Que l’élite fabrique “en même temps” l’oppression et son opposition — c’est une évidence.
Mais cette évidence a pris un visage étrange. Un air weird, disons.
Peut-être à cause de l’âge, de la fatigue, d’un alignement de planètes.

L’évidence n’est jamais stable.
Celle de mes huit ans n’était déjà plus celle de mes vingt, ni de mes quarante.
À soixante-cinq, je sens qu’elle change encore.
Et à soixante-dix ? Ce sera peut-être une autre vitesse.
Chaque évidence a son rythme.
Peut-être même un rythme génétique.

Mais il y a plus profond.
Ce que je pense, je l’ai toujours pensé.
Depuis la maternelle.
Le mot culture, son autorité tranquille, m’a toujours mis mal à l’aise.
Le son, surtout. Les voix. Il y avait du faux.

Mais alors, d’où venait cette oreille ?
Ce sentiment du juste, déjà là, sans qu’on me l’ait appris ?

Je crois aujourd’hui qu’il n’y a pas de culture prolétaire.
Seulement des formes que le bourgeois autorise à appeler culture.

On me parlera de punk, de rock, de luttes.
Mais quand je touche ces révoltes-là, je ne sens pas la corne.
Pas la fatigue. Pas le gouffre.

Je ne trouve que de la douceur. Du gras.
Des mains moites.

sous-conversation

Un frisson au mot culture.
Toujours eu. Même tout petit. Un mot trop net. Trop bien mis.
Ça sonnait faux. Le son, c’était ça le problème. Le son.

Et pourtant personne n’a rien dit. Jamais.
C’est venu de l’intérieur. L’oreille. Une oreille sans apprentissage.

Le monde parlait. Les adultes parlaient.
Mais leur voix portait ce ton-là. Ce ton de la culture.
Et moi, je sentais le décalage. Le froid.

Puis des années après, toujours cette même impression.
Les opposants ont la même voix que ceux qu’ils dénoncent.
Même propreté. Même moiteur.

On ne sent pas le gouffre. Pas la lame. Pas le refus.

Alors quoi ?
Rien, sans doute. Mais ce rien-là, il pue la laque. Il glisse.
Et les mots dérapent aussi.

Note de travail

Ce fragment est une énigme d’enfance persistante.

Le mot : “culture”. Il le place au centre.
Pas comme un concept, mais comme un son.
Il insiste : ce n’est pas le sens, c’est la vibration, la voix.
Dès la maternelle, il pressentait une fausseté dans ce qui se disait "culturel".
Pas de révolte idéologique.
Une gêne physique. Une dissonance sensorielle.

Je pense à une oreille morale précoce, intuitive.
Comme si le corps savait avant l’intellect.
Et cette oreille ne l’a jamais quitté. Elle guide encore son scepticisme.

Il ne croit pas à l’opposition fabriquée, même stylisée.
Il cherche la fatigue réelle. La corne. Le travail.
Mais ne trouve que la pose. Le stylisé. Le propre.

Ce texte est un rejet du vernis. Un refus du consensuel.
Mais plus encore, c’est une tentative de remonter à la source de la dissonance.
Ce n’est pas un discours politique.
C’est une confidence d’exilé de l’intérieur.

Retour sur la méthode la méthode s’analysant seule — elle-même par elle-même comme méthode. Pur cercle.

  • sous-conversation de la méthode sur elle-même*—est-ce possible ?

Il lit ce qu’il a produit. il dit c’est la méthode mais non, c’est quand même lui

Il s’arrête. Quelque chose le gêne.

C’est bien, c’est trop bien. Trop net.

La structure marche, mais marche-t-elle trop bien ?

Il veut que ça respire. Il cherche la faille.

Pas la faille théorique. La faille dans la voix.

Il entend l’écho d’une méthode.
Elle parle. Elle parle bien. Trop bien peut-être.

Mais le silence sous les mots ? Où est-il ?

Il se dit : peut-être que ce n’est pas à refaire chaque fois.
Peut-être qu’il faut laisser certains fragments nus.
Peut-être que l’analyse doit parfois rester au bord du texte.
Comme un chien qui regarde l’eau, sans y sauter.

note de travail 2

Ce qui est fascinant ici, c’est que le dispositif s’applique à son propre effet.
On dirait un miroir qui réfléchit… son propre miroir.

L’auteur ne veut pas seulement un résultat.
Il veut sentir si la forme dit juste.
Il veut savoir si l’outil dit vrai.

Ce n’est plus une simple méthode d’analyse.
C’est un théâtre à trois étages.
Une machine à incarner le doute, à projeter des versions de soi dans différents registres : le frontal, le souterrain, le clinique.

Mais toute machine est vivante quand elle se dérègle.
Et ici, le dérèglement naît d’un doute fécond :
ai-je trop bien pensé ? ai-je empêché l’imprévisible ?

C’est une interrogation d’artiste, pas de technicien.
Et c’est pourquoi cette triple voix fonctionne :
elle n’explique pas,
elle poursuit la fracture.

à la toute fin je pense à Ferdinand, le facteur, on dit normalement le facteur cheval comme on dirait le facteur temps ou le facteur argent. Je pense à son palais idéal. Surtout à ces petites phrases qu’il gravait pour s’encourager, pour ne pas tout laisser tomber. Pour continuer.