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Carnet 13
2h23. Arrêter une image. la force d’une image c’est sa durée. Année 1735, 2h24. Une image arrive, puis s’immobilise par l’écriture. De petits points mobiles mouchetaient le ciel, sorte de graphie en mouvement qui peu à peu se rapprochait. C’était des oiseaux et parvenus à notre aplomb ils se mirent à tournoyer au dessus de la goélette. Appuyé contre le bastingage, le capitaine plissait les yeux à la recherche de signes sans doute encore plus précis mais la brume devant nous encore épaisse, flottait toujours sur l’océan. Peut-être une île me dit-il comme s’il se parlait à lui-même. Enfin le vent se leva et déshabilla l’horizon pour faire apparaître une terre. Elle n’était qu’une masse sombre qui s’étendait au jugé sur a peine quelques kilomètres seulement. C’était effectivement une île, une petite île. Mais comme nous naviguions depuis des jours déjà, sa petitesse ne gêna en rien la joie de la distinguer. enfin une terre. Et nos espoirs de faire le plein d’eau et de vivres se ravivèrent comme un foyer presque éteint sur lequel on place une bûche neuve. Parvenus à quelques encablures de cette terre inconnue nous vîmes qu’elle était bornée de hautes falaises, qu’aucune plage hospitalière ne nous permettrait d’aborder l’île sans encombre. Le capitaine décida de contourner cette difficulté, premier aspect peu engageant de l’île, mais au bout de quelques heures ne trouvant aucune possibilité d’envoyer une chaloupe, je vis ses épaules retomber, son corps se fléchir légèrement ce qui était un spectacle aussi insolite que celui qu’offrait cette terre impraticable. Qui après s’être laissée découvrir au loin se refusait. Enfin, à force d’obstination nous découvrîmes une sorte de lagune mais dont la dangerosité n’était pas moindre que les hautes falaises. Des centaines de récifs pointaient à sa surface et tout au bout on pouvait distinguer une étroite plage. Il fut décidé de jeter l’ancre à bonne distance pour ne pas endommager le navire puis une chaloupe avec quatre hommes montèrent sur l’embarcation fragile. Des vagues brèves mais violentes semblaient surgir de toutes part et c’est le capitaine lui-même qui s’était mis à la manœuvre aidé par un homme d’équipage qui aurait pu être mon grand-père. Cependant que ce dernier disposait de réflexes et d’une habilite inattendue chez un vieillard. Aussi après encore une bonne demie heure d’efforts nous arrivâmes enfin à la côte. Depuis la petite plage constituée pour l’essentiel de rochers et de cailloux nous aperçûmes un sillon qui gravissait la pente menant vers les hauteurs et nous décidâmes de nous y engager. Le sol était boueux et glissant comme s’il venait de pleuvoir à verse. Pourtant au dessus de nous le brouillard s’était dissout complètement laissant place au ciel d’un bleu profond. Le capitaine fronça les sourcils. Puis il extirpa un objet étrange que je reconnu être un de ces sextant, une toute nouvelle invention fort utile pour la navigation maritime. Il y avait désormais plusieurs jours que nous avions quitté Varadero, et l’île de Cuba pour rejoindre Key west dans l’archipel des Exumas et jusqu’ici jamais à ma connaissance il n’avait eu besoin d’utiliser cet objet. Il aligna le sextant sur l’horizon à l’aide d’une sorte de lunette au travers un miroir transparent et fixe puis je le vis manipuler l’alidade pour faire pivoter le miroir principal et viser le soleil. Enfin quelques secondes lui suffirent pour ramener le reflet de celui-ci sur l’horizon par un procédé nommé “double reflexion”. il ne restait plus qu’à mesurer l’angle sur le limbe. Puis il resta silencieux et personne n’osa rompre ce silence. Cependant que tous attendions son verdict. Il était evident que nous avions dérivé hors de notre cap premier ce qui n’était une surprise pour personne étant donné les grains phénoménaux que nous avions rencontrés. Pendant que nous restions silencieux je regardais tout autour de nous. L’île