Elle a décroché le squelette de la potence, puis elle a réglé les lumières. Je n’arrive plus à me souvenir si elle était nue au moment où elle s’est allongée près de ce pantin désarticulé. Ça aurait pu être moi j’ai tout de suite pensé. J’ai essayé de chasser cette idée de mon esprit , mais ça revenait par bouffées. Ensuite ce fut un enchaînement de gestes techniques : regarder dans le viseur, régler la mise au point, appuyer sur le déclencheur. Des gestes anodins. Mais depuis, quelque chose ne pourra jamais plus être comme avant. Il fallait que je parte. J’ai commencé à y penser par petites bribes. C’était difficile parce que j’avais pris des habitudes, peut-être m’étais-je habitué à un certain confort. Si je partais, j’allais perdre quelque chose dont je ne parvenais pas à définir vraiment le nom. Et plus je m’acharnais à tenter de trouver ce mot, plus d’autres mots parasites s’amenaient comme pour m’empécher de plus en plus de le trouver. Ridicule, comme d’habitude fut le mot auquel je décidai de m’accrocher. Grotesque était aussi assez présent. J’aurais aussi pu me laisser aller au chagrin si ce chagrin ne m’était pas aussitôt apparu ridicule et grotesque. Si le ridicule et le grotesque n’avaient pas immédiatement dévoré mon chagrin. Maintenant, elle était là, dans le viseur allongée nue, le corps emmếlé avec ce squelette. On devait l’appeler Oscar comme tous les squelettes que j’avais un jour connus. D’une certaine manière, elle baisait avec Oscar sur l’écran de l’appareil. Elle baisait avec la mort, elle me baisait aussi d’une autre façon. J’ai embrasser toute la scène d’un seul regard puis j’ai appuyé sur le déclencheur.