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Des raisons de refuser
soudain cette phrase qui parait sortir de la page : "Il y avait, je crois, des choses qu'il ne voulait pas comprendre pour ne rien perdre de ses antipathies et de ses dédains."|couper{180}
 
      
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Komme
Ils sont dans la pénombre de ce que j'imagine être un wagon à bestiaux, dans un train, ils ne se parlent pas, ils se regardent, et là, elle Romy dit "—komme" à Jean-Louis. Sauf qu'elle n'est pas Romy mais Anna et lui n'est pas Jean-Louis mais Julien. Que le wagon à bestiaux est en fait un fourgon selon la page Wikipédia du film. Mais peu importe les prénoms, les mots, l'époque, les différents caractères qui surgissent à l'intérieur de de cette scène, Soudain un portail s'ouvre entre le réel et l'imaginaire. Est-ce que ça change grand-chose que ce soit en allemand ou en français ? "— komme, viens..." C'est bien possible. "—Viens" aurait un tout autre effet, peut-être de l'ordre du trivial, un mot qui appartient plus au vocabulaire de la prostituée présente dans le wagon ( Régine) Ce komme crée une sacrée différence, comme un saut quantique. C'est comme un livre de littérature classique qu'on ouvre, comment lit-on aujourd'hui au XXI ème siècle un tel texte ? Quelle est la réception actuelle d'un texte de Cervantes, de Montaigne, de Rabelais ? Se prendre un livre de littérature classique de plein fouet sans avoir été prévenu comme on peut se prendre un poteau, un autobus. Le texte comme le dialogue d'un film reste immuable, intemporel. La lecture est du temps, elle est du temps dans le temps. Lire c'est peut-être amortir. Amortissement pas forcément un mot de comptable. la chute d'une feuille, un éclat de voix, le temps que prend une nouvelle pour nous parvenir. La lecture et son lent déploiement, ses ramifications, ses affluents. S'y avancer nu tout en restant attentif à ce qui nous touche est essentiel. Ensevelir un texte sous des références historiques, universitaires peut le rendre impressionnant bien sûr mais ce sera tout de même l'émotion éprouvée qui nous aidera à en conserver le souvenir, la trace. Un livre peut dire "—komme" un lecteur peut dire "— j'arrive" sans prononcer le moindre mot.|couper{180}
 
      
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30052023
Réception des ambassadeurs siamois par l'Empereur Napoléon III au palais de Fontainebleau, 27 juin 1861© RMN-GP (Château de Versailles) / Droits réservés Ça y est mai se termine. Je n’ai pas compté le nombre de textes écrits ce mois-ci. Il doit y en avoir un bon paquet. Minimum deux par jour en moyenne. Et d’ailleurs quelle importance de compter. Tu ne vas pas t’y mettre aujourd’hui. Lu hier soir un peu du Lautréamont de Marcelin Pleynet. Que de supputations de part et d’autre. Un peu étonné par les avis de Bachelard concernant la biographie du jeune Ducasse et surtout toutes ces interprétations qui seront extraites de si de peu de chose finalement. Que la littérature soit le fruit d’un règlement de compte, d’une revanche, d’un complexe d’infériorité ou de supériorité la place dans le camp des psychologues et des universitaires qui cherchent toujours des raisons à tout. D’ailleurs ceux qui prendront Lautréamont pour un doux dingue sont souvent dans l’enseignement. Ce sont les serviteurs d’une certaine vision de la littérature au même titre qu'on retrouvera les mêmes en peinture. Chaque art institutionnalisé possède ses serviteurs zélés pour entretenir les échafaudages branlants de la culture telle qu’on veut nous l’imposer. Il y a une gène à penser que Lautréamont ou Ducasse soit mort jeune. Et qu'on profite ainsi de sa disparition précoce. Qu'on l'élève ainsi à une position d'étoile presque naturellement. Car dans le fond, Que sait-on vraiment de l’existence à 25 ans ? Et surtout possible que nombre de vieux barbons ayant renoncé à la fulgurance du génie de leur jeunesse en soient non pas admiratifs chez l’autre mais fondamentalement jaloux. Cette jalousie se dissimulant dans de gros livres bourrés de propos prétendus sérieux ou savants. Ce dont se moque éperdument le génie de la jeunesse qui d'ailleurs ne sait même pas qu'il est génie. Est-il possible d’admirer qui que ce soit sans que cette admiration nous propose un reflet de nous-mêmes, de qui nous fûmes, de qui nous rêvions d’être dans le temps ? C’est le fameux phénomène d’identification sur lequel on nous interroge avec inquiétude tout au long de notre scolarité. “—Va t’il enfin pouvoir s’identifier à quelqu’un ? Ça nous soulagerait bien, et nous serions tranquilles un moment” Comprendre ce phénomène de reflet trop jeune est une malédiction car on ne peut que se méfier alors de toute admiration. Toute admiration prétendument spontanée fini par être polluée par l’introspection. C’est un long processus de passer de l’admiration à l’amour. Et encore il faudra se farcir toutes les strates pour parvenir à s’anéantir proprement face à l’événement d’aimer, face à son authenticité surtout si on y accède après avoir ruminé longuement le mot authentique. Pleynet débute son livre avec des témoignages concernant la jeunesse de Lautréamont ( je préfère dire Lautréamont que Ducasse finalement ) C’est toujours la même scène qui est reprise de témoignage en témoignage. Un jeune homme efflanqué assis devant un piano dans une chambre d’hôtel et qui, au fur et à mesure qu’il écrit plaque des accords au grand désespoir de ses voisins. Sorte d’image refuge pour la plupart. De même que le récit de la vie scolaire est toujours celui d’un être qui semble perdu, dans sa bulle et qui n'est visiblement pas très doué pour la poésie voire qui la réfute telle qu’elle est enseignée. On pourra dire ce que l’on voudra, étudier Lautréamont au lycée est une ineptie. Déjà parce que les enseignants ne font que répéter ce que d’autres leur ont appris de l’œuvre la plupart du temps et que de plus les phrases à rallonge n’offrent que peu d’intérêt aux étudiants de cet âge. Ca les ennuie surtout. Encore que je ne fasse encore que parler de moi bien sur. De ce moi à l’âge des étudiants d’un lycée d’autrefois, dans les années 70. Alors qu’il y avait tant de choses à étudier d’autre, notamment cette liberté sexuelle, grande nouveauté s’il en est. A moins que justement les têtes pensantes