n’était plantée d’aucun arbre, d’aucune végétation, les oiseaux eux-mêmes avaient disparu. Je me penchais sur le sol pour l’examiner de plus près et je j’aperçus pas le moindre insecte, pas là plus petite trace de mousse ou des lichen. C’était une île déserte absolument, une île qui probablement venait de surgir du fin fond de l’océan ce qui expliquait son absence totale d’habitants. Sans doute le capitaine était-il parvenu à la même conclusion car il dit soudain tout haut que nous allions nous retrouver à cour d’eau potable. Il paraissait en effet improbable d’en trouver sur l’île. Aussi loin que portait notre regard nous ne vîmes que des rochers sombres une étendue luisante et inquiétante malgré la lumière du jour faisant reluire sa surface. 4h16 aujourd’hui. “Produire du réel” à partir d’un billet de Thierry Crouzet lisant Aurélien Barrau. Perso pas bien fan d’Aurélien Barrau non plus. Mais produire du réel, quel type d’action est-ce que je peux mettre en place pour y parvenir. Et de quel réel s’agit-il. Un réel que je désirerais autre qu’il est actuellement. Pas le mien uniquement. Comment agir pour impacter le réel. Est-ce que nous ne faisons pas cela tous les jours. Sauf que nous le faisons peut-être avec des intentions insufisamment réfléchies. 18h05. Une image qui se dérobe plus on s’en approche|couper{180}
      
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Carnet 11
5h30. Proposition d'exercice Lire et écrire. Le tout premier contact, le premier échange entre ces deux mots, les vases communicants. Noël 1965, cette année-là mon tout premier vrai livre, sans illustration. "Un bon petit diable" de la princesse née Rostopchine dite Comtesse de Ségur. C'est ma mère qui me l'avait offert. Et bien sur une identification immédiate. Je crois que je me suis mis à écrire aussitôt. Pas besoin de crayon, de papier à cette époque. je n'avais qu'à respirer et tout ce que je voyais se transformait en imagination. Je me souviens de la folle qui, la nuit, ouvrait sa fenêtre à la façade d'en face de la chambre où je dormais dans le même lit que mon grand-père. Je me levais et me tenais derrière le rideau pour l'observer sans qu'elle ne me voit. Elle se confondait avec le personnage d'une madame Mac'Miche monstrueuse. A partir de ce premier livre la lecture me devint essentielle pour nourrir l'imagination débordante, souvent désastreuse dont j'étais la victime malencontreuse. Ce fut là toute ma diablerie. 7:26. parler d'écriture au cours de la vie scolaire serait probablement une erreur. La notion de devoir à faire, souvent rébarbative. Les rédactions sur un coin de table au dernier moment. Peut-être en ai-je retiré une notion d'urgence dont je ne me suis plus jamais départi par la suite. Ce qui n'est pas pour l'écriture une bonne chose à mon avis. L'urgence de publier encore moins. Mais s'astreint-on toujours à effectuer de bonnes choses, de bons choix. Il faut bien étudier les mauvais pour faire la part des choses. Un souvenir remonte pourtant de l'enfance encore. La lecture des bandes dessinées et l'envie d'en réaliser moi-même. Je faisais tout de A à Z ; Le scénario, la mise en page, le story board, beaucoup de croquis d'esquisses que je copiais dans les livres de Corto Maltese notamment pour moi l'un des plus grands en économie de traits, en raccourcis, en efficacité. Jusqu'à la fin de la 6ème je voulais être auteur de BD. Et puis l'entrée en pension, la lutte quotidienne pour ne pas se laisser piétiner, la barre fixe. Et les seuls textes que j'ai vraiment écrits durant ces trois années carcérales sont les lettres à N. En revanche je lui écrivais tous les jours. En 6ème justement, au collège de l'Isle-Adam. J'écrivais des poèmes bien sur. Surtout parce que j'adorais Jacques Prévert, Guillaume Apollinaire, José Maria De Heredia. J'écrivais des poèmes parce que je voulais rester seul plus longtemps avec des mots comme Cipango et Zanzibar. Tout fut balayé avec l'arrivée en pension. Plus qu'un seul mot d'ordre alors : se faire la malle, sortir des limites. Se tailler. De ces trois mots explorés de fond en comble se tailler reste encore d'actualité. Se tailler comme un crayon. 