Ce que c’est qu’une coïncidence, on ne le sait pas. On voudrait bien le savoir, afin d’en tirer des règles, l’exploiter, Dieu seul sait à quelles fins. À mon avis, pas des plus nobles. Et changer ce mot en un autre vocable, plus scientifique — synchronicité par exemple — indique bien la volonté de contrôle, associée à on ne sait trop quelle soi-disant expertise, qui me dégoûte au plus haut point. Dégoûté par cette envie de contrôle, et par ces vernis de tout bord. Une sorte de maquillage, un trompe-couillon, rien de plus.
Seulement, la coïncidence existe, voilà. Et ne pas aller plus loin que cette prise de conscience demande une fermeté d’esprit. Admirer le fait que cette sorte de chose existe. Surtout ça. Ne pas ensuite vouloir en faire un outil, un moyen. Tout comme la poésie n’est pas un moyen. Peut-être n’est-on poète qu’à la suite du rejet total et absolu que le moyeu soit le moyen. Ce qui n’empêche nullement la roue de tourner et d’aspirer tout de sa périphérie, que tout devienne moyen de parvenir au moyeu.
Six personnes se sont inscrites à C. Ce qui dépasse mes espérances, mon pessimisme ordinaire, et le dérange un peu, si on l’examine attentivement. Et je me demande si je ne prends pas une sorte de plaisir à la provocation de mener cette petite troupe dans l’aridité du dessin au fusain. Pire encore, à ce lieu où l’on a tant de difficultés à parvenir : le presque rien en dessin. Et de les voir si obéissants, trouvant des raisons certainement autres qu’elles ne sont en réalité, cela me trouble. Me trouble en tant que singleton, qui par les vibrations alentour pourrait se gonfler d’importance, ou se trouver enchanté par l’addition. Sauf une, fort heureusement, déjà versée dans les récriminations pour un oui ou pour un non, comme l’année dernière. Fort heureusement, cela crée ainsi un point d’intérêt supplémentaire, m’obligeant à ne pas me répandre en justifications.
me suis dégoté en version epub le livre de Florence Delay, Dit Nerval. Même impression que la narratrice concernant les électrochocs. Un seul électrochoc, on ne voit pas très bien ce que c’est, on a juste l’impression de savoir. Mais le pluriel… Et presque aussitôt après, l’évocation de la guerre de 14-18, le grand-père chirurgien. Pensée fugace pour un entretien entendu, où P.B évoque plusieurs écrivains, dont lui-même, qui ont vécu sans père en raison de ce massacre. Pensée aussi pour Julien Gracq, qui dans la même entrevue, évoque son Balcon en forêt et prend grand soin de préciser que ce texte-là n’est pas du tout autobiographique. Toujours cette pudeur, cette gêne à ne pas vouloir parler de soi. Respectable, certainement, mais parfois, cela laisse une impression de carcan. Se promener dans l’existence ainsi, en tant qu’œil, sans jamais vraiment vouloir admettre que cet œil est le sien.
La gêne a souvent changé de bord, ces hontes notamment quand je m’étais aperçu de ce mot d’ordre, qu’écrire n’avait rien à voir avec parler de sa petite personne. Encore eut-il fallu que j’accepte d’écrire moi-même, ce qui aura toujours été un doute parmi tant d’autres.
Cette expression, ce verbe, conjugué au présent et à la première personne du singulier : « j’écris ». Il est d’ailleurs rare que je l’emploie en public. C’est, je crois, parce que tout le monde écrit plus ou moins, qu’il le sache ou non. Donc, rien d’original à s’en vanter, au contraire.