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Relecture
Il y a quelque chose de douloureux. Douloureux est trop fort, une gène. Je suis gêné lorsque je relis un texte. Pas tous les textes, les miens. Déçu est le mot qui accompagne la gène. C’est décevant, c’est gênant. C’est une question de temporalité. Relire ne s’effectue pas dans le même temps qu’écrire. Ça paraîtra une évidence. Mais si l’on creuse cette évidence on en découvre son étrangeté. Le décalage se fait jour. Le mouvement de l’écriture, le mouvement de la lecture sont deux mouvements distincts. Peut-être parce que lorsque j’écris je ne sais pas du tout vers quoi me mène ce mouvement. Je ne fais que suivre le mouvement avec ses variations d’intensité issues d’un mouvement intérieur à l’écriture elle-même en train de se constituer. Quand je relis je me retrouve face à une chose achevée, une chose morte, inerte, un cadavre. Je ne me sens pas en mesure de dire c’est un bon cadavre, un mauvais, dans mon esprit tous les cadavres se valent. Ce ne sont qu’enveloppes vides, dépouilles de quelque chose qui n’est plus. Se relire est donc lié en grande partie à la mort. Est-ce douloureux de faire face à la mort dans un texte ? Ce serait trop fort, exagéré, grandiloquent. Non il s’agit d’une gène et cette gène crée un empêchement à cet autre mouvement que j’imagine possible bien sûr sans toutefois y accéder : Lire à tête reposée. Lire avec sang-froid. Lire froidement. Lire d’une façon impitoyable ces textes. Voilà quelque chose de nouveau. L’idée d’être sans pitié. Mais pour qui ou quoi ? Pour le texte, pour celui qui l’écrit ou le réécrit en le lisant de nouveau. Avec du recul. Si je m’appuie sur mon expérience en peinture c’est la même chose, une totale absence de pitié envers mes propres peintures. Rare que la moindre trouve grâce à mes yeux quand je prends un tant soit peu de recul. Alors qu’il en est à l’opposé pour les peintures réalisées par mes élèves. Je suis doté d’une compassion sans borne pour les peintures réalisées par les enfants notamment. Peut-être pas tant pour les adultes à la vérité. C’est difficile. Il faut à la fois ménager les sensibilités et maintenir un certain niveau d’exigence. Une exigence que j’attribue au fait qu’on me paie pour donner mon avis, ou des conseils. Il est nécessaire de ne pas raconter d’histoire ici. Il est nécessaire de les raconter habilement. Enseigner demande beaucoup d’habileté pour aplanir les obstacles. Les mêmes très exactement que moi je ne cesse de mettre en travers de ma propre route pour écrire ou peindre. Quel paradoxe. Peut-être qu’un texte achevé, un tableau achevé venant de l’autre déclenche plus d’aménité. Je ne peux intervenir sur une chose considérée comme achevée. Ce n’est pas souhaitable d’intervenir à priori. Qui suis-je pour dire cette chose aurait pu être un peu mieux achevée, ou elle n’est pas tout à fait achevée, ça bouge encore, ça demande à vivre ou je ne sais quoi. Mais quand je pense ça demande à vivre et que cette phrase surgit presque en même temps, simultanément à une notion d’achèvement, j’ai certainement de quoi me questionner. Si ce n’est pas achevé, si c’est encore trop vivant, ce n’est ni mort ni vif à la façon dont je comprends moi qu’une chose est morte ou vive. Qu’en sais je ? Qu’est-ce que je comprends vraiment de ces deux états de l’être ou des objets. Et quelle relation cette ambiguïté entretient elle avec une idée personnelle de la beauté. On parle d’art il faut donc de toute évidence du beau. Ainsi il y aurait la belle mort et la belle vie. Le regard serait posé sur cet horizon, s’aveuglerait de ce mot sans doute. Resterait dans l’aveuglement un certain temps jusqu’à ce qu’une sorte de vision soudaine surgisse balayant d’un coup en même temps ces deux notions de mort et de vie. Les balayant comme on balaie un sol d’atelier en recueillant la poussière dans une pelle. Pelle qu’on vide ensuite sans y penser dans une poubelle tout en recommençant une nouvelle journée. Est-ce que la relecture me gène car elle m’oblige à aller explorer la poubelle. Pour voir si je n’ai pas jeté autre chose que de la poussière. Si je ne me suis pas trompé quant à ce que je considère comme de la poussière, c’est à dire du temps qui passe dans lequel on ne parvient pas à achever correctement quoi ce soit Dans un tel cas il faudrait se mettre à l’écart du temps, s’isoler du temps afin de mieux le considérer pour ce qu’il est. Un espace. Un espace tout à fait semblable à une page d’écriture, un texte. Un espace comme une toile clouée sur un châssis et sur laquelle peine et joie sont mêlés à un point tel qu' elles en deviennent indiscernables. Peut-être que la relecture d’un texte ou d’un tableau représente l’indiscernable. Me replace dans une strate enfantine oubliée dans laquelle la différence n’existe pas encore. Sauf que l’adulte ne veut rien comprendre de cette strate, il ne veut plus y retourner vue la peine, la difficulté qu’il aura eu à s’en extraire bien malgré lui. S’en extraire pour être avec le groupe. Ce qui lui fait finalement détester tout groupe quel qu’il soit par pure réflexe animal. Là ce n’est plus de la gène c’est une véritable douleur. Cela veut dire tout ça pour ça, tout ça que pour ça ? Encore que ce dégoût réflexe ne provient que d’un engouement bâillonné depuis belle lurette Un engouement premier contrarié qui n’est jamais parvenu à reprendre sa forme d’origine. Un engouement premier resté logé comme un poignard dans un mur, auquel, à force de le voir tous les jours planté là, devient parfaitement invisible. Relecture, relire, relier. De belles difficultés quand on s'y penche.|couper{180}
 