18:01. Deux petits formats 30x30cm techniques mixtes. Pas encore certain qu’ils soient terminés. Comme d’ailleurs tout ce que je fais. En ce moment je lis quatre livres en même temps selon l’état d’esprit du moment un paragraphe par-ci un autre par-là. Une autre façon d’organiser un réseau social personnel. Tout à l’heure suis parti rechercher mon épouse au vide-greniers de Saint-Clair du Rhône. Une bonne demie-heure en prenant mon temps. Une émission sur un bouquin de Guy Debord, Poésie etc. J’apprends ainsi son goût pour Li Po que je partage depuis des années. Dans le fond les gens avec qui je me sens le plus d’affinités sont très souvent des autodidactes ayant crée leur propre système de pensée. Pensée pour Dubuffet, pour de nombreux artistes d’art brut ou singulier. Puis au retour j’apprends que mon épouse a passé son dimanche entier pour 30 euros. Tout ça pour ça je dis, soupe à la grimace assurée pour la soirée, je regrette aussitôt ma réflexion mais, trop tard. Tu as rapporté combien toi aujourd’hui dis moi… et c’est comme ça qu’on se gâche un dimanche soir évidemment, ce devait être une trop belle journée certainement’|couper{180}
      
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carnet 08
4h40. Hier mercredi beaucoup de peine pour écrire car pas de temps. Apprendre à écrire dans sa tête. Penser à Maupassant qui n’avait que deux heures avant que le coursier du “Gaulois” ne surgisse pour récupérer ses textes. Exercice du jour : Des noms propres. 480 signes uniquement composés de noms propres qui se suivent à la queue leu leu. Encore une fois l’apparence simple. Chercher le loup. Comment s’y prendre sans trop lire dix fois la consigne. En premier par ordre chronologique. Les noms propres de l’enfance. Comme ils se présentent pêle-mêle : Bori Michon Desnoux Debord Papalia Doignon Carion Bougerolle Nord Tokadzé Marchand Ducroc Carré Forget Lamy /Observation : On croit que c’est facile mais pas tant. Les premiers viennent facilement ensuite obligé de faire un effort et enfin malgré l’effort forcé est de constater que plus grand chose ne vient. On pourrait parler d’un abîme dans lequel se seraient évanouis tous les autres noms. On retrouve une silhouette, un visage vague mais impossible de coller un nom sur eux. Reclasser par ordre alphabétique : Allard Augagneur Berger Blancheton Bougerolles Bori Carpi Carré Carion Desnoux Doignon Ducroc Forget Marchand Nord Lamy Papalia Renard Richaume Cela vient mieux par ordre alphabétique, plusieurs autres qui arrivent. Et tout ce que ça déclenche de souvenirs fugaces. Mais ce n’est pas l’exercice de déplier tout cela. Noms propres adolescence. Une possibilité de les retrouver ainsi mais aussi par lieux. Parmain et l’Isle-Adam. D’abord comme cela vient. Morel Peritore Nury Berger Vacher ou Levacher Gracht Stassinet Bourgeois Lefranc Uderzo Goscinny Lecureux Cheret Marvel Sartoris Guzzon Sinchetto Chierchinni Vaillant Blyton Butchart Voilier Sooner Ségur Twain Dickens Poe Frazetta. /Observation : j’ai inclus les noms propres des dessinateurs de BD, aussi les noms d’écrivains que je fréquentais à cette époque en ces lieux. Exercice très intéressant même si pas facile. Comment s’y prendre, méthodes mode d’emploi pour que ça revienne. Sphères. Temps, lieux, intérêt. Affection répulsion. Rapports amicaux ou au contraire de détestation. Rapport de pouvoir, d’obédience. Etc etc. Je mets en illustration de cette page le travail des enfants de 6 à 9 ans hier sur les arbres. Et cette question qui vient : se rappelleront-ils à l’âge adulte le nom de leur professeur. D’ailleurs la plupart ne le connaissent pas. Ils m’appellent monsieur ou Patrick. 