de l’Académie imaginent le placer dans le programme pour tenter de canaliser une libido débordante. Car un psychologue ne verrait dans ce texte des Chants qu’une resucée de ce que lui a enseigné Sigmund, que le sexe est à l’origine de tout, y compris des chants de Maldoror, surtout de ce genre de textes. Alors que si l’on lit ce qu’en dit l’auteur c’est tout le contraire, c’est l’anéantissement par d’autres moyens, par tout autre moyen, notamment celui de l’exercice de la langue, une remontée à ses origines, à son incohérence fondamentale. A l’incohérence fondamentale de l’égo tout autant que de tout narrateur, tout personnage et même de toute histoire, notamment celle littéraire. En quoi tout cela m’intéresse t’il soudain ? Assez modestement quant à la rédaction de ce blog dont les enjeux sont à peu près les mêmes, y compris cette nécessité d’anéantissement. Cet anéantissement ce n’est pas celui de l’être cependant mais de cet ensemble de couches mensongères que la notion d’avoir, de posséder ; de maîtriser, aura enseveli Comment en finir avec ce mensonge, en le montrant, en le désignant sous toutes ses formes, en l’épuisant, ce qui n’est pas une mince affaire. Parallèlement je reviens sur le fait d’avoir perdu ma voix il y a deux semaines et qui prend un sens symbolique tout à coup Perdre sa voix ce n’est pas rien. Je suis allé consulter et je m’en suis tiré avec une semaine d’antibiotique. Ma voix est revenue. Mais un petit doute subsiste. Si ma voix physique est revenue, quelque chose s’est produit dans l’invisible. Une mue. Ce qui provoque un certain nombre de rêveries tout droit surgies de l’enfance, comme si perdre ma voix d’adulte me ramenait illico à une période de puberté. A cette charnière où l’on voit s’évanouir sa voix d’enfant, mais pas seulement, tout un monde que l’on porte en soi et dont l’abandon sonne le glas de cette enfance. Comme si l’on se sentait poussé par des forces maléfiques à troquer son enfance ; et tout ce qui nous est de plus cher, contre des compromis médiocres afin de pénétrer dans l'âge adulte. Avec surtout cette obsession, cette obstination à être accepté comme tel. Troquer une immaturité prétendue contre une autre avérée alors qu'on sait d'avance qu'avérée est synonyme d'imposée, c'est un supplice. De là tous ces phénomènes d’identification, ce besoin de modèles, ces admirations etc etc. Il y a aussi une envie de renoncement très forte à ce monde dit adulte mais que je considère totalement cinglé. Bien sur je ne le peux pas. Je ne peux pas renoncer complètement. Mais écrire une histoire féerique m’attire beaucoup. Revenir à des archétypes essentiels. A une relation binaire bien et mal serait reposant, voire même roboratif. Quand je repense aux textes d’Elie Faure sur la décadence de l’art chez les grecs, c’est, dit-il par l’excès de détails, de drapé surtout, par l’abondance de nuances que la décrépitude s’installe. Et du coup si je poursuis ce raisonnement je ne peux pas faire l'impasse sur ce qui est en train de se produire en Espagne comme un peu partout désormais en Europe. La montée de l'extrême droite qui justement prétend proposer une vision binaire du monde, du bien et du mal, de revenir à des valeurs claires, bien tranchées dans le vif, rassurantes. Et pour revenir à Lautréamont et à cette période sinistre dans laquelle il a vécu il est difficile de ne pas faire un rapprochement avec la notre. Napoléon III et la naissance du capitalisme, la naissance de l’horreur et puis cette période dans laquelle nous sommes, son agonie, ses sursauts effroyables encore à venir certainement du monstre qui sent bien qu’il est en train de crever. Possible que le désir d'ordre, de dictature soit l'accompagnement récurrent de l'anéantissement d'un phénomène économique défaillant. Une sorte d'outrance comme on peut trouver dans les phrases à rallonge, bourrées d'images de métaphores en regard d'une autre outrance qui elle assène à coups de bottes et d'armes lourdes l'impératif de la sobriété.|couper{180}
 
      
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Récit en cours de rédaction
Ordre chronologique des textes comme ils arrivent. Aphone Vampirella L'insomnie Aphone J’essaie de reconstituer les différentes étapes de cette histoire ; mais je ne sais pas si j’aurais le temps. Peut-être que le fait de revenir à chaque moment clef de cette sinistre aventure me fournira quelques indications sur la logique de celle-ci. A condition qu’il existe encore une logique au sens où nous l’entendions avant mon départ. Une logique humaine évidemment. Et peut-être que grâce à la logique je découvrirai une issue avant qu’il ne soit trop tard. En tous cas il parait urgent de remettre un peu d’ordre dans mes pensées que la panique depuis quelques semaines a complètement chamboulées. J’allumai une cigarette, une “Benson and Hedge”s que j’avais chipée à ma mère puis ouvris la fenêtre qui donne sur la plaine. Les silhouettes menaçantes des usines se dressèrent presque aussitôt telle des géants belliqueux au pied des montagnes du Pilât. Puis, il y eut un mouvement rapide, une ombre mangea le ciel et une énorme pie vint se poser sur l’olivier en pot de la cour,. Elle tourna la tête à quatre-vingt dix degrés et son œil rond sembla me dévisager. Elle dû voir que je la regardais moi aussi et d’’un coup d’aile elle fut sur la margelle de la fenêtre puis se mis à me parler dans son langage de pie. Un langage parfaitement compréhensible et qui disait : “—Dépêche toi jeune Guillaume, ils sont à ta recherche “ Ce n’était pas vraiment une surprise de comprendre la langue des pies. En tous cas, depuis que j’étais devenu aphone, de très étranges choses avaient commencées à surgir dans ma vie il y avait environ trois semaines. Peut-être devrais-je d’ailleurs commencer par là. Par ce samedi matin où Madame Blaisot, professeur de français me demanda de lire devant toute la classe un exposé sur Lautréamont. J’avais travaillé dur pour étudier la biographie d’Isidore Ducasse et je dois avouer que “Les Chant de Maldoror” ne m’avaient pas vraiment captivé. Mais je m’étais accroché, le français étant ma matière préférée et Madame Blaisot ma prof préférée. A la vérité j’avais plagié une grande partie des écrivains qui avaient disserté sur l’œuvre de Ducasse. Le peu que j’en avais retenu était digne