      
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d’un point de vue global
Il m'en avait bouché un coin. Comment pouvait-il prétendre voir ça. Pantois, j'assistais à la représentation. J'avais trouvé une place de choix, au premier rang. La difficulté comme toujours étant celle de maintenir sur mon visage l'impassibilité propre aux stoïques. Puis il dit : --- Si "je" considère les informations dont "je"dispose d'un point de vue global.... Je sentis mon corps me trahir à cet instant précis du bal de global. Des convulsions irrépressibles me jetèrent hors de moi, m'éjectèrent depuis mon siège vers le sol, à quelques centimètres des chaussures en cuir de vachette de l'orateur qui fit un bond en arrière. L'assistance un instant stupéfaite, très vite ensuite se tint les cotes tandis qu'un peu penaud, je retournais m'asseoir à ma place.|couper{180}
 
      
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Ce qui est une tuile
Une autre idée qui peut être digne d’entrer dans le recueil “ les pensées d’un idiot “ La sensation parfois de pousser le bouchon plus loin que nécessaire. Ainsi cette pensée sur les œuvres, toutes les œuvres qu’elles qu’elles soient. Celles que l’on classe par catégories, avec des qualificatifs, des jugements, des avis d’experts, celles qui méritent qu’on s’y attarde, et les autres qu’on met en un clin d’œil au rebut. Toutes les œuvres se valent sur le plan de l’être. Elles sont. Tout œuvre est ce qu’elle est. Et ce avant même que l’on pose un regard sur elle. Ce regard qui ensuite désire se l’approprier ou la repousser. Le professeur en vieillissant ne parvenait plus à dire si les œuvres de ses élèves étaient “bonnes” ou “mauvaises”. Avec les années son œil s’était exercé à un tel point qu’il était parvenu à dépasser les critère de jugement habituels que fournissent l’éducation, l’apprentissage, la pratique. Il ne parvenait plus vraiment à se souvenir à quel moment l’étrange phénomène s’était produit. Un jour il ouvrit la porte de l’atelier, aperçu les élèves installés devant leurs chevalet, puis il avait considéré cet ensemble et en était resté interloqué. Tout était parfait. Il n’y avait rien à dire sur quoique ce soit. Tous les tableaux tombaient d’aplomb. Il n’y voyait partout qu’harmonie, justesse, perfection. Ce qui est une tuile. Car si le professeur avait perdu sa langue, il conservait une assez bonne oreille, et peu à peu les voix des élèves lui parvinrent. — Comme c’est moche. — Je ne sais vraiment pas où je vais avec cette croûte. — Je suis complètement perdue, — Rien ne va plus Cela le réveilla de sa torpeur, ou de sa rêverie. Il comprit qu’il devait poursuivre sa tâche jusqu’au bout ainsi que tous attendaient qu’il le fisse ou face. Il ne pouvait pas rester de profil. Il passa le reste de la journée à produire du conseil comme tous l’attendaient. —Moins bleu ce bleu — Plus rouge ce rouge — Plus épaisse cette ligne — Pas nécessaire celle-ci. Ce faisant, il se voyait lui-même d’une façon étrange. Il était en même temps lui et un autre tout comme ses élèves étaient eux-mêmes et encore d’autres. Plusieurs fois dans la journée il éprouva l’envie de dire —Arrêtez Arrêtez tout, cessez cette comédie ! Cependant il n’en fit rien, la réalité grondait derrière les verrières de l’atelier. Un orage formidable, des grêlons gros comme des œufs de pigeons.|couper{180}
 