14h58. Qu’est-ce qu’un nom “propre” aujourd’hui … Urssaf Cipav bnp cic sarl machin huissier de justice Cfe Carsat Edf Free Sigarp peintres de la bouche et du pied Aga Maison des Artistes Dgfip Youtube Zen Keith Jarrett Édouard Levé : “je suis lent à comprendre que quelqu’un se comporte mal avec moi”. Rien que pour une phrase comme celle-ci… ça vaut le coup de le lire. Ça vaut le coup de lire tout court. 15h22 nom propre : Mot ou groupe de mots servant à désigner un objet individuel. Politiciens banquiers actionnaires bénéficiaires profiteurs êtres humains certains joueurs de football lobby zob doudou pipe mug avec un coeur peint dessus gomme à mâcher part de flan nature mon assiette mon job ma chatte mon porte-clefs ma porte blindée mon découvert mes problèmes de fin de mois 15h47 Lire Saint-Simon. Chaque phrase en moyenne trois verbes. Une triangulation de la phrase. Peut-être une fonction proche du GPS moderne, où une façon de localiser un événement, un fait.|couper{180}
      
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Carnet 07
10h30. La page est prête, ne manque que la proposition. Mais on pourrait s’en imaginer une tout seul si celle-ci tarde trop, ne vient pas. Peut-être que l’exercice serait cela d’ailleurs, exactement cela. 12h22. dans les ateliers d’écriture, j’essaie de saisir la raison pour laquelle l’intime, le personnel n’est pas convoqué. Je me demande bien sur quoi on peut écrire alors… bizarre bizarre. 15h. Peut-être plus dans la liste de diffusion des propositions par mail. Donc continuer comme pensé ce matin . En inventant une proposition. A une main un point. le petit signe que fait JW quand il rencontre une dame. Il le soulève légèrement d’un doigt mais ne le retire pas. Le chapeau. De l’index. Admettons un exercice proposé. N’importe lequel. Décrire une pomme, une simple pomme en une phrase. Ce ne sera toujours qu’un élément autobiographique. La femme du peintre lui impose de peindre des pommes pour qu’il s’abstienne de faire appel à des modèles. Et même le fait de ne conserver que ce souvenir d’une lecture. C’est que ça résonne avec un élément autobiographique. Peut-être pas tout à fait le même d’ailleurs, on peut sauter d’une pomme à une poire ou une pêche. Ce ne sont pas les choses en elles-mêmes, mais comment toi tu les relis. Même s’il n’y a que toi qui les relis ainsi, surtout s’il n’y a que toi. Tous les visages qui surgissent sur la toile sont aussi des autoportraits que ce soient des femmes n’y change pas grand chose. C’est ta vision de la femme que nul autre que toi ne peut y reconnaître comme une donnée autobiographique. D’où le terme de visages imaginaires pour à la fois donner une piste et la brouiller presque aussitôt. Ce que je ne dis pas de moi est aussi autobiographique. Tout cela entraîne forcément que tout ce qui est nommé fiction soit à prendre avec des pincettes. 22h41. Conservée dans un coin de la tête pendant mes cours.Reçu la proposition en fin de journée. En gros un visage croisé qui n’est pas celui d’un proche. Le tout en un trait. Tout de suite Cocteau, ses dessins. Et Matisse. Je me retrouve propulse rue Sainte-Catherine, un vieux couple qui m’avait accueilli la première fois pour participer à une séance de modele vivant. Un vieux prof près de moi, ses traits à peine lisibles sur le blanc du papier. Une fille bleu blanc rouge discutait avec une cliente au bureau de tabac de Vienne. J’étais en retard, un homme à tête de pastèque à vu mon impatience. Par vingt ai-je précisé pour le paquet.|couper{180}
      
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carnet 05