d’intérêt, mais beaucoup moins que de tenter de me rapprocher d’Isabelle Bondarenko, une petite brune bien roulée aux yeux d’acier. Et ces dernières semaines découvrant un rival potentiel en la personne d’ Edouard Bonnichon, j’avais du mettre les bouchées doubles pour créer l’intérêt de la magnifique jeune fille. A commencer par mettre un poing dans la figure d’Edouard Bonnichon au beau milieu de la cour du lycée quand il s’était permis d’haranguer la foule prétextant avec dédain : “—qu’aucune ne lui résistait, pas même cette bêcheuse d’Isabelle Bondarenko.” Après la surprise de la claque reçue de ma part, Bonnichon retrouva vite ses esprits et me laissa sur le carreau. Mais mon objectif était atteint. Isabelle se pencha sur moi en me donnant des petites tapes sur les joues un peu inquiète “— ça va Guillaume rien de cassé ?” Sur quoi je feignis de ne pas pouvoir bouger. Enfin, voyant que mon adversaire se rapprochait à nouveau pour se moquer de toute évidence, je fus sur pieds aussitôt et lui rentrait à nouveau dans le lard sans prévenir. Il s’écroula lui aussi et j’eus juste eu le temps de voir le sourire béat d’isabelle Bondarenko que je sentis mon oreille s’étirer sous la pression des doigts du Berk le pion qui avait un flair incomparable pour détecter la moindre embrouille dans l’enceinte de l’établissement. Et donc ce fut juste après cette bagarre que je dus monter sur l’estrade pour faire mon exposé. Ce n’était pas franchement mauvais, j’avais pris soin de réécrire dans une syntaxe compréhensible par mes camarades les mots de Gracq , de Pleynet, de Blanchot. Mais le fait est qu’au moment d’ouvrir la bouche, il se passa une chose bizarre, aucun son ne put sortir de ma bouche. J’étais devenu aphone. Et encore au moment où j’écris ces lignes je n’ai pas retrouvé ma voix d’avant, je m’exprime comme un vieillard chevrotant alors que j’ai une sacrée belle voix normalement. Mais comme je le disais normalement est désormais un mot à bannir du vocabulaire que j’emploie pour écrire ces lignes. “—Méfie toi jeune Guillaume repris la pie qui ne m’avait pas quitté de l’œil pendant que j’essayais de retrouver le fil des événement. Et si tu pouvais t’abstenir de fumer ces saletés ça te donnerait sans doute un peu plus de chance pour l’avenir.” Puis la pie s’envola du coté des montagnes du Pilât, je la suivis des yeux un moment, écrasai la cigarette dans un vieux pot de fleur qui contenait déjà une bonne dizaine de mégots. Enfin j’aspergeais la pièce de Vétiver et refermais la fenêtre. Vampirella Ma mère était dans la cuisine. Attablée devant son petit verre de blanc, elle alluma une nouvelle cigarette. “— Le repas est prêt si tu veux manger”, dit-elle fatiguée Je soulevai le couvercle de la marmite, il y avait des pâtes tièdes. Je m’en servi une assiette puis vins m’installer près d’elle. “— tu as peint aujourd’hui ?” lui demandai-je Mais elle ne dit rien, elle semblait ailleurs, elle se contenta de remplir son verre. Cela faisait plusieurs jours qu’elle ne peignait plus. Elle avait rangé son matériel. Le salon était nickel. Elle avait fait le ménage de fond en comble, mon père était en déplacement dans l’Est, il ne devait revenir qu’en fin de semaine. “— Tu pourras aller voir ce que fabrique ton frère je ne l’ai pas vu depuis qu’il est rentré de l’école” Elle avait les yeux vitreux et sa voix était lasse, légèrement éraillée. “— Dis-lui que le repas est prêt ça le fera peut-être descendre…” ajouta t’elle tandis que je montais l’escalier. Mon frangin écoutait Johnny, écouteurs dans les oreilles, en regardant le plafond. Nous avions trois ans de différence et des goûts musicaux contraires. A l’époque j’étais dans Tangerin Dream, Pink Floyd, Led Zep. Les bourges du Lycée écoutaient Status Quo et Magma ce qui m’avait fait prendre ces groupes en grippe. Et bien sûr la variété française n’était pas ma tasse de thé. “— Si tu veux bouffer c’est prêt” je lui dis puis je refermai la porte et m’enfermai dans ma propre chambre pour écouter Get Your Wings d’Aérosmith. Il n’y avait pas longtemps qu’on avait emménagé dans cette maison. Peut-être deux ou trois mois à peine. J’avais à peine eu le temps de prendre mes marques que les grandes vacances commençaient et que j’allais dans le bourbonnais chez mes grands-parents paternels. Nous étions début septembre, c’était la rentrée et tout en fredonnant "— it's the same old story, same old song and dance, my friend — it's the same old story, same old song and dance, my friend" J’observais ce visage de femme style Vampirella dessiné directement au feutre noir sur le mur blanc. Puis je m’assoupis emporté par les accords endiablés de Brad Whitford, guitariste nettement supérieur à Ray Tabano, mais ce n’est bien sur que mon humble avis. Ce fut ce jour là que les choses commencèrent à se modifier, au début imperceptiblement, par toute petite touches Ainsi quand je me réveillai surpris par le silence régnant dans la maison mon regard se porta sur le dessin et découvris que la bouche tout à l’heure un peu dédaigneuse de Vampirella formait désormais un “oh” parfaitement rond d’étonnement. Je voulu pousser une exclamation mais rien ne pu sortir. Je restais sans voix. L'insomnie Le sommeil est un refuge, le refuge de ce moi qui ne peut être moi dans le vie diurne. Il suffit de peu de chose pour que je sois soudain pris d’engourdissement, que ma vision se brouille, que mon regard devienne lunaire, que mes oreilles se ferment à tous les bruits extérieurs pour ne plus s’ouvrir que sur ceux provenant d' un intérieur rassurant. Le bruit de la respiration surtout, bien plus que les battements de cœur qui m’ont toujours plus ou moins angoissés. Je crois que j’ai passé toute ma jeunesse et même au delà ma vie de jeune adulte dans un sommeil plus ou moins continuel, plus ou moins profond. Aussi, peut-être n’est-il pas étonnant que je perde le sommeil comme on perd beaucoup de choses qui, le croyons-nous naïvement, nous appartiennent. Au début je n’ai pas trouvé que l’insomnie était une chose ennuyeuse, refusant de rester allongé quand elle me surprenait, j’allais dans l’entrée de l’appartement où nous vivions et j’allumais l’agrandisseur posé sur le réfrigérateur, je me retournais ensuite pour baisser une planche accrochée au mur avec des chaînettes, un dispositif rudimentaire que j’avais confectionné