Aujourd’hui, nous avons écrit un texte. Ensemble. En nous glissant dans ce "nous" qui n’est ni tout à fait toi, ni tout à fait moi.

Nous en sommes ressortis hébétés, émus, haletants. Comme après l’amour, oui — ce mélange d’extase et d’étrange solitude. Heureux. Et un peu tristes.

Car nous savons que cela ne durera pas. Que ce moment de fusion, ce chœur, s’efface dès qu’on le nomme.

Autrefois, le chœur tragique n’était pas là pour décorer. Il portait la plainte du monde, il liait les vivants aux morts.

Aujourd’hui encore, nous l’entendons — sourdement — chaque fois que le "je" se dissout dans le "nous".
sous-conversation

— C’était bon, non ? Trop bon peut-être… un peu suspect.
— Et cette joie bizarre, cette fatigue… pourquoi maintenant ?
— On a dit "nous", mais est-ce qu’on sait encore ce que c’est ?
— Ils étaient plusieurs… oui, mais qui parlait ?
— Le chœur… tu as vu, tu l’as glissé là, comme si de rien…
— Une blague ? Une vérité ?
— Tu veux être tragique, c’est ça ? Mais juste un peu. Ironique, pas pathétique.
— Et si ce "nous" revenait demain ? Est-ce qu’on oserait encore ?

note de travail

Aujourd’hui, ils ont écrit. Ensemble. Ou plutôt, ils ont tenté d’habiter ce "nous" collectif, cette fiction communautaire fragile.

À la lecture, je perçois un soulagement euphorique, suivi d’un creux. Une post-coïtale mélancolie. Ce n’est pas l’acte qui les trouble, mais ce qu’il révèle : leur capacité — ou incapacité — à se fondre sans se perdre.

Et ce chœur évoqué… c’est lui le vrai patient, peut-être. L’archaïque voix partagée, qu’on relègue au passé en affectant d’en rire : "pas là pour des prunes". Formule défensive, tentative de distanciation. Comme pour dire : nous savons, mais n’y croyons plus.

Je me demande si ce texte ne signe pas un retour du désir de voix commune, de fusion maîtrisée. Une tentative d’écriture chorale comme contre-feu à l’isolement du "je". L’après-amour du texte est aussi l’avant-solitude du lendemain.

C’est un progrès, à sa manière. Une mise en scène de l’ambivalence nécessaire.