Le ciel. On ne se souvient pas de ce ciel ci ou là en particulier, mais on l’attend. On se tient prêt à l’accueillir. 5 fois dans la journée, prendre une photo si possible et s’arrêter pour noter. Que la phrase fonctionne avec la photographie. 3h46. Traversé la cour qui sépare la maison de l’atelier, pas regardé en haut. pas vu la lune, senti vaguement.une étendue noire au dessus de la tête. Normal mal dormi, tête dans le cul. Relu le mail de l’exercice du jour. Puis suis ressorti pour mieux regarder. Vu la lune cette fois entourée d’un halo. Pris une photographie avec l’iPhone, photo qui ne rend pas grand chose, lune si petite, si éloignée. Dans la nuit de dimanche à lundi réveillé de bonne heure, traversé la cour avec ma tasse de café à la main pour me rendre à l’atelier. Pas levé les yeux au ciel, senti l’obscurité au-dessus et tout autour. Puis appui sur l’interrupteur, éclairage des néons, relecture du mail pour l’exercice du jour. Ressorti juste après pour lever la tête et mieux regarder. Une petite lune entourée d’un halo, pris une première photo avec mon portable. Mais image pas terrible. Ressorti de nouveau pour zoomer, à mieux observer vu une couleur légèrement bleutée comme si la lune se trouvait très au- dessus des nuages, comme si j’étais au fond d’un gouffre matérialisé par la figure d’un cône tout à coup. Suis à la base alors qu’elle se tient au sommet, que le périmètre de cette ouverture donnait sur un autre monde. Fait une recherche ciel et poèsie, suis tombé sur des définitions de mots croisés , puis suis arrivé sur la page du printemps des poètes. Noté éther et nue. Ce qui me fait penser à un ciel de morve. Voilà pourquoi je ne participe pas au collectif. Je tourne vite trop vite trop souvent les choses en dérision. La dérision, une façon de jeter l’éponge. De ne pas lâcher une certaine idée de médiocrité générale à laquelle je m’attache comme Ulysse à son mat. J’entends bien, parfaitement le chant des sirènes, surtout toute l’ incohérence dissimulée au-delà. Parfois une velléité de briser les liens, que je repousse aussitôt comme si je savais pertinemment ce que cette incohérence aura comme effet sur moi. Mais tout bien pesé, qu’est-ce que j’en sais. Et puis être dévoré par des sirènes pas pire sans doute que de l’être par l’administration fiscale, l’URSSAF, la Cipav. Raisonnement terre à terre sous les nues noires, un mouchoir sur la tronche bourré d’éther pour m’endormir tout seul. Inversion de la logique collective, s’endormir en raisonnant alors que c’est rêver debout le chemin le plus simple. La lune est ceinturée d’un halo. Ce qui m’emmène chez Apollinaire, à zone, texte qui ouvre le recueil d’Alcools. Zona en grec est une ceinture. C’est désormais un mot pour exprimer cette fameuse médiocrité. La zone, la banlieue en opposition à la ville intra muro. Habiter dans la zone, vivre dans la zone, être un zonard. Mais Apollinaire à placé un accent circonflexe. Dans l’édition originale il écrit zône. Ce qui est aussi un vêtement religieux. plusieurs sens possibles dans ce mot, et le fait de placer ce poème en ouverture. Pas oublier qu’à l’origine le titre du recueil devait être “eau de vie” et aussi qu’il est écrit pour Marie Laurencin ( cycle de Marie) Laure “enceint”, Laure “ceinture”. Chenapan d’Apo. A la fin tu es las de ce monde ancien Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin Tu en as assez de vivre dans l'antiquité grecque et romaine Ici même les automobiles ont l'air d'être anciennes La religion seule est restée toute neuve la religion Est restée simple comme les hangars de Port-Aviation Seul en Europe tu n'es pas antique ô Christianisme L'Européen le plus moderne c'est vous Pape Pie X Et toi que les fenêtres observent la honte te retient D'entrer dans une église et de t'y confesser ce matin Tu lis les prospectus les catalogues les affiches qui chantent tout haut Voilà la poésie ce matin et pour la prose il y a les journaux Il y a les livraisons à 25 centimes pleines d'aventure policières Portraits des grands hommes et mille titres divers J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom Neuve et propre du soleil elle était le clairon Les directeurs les ouvriers et les belles sténo-dactylographes Du lundi matin au samedi soir quatre fois par jour y passent Le matin par trois fois la sirène y gémit Une cloche rageuse y aboie vers midi Les inscriptions des enseignes et des murailles Les plaques les avis à la façon des perroquets criaillent J'aime la grâce de cette rue industrielle Située à Paris entre la rue Aumont-Thieville et l'avenue des Ternes Extrait de zone, Alcools, Apollinaire. 