      
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Digne d’être
Sans titre Techniques mixtes sur toile 80x80 cm Mai 2023 « Ce livre ne sera publié intégralement que quand l'auteur aura acquis assez d'expérience pour en savourer toutes les beautés » Alfred Jarry (à propos de “Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien”) Pourquoi tu ne fais rien de tout ça. Si rien signifie pour toi laisser tout ça -tous ces textes- tranquilles, en l’état. Où encore , si la difficulté première, celle de penser en faire quelque chose touchait, comme on gratte une croûte pour raviver une plaie, à la dignité d’être de quoi que ce soit. L’embarras à la seule pensée de déranger le monde vraiment. Vraiment, c’est à dire pas pour rire, mais, au contraire, l’entraînant vers une tristesse encore plus grande. L’orgueil peut aller jusqu’à ce point de l’horizon , attirant ainsi à lui, par convergence, toute perspective. Car peu de distance en somme entre le rire et la tristesse, dans la logique de ta syntaxe . Les textes en l’état doivent donc, encore, toujours, acquérir, pour toi, de la dignité. Ce qui signifie donc qu’à l’heure actuelle ils n’en ont pas, ou si peu. Mais qu’elle est donc cette dignité, quelle idée de dignité t’empêche et simultanément, par l’effet des vases communicants te pousse vers l’audace ? L’audace des timides, des moins que rien, des laissés pour compte. Aucun entraînement des nerfs acquis- péniblement- sur les bancs des écoles, des pensionnats des chapelles, des entreprises, n’a jamais pu te convaincre d’une dignité digne de ce nom. Tu leur a opposé, à toutes, celles entendues, ces dignes dignités affichées, et vues, bien vues, de beaux refus. En commençant par leur dire — oui, bien sur, montrez-moi donc votre fameuse vertu Je n’en vis aucune qui ne fut pas soutenue par autre chose qu’un vice. Le vice et la vertu et vice versa. L’empressement à devenir digne ne vient-il pas toujours de la peur d’être indigne ? Et plus la peur sera grande, plus l’empressement brouillon. Mais au bout de tous ces brouillons que nous reste t’il ? Que te reste-t’il ? Sinon un doute sur ce qui les aura poussé à se produire, se reproduire, se multiplier et croître La crainte de ne pas être ? Le désir d’être ? Deux erreurs de logique, de métaphysique. Tentons alors la pataphysique Trouvons une solution purement imaginaire Une hypothèse folle peut-elle apporter une sage certitude ? Et si l’erreur se logeait dans les mots d’abord Hypothèse et certitude. Sur ce qu’on ne saisit pas des mots Qu’on ne saisit jamais l’insaisissable des mots. Une forme de dignité alors pourrait naître sur le seuil de l’insaisissable Un nouveau-né enveloppé dans des linges douteux Que le désir de ne pas dépasser ce seuil recueille Emporte chez lui pour apprendre ou prendre soin, De la dignité comme de l’insaisissable Et, cependant le paradoxe est ce respect envers la chose qui surgit Le texte qui arrive de nulle part. Que tu n’oses qu’à peine modifier Pour ne pas mettre trop visiblement ton grain de sel. Pour ne pas te mettre en avant. Tu voudrais tellement ne pas te mettre en avant Que c’est évidemment tout le contraire qui se produit Souvent. Dans ton monde à toi pas de différence entre peur et désir Dignité et infamie Encore que tout cela ne soit bien sûr que des mots Destinés à tenter de cerner l’insaisissable En lui lâchant la bride En l’observant s’ébrouer par delà les remparts, les barrières, la phrase, le paragraphe, la page En définitive peux tu dire que tu as compris quoique ce soit à tout ça ? Parfois tu le crois, d’autre fois non, rien. Attraction répulsion c’est la loi. Il y a la dignité que l’on affiche et puis l’autre à soi qu’on n’ exhibe pas. Entre les deux ce n’est pas ton cœur qui balance, c’est plutôt la loi de l’attraction-répulsion qui commande. En même temps ce titre ne veut rien dire du tout, je crois que c'est juste un pléonasme voilà tout.|couper{180}
 
