. Encore dans des cartons que je n’ai pu ouvrir depuis. Idée de recueil : écrire des lettres à des personnages connus ou imaginaires. J’ai eu une seconde idée sur la route, mais maintenant que je suis garé en attendant l’heure, je l’ai oubliée. Et évidemment, elle était plus intéressante que la première. Il faut s’organiser, ouvrir l’app dictaphone pour ne rien rater ou perdre. Puis ensuite, je pense à cette peur d’oublier. Avec tout ce dont j’ai peur et que j’ai déjà noté mille fois, j’y retrouverai sûrement une idée proche de cette idée perdue, comme si j’avais soudain des idées neuves ou originales... Manchette voulait surtout communiquer. Il ne voulait pas impressionner.|couper{180}

Auteurs littéraires

Carnets | janvier 2023

21 janvier 2023-2

Ta résistance à l'engouement actuel envers le développement personnel, comment te l'expliques-tu, sinon par cette apparente facilité due à des formules, des mantras à ressasser, les œillères grâce auxquelles il serait indispensable de se réfugier dans une pensée positive, ce qui te paraît aussitôt erroné sans que tu n'en comprennes au début la raison ? Sans doute pour avoir toi aussi traversé ces formations, étudié les rouages, les trucs, les combines, tout un artisanat de la manipulation à des fins décevantes. Vouloir être heureux, notamment, tu te demandes encore ce que cela signifie, sinon imaginer toujours un ailleurs pour ne pas regarder en face une réalité bien plus complexe que seulement basée sur la joie, le bonheur ou la tristesse, la désespérance. Une réalité amputée, une réalité réduite à une binarité insupportable. Cela demande un effort incroyable, quand tu y repenses aujourd'hui, de parvenir à s'extraire de cette binarité. L'effort nécessaire pour voir ces deux aspects confondus et être soudain, grâce justement à ce mélange, cette confusion, ce chaos apparent, être en mesure d'en extraire une fréquence, une couleur, un son. Aussi, quand tu tombes sur cette vidéo de Luc Bodin, attiré par la miniature qui représente ce vieux symbole lémurien, tu hésites. Tu te dis quelle soupe va-t-il donc servir en prenant appui sur l'imaginaire, quelle manipulation encore derrière les apparences. Tu visionnes la vidéo qui ne t'explique pas grand-chose que tu ne saches déjà. Puis tu passes sur une toile que tu as apprêtée quelques jours avant. Tu fermes les yeux, tu vides toutes tes pensées et tu laisses venir ce qui doit venir. Quelques heures plus tard, tu reçois un mail étrange, une vidéo qui évoque le parcours d'un kiné non-voyant avec, en pièce jointe, son livre « Être, Énergie, Fréquences ». Il s'agit de Jean-Claude Biraud que tu ne connais pas. Il te faut à peine deux heures pour avaler le livre. Surprise de constater les mêmes émotions éprouvées autrefois qu'à la lecture de Castaneda. Mais présentées cette fois d'une façon scientifique, raisonnable, argumentée avec preuves à l'appui. Ce qui te scotche n'est pas tant le contenu de ce livre cependant. Par intuition, le seul fait que tu comprennes tout immédiatement est déjà étonnant en soi, mais ce n'est pas cela l'information que tu en retireras. C'est la ténacité de l'homme poussé par sa curiosité, son désir de comprendre, par une attention à certaines choses dont nul à part lui n'est en mesure d'établir des passerelles, des liens et de les présenter ainsi surtout. Et aussi une grande leçon d'humilité car il n'hésite à aucun moment à s'adresser aux autres, à des personnes travaillant chacune dans une spécialité, au risque de se faire traiter d'hurluberlu, ce qui n'arrive en fait jamais. C'est exactement cette partie manquante que tu relèves soudain dans ton parcours : le fait de ne jamais oser t'adresser aux autres, de persister quelles que soient les difficultés nombreuses rencontrées à rester seul, à creuser dans cette solitude qui t'a toujours paru essentielle, incontournable. Bien sûr, tu as lu des milliers de livres, bien sûr tu as rencontré des milliers de personnes, mais tu n'as jamais osé parler de tes recherches, tu n'as jamais cherché à les confronter, à les valider ou invalider. Tu regardes ton tableau ce matin, tu peux y retrouver la croix lémurienne, mais déformée par des forces étranges, comme par une volonté encore vivace de fabriquer tes propres symboles tels que tes filtres les adaptent à partir d'une réalité établie, une réalité qu'on ne saurait impunément remettre en question. Puis le soir, lecture des derniers cahiers de Kafka, cette histoire de bûcherons joyeux qui reste en suspens, des paragraphes qui soudain s'achèvent par un « parce que ». Et pour parachever l'ensemble, la lecture de deux ou trois witz de Biro, quelques velléités d'identification avec le personnage du bouffon que tu laisses tomber car le sommeil t'emporte.|couper{180}

