Tout concorde. Tout coïncide. À tel point qu’on aurait tort de parler de coïncidence comme d’un hasard étrange. Trop de coïncidences forment une évidence.
Mais une évidence, qu’est-ce que c’est, sinon une rustine, elle aussi ?
Un petit trou dans le pneu par où s’échappe la raison.
Et la raison ? Déjà une rustine. Posée sur une autre fuite.
De fuite en fuite, on ramasse des mots. Quand ça semble coïncider, on dit : voilà, c’est ça.
On s’en contente. L’essentiel, c’est de contenter l’opinion.
De maintenir le statu quoi.
Quo vadis, mon gars ?
Et malgré tout ça, bizarrement, je vais acheter mon pain. Quelle étrange coïncidence de te croiser.
Toi aussi, en train de chercher ta petite monnaie.
Comme moi.
sous-conversation
… coïncidence ?… non… trop… trop bien aligné… trop juste…
ça sent la ficelle… ou le leurre…
l’évidence… ah… ce mot… encore…
comme une rustine… oui… une rustine sur la rustine…
et dessous ?… rien… peut-être…
des mots… des petits mots… qu’on ramasse comme des miettes…
et on fait semblant… on dit que ça suffit…
contenter… maintenir… faire tenir… même si ça fuit…
surtout si ça fuit…
statu quoi… quo vadis… jeu de mots… vieille blague…
mais ça sonne vrai, trop vrai… ça claque…
et puis… l’image…
le pain… la monnaie…
toi là… moi là…
ridicule et bouleversant à la fois…
juste ce moment… cette collision…
presque rien… presque tout…
note de travail
Le texte s’ouvre sur une apparente certitude : tout coïncide. Mais très vite, cette certitude s’effrite. L’auteur expose, sans insister, que toute évidence n’est qu’un cache-misère. Une rustine.
Ce mot revient, obsessionnel. Il dit l’inconfort, la fuite, le colmatage. L’impossible solidité de la pensée.
Ce que je perçois ici, ce n’est pas un doute, c’est une **conscience du bricolage intérieur**. Une lucidité presque trop vive. Trop blessée. Le langage est suspect, le sens est suspect, la logique elle-même n’est qu’un habillage. L’auteur le sait. Il en joue, doucement.
Et pourtant. Il continue à vivre. À aller acheter son pain.
Le moment final me bouleverse. Il y a quelqu’un d’autre. Un tu. Un être croisé par hasard — ou plutôt dans une **anti-coïncidence** qui redonne chair à l’évidence.
Il ne s’agit plus de raison, de vérité, d’opinion. Il s’agit de reconnaître un autre dans un geste banal.
Et ce geste devient le **lieu exact de la faille et de la consolation**. Comme une rustine posée avec tendresse.
Peut-être est-ce cela, le soin de soi : ne pas chercher le vrai, mais accepter les coïncidences qu’on fabrique.