      
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Les pensées d’un idiot
Une idée arrive, je la note. On ne sait jamais. Le narrateur est un idiot, c’est ce qu’il pense. Regrouper de petits fragments de ses idioties. Ainsi en promenade avec Berthe, nous n’avions pas marché cent mètres qu’elle prononçait cinq fois le nom d’une amie, en ajoutant qu’elle mentait. —Claire ment Claire ment Claire ment Claire ment Claire ment. Je me disais que ça devait l’embêter beaucoup d’avoir une amie mentant à tout bout de champs. Justement nous arrivions au bout d’un champs Et une fois de plus elle me dit alors — Mais Claire ment tu n’as rien compris Un peu plus tard j’appris que Claire était le second prénom de cette jeune femme. Je ne su jamais s’il y avait une relation entre cette Claire et cette Claire qui mentait, je me méfie des rapprochements intempestifs. Enfin le fait est qu’au bout de cette promenade je ne la revis jamais plus.|couper{180}
 
      
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Boileau sans bol
Écrire de façon simple ou compliquée. Boileau évidemment. On peut tout aussi bien s’en moquer. Du clairement con su, du clairement et non c’est… Aiguiser la pensée ne peut mener qu’au sang. Aiguiser les sens vers l’égarement. Écrire avec une paire de vieux ciseaux rouillée et ne couper aucune burne. Laisser les burnes en paix. Ne pas s’en préoccuper. En revanche être présent quand ça s’écrit Une politesse.|couper{180}
 
      
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caviardage 2
ca valait le coup de le préciser ...|couper{180}
 
      
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Un art du prompt
L’engouement pour la nouveauté fonctionne toujours aussi bien. Ce que nous appelons nouveau n’est généralement qu’une façon d’emballer l’ancien, du packaging, associé à de bonnes campagnes marketing. Comment pouvons-nous avoir la bêtise de penser que nous pouvons créer de la nouveauté, cela reste pour moi une énigme. L’intelligence Artificielle ressemble en tous point à la nouveauté. En tous cas est vendue comme telle. Une révolution. Ce n’est pas rien. C’est un objet qui tourne sur lui-même. Quelque chose qui tourne en rond. Si tout le monde a désormais accès à Chat GPT, ou à Midjourney, la différence sera toujours tranchée entre les imbéciles et les personnes qui réfléchissent un peu. L’espace où l’on écrira la requête n’est pas un espace de babillard. Plus on sera précis dans les termes employés, plus on demandera à l’AI de se poser elle-même les “bonnes questions” sur telle ou telle sujet plus elle sera efficace. Le problème réside dans le fait que pour demander des choses précises, il faut en premier lieu se les préciser à soi-même, Ce qui évidemment laisse encore à l’intelligence tout court de beaux jours devant elle. L’art du prompt, va se développer de plus en plus, c’est à dire qu’il y aura des formations pour apprendre à parler à une machine. Ça va aller très vite, c’est prompt. A quand les formations pour apprendre à se parler à soi-même, aucune date n’est encore précisée.|couper{180}
 
      
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Voir, percevoir
Les mots ne se livrent pas si facilement qu'on croit. Il ne suffit pas d'aller jeter un coup d' œil au dictionnaire. Peut-être que ça nous rassure de posséder un dictionnaire pour employer les mots de la bonne manière. Pour parler comme tout le monde, pour ne pas passer aux yeux du monde pour un idiot. Il faudrait pouvoir revenir sur la toute première fois où le mot surgit, sur un tableau noir, sur la page blanche d'un livre. Ainsi on se souviendrait de la confusion entre voir et noir, voir et choir, voir et croire. Des liens se tissent entre les mots sans qu’on en prenne conscience. Des lapsus s’installent, et dont on ne parle pas. Dont on ne parle jamais. Pourtant une grande partie de ce qui est nommé poésie ne fonctionne qu’ainsi, en effectuant des rapprochements inattendus entre les mots. Il faut donc creuser à travers toutes les strates, toutes les couches qu’une idée une volonté de normalité aura déposées sur cette première sensation d’un mot, sur nos tentatives maladroites d’en fabriquer des synonymes personnels. Cette maladresse est tout ce qui nous reste une fois que l’idée du monde, de la norme et de nous-même volent en éclat. On pourrait considérer cela tragique, mais ce ne l’est pas. C’est plus une longue maturation, un œuf, une coquille qui soudain se brise. Ce qui en sortira ne peut-être monstrueux qui s’y l’on s’attarde encore sur la nécessité du semblable. C’est presque semblable voilà en quoi c’est inquiétant pour la plupart, aussi inquiétant que de se tenir devant une glace le matin un rasoir à la main. Ensuite l'important n'est plus ce que l'on perçoit, ce sera bien plus la façon dont on s'y prend pour percevoir. Je perçois cette table, mais si je retire de cette perception toute l'histoire que je ne cesse de me raconter avec cette table qu'est ce que je perçois vraiment. Un mot, une table, une personne. Qu'est ce que je perçois sans me raconter d'histoire ? Je pourrais en établir une discipline. Durant un quart d'heure par jour, assis tranquillement quelque part je percevrais tout ce qui m'entoure. Je ferais attention à la moindre histoire qui surgirait, je n'en tiendrais pas compte, je la laisserais s'évanouir comme elle a surgit. Je ne m'intéresserais qu'à ces surgissements permanents qui recouvrent les objets, les lieux, les êtres. Peut-être qu'à ce moment précis j'aurais une fenêtre de vision inédite, ou mieux, je retrouverais la vision que je n'ai jamais perdue, qui est toujours au fond de moi-même depuis les tous débuts de mon existence. voir, percevoir cette fragilité enfantine, ce qui résiste envers et contre tout, ne pas avoir peur du ridicule, dépasser le ridicule. Suivre la voie que le ridicule propose.|couper{180}
 