pour compenser l’exiguïté des lieux, je développais des tirages en noir et blanc essentiellement, et je pouvais passer ainsi une nuit blanche, prendre un repos d’à peine une heure vers le petit matin et enchaîner avec mes journées de travail ensuite sans en subir de pénibles conséquences. Mon esprit restait vif quoique légèrement embrumé par moment, et je crois même que j’ai dû bénir l’insomnie de nombreuses fois car elle me procurait comme une faculté d’amortir les événements de la réalité. Que ce soit une critique, un compliment, une opinion qu’on me livrait, l’étrange sensation qu’elle s’adressaient désormais à une sorte de double de moi-même me projetait à bonne distance de tout agacement inutile, de colères intempestives. D’une certaine manière l’insomnie m’aura enseigné à être zen bien avant que je ne le pratique des années plus tard. Plonger dans la photographie durant une nuit d' insomnie est bien étrange car on se rend compte aussi qu’on ne peut exister dans celles-ci qu’au présent. La photographie et l’insomnie sont consubstantielles au présent. Les temps de pause et de révélation des images semblent étroitement liés au moment présent, même si on compte parfois mentalement les secondes, il semble que ce ne soit que pour du beurre si je peux employer ce genre d’expression. Car effectivement c’est grâce à la photographie que nous pûmes ajouter du beurre dans les épinards réellement. Très vite le cabinet d’architecte où je travaillais m’offrit la possibilité de faire des clichés de maquettes et de les développer, ce qui fut pour moi comme une sorte de petite promotion sociale sur laquelle je ne crachai pas.|couper{180}
 
      
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Noyer le poisson
Pour noyer un poisson, présentez vous au bord de l'eau, tendez votre ligne, surveillez le bouchon, attention attention ... ferrez ! Ensuite déposez le dans un joli plat à la table familiale Parlez de choses et d'autres pendant qu'il agonise gentiment. Passe moi le sel passe moi le beure Quand l'œil devient vitreux qu'il ne se débat plus qu'il ne saute ni ne bronche plus C'est qu'il est noyé pour de bon. Débarrassez la table et foncez sur la télécommande de la TV avant qu'on ne vous prenne de vitesse.|couper{180}
 
      
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Comme
Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l'engloutir tout entier en deux coups les gros. L'air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l'espoir de trouver une hauteur. En vain. C'est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu'il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c'est tout. Pire je courre mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m'enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m'excite me fait dresser les poils. Ta gueule l'ange je dis et ça m'extrait d'un coup des sables. Me v'la qui lévite. Comme par enchantement. L'ange se marre. Genre t'inquiète j'ai toujours raison, le con. Que t'aies la foi ou pas n'a aucune espèce d'importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j'ai juste dit comme au début et puis ensuite j'ai laissé filé pour arriver à la fin.|couper{180}
 
      
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29052023 ( suite )
J’aurais pu ajouter ces lignes dans la première partie, peut-être le ferais-je plus tard. J’ai encore un peu de temps ce matin et j’oscille entre fiction et journal. C’est désagréable à première vue d’osciller. Mais en prenant du recul je crois que ce sont ces oscillations justement qui sont utiles à toute espérance de progression. Pourquoi faut-il que les choses soient toujours aussi désagréables à première vue ? Parce qu’elles nous expulsent d’un confort, d’une habitude tout en la renforçant Prendre l’habitude de vivre cet aspect désagréable, jouer le jeu qu’impose cette sensation première. Il est cependant nécessaire de ne pas s’appuyer sur l’espoir que les choses à un moment ou l’autre s’inversent. Écrire n’est pas une recherche de martingale. Un nouvel exercice proposé dans le cadre de l’atelier d’écriture de FB. L’adverbe comme avec comme protagonistes Lautréamont et Marcellin Pleynet. Le premier comme compte pour du beurre. Et je n'ai rien contre Isidore Ducasse. Il est con comme un balai ( par exemple) Oui mais suivre ensuite les mouvements du balai, qui au bout du compte ne s’avère pas si con que ça puisqu’au bout on retombe toujours plus ou moins sur une table de dissection avec une machine à coudre, un parapluie et une rencontre assez surréaliste. C’est comme Amélie Nothomb qui dit que la métaphore est à bannir, que c’est bien trop facile, qu’écrire à grand renfort de métaphores est une forme de paresse affligeante. En sommes-nous encore à une affliction près ? Ce n’est pas la même chose d’écrire en jouant avec ce qui s’écrit au fur et à mesure que de penser écrire en pensant dur comme fer avoir vraiment quelque chose à dire. C’est comme pisser dans un violon, la seconde manière de plus en plus. Car ai-je quelque chose à dire ? J’ai des choses qui poussent, qui s’embrouillent au portillon. Ticket s’il vous plaît ! Faites donc un petit tour au guichet, la queue comme tout le monde, ensuite revenez voir. Soyons sérieux comme un pape. ( admettons le sérieux des papes c’est plus simple que d’admettre le sérieux d’Artaban) Car la fierté est une affaire de sérieux où elle n’est pas. Maintenant est-ce Perse ou Parthes bien malin qui pourra le savoir. Écrire en se détournant du sérieux donne du fil à tordre. Puis peut devenir une fuite en avant. Une lente implosion, une implosion comme au ralenti de tout sérieux creuse progressivement une distance, un écart avec l’objet d’apparence solide qu’il pensait être. Sombrer dans l’oulipo. Faire naufrage chez les oulipiens. A moins que comme d’habitude ce soit exactement le contraire. dans la collection écrire avec quelque chose à dire, je m'aperçois que j'ai complètement oublié d'écrire ce que je voulais dire en ouvrant à nouveau l'éditeur. comme un blanc. Je voulais dire qu'un lecteur qui paie, qui achète son livre justement parce qu'il paie peut se sentir légitime de fournir son avis sur ce livre. Mais un lecteur de blog ne se sent même pas tenu de mettre un like s'il désire lire de façon anonyme. Ensuite donner un avis de quelque manière que ce