Peu de mots ont survécu au voyage à travers la matière scolaire. Des cours de techno, presque rien ne reste. Mais *barycentre*, si.

Un mot massif, presque drôle. Quelque chose dans sa sonorité l’empêche de disparaître. Il résiste. Il pèse.

Et ce matin, je lis un poème. Une première strate d’émotion monte, douce. Mais dessous, une autre remue. S’interroge.

Je pense au barycentre.

À l’équilibre.

À ce point muet autour duquel tout tient, ou vacille.

Même nos prières, nos désordres, nos désirs — eux aussi cherchent, sans le savoir, leur centre de gravité. Leur point d’appui.

Camille Claudel le savait. Elle sculptait cette tension-là : l’élan retenu. Le cri figé.

Sans barycentre, tout tombe. Et ceux qui tiennent debout, par force ou par fortune, diraient que tomber, c’est ridicule.

Mais ils ont juste de bonnes assises.

sous-conversation

— Ce mot. Tu ne sais même plus d’où il vient. Mais il est là.

— Barycentre. Énorme. Insolite.

— Tu l’as appris ? Tu l’as subi ?

— Il est resté. Il a survécu.

— Et maintenant… un poème, une œuvre, et ça revient.

— Ce n’est pas qu’un mot. C’est un point. Invisible. Inévitable.

— Tout cherche son centre. Même toi ?

— Oui. Peut-être surtout moi.

— Et eux, les puissants ? Ils croient tenir ?

— Ils oublient qu’eux aussi… chutent.

note de travail

Le patient revient sur un souvenir d’école — mais ce n’est pas la nostalgie qui travaille ici. C’est un mot. Isolé. Rescapé. *Barycentre*.

Il en fait le pivot d’une réflexion sur l’équilibre humain. Et c’est cela qui frappe : la tentative d’ordonner l’émotion, de **donner une forme à ce qui tremble**. L’émotion esthétique (devant un poème, devant Claudel) est aussitôt interrogée par une autre strate — plus mentale, plus inquiète.

Le barycentre devient alors **symbole de la tension interne entre désir et chute, élévation et effondrement**. Il incarne ce point autour duquel nous construisons — ou échouons à construire — notre stabilité.

L’auteur semble dire : *même nos prières ont un poids*. Et si elles n’en ont pas, elles tombent. Ridicules. C’est ce que diraient ceux dont l’équilibre est garanti par l’extérieur : statut, argent, solidité sociale.

Mais ce texte n’est pas cynique. Il est fragile, lucide, habité d’une quête.

Et c’est peut-être là, dans cette oscillation même, que réside sa beauté.