7h:00. Lassitude après avoir voyagé loin et si vite et de devoir revenir. Lundi se dresse d’autant que je me courbe. Au fait du petit toit cette lueur en étoile jeune et jaune. Et au-dessus le violent viol assez du bleu. Dormir ce serait bien. S’opposer une fois de plus au matin. 9h:00 le coeur n’y est pas. Mais le cœur n’a rien à voir là, dedans. Lève les yeux au ciel et vois il est là haut quelqu’un est passé pendant que tu t’ assoupissais ce ne sont pas les moulins mais les moutons de ce vieux cœur. Eluard, ses périodes, ses amours, simple comme bonjour. Simple comme Paul. Je pense à Dominique, enfin à sa rencontre avec Dominique. Cette réactivation nucléaire incroyable dont il était capable derrière son aspect délicat. Et tout de suite après aux cailloux qui attirent toujours le plus mon attention dans les chemins. Les cailloux qui n’ont à priori l’air d’être que de simples cailloux. Puis je les prends dans la paume un par un un, le lisse est le point commun. Et est-ce que je me soucie du ciel à ces moments là. Non, bien sûr que non, de la terre, de l’eau de la boue et des pierres mais pas du ciel. Et dire qu’un jour, sur la route qui descend depuis la petite église d’Auvers j’ai eu ce toupet de déclarer à cette fille que j’avais la clef du septième ciel. Elle n’attendait que ça, voilà pourquoi, et donc c’était bien plutôt pour m’en débarrasser. Sauf que l’effet ne fut pas immédiat. Bizarrerie des souhaits. Eluard sacralise la femme. Si j’étais une femme cela m’ennuierait, peut-être pas au tout début, j’en sourirais, je penserais à une blague. Mais si ça dure un peu trop longtemps je me dirais que ce n’est pas de moi dont il est question. Voir le ciel dans ses yeux, je l’ai fait. Pas d’appareil photo à l’époque, les images sont tatouées quelque part dans une des galeries, très lointaine du cœur. Parfois cela ressurgit sans que je le veuille quand je peins des visages. Se noyer dans un regard comme une pierre dans le ciel 13h11 : un ciel de Borinage, quelque part au dessus de Boussu. J’imagine même la petite maison de Marcel. Le toit refait à neuf. Et aucun livre encore à l’intérieur, j’avais pris des notes il y a longtemps sur “quintes” paru en 1963. Auteur Marcel Moreau. Une femme sans taille. brise boiteuse. poussière dure. Le soleil avare. Un crachat significatif. Il y avait de nombreuses convexités dans le ciel, il était pavé de dos de gibbon noirs et velus c’était funèbre et fulgural. 16h50 ciel pris depuis l’intérieur de l’atelier. Ce n’est pas l’usine mais ça me le rappelle. Le coucher de soleil comme aspiré par les bâtiments, peut-être à Aubervilliers. Même serrement de coeur. Le soir qui vient, puis ce sera la nuit. Métaphore de la fin de quelque chose. Cette impression de fin en suspension dans l’air, omniprésente désormais. Pas pour rien que j’ai pensé à Moreau tout à l’heure. Virer la pensée, retrouver la sauvagerie, l’impulsion. Mais quand je me relis je ne vois que des propos beaucoup trop polis. Un ciel sans espoir, l’espoir marchandise que l’on nous vend, que l’on vend à tous ceux qui ne savent pas quoi faire de leur présent. Mais débarrasser le présent de tout espoir qui y arrive…|couper{180}
      
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Carnet 02
Pas pu avancer sur cette grande toile, elle ne me dit rien. Silence entre nous. Comprendre de quoi parle le silence. Proposition, Un souvenir lacunaire relié au présent. Des idées qui viennent tout au long de la journée. Rien de gravé dans le marbre pour ce billet qui peu ou non s’étoffer, ce modifier au cours des heures à venir. 