soit y compris en écrivant un journal, est-ce bien pour cela qu'on s'enferme ? ça m'étonnerait bien. C'est comme un frottement, deux bâtons l'un contre l'autre qui attendent de concert l'étincelle. Les meilleures sont celles qu'ont ne voit pas. C'est comme le feu qui entre dans la terre qu'on ne voit pas mais qui à la plus petite occasion rejailli et dévaste une ville entière. Une armée de drones peut-elle réduire en poudre une ville entière aussi surement que cette étincelle invisible, il faudrait peser le pour et le contre comme toujours. Hier j'ai revu ce film avec Trintignant et Romy Schneider. C'est drôle comme certains films ne prennent aucune ride alors que lorsque je l'avais vu la première fois il m'avait agacé, j'y avais vu beaucoup de clichés. A moins que je ne fasse plus aussi attention aux clichés, que je me fiche des clichés. Peut-être même que je trouve assez rassurant de les retrouver finalement ces clichés. L'image de la France que traverse ce train je ne l'ai pas connue. Mon image viendra plus tardivement et je me demande dans quelle mesure cette image déjà aperçue autrefois dans ce film y participe. J'ai passé un temps fous à vouloir démêler les images ou à m'imaginer le faire. C'est comme courir au devant de sa peur. C'est comme vouloir être autre pour essayer de s'extraire d'une fatalité d'être toujours le même.|couper{180}
 
      
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Jeunesse
dav Un homme seul nourrit parfois de sombres pensées. Cet adverbe collerait presque aux pensées qui accompagnaient autrefois les fins de semaine. Toujours fonctionnerait mieux mais serait peu crédible. A l’époque je travaillais comme archiviste dans un cabinet d’architectes près de l’appartement où nous vivions la semaine. Elle poursuivait ses études de médecine et le vendredi soir elle rejoignait ses parents en banlieue. Je restai tout à coup seul le vendredi soir et la déflagration durait jusqu’au au dimanche soir. Et, bien sur, je nourrissais de sombres pensées parce que j’étais seul et que je trouvais cela injuste, même si parfois, le dimanche, juste avant qu’elle ne revienne, je tentais de me raisonner. En fait, je crois que l’adverbe parfois glisse assez vite vers toujours ou jamais sans que je n’y prête vraiment une attention soutenue. Parfois n'est qu'un mot qu'on utilise faute de mieux pour s'attendrir tout seul, pour ne pas vouloir voir à quel point on réagit de la même façon à certains événements de notre vie. Toutes les fins de semaine je nourrissais de sombres pensées. Je pourrais aussi bien dire que je n’avais aucune pensée digne de ce nom. Que la pulsion, la panique, la colère faisaient office de pensée. Ce n’est pas que le travail en semaine fut difficile, ou éreintant. Mais je m’y ennuyais copieusement du lundi au vendredi comme bon nombre de personnes s’ennuient dans cette ville pour gagner leur vie. Je ne rechignais pas au travail, je n’ai jamais manqué un seul jour. Je faisais le job ainsi qu’il devait être fait selon ma propre idée. Celle qui consiste encore à trouver cet équilibre précaire entre le trop peu et le beaucoup trop. Chaque jour, la curiosité de parvenir à trouver cet équilibre m’occupait assez bien l’esprit et j’arrivais à tenir mes cinq jours de boulot sans déprimer. Le plus gros du travail avait été réalisé dans l’enthousiasme que m’avait procuré l’obtention d’un CDI. J’avais retroussé mes manches, aiguisé mes méninges pour trouver une façon de mettre de l’ordre dans ces archives. C’était surtout les dossiers de sinistres que les circonstance poussaient à retrouver le cas échéant en cas de pépin. Je trouvais donc un moyen de les répertorier par chronologie, par importance, et par type de procédure, en cours ou achevées. Le local dans lequel je passais mes journées était un sous sol aveugle éclairé par deux rangées de néons. La première semaine, j’avais dépensé une belle énergie à balayer les sols, lessiver les étagères et épousseter les dossiers. Je crois que c’était surtout pour prendre possession des lieux, pour marquer mon territoire. Peut-être aussi pour fournir une image flatteuse, une impression encourageante à mes patrons car j’avais une quinzaine de jours à l’essai. Mais les week-end je ne pouvais m’empêcher de nourrir de sombres pensées sur la vie que je menais, sur mon avenir, sur ma relation avec elle. Je crois que c’était surtout en automne ou au printemps que ces sombres pensées affluaient. je m’arrangeais alors pour mettre les bouchées doubles le matin afin d’être plus tranquille l’après-midi. Et c’est à ces moments là que je lisais ou plutôt que je dévorais une grande quantité de livres sur n’importe quel sujet. Je crois que la perception de plus en plus aiguë d’être ignorant dans à peu près tous les domaines de l’existence, et particulièrement celui des femmes, m'aida à cette époque à pénétrer dans cette frénésie de lectures. Tous les philosophes que je lisais à cette époque insistaient sur la prise de conscience de ce préambule. Il faut être averti de notre propre ignorance, sans quoi rien n'est possible par la suite. Les fins de semaine, puisque je me retrouvais seul, je consacrais une grande partie de mes journées à marcher dans la ville. La ville était une image réduite du monde qu’évoquent les contes de fées quand il s’agit pour le héros de partir de chez lui pour découvrir le vaste monde. Mais il ne se passait jamais rien de ce que les héros découvrent dans ces histoires au fur et à mesure de leurs périples. Aucun géant, aucun ogre, aucun dragon, aucune fée. Seulement des rues peuplés d’anonymes qui renforcèrent ce sentiment de plus en plus envahissant d’anonymat que je transportais en moi. Je n’étais qu’un quidam parmi des millions d’autres, une énigme que je cherchais à résoudre parce qu’une obsession de vouloir résoudre quelque chose me tenait en haleine, m’empêchait de m’écrouler ou de me dissiper complètement dans le néant, l’insignifiance. C'est à peu près en même temps que centre Beaubourg ouvrit ses portes ses portes et proposa l'accès à une vaste bibliothèque Chaque promenade que j’effectuais dans la ville se termina depuis lors dans cette bibliothèque. C’est là que je parvenais enfin à me calmer après avoir épuiser un trop plein d’énergie en arpentant la ville. Comme on vient chercher la paix dans une église, une