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Carnets | janvier 2023

18 janvier 2023

Découverte de deux tomes de récits rendant hommage à Lovecraft : « Sur les traces de Lovecraft », anthologie 1 et 2, collection Fractales/Fantastique, dirigée par Christelle Camus, éditions Nestiveqnen, Aix-en-Provence, 2018. 18 auteurs proposent des récits dans l'esprit de l'auteur. Me suis fait happer par le tout premier hier soir, une autrice inconnue, Kéti Touche : cette histoire de photographe qui vient en résidence dans un obscur manoir (en Angleterre, en Écosse ?) tenu par une femme énigmatique, veuve d'un homme nommé Howard, explorateur de son état. Le récit se déploie dans une tempête, une côte sauvage, au bout d'une inquiétante falaise. On y découvre de vieux carnets évoquant des découvertes effroyables qui auront bien sûr eu raison de la santé mentale d'Howard. Donc bien sûr, de nombreux ingrédients que l'on retrouve chez Lovecraft. Lu une cinquantaine de pages puis j'ai bondi ensuite sur « Autoportrait » d'Édouard Levé. Une suite de phrases en apparence isolées les unes des autres. Amusant, tragique, burlesque. Intéressant quant à la forme. Pour le fond, je suis encore mi-figue mi-raisin. Et puis tout de suite après 20 pages, j'ai posé le livre, j'ai éteint la lumière et il semble que j'ai dormi d'un sommeil de plomb. Aucun cauchemar dont je puisse me souvenir ce matin. Ce qui me fait penser à ce que j'aimerais vraiment écrire. Tiraillé entre la forme et le fond encore une fois. Et là, je me souviens de ce que dit Garouste quand il se trouve confronté au fait que la peinture est morte après Duchamp, discours des Beaux-Arts de son époque. Faire le point sur ce que tu veux vraiment : être un écrivain contemporain ou raconter de bonnes histoires, voilà le nœud. Étonnant que je ne découvre ces livres sur Lovecraft qu'après avoir effectué l'ébauche de ce petit portrait le matin même.|couper{180}

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Carnets | janvier 2023

17 janvier 2023-4

Tu intègres les actes manqués comme des actes au même niveau que tous les autres. C'est-à-dire une ruse encore qui provient de ton unité cachée. Parler de l'inconscient est trop facile à ce point donné du parcours. Ainsi hier, tu oublies complètement la réunion Zoom où doit s'exprimer Laurent Mauvignier. Peut-être que si tu y penses aujourd'hui et que tu en cherches la raison, c'est affaire de trop grande proximité. Une inquiétude qui en découle aussitôt que l'on s'imagine cette proximité. Mais ce n'est pas une première fois. Toutes les occasions où se reconstruit l'idée du danger d'une telle proximité, tu pourrais les récapituler et les lister. Une énergie est bloquée là. Et il semble qu'une volonté obscure exige qu'elle le reste. Volonté à laquelle tu as pris d'instinct l'habitude d'obéir. Obéissance que tu peux mettre en parallèle avec ton obstination à n'être toujours qu'un débutant en toute chose.|couper{180}

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