Parmi les cancers, certains sont identifiés, d’autres restent sans cause. On ne les reconnaît qu’après coup, quand tout est fini. Jeune, j’ai lu des manuels de médecine, exploré les manières de disparaître. J’en ai retenu peu, sauf que la maladie peut venir de partout. Un jour, j’ai décidé d’oublier les organes, les symptômes, les alertes. De m’en foutre. La panique est restée, mais au moins elle ne portait plus de nom.

J’ai commencé à regarder les autres. Comment ils fuyaient la disparition. Il y a mille manières, et toutes pour éviter la solitude. Celle-là, on la traque dès l’enfance. On la fuit jusque dans les maisons de retraite. Mais elle revient toujours. Alors j’ai essayé une chose : m’asseoir dans une pièce, rester là. Ne pas ouvrir la porte. Ne pas fuir dans un livre ou dans le frigo. Juste rester, les yeux dans cette bête-là. Et un jour, elle s’est calmée. La lumière est entrée.

C’était moins terrible que prévu. Apaisant, même. Depuis, j’y retourne. Chaque jour si je peux. C’est devenu une hygiène. Fini le besoin d’être avec n’importe qui, fini le masque. On devient plus simple. Et parfois, on regarde les autres s’agiter, et on comprend. Ils fuient encore. La solitude, ce n’est pas un mal. C’est un point de départ.