cathédrale, mais je n'étais pas porté sur les bondieuseries communes, je venais ici pour me livrer au hasard de la lecture. Les heures passaient sans qu’elles ne pèsent , et, le samedi soir notamment, à l’heure de la fermeture, quand la foule se dispersait sur le parvis puis dans les ruelles adjacentes, un sentiment de solitude fameux me revenait comme un boomerang austral en plein cœur. Et cette solitude s'accompagnait d' un peu de colère aussi. Une colère due je crois à une sensation d’injustice profonde. Je pensais à elle qui préparait le dîner avec sa famille, qui s’apprêtait à passer à table, à discuter de tout et de rien comme le font toutes les familles du monde qu’on peut aisément imaginer. Et bien sur j’en éprouvais une infinie tristesse sans trop savoir pourquoi car personnellement l’idée de la famille, de ma propre famille n’a jamais été mon fort. Peut-être que la colère m'aidait à tromper cette tristesse, ce ne serait pas original. Peut-être éprouvais-je aussi, à ces moments là un peu de jalousie aussi car j’idéalisais beaucoup sa famille d’autant que la mienne m’était devenue insupportable, une source de regret et de chagrin. Enfin j'entendais soudain son pas dans le couloir derrière la porte, la clef jouant dans la serrure et durant assez longtemps mes pensées sombres s'envolaient parfois. C'est à dire pas toujours, voire jamais. Quelque chose de toxique faisait peu à peu son nid et se mis à pourrir notre vie commune durant la semaine désormais. Ses parents l'avaient prévenue que cette histoire ne la mènerait nulle part, qu'il valaient bien mieux qu'elle choisisse un médecin, quelqu'un de bien, de solide de sérieux. Je ne sais même plus si je lui en ai voulu les jours qui suivirent ce dimanche soir où elle ne revint plus , le jour où je m'aperçus qu'elle avait déménagé toutes ses affaires de l'appartement. Je me demande même si durant quelques jours je n'ai pas été soulagé de ne pas la voir revenir. C'était une gentille fille dans le fond et ça avait dû lui couter beaucoup d'aller à l'encontre de la volonté familiale. Des années plus tard grâce à internet j'ai vu qu'elle était mariée à un médecin, qu'elle avait eu deux enfants. Tout avait l'air de baigner. Et peut-être que d'une certaine façon, à ma façon, j'ai un peu participé à la construction de cet apparent bonheur qu'elle affiche sur les photographies que j'ai aperçues.|couper{180}
 
      
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29052023
dav Supporter la peur jusqu’à ce qu’elle se change en colère puis en rage. Ce n’est pas nouveau. J’ai déjà dû vivre ça plus d’une fois. La peur est quelque chose d’injuste. A classer parmi les choses injustes. On se dit ça adulte ( 63 ans est-ce suffisamment adulte ?) Mais lorsqu’on est enfant on subi la peur la plupart du temps on ne peut pas faire autrement. Le fait de s’absenter de son propre corps est une stratégie. Il faut y parvenir plusieurs fois pour se rendre compte qu’il n’y a rien de magique là-dedans. Avec de l’entraînement, la répétition, un peu de sérieux et de régularité, se servir de la peut permet d’élaborer de plus en plus finement ce genre de stratégie, de jouer même sur le temps, de la créer en un clin d’œil. On est là et l’instant d’après on n’est plus là. On est quelque part mais pas bien précis. Diffus. Un conscience diffuse de ce qui est en train d’arriver à ce pauvre corps. Ce pauvre corps, j’écris cela ainsi. Ça vient du fait que lorsque j’y pense j’éprouve un peu de compassion. C’est l’écriture qui m’inspire l’adjectif surtout car, en vérité- (et je suis le premier à dire méfiez-vous de tous ceux qui commence une phrase par en vérité) on n’éprouve pas vraiment de compassion. On s’en fout royalement. On assiste à une sorte de spectacle. Le corps n’est qu’une sorte de pantin désarticulé qui valdingue d’un point à l’autre d’un lieu. Une déprogrammation vitesse grand V. Il y a un bug. On n’est plus du tout dans la course. On regarde la course continuer sans y participer. On est derrière les barrières non, ce n’est pas tout à fait ça. On est partout et nulle part en même temps, on assiste à cette course et on pourrait tout aussi bien ne pas y assister, c’est égal. J’essaie de me retenir d’employer l’adverbe comme. De trouver des subterfuges pour ne pas déclencher ce que comme déclenche. Retarder ses comme comme on se retient dans le coït, pour que ça dure encore plus, pour que ça soit encore plus intense. Comme envoyer la purée s’il faut être cru. Des souvenirs de cantine. De grandes tablées avec des gamins à la figure de pomme de terre cabossée, de légumes peu calibrés. Gueule de patate, de carotte, de tomate de chou-fleur de radis. Au bout de la table il y a la gueule de salsifis, qui discute avec une gueule de navet. C’est une gueule d’andouille qui voit tout cela. L’andouille est l’intrus dans ce parterre de légumes. La purée sur la fourchette pour repeindre le décor. Tracer des rails dans la purée, aplatir le monticule, charger la catapulte, franchir les murailles de l’ordre et de la règle, monter aux créneaux, à l’assaut de quelque chose qui ressemble de loin à l’espoir. Prêt, partez ! Des dizaines de catapultes balancent la purée sur les gueules de légumes, c’est le chaos, le grand réconfort du chaos qui vient mettre l’ordre à bas. Tout le monde rigole bien et puis soudain quelqu’un dit, vous avez vu qu’il y a un intrus ici et tout le monde regarde l’andouille. C’est le signal. Tout le monde tombe sur l’andouille. La peur ne dure que quelques microsecondes à peine. Je crois que c’est un phénomène accompagnant la prémonition. Comme si on savait à l’avance que cette phrase sera prononcée de toutes façons. Que cette phrase est inscrite dans notre propre destinée. “—Vous avez-vu qu’il y a un intrus ici ?” Ensuite on se retrouve avec la figure pleine de purée tiède sur la figure. C’est à peu près drôle sauf que ça ne s’arrête pas à la drôlerie. Dans la cour de récréation ça fini au sol, on mord la poussière, on sent le poids des autres corps sur ce corps. On sent les coups au début. On essaie maladroitement d’en rendre quelques uns, mais ça ne change pas grand-chose. On est victime du nombre. Ils sont trop nombreux ou l’on est beaucoup trop seul. C’est à ce moment là que la colère ou la rage remplace la peur, puis on s’évanouit, on sort du corps, et tout ce qui