8h28. La mémoire comme une étoffe qui sans cesse se déchire pour se refaire une beauté. Possible qu’un peintre qui ne comprend pas grand chose à la peinture surtout parce qu’il refuse de comprendre tout ce qui a déjà été dit y compris par lui-même, se réfugie perpétuellement dans le lacunaire. Ce qui vient en premier sur la toile : souvent une illusion, le remplissage crée par l’illusion. Mais avec le recul la perception quasi immédiate d’une supercherie utile. D’un mensonge que l’on fabrique à dessein. On ne peut le faire véritablement qu’à partir justement de cette sensation d’être condamné au lacunaire. Écrire c’est comme peindre il faut traverser le remplissage depuis une certitude du lacunaire. Respirer le vide et être respiré par lui. Belle phrase, trop belle probablement. 12h35 Promenade à Chavanay, brocante, 2 euros l’entrée. Pour le sou des écoles. Tombé en arrêt sur une petite boîte de cigares de la marque Panthère. L’odeur m’en remonte aussitôt au nez. Mon père collectionnait les boites vides après avoir rejeté dans l’atmosphère leur contenu par la bouche et le nez. Jamais retrouvé ces boites en déménageant ses affaires. Peut-être ai-je rêvé. Peut-être était-ce un autre qui constituait cette collection. A moins que comme beaucoup d’autres choses il ne les ai tout simplement jetées à la benne les jugeant tout aussi inutiles que les vêtements, les chaussures, les flacons de parfum de ma mère, une fois celle-ci décédée. Je ne me suis pas autorisé de demander le prix. 13h. Après avoir eut un doute, recherche Google sur l’orthographe de Panther. Celle vue est une boîte métallique, je retrouve soudain d’autres emballages mème marque. En à peine une seconde toute une époque défile. 16h49. Se perdre dans les détails, une spécialité. Un jeu. Pour retrouver son chemin ensuite oublier tous les détails en remontant à la source d’une intention. Rouge. Ensuite voir ce qui reste. Le lacunaire est aussi lié au détail. Comme il l’est au Rouge Baiser. On l’attrape par le détail, puis on l’exagère ce détail d’une façon fractale. Les végétaux fonctionnent ainsi par une arborescence de détails qui leur sert à trouver leur forme, à s’en souvenir peut-être. Le même tableau avec moins de détails. 19h32 « HAMID RAMOUZ (1818 – 1906) Ce matin j’ai commencé un poème sur Hamid Ramouz – soldat, érudit, coureur de déserts - qui se tira une balle dans la tête à quatre-vingt-huit ans. J’avais tenté de lire la notice du dictionnaire sur cet homme curieux à mon fils – nous cherchions quelque chose sur Raleigh – mais il s’est impatienté, et il avait raison. C’est arrivé il y a des mois, le garçon est chez sa mère à présent, mais je me rappelais ce nom : Ramouz – et un poème a commencé à prendre forme. Toute la matinée je suis resté à ma table, les mains allant et venant sur des espaces illimités, en essayant de me remémorer cette vie étrange. » Extrait de Les feux CARVER Raymond|couper{180}
      
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carnet 01
Deux propositions dans le cadre de l’atelier d’écriture « le grand carnet ». Ce qui vient de l’extérieur, sensation, décalage, image, pas de notion de durée, ou au contraire, quelque chose qui nous surprend, attire notre attention.On construit seulement l’attention, l’attente ce qu’il faudrait faire dans la journée à venir, faire simple, pas plus de 480 signes. Proposition 1. 20h Irigny Maison de la Tour, sorti fumer une cigarette. Un moment à contempler l’olivier dans le grand pot près de l’entrée. La pluie qui avait duré toute la journée s’est arrêtée. Pas pris mon IPhone sinon j’aurais photographié quelques feuilles et une partie du tronc en gros plan. Les petites gouttelettes résiduelles, les verts sombres, l’aspect humide de l’écorce. Une émotion tranquille. Le calme au beau milieu de l’agitation. Proposition 2. Autoroute la nuit, beaucoup de buée sur les vitres. Visibilité difficile. Problème d’aération, il faudrait soulever le capot demain et nettoyer les feuilles qui sont probablement collées aux filtres. En attendant j’ouvre la vitre côté conducteur, pas vraiment froid, de petites bourrasques s’engouffrent dans l’habitacle, la fraîcheur me tient éveillé. Nouvelle élève demain à 9h. Prévoir une chaise en plus.|couper{180}