      
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Être un autre
On avait des vues sur ce petit lot. Une vision étriquée. L’autre avec sa vue basse nous l’aurait vanté. — Fermez les yeux, imaginez. Ici une piscine, là un trampoline, sur le pilier du portail une pancarte “sam suffit” Hein que vous seriez bien. Aux petits oignons Avions-nous pris conscience de la présence d’une quatre voies à deux pas du lieu ? De la voie de chemin de fer ? Rien de tout ça. Obnubilés par le faible prix du terrain, et surtout la sensation inédite d’avoir “de quoi”, nous avions foncé tête baissée. On avait signé le soir même. Je peux m’en souvenir, j’avais soudain pris conscience à ce moment même que les choses n’étaient pas immuables. Ma vision semblait s’être élargie en même temps que ma conscience. Posséder un petit lopin de terre ne vous transformait pas seulement en propriétaire. Vous deveniez un autre homme voilà tout. On peut vivre la même chose à moindre prix. Acheter une nouvelle paire de chaussures par exemple peut tout aussi bien faire l’affaire. J’ai conservé ça de l’enfance. Une nouvelle paire était une fête véritable. Un bref moment cependant. Car aussitôt aux pieds je m’évertuais à la salir. Il ne fait pas bon avoir des chaussures neuves à la récréation. On sera traité de tout, moqué ; autant ne pas passer par cette case là. Il suffit de marcher dans la boue, dans la cendre, et l’affaire sera réglée. Mais le souvenir d’une paire de chaussures neuves aux pieds, c’est quelque chose. J’ai beau avoir dépassé la soixantaine, c’est toujours le même plaisir, le même étonnement, la même inquiétude. Changer de voiture peut aussi élargir la conscience. Améliorer nettement la vision des choses. Rien que d’ouvrir la portière, s’installer au volant et renifler cette odeur spécifique du neuf. Encore que je n’ai acheté qu’une seule fois de toute ma vie une voiture neuve. Je me souviens comment la métamorphose s’est effectuée sans même que je ne m’y attende. Ne serait-ce qu’appuyer sur la commande des vitres pour les baisser ou les relever, ça vous change vraiment un homme. Changer de compagne ne fait pas longtemps illusion. Mais les premiers temps malgré tout une sensation d’élargissement s’opère. Une nouvelle compagne vous donne l’illusion d’être un nouvel homme. Cependant en moins de six mois de temps vous vous rendez compte que ce n’était qu’une illusion. Le naturel revient au galop. C’est douloureux les premières fois. Ensuite on s’habitue, on devient plus circonspect avec ses enthousiasmes, on temporise, on se méfie. L’autre n’a pas grand chose à voir avec le phénomène. Tout ça vient seulement de soi. On a tellement envie d’être un autre à certain moment de notre vie que toutes les occasions semblent bonnes pour se leurrer. On met du temps à prendre conscience que c’est la conscience qui se sert de nous pour se voir elle-même. Que nous ne sommes que des jouets qu’elle emprunte le temps d’une ou deux expériences. Peut-être que pour une seule expérience qu’elle désire explorer toute une génération de femmes et d’hommes, d’enfants lui seront nécessaires. Il n’y a pas à s’en plaindre pas plus qu’à s’en réjouir. Les choses semblent être ainsi. Et nous y participons grandement doté de notre sensation du temps, de notre envie de changement, et de l’ennui qui parfois sous-tend nos quêtes. Nous ne sommes jamais parfaitement heureux de ce que nous avons. Nous ne savons même pas ce que nous possédons la plupart du temps. Je ne parle pas de valeur, de mesure, mais de l’importance que nous attribuons vraiment à ces choses. Quelle importance pour moi que ce clavier, cet écran, ce stylo, cette table, ce bureau, cette maison, ce village, cette région, ce pays, cette planète ? Se pencher sur cette notion d’importance améliore peut-être la vision, c’est peut-être en creusant l’importance qu’on améliore sa vue, que la conscience se surprend elle-même à s’élargir. Ensuite il convient de choisir. Attribuer à tout la même importance, ou n’en attribuer à aucune. Ce sont aussi deux expériences à tenter. Il n’y en a pas une meilleure que l’autre. Ne rien posséder change aussi la vision d’un homme, peut tout aussi bien réduire drastiquement le champs de vision que le contraire. Pourquoi cela varie t’il suivant les individus, probablement parce que nous sommes des individus. Que chacun est unique quoiqu’on veuille nous faire croire. Que chacun est indispensable à la conscience du monde, qu’il ne pourrait même n’y avoir aucune conscience sans ça. Il n’y aurait juste qu’un instant présent, un état d’hébétude prolongé à l’infini, Un vaste désert où nous ne serions que des cactus.|couper{180}
 
      
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caviardage 1
un nouvel exercice, inspiré par Lucien et Perle|couper{180}
 
      
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Nouveauté
Nouveau dossier, nouveau fichier, nouvelle page, nouvelle idée, nouvel élan, nouvelle tentative, nouvel échec, nouveau recommencement, nouvel espoir, nouvelle déception, nouvelle pilule, nouveau cachet, nouvelle boite, nouvelle plaquette de cachets de pilules, nouvelle insomnie, nouveau matin, nouvelle journée, nouvelle saison, nouveau soleil, nouvelle floraison, nouveau truc pour se cantonner à du nouveau essentiellement, nouvelle croyance, nouveau regret, nouveau souvenir, nouvelle tâche, nouvelle date, nouvel élève, nouvelle exposition, nouvelle angoisse, nouvelle inquiétude, nouveau subterfuge, nouvelles du monde, du pays, du quartier, nouveau magasin, nouvelles têtes, nouvelle poignée de main, nouveau cul tourné, nouvel an, nouveau siècle, nouvelle voiture, nouveaux problèmes, nouvelle monnaie, nouveau carburant, nouvelle arnaque, nouveau défi, nouveau supermarché, magasin de nouveautés, boutique neuve, nouvelle vitrine, nouveaux produits, nouvelle caissière, nouveau visage, nouvelle voix, nouvelle rencontre, nouveau bar, nouveau discours, nouveaux mensonges, nouvelles querelles, nouveaux malentendus, nouveaux principes, nouvelles habitudes, nouvelles rues, nouveaux détours, nouveaux contours. Nouvel horizon, nouvelle perspective, nouveau point disparaissant derrière de nouvelles constructions.|couper{180}