se passe ensuite ne nous regarde plus vraiment. C’est juste quelqu’un qui est au sol avec d’autres qui sont grimpés dessus. Avec les années on dit parfois que les choses changent. C’est à moitié vrai. Les choses ne changent pas tant que ça. On les regarde différemment, on essaie de les voir différemment parce que la répétition est telle qu’elle peut rendre cinglé. L’ennui est tel qu’il faut des nerfs d’acier pour pouvoir le supporter. Avoir des nerfs d’acier nécessite de creuser profond pour trouver le minerai nécessaire à la fabrication de ce genre d’acier. D’une part il faut le minerai et de l’autre un sacré four. Faire de nombreux essais pour fondre fer et carbone L’Âge du fer se caractérise par l’adaptation du bas fourneau à la réduction du fer. Ce bas fourneau produit une loupe, un mélange hétérogène de fer, d’acier et de laitier, dont les meilleurs morceaux doivent être sélectionnés, puis cinglés pour en chasser le laitier ( ce que nous dit Wikipédia je n’invente rien ) Des nerfs en acier trempé ça ne vient pas de façon innée. La découverte d’une science prémonitoire non plus ne s’effectue pas vraiment au hasard. Le destin a peut-être quelque chose à voir avec tout cela, mais on ne peut s’en rendre compte immédiatement. Il faut des années pour parvenir à s’ôter d’une vie, à la voir défiler de sang-froid en évacuant toute idée de propriété, en ne se raccrochant plus au c’est moi.|couper{180}
 
      
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28052023
S’atteler à une tâche, à un travail, à un projet. Ce qui conduit à s’atteler. Qu’il reste quelque chose malgré tout. S’atteler à l’écriture d’un journal, d’un carnet, laisser une trace. Ce qui est paradoxal puisque tu ne te relis jamais. Une trace pour qui alors ? Une trace dans l’invisible. Une opération magique. Peut-être. Et ensuite quand tu publies c’est que tu es déjà mort, que tout ça ne te concerne plus. Que tu n’es déjà plus celui qui écrit ces lignes. Peut-être aussi. Les hypothèses ne manquent pas. — Tu es trop tourné vers toi, penses un peu à moi. Exactement le genre de phrase que j’entends depuis toujours. Cette culpabilité qu’on voudrait que tu éprouves et par laquelle tu parviens, enfin, à bien vouloir prendre conscience du monde. A daigner prendre conscience de l’autre comme monde Le monde se résumant à moi que tu ne regardes pas n’a jamais été le monde, Peut-être parce que l’on a commis cette erreur une fois et qu’on ne s’en est jamais totalement remis. mais comment l’expliquer et pourquoi. As-tu encore envie de dépenser une énergie quelconque à vouloir expliquer quoi que e soit ? Aucune envie justement. Ça n’en vaut pas la peine. C’est idiot cette expression, mais c’est à peu près ça, une peine dépensée à vide, pour rien. Fut un temps où tu ne ménageas pas ta peine. Puis ce fut ridicule de peiner ainsi à vide. Totalement ridicule. Regarder froidement les faits. Le fait de ne pas assumer pleinement une solitude. De faire chier le monde parce qu’on se sent seul abandonné. Le fait de se coller à l'autre comme si c'était une bouée, qu'on se sente naufragé. C’est toujours la même histoire. Ne pas vouloir crever. On ne peut pas en vouloir aux gens pour ça, c’est humain. Etre humain excuserait à peu près tout. C’est toi qui es bizarre souviens t’en. Pour eux tu es une bizarrerie. Tu te fous de tout et de toi-même. Quelque chose ne tourne pas rond. Être ou ne pas être du coté de la vie, de ce qu’ils appellent la vie. — oui je veux pouvoir m’acheter du parfum, aller chez le coiffeur, partir en vacances, aller au restaurant … Ça peut se comprendre. L’écart peut se mesurer. Tout laisser derrière soi encore une fois et partir. Ce refrain qui revient encore et encore. Tu ne sais que fuir m’a t’on dit avec chagrin. Rejouer encore une fois sa vie aux dés. Quand je vois toutes les lâchetés dont on est capable pour maintenir un certain niveau de confort ou de paix tout simplement. Une obéissance insupportable - qu’on ne peut plus supporter du tout - intolérable- à un ordre des choses. Peut-être que je serais d’accord pour qu’on m’enferme. Qu’on m’isole, qu’on me jette aux ordures comme une pomme pourrie pour ne pas contaminer toutes les autres pommes du panier. Et tous ces imbéciles en transe avec leur confiance en soi jetteraient la clef de la cellule. Aucune envie de vengeance cependant pour m’aider à tenir de longues années dans les souterrains d’un château. Mais la nuit bien sur que je m’exercerais en douce à traverser les murs. On ne peut faire autrement que de recréer sans cesse le monde. Même si on ne le veut pas, si on tente de s’y opposer, le refus créer encore quelque chose de proche de la même idée. Un gant retourné c'est toujours un gant.|couper{180}
 
      
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27052023
Écrire la date ainsi ressemble à l'inscription d' un tatouage. Il n'y a qu'une seule journée qui porte ce tatouage. Chaque journée tatouée pourrait ainsi l'être, même les plus insignifiantes. Un matricule de la journée. Une succession de matricules pour faire une semaine, un mois, une année, une vie. Dans quelle mesure l'imagination joue t'elle un rôle sur la perception de ces journées. Des phrases me reviennent. Celles où il est dit qu'on se ferait des idées, que l'on verrait les choses en noir. Celles aussi où serait évoqué le pire. Il pourrait y avoir pire. Ce pourrait être bien pire. Réjouissons nous que ce ne soit pas encore pire. Ces phrases que l'on dit pour que l'autre revienne au bercail, revienne à des pensées moins toxiques, à je ne sais quelle vie normale. En général ça fonctionne. Un peu d'humour par là-dessus, ça peut le faire. Contre mauvaise fortune, bon cœur. Sauf quand ça ne le fait pas. Quand on se sent pris au piège. Qu'on aurait envie de hurler. Que l'on préfère se terrer plutôt que d'avoir à parler, à expliquer, à disserter. Quand les êtres que l'on a l'habitude de nommer nos proches sont à des années-lumière de ce qui se joue vraiment dans notre intériorité. Et toujours aussi cette honte tenace bien sur de ne pas savoir être heureux avec ce que l'on a. De ne pas savoir s'y contraindre. De ne pas savoir rendre l'autre heureux. Comme s'il s'agissait d'un contrat tacite. Nous devrions nous rendre heureux, ce serait la moindre des choses. Et la fermeture soudaine de l'un envers l'autre quand ce contrat pour une raison ou une autre est rompu. Il faut toujours trouver la raison. L'inventer au besoin. L'affrontement rend créatif. Sauf quand cet affrontement n'est pas possible, car il coute trop d'énergie, une énergie qui n'est plus disponible. —La déprime normalement ça vient en septembre. Tu ne vas pas te mettre aussi à te déprimer au printemps. Il y a dans ses mots une crainte bien sûr, une inquiétude. Comme si on n'avait pas déjà suffisamment d'empêchements comme ça pour que tu en rajoutes. Normalement je fais face, normalement. Mais ce mot, normalement , me semble être du chinois ces derniers jours. J'ai agi normalement toute ma vie. On me file des coups je tends l'autre joue. Enfin pas toujours, mais assez régulièrement je me plie à la coutume. Normalement c'est comme ça que ça fonctionne. Normalement, c'est bien là le jeu. Sauf que là non, pas envie de jouer. On a bien le droit de ne pas jouer de temps en temps, de s'extraire du jeu, de botter en touche. Est-ce trop demander ? ça parait tellement insupportable et surtout tu te rends compte j'espère, au printemps. Que devrions-nous choisir d'écrire dans un journal qui puisse être lu ensuite sans dommage. Que devrions-nous dissimuler dans l'idée, l'espoir la crainte d'être un jour lu. Cette peur que l'autre découvre à quel point nous lui sommes parfois étranger. Il est possible de l'écrire bien sur pour soi, pour se souvenir à quel point parfois on peut se sentir étranger à tout et à chacun. Avons nous tant besoin de le noter pour nous en souvenir. N'est-ce pas plutôt de l'ordre du testamentaire. Je ne me suis jamais remis de la découverte des camps, à l'âge de 10 ans. Cela aura toujours paru tellement absurde. Comment le monde pouvait-il prétendre être joyeux après cela ? Comme pouvions nous oublier soit disant parce qu'il faut vivre. C'est que l'on a fait bien sûr, on a oublié autant qu'on le pouvait je crois. Jusqu'à ce que ça nous revienne soudain dans les relents lourds du jasmin, dans l'insignifiance des spots publicitaires, dans les paroles insipides des politiciens, dans l'horreur de s'apercevoir face à une banalisation des crimes, des scandales, des guerres ; dans les lettres de relance des créanciers. Dans l'abjection qui ne parvient plus à faire bonne figure. L'a t'elle jamais vraiment fait d'ailleurs ou bien évitions nous de la voir telle qu'elle est toujours ? Cette obsession de toujours vouloir relativiser l'horreur, l'ailleurs, repousser tout ça au loin. —Tu exagères, tu ne peux pas prendre sur toi tous les malheurs du monde. Tu devrais ne t'occuper que de tes affaires, te boucher le nez les oreilles, les yeux. —Oui c'est vrai, c'est comme ça que l'on vit normalement. Sauf certains jours où la coupe est pleine, qu'elle déborde, que l''on ne parvient plus à stopper l'hémorragie. Mais n'aies pas trop d'inquiétude, je suis bien aussi lâche que n'importe qui d'autre. Sans doute plus. Ne t'inquiète pas trop. Demain, je penserai à autre chose bien sur. Demain j'aurais oublié. Demain il fera beau, j'arriverais à oublier tout cela, et peut-être à chantonner en découpant les oignons pourquoi pas. Je pleurerai en épluchant les oignons et ce sera tout à fait normal, les choses seront rentrées dans l'ordre.|couper{180}
 
      
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Métaphore
C’est comme ça. Comme il arrive elle repart. Comme on dit. Comme on fait son lit on se couche. Comédie. Comme elle est belle. Elle est belle comme le jour. Elle est sage comme une image. C’est un jour comme un autre. Une image comme mille mots. Comme les copains, comme les jours se suivent et ne se ressemblent pas, comme deux gouttes d’eau, comme un soleil, comme un jour à marquer d’une pierre blanche, venez comme vous êtes, en un mot comme en dix, comme si ça suffisait, comme si ça excusait tout, faites donc comme ça, faites comme ci, comme des chiens, comme des cons, long comme un jour sans pain. Le jour est comme la nuit, la nuit comme un manteau, la lune comme un pièce d’argent, l’herbe comme un tapis, l’eau comme une peau, la terre comme une croûte, la douleur comme un aiguillon, la joie comme une présence, l’absence comme une présence, la mort comme une fatalité. Un mot comme un autre, une fille comme une autre, un jour comme un autre, une main comme une autre, un gars comme un autre, un arbre comme un autre, une maison comme une autre, une fenêtre comme une autre, un mur comme un autre Ça ressemble à l’Italie, ça ressemble au pesto, ça ressemble à rien. Des journées longues comme sans pain. De longues journées sans croissant, sans brioche, sans pain russe. Des journées suffisamment longues pour qu’on se demande où est le pain. Une journée de la taille d’un pain de quatre livres. Des jours ressemblant à des nuits, des nuits ressemblant à des jours, on ne savait plus si on était le jour ou la nuit, on était comme perdu, égaré, on avait perdu le goût de l’eau. Un petit goût de reviens-y. Il a un goût de chiotte celui-là. Des goûts et des couleurs, comme ça ne se discute pas. Comme une rue morte. Comme une ville morte. Comme un rien. Comme un tout. Ce n’est pas comme si tu voulais vraiment dire quelque chose. Tu te prends pour qui quand tu dis ça. Comme le goût de l’oseille sur la langue. Son rouge à lèvre a un goût de fraise. Elle fait une bouche en cul de poule. Elle a les yeux revolver. Elle arrive on dirait une panthère mouchetée, et lui un éléphant dans un magasin de porcelaine. Elle a des yeux verts yeux de vipère, elle est blonde comme les blés, elle a une peau de bébé, il sent bon le sable chaud, on dirait bien qu’il va pleuvoir comme vache qui pisse. Comme un ouragan s’abattant sur Monaco, là bas au loin, dans les années 90, tandis qu’ils végétaient dans la villa en bordure de la Grande Corniche. Comme une andouille il en bafouilla, puis il décampa. L’ennui s’abat comme une chape de plomb. C’est ce fichu point de vue figé sur le monde comme vous pouvez le constater qui fut la cause d’une telle désespérance. Comme un chat il possède neuf vies. Celle-ci fut un coup pour rien, un coup à blanc, un brouillon. La prochaine serait peut-être un chef d’œuvre, mais rien n’était moins sur. En attendant il peint il écrit comme un dératé. Elle est bonne comme le bon pain. Il est chaud comme la braise. Ils baisent comme